Actualités :: Abel Toussaint Coulibaly (UPR) : "Nous allons soutenir le candidat de la (...)

Les crises dans la sous-région : la Côte d’Ivoire et récemment le Togo, l’élection présidentielle au Burkina Faso sont des sujets qui suscitent des réactions aussi nombreuses qu’antinomiques.

Dans cette interview, le député Toussaint Abel Coulibaly donne sa lecture de ces points de l’actualité nationale et internationale.

M. Coulibaly a vécu 23 ans en Côte d’Ivoire d’où il est rentré le 28 décembre 1993, soit 21 jours après la mort de Houphouët-Boigny. Au Burkina, il a mis sur pied l’Union pour la République (UPR), un parti qui, selon lui, œuvre avec décence à la consolidation de la démocratie.

Sidwaya (S.) : Nous sommes à 9 mois de l’élection présidentielle prochaine au Burkina et déjà des candidats se signalent. L’UPR aura-t-il un candidat ?

Toussaint Abel Koulibaly (T.A.K.) : Au niveau de l’UPR, nous sommes un parti républicain avec pour ligne politique, le libéralisme central. Pour les élections, nous allons soutenir le candidat de la mouvance présidentielle.

Il est vrai que tout parti se crée pour la conquête du pouvoir d’Etat. Mais pour l’instant, nous estimons que le programme en cours avec l’actuel président du Faso Blaise Compaoré est positif. Même s’il ne prend pas forcément en compte toutes nos aspirations parce que n’étant pas de la même ligne politique que nous.

Nous allons continuer à soutenir le Programme du développement solidaire en attendant éventuellement un autre programme, toujours dans le sens de la mouvance présidentielle.

S. : Le soutien mérite aussi une préparation, qu’est-ce qui se concocte actuellement dans ce sens ?

T.A.K. : Avant de soutenir le candidat de la mouvance, il faut savoir où l’on se place soi-même d’abord. Nous sommes un nouveau parti.

Nous nous attelons à mettre nos structures en place. Et le moment venu, ces structures vont nous aider sur le terrain à soutenir le candidat.

S. : Vous envisagez soutenir Blaise Compaoré, alors que certains estiment qu’il ne peut pas ou ne doit pas se représenter. Quel est votre commentaire ?

T.A.K. : D’un point de vue juridique ou politicien, je crois que le président Blaise Compaoré peut être candidat à sa propre succession. Je fais prévaloir une logique arithmétique. L’article 37 de la Constitution qui est souvent mis en cause est clair : "Le président du Faso est élu pour 5 ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois".

C’est-à-dire que le président du Faso est éligible pour 5 ans deux fois. Dans le cas de figure, il se trouve que ce dernier est en train d’exercer un mandat de 7 ans. Ce qui signifie que si l’on veut lui appliquer l’article 37, il aurait fallu écourter son septennat en quinquennat.

Dans ce cas, il aurait déjà épuisé un mandat sur les deux que lui garantit la constitution. Certaines personnes occultent ce principe pour dire que le président ne peut pas se représenter. A mon sens, c’est un débat qui n’a pas sa raison d’être.

Maintenant, en tant que politicien, il ne faut pas changer pour changer. On ne change pas une équipe qui gagne. Je pense que ceux qui s’opposent à la candidature du président Compaoré doivent avoir d’autres arguments que la constitution et l’usure du pouvoir. A mon sens, il y a usure du pouvoir quand le pouvoir en place ne répond plus aux aspirations du peuple. C’est tout à fait le contraire ici au Burkina. Ils devraient plutôt inciter le président à se présenter aux élections et proposer quelque chose de mieux que lui et le battre dans les urnes. Et ce ne sera pas la première fois qu’un candidat au pouvoir soit battu à sa propre succession. En attendant, je crois qu’il faut se réjouir du fait que notre pays soit une bonne référence à travers l’Afrique. Avec deux législatures qui sont allées à leurs termes et une autre à mi-parcours, nous devons continuer dans ce sens au lieu de vouloir réveiller les vieux démons.

