Actualités :: Affaire Norbert Zongo : On remet les compteurs à zéro...

Il faut créer une nouvelle commission d’enquête indépendante (CEI) pour faire la lumière sur le meurtre de Norbert Zongo. Les "révélations" de plus en plus "nombreuses et précises" six ans, après le drame, donnent à penser que la première est passée totalement à côté du sujet. Ce qui n’est pas pour aider le juge d’instruction accusé de traîner les pieds. N’est-ce pas ?

Pourtant la CEI avait siégé sans discontinuer pendant près de 4 mois, interrogé 204 personnes, requis des experts dont des médecins légistes, des spécialistes en balistique et laissé à l’Etat burkinabè une ardoise de près de 127 millions de F CFA.

Des dépenses extra-budgétaires que son président d’alors, le magistrat non acquis et très intègre, Kassoum Kambou avait mis du temps à justifier auprès du trésor public. Quel gâchis de temps et d’argent car les conclusions de ses enquêtes, l’objet d’un rapport volumineux, officiellement remis en mai 1999 au gouvernement, ouvertement soutenu par le collectif et très médiatisé par le "grand garçon", président de Reporters sans frontières (RSF) sont comme remis en cause aujourd’hui par des enquêtes parallèles qui se veulent plus crédibles. Que faire ? Créer une nouvelle commission d’enquête ?

Composition indicative de la nouvelle commission d’enquête
Comme membre représentant la SEP on pourrait y nommer Liermé Somé, Arzouma Kiéma, Michel Zoungrana, autant dire toute la rédaction de l’Indépendant. Sy Chérif et Pierre Dabiré dans l’ancienne CEI avaient fait piètre figure incapables qu’ils ont été de faire "dire la vérité" à des témoins de premier ordre : François Compaoré, Alizèta Ouédraogo, Oumarou Kanazoé, Gilbert Diendéré, Halidou Ouédraogo, Tolé Sagnon, Germain Nama, bref un beau monde qui n’avait pas peur et qui n’a pas peur de mourir par la main du régime.

Pour présider la nouvelle commission, Robert Ménard, "le grand garçon" si occupé, pourrait donner congé au timoré Kassoum Kambou qui a accepté que la première mouture du rapport de l’ancienne CEI soit modifiée pour y biffer le seul nom de François Compaoré.

M. François Compaoré, victime d’un acharnement suspect.

Pour séconder M. Ménard à la tête de cette CEI bis, on pense à un avocat très intègre, Maître Sankara. Il a le verbe haut pour convaincre les deux représentants de l’Etat, le magistrat Jean Emile Somda et le gendarme Hermann Traoré qui n’avaient pas paraphé le rapport de la 1re CEI à signer celui de la CEI bis.

Cette CEI bis et choc va résoudre l’énigme en un temps deux mouvements surtout si les premières personnes convoquées à déposer devant elle s’appellent Naon Babou, Ouali Diapagri, Pasteur Paré Israël et pourquoi pas, Saul de Tarse Traoré et qui sais-je encore parmi les putschistes, les criminels ou simples opposants politiques qui se prennent eux-mêmes pour du bois mort qui n’a plus peur du bûcheron.

Soyons sérieux ! Le retour "forcé" au premier plan médiatique de "l’affaire Norbert Zongo" procède d’une mauvaise stratégie d’occupation du terrain politique. Cet acharnement sur la famille et l’entourage présidentiel est une propagande proprement stérile en matière de débat d’idées et de propositions nouvelles pour améliorer les conditions de vie des Burkinabè.

L’Arjudant Marcel Kafando, son inculpation tien à peu de choses. "On ne construit pas un pays avec un langage de haine"

En août 1999 alors qu’il venait d’être élu président du parti majoritaire, Roch Marc Christian Kaboré avait déclaré fort à propos "on ne construit pas un pays avec un langage haineux". Il est peut-être bon de rappeler cet avertissement dans une année électorale comme celle de 2005.

En rapport avec le drame de Sapouy on dira qu’on ne recherche pas la vérité et la justice avec la rancune au ventre ou le sentiment détestable de l’éternel vaincu qui soupire désespérément "un jour viendra". La IVe République à sa troisième législature mérite mieux de la part des acteurs politiques, des leaders d’opinion, de la presse, etc.

Dans la cabale médiatique actuelle, on lit bien la haine injustifiée qui ne s’adoucit pas. Les attaques calculées et ciblées visent moins la manifestation de la vérité qu’à troubler la sérénité du climat social. A. de Tocqueville disait à ce propos que "quand les grands partis (ou acteurs) politiques commencent à s’attiédir dans leurs amours sans s’adoucir dans leurs haines et en arrivent à ce point de désirer moins réussir qu’empêcher le succès de leurs adversaires, il faut se préparer à la servitude (absence de libertés) ; le maître (dictateur) est proche".

