Actualités :: 4e anniversaire de la JNP : Monseigneur Anselme Sanou apprécie

A l’occasion du quatrième anniversaire de la Journée nationale de pardon (JNP), nous avons approché le président du Collège de sages de l’époque. Monseigneur Anselme Sanou se prononce sur les acquis du processus après y avoir jeté un regard introspectif.

"Le Pays" : Avez-vous le sentiment que la JNP a servi à quelque chose ?

Mgr Anselme Titiama Sanou : La journée de pardon, historiquement, n’est pas propre au Burkina. D’autres peuples ont connu ce ralliement autour de l’essentiel, autour de la paix. Même si pour le Burkina, le processus a connu une certaine notoriété, un certain nombre de retombées. Retombées déjà pour votre journal. Car le lendemain du 30 mars 2001, le numéro du Pays qui traitait de l’événement était plutôt plus que sceptique. C’était même pratiquement négateur de ce qu’on avait voulu faire. Il y avait beaucoup de raisons pour contrer le processus. Et beaucoup de raisons aussi pour qu’il n’ait pas de suite.
La première raison c’est que tout le monde voulait la réconciliation, le pardon.

Mais à ce niveau, il y a plusieurs voies. Récemment encore on nous demandait si nous avions regardé du côté de l’Afrique du Sud avec la Commission vérité réconciliation. Personnellement, j’ai relevé près de cent cas dans l’histoire récente où les groupes humains ont eu recours à des processus de réconciliation, de sortie de crise. On n’avait pas tous la même vision du processus à suivre. Fallait-il d’abord faire juger comme pour le Rwanda par le Tribunal international, des cas litigieux ? Fallait-il dire : on remet tout à terre pour recommencer une société nouvelle ?

Le choix du pardon a paru à certains comme un coup de force. Cependant, pour la vérité de l’histoire (je le dis à votre journal pour la première fois), toutes les démarches avaient été faites de telle sorte qu’au moment où nous allions accepter de présider la cérémonie, nous étions sûr qu’ aussi bien ceux qui seraient au Stade du 4 août que ceux qui n’y seraient pas pour des raisons légitimes, étaient tous d’accord pour qu’il y ait ce processus. Ce qui pour moi et pour toute l’équipe était réconfortant. En même temps, les chefs d’Etat vivants qui parfois s’étaient détournés l’un, l’autre étaient tous là pour assumer comme une unité ce qui s’était passé. Parce que l’un aurait pu dire : "Mais c’est toi qui m’as fait partir" ou bien "c’est toi qui m’as fait le coup".

Cependant, ils étaient tous là, prêts à assumer les 40 ans d’histoire de ce pays. C’est ça qui a pour moi, une valeur de mythe. Car cela a aidé finalement à convaincre les plus sceptiques que quelque chose de nouveau était en train de se passer. Et face à toute nouveauté, on se pose souvent des questions : qu’est-ce que ça va donner ? Le fait que les familles de victimes contactées aient accepté d’être là, à plus ou moins bon escient et leur rencontre avec le chef de l’Etat a été un second temps fort du processus. L’autre temps fort, ce sont les engagements, ou les conditionnalités pour que le sang versé ne se répète plus.

Aujourd’hui, où en est-on du processus de réconciliation ?

Le plus visible, ce sont les milliards qui ont été votés par l’Assemblée nationale pour dédommager les victimes, les familles des victimes. Moi même je suis dans cette situation : une partie de ma famille a connu ces épreuves. Dans cette ville, je connais un certain nombre de familles dans le même cas. La première chose pour nous, c’est qu’ on ait pu approcher ces familles. Et là c’est une démarche rituelle. Vous ne pouvez imaginer la douleur d’une famille qui a connu ces épreuves. Le papa rentre et c’est le repas. Ensuite, on vient appeler le papa, il s’en va. Pendant trois ans on ne le voit plus. Les enfants qui sont tout petits et qui grandissent se demanderont ce qui s’est passé, où est passé papa. Ce ne sont pas des faits inventés.

Et quand, finalement on contacte cette famille en disant : "nous voulons venir vous voir concernant un tel" que la maman va dire aux enfants ? Mais cette démarche est la plus importante. Vous arrivez, vous ne savez pas comment vous serez accueilli. Si vous venez avec l’intéressé en disant qu’il était en prison, c’est bien. Cependant, vous arrivez et c’est seulement avant la démarche que vous avez su ce qui s’est passé. Comment annoncer ce deuil ?

Pour moi, la commission d’indemnisation est l’aspect visible. Mais cette réconciliation des familles avec elles-mêmes et avec l’histoire tragique du pays est le plus important. Et c’est ce que le TPI de la Haye ou de Arusha n’arrive pas à faire. C’est peut-être pourquoi, le Rwanda essaie de mettre en route un autre système. C’est le plus important. Car la victime connnaît les coupables et se met à parler.

En ce moment le plus grand pas est fait. Je me félicite du fait que la plupart des familles ait été touchée. A partir de ces démarches on sait que tel est mort, on sait où est-ce qu’on l’a enterré. A partir de cela, on peut annoncer les funérailles. Et donc donner le rite funéraire qu’il faut selon les coutumes religieuse ou traditionnelle pour que l’intéressé repose en paix.

Lié à cela, vous avez le dédommagement. Il apparaissait au départ comme une façon d’acheter les consciences des familles en disant : on vous donne de l’argent et vous gardez le silence. Je dis nous, nous connaissons ça déjà. Il est dit de Jésus que quand il a été enterré selon le rituel des juifs, ces derniers ont demandé aux Romains de mettre une garde. Il est arrivé ce qui devait arriver et qui est de l’ordre de Dieu. Et on leur a dit (aux gardes) : "on va vous donner de l’argent et vous vous taisez". Certains ont cru que c’était ainsi. Heureusement on a pu faire des choses. Les familles, étant réhabilitées, ont accepté de recevoir les indemnités sur la base d’un calcul précis par rapport à ce qui leur revenait.

Certaines familles m’ont confié qu’elles se sentent bien accueillies à la commission, bien accompagnées et bien comprises. Les indemnisations ont été une renaissance pour ces familles.

Et les autres actes de cette journée de pardon ?

Oui, un autre garant, à mon sens est le Comité national d’éthique. Les gens s’étaient demandé au départ où on trouvera des Burkinabè qui puissent être des héros modèles. C’était mal comprendre. En voyant la composition de ce comité aujourd’hui, on voit que ce pays regorge de notoriétés qui sont fières d’être de ce pays et qui en même temps donnent de la fierté à la Nation. Le comité n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, mais il restera l’un des actes les plus visibles.

Et pour terminer ?

Il y a ce qu’on a dit. Tout un peuple pour la paix et la réconciliation. On a dit "plus jamais ça". Là-dessus, il faut que nous soyions plus alertes. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si tout en désirant la paix, en désirant être réconciliés, nous nourrissons d’autres attitudes, d’autres comportements, l’histoire est là pour nous dire que les retours de drames peuvent avoir lieu. Il faut une vigilance sur les choses concernant surtout les jeunes générations. Et là je le dis, c’est un problème d’emploi. Un jeune qui ne travaille pas est un bandit potentiel. Il faut aussi une compréhension dans la répartition des services, des responsabilités. Et vous les gens de la presse pouvez aider à acquérir une conscience citoyenne.

Propos recueillis par Fousséni KINDO
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