S. : Depuis le 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire est divisée en deux. Vous qui avez vécu un long moment dans ce pays, quelles sont les causes profondes de cette crise ?

T.A.K. : La crise en Côte d’Ivoire s’est déclenchée depuis les années 70. J’ai vécu pendant 23 ans en Côte d’Ivoire et j’ai milité dans le Mouvement des élèves et étudiants (MEECI) de ce pays. J’ai fait partie des instances du PDCI-RDA. Donc je sais de quoi je parle. Dans les années 70, il y a eu une révolte dans le canton Guébié qui était menée par le cousin de M. Laurent Gbagbo. Cette révolte baptisée "Révolution" avait pour slogan "Vive la Révolution, Liberté des Bété".

En effet, les ethnies du Sud (Gueré, Yacouba, ...) avec en tête les Bété avaient juré que jamais le président de la Côte d’Ivoire ne sera originaire du centre, encore moins du Nord après Houphouët-Boigny. Pendant cette crise, les Bété s’en sont pris uniquement aux Baoulé. Aucun Burkinabè n’a été inquiété à l’époque. Ce qui me fait dire que la crise ivoirienne est d’abord et surtout ethnique.

En 1990, sous la pression, le président Houphouët-Boigny a été obligé de créer un ministère de la Fonction publique et de l’Ivoirisation des cadres.

Si aujourd’hui les Burkinabè et autres étrangers ne résidaient pas en Côte d’Ivoire, le même scénario allait se produire. L’accession d’un ressortissant du Centre ou du Nord au pouvoir ne pouvait se faire de manière pacifique.

En rappel, à la mort de Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara est passé à la télévision ivoirienne pour annoncer la mort du père de la Nation. Un quart d’heure plus tard, Henri Konan Bédié passe à son tour pour annoncer le même décès et demander à la population ivoirienne de se mettre à sa disposition parce que la Constitution lui confère le droit d’être le président de la République. C’était déjà le début des tractations, de la division, ... les événements du 19 septembre apparaissent à mon sens comme l’expression d’un ras-le-bol.

Est-ce dans l’intervalle de ce 1/4 d’heure que le Burkina a manipulé l’une ou l’autre de ces personnalités ?

Nulle part, on ne peut parler d’une implication du Burkina Faso dans cette crise. Que ceux qui ne connaissent pas le problème en profondeur évitent de faire croire que le Burkina a fini avec ses propres problèmes pour s’occuper de ceux de ses voisins. S’il y a un pays qui a intérêt à la paix en Côte d’Ivoire, c’est bien le Burkina Faso qui a la plus grande communauté dans ce pays. Il faut que les uns et les autres soient républicains.

Quand il s’agit de défendre notre pays, l’Union doit être de mise et après, nous pourrions régler nos problèmes internes. Il ne faut pas confondre l’opposition à un régime et celle à un Etat. Le régime passe mais l’Etat demeure. Nous, en tant que parti républicain, nous tenons à contribuer à la sauvegarde de la paix qui règne au Burkina Faso.

S. : Comment voyez-vous le dénouement de cette crise ?

T.A.K. : La résolution de tout conflit armé se fait autour d’une table. Aucune des deux parties en conflit en Côte d’Ivoire ne peut exterminer l’autre. Personne n’a d’ailleurs intérêt à cela. Mais il faut que les interlocuteurs soient sincères. Tant qu’il y aura des volte-face, il n’y aura jamais la paix en Côte d’Ivoire. A mon humble avis, la communauté internationale doit être plus rigoureuse. Pour le moment, il y a un peu de complaisance en faveur du président Gbagbo.

De milliers de Burkinabè sont morts, spoliés..., en présence de la force Licorne. Il a fallu qu’on tue neuf (9) soldats français pour que cette force se rende compte de la nécessité de détruire l’aviation de Laurent Gbagbo. Actuellement, il y a un embargo sur les armes en Côte d’Ivoire. Et pourtant Gbagbo est en train de réparer ses avions tout en estimant que cela n’est pas du réarmement. S’il n’y a pas de mesures fermes, les Forces nouvelles vont continuer à s’armer de leur côté.

Les différentes médiations font référence aux accords de Marcoussis qui, malheureusement, n’ont jamais été appliqués. Récemment, les conclusions d’une commission d’enquête onusienne relèvent les exactions dans les deux camps. Mais là également, le nom de Laurent Gbagbo ne figure pas sur la liste des auteurs et commanditaires de ces exactions.

Quelque part il y a de l’hypocritie et tant que cette hypocritie sera la règle, le conflit va perdurer. Quels sont les accords qui font foi à ce jour ? Marcoussis ? Accra I, II, III il faut que tout cela soit clair.

S. : Selon vous, qu’est-ce qui explique cette complaisance de la communauté internationale ?

T.A.K. : Je pense que Laurent Gbagbo bénéficie d’une main protectrice qui le manipule, tout en s’assurant que la Côte d’Ivoire ne devienne un pré-carré américain.

S. : Que proposerez-vous concrètement pour une sortie de crise définitive en Côte d’Ivoire ?

T.A.K. : Je suis Burkinabè avant tout. Donc, je me fie aux propositions de sortie de crise du président du Faso et de l’ensemble de notre gouvernement qui représentent les intérêts burkinabè en toute circonstance ?

S : Au Togo, après la disparition de Gnassingbé Eyadéma, son fils Faure Gnassingbé par uen "gymnastique" politique et constitutionnelle s’est retrouvé président. Comment voyez-vous le lendemain de la crise née de ces événements ?

T.A.K. : Ce qui se passe au Togo est vraiment déplorable. La constitution avait réglé la succession du général Gnassingbé Eyadéma. Si maintenant, en l’espace de 24 heures il faut passer de ministre à président de l’Assemblée puis président de la République, c’est une acrobatie regrettable.

Dans ce sens, je salue déjà l’action des chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont convoqué un sommet pour statuer sur la question. Parce qu’il faut prendre le taureau par les cornes et tenter une médiation au lieu de laisser les choses dégénérer avant de jouer aux pompiers. Je souhaite que de ce sommet (l’interview a eu le 08 février avant le Sommet), il sorte des résultats qui puissent permettre de ramener la paix. Sinon, une tension de plus dans la sous-région serait de trop.

S. : Y a-t-il un éventuel risque qu’une situation pareille émerge au Burkina ?

T.A.K. : Nous sommes dans un Etat de droit où il y a la liberté d’expression. Cela ne doit pas faire perdre de vue que nous sommes en train de construire une nation.

La construction du pays doit être menée dans la paix sociale. Ce qui signifie que nous devons éviter à tout prix certains propos qui ne vont pas dans le sens de la construction du Burkina. Nous avons la chance au Burkina que 50% de la population soit composée d’une seule ethnie sur la soixantaine. Les mossi notamment. Si à cela nous ajoutons la parenté à plaisanterie, il n’y a pas de raison qu’il y ait une crise quelconque dans le pays.

Malheureusement, certains propos que j’ai lus à travers la presse sont contraires à la cohésion sociale. Le pouvoir est entre les mains des mossi, tout est concentré au centre, entre autres, à mon avis, l’ethnicisme ne prévaut pas dans le choix des hommes au Burkina, mais la compétence. Je suis de ceux qui prônent l’élimination des disparités régionales. Mais il ne faut pas confondre cette question des disparités régionales à celle des ethnies. Il est irresponsable de semer une telle graine. Heureusement qu’elle ne poussera jamais.

S. : Quelles est votre appréciation de la presse nationale ?

T.A.K. : J’ai une appréciation positive de la presse nationale. Elle est à la dimension de notre démocratie. Sans me transformer en donneur de leçons, je souhaite que les journalistes burkinabè se montrent davantage indépendants. Par exemple, qu’ils ne se laissent pas embrigader par les politiciens. Le journaliste peut devenir un fossoyeur de la démocratie s’il est acquis à la cause d’un parti ou d’un homme politique. La liberté de presse étant garantie au Burkina Faso, il appartient aux journalistes d’en jouir tout en sachant que cette liberté s’arrête là où commence celle des autres.

Interview réalisée par Alassane KARAMA
Sidwaya

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