De fait, "l’affaire Norbert Zongo" ressuscitée en cette année d’échéances majeures est agitée comme si ceux qui donnent "les révélations" dans l’ombre voulaient rattraper en 2005 ce qu’ils n’ont pas pu orchestrer en 1998 : gêner la ré-élection de Blaise Compaoré. C’est comme si Norbert Zongo était mort trop tard en 1998. Il eut fallu que le drame survint avant le 15 novembre 1998, date de l’élection présidentielle. Qu’à cela ne tienne pour l’élection présidentielle de 2005 sept ans après, l’arme fatale peut encore servir. Tant pis pour la vérité, la déontologie de la presse et l’honorabilité des honnêtes citoyens.

Plaire ou être crédible ?

La diffusion par épisode du feuilleton, pour plaire aux lecteurs, a besoin de suspens. Difficile de nourrir le suspens quand les "révélations" manquent d’être croustillantes. Même les auteurs de romans policiers manquent parfois d’imagination originale. En effet ce n’est vraiment pas original d’avoir inventé que Oumarou Kanazoé, Alizéta Ouédraogo et Simon Compaoré ont mené une médiation pour réconcilier les "frères ennemis". Les “informateurs”, toujours sans noms, ni professions, ni lieu de résidence ont bon dos, mais sans aucun crédit.

Contactés par nos soins, ni Simon Compaoré ni Mme Alizèta Ouédraogo, encore moins El hadji Kanazoé récemment revenu de la Mecque ne se souviennent avoir cherché à réconcilier les frères Compaoré. Et la formule sybilline "la sorcière oublie pas les parents de la victime" n’y fera rien. Par contre l’inutilité de nourrir une chronique aux allures de propagande de bas étage oblige ces personnalités à ne pas polémiquer dans la presse. Au demeurant, n’est-ce pas cela le but recherché : polémiquer pour mieux vendre le canard ? Difficile de gagner sur trois tableaux ! Celui des enquêtes sérieuses, de la crédibilité et du chiffre d’affaires des ventes.

Pour le match de "réconciliation fraternelle" c’est encore une “preuve” franchement ridicule pour attester d’un meurtre.

Il se joue beaucoup de matchs de football à Ziniaré. François Compaoré et d’autres fonctionnaires de la présidence et du régiment de sécurité présidentielle (RSP) peuvent témoigner avoir participé à plusieurs de ces matchs avant et après le 13 décembre 1998. Lequel était destiné à réconcilier les “frères brouillés” ? Suffit-il d’un tacle léger - François Compaoré ne serait même pas tombé - pour qu’on se souvienne d’un tel match. Non ! C’est pourquoi il serait bien de citer d’autres personnes qui ont joué ce match.

Plus fondamental, qu’est-ce que Blaise Compaoré et François Compaoré ont donné comme signe de réconciliation aux spectateurs et acteurs du match ce jour-là : accolades publiques ? Poignée de mains et tapes sur les épaules ? congratulations ou reprimandes devant témoins (les autres joueurs) ?

Et les grands médiateurs pour cette réconciliation sportive : Simon Compaoré,Alizeta Ouédraogo, Oumarou Kanazoé, étaient-ils présents à ce match, aboutissement de leurs démarches ? Logiquement, ils devraient y être pour se congratuler et congratuler "les frères ennemis" qui se réconcilient. On ne nous dit rien de tout celà. On voudrait par contre qu’on se contente d’un tacle qui a failli faire tomber François Compaoré.

La piste de Kaya de nouveau hâtivement rejetée

Dérangeante tentative d’empoisonnement. Eh oui ! Le jour où Norbert Zongo a failli être tué par le poison est l’épisode du feuilleton qui plait le moins. Comment attribuer cette tentative de meurtre à l’entourage présidentiel ? Dans les "révélations" du mardi 14 décembre, il est dit que "la tentative d’empoisonnement serait l’œuvre de Wampasba Nacoulma et feu Edmond Koama et le poison aurait été apporté du Boulkiendé... remis par le même vieux qui a rencontré François Compaoré pour lui confirmer que Norbert était vraiment un danger pour le pouvoir".

On n’a jamais expliqué comment des mains de François Compaoré le poison s’est retrouvé avec les incriminés Wampasba Nacoulma ou Edmond Koama et surtout comment ces deux soldats se sont retrouvés à Kaya parmi les "amis sûrs" de Norbert Zongo sans avoir été répérés et dénoncés. Nos enquêteurs chevronnés qui ont des informations un peu partout y compris dans la famille présidentielle sont muets là-dessus. Et pour cause !

A Kaya il n’y avait ni François Compaoré, ni Wampasba Nacoulma ni feu Edmond Koama, ni aucun des suspects sérieux de l’ancienne CEI. Il n’y avait que des “amis sûrs” de Norbert Zongo qui se connaissent et sont toujours vivants pour attester qu’il n’y avait aucun soldat acheté par le pouvoir parmi eux. Alors que l’on trouve qui a voulu empoisonner ce beau monde et l’énigmatique assassinat de Norbert Zongo est à 90 % résolu. Mais voilà pour une fois qu’on est d’accord avec nos Sherlock Holmes, et que l’on juge leur trouvaille intéressante, ils se rebiffent.

C’est ainsi que dans les révélations du 8 février, tout en reconnaissant avoir "apporté des éléments nouveaux qui étaient inconnus au dossier pour ce qui concerne cet épisode de Kaya" nos enquêteurs chevronnés disent n’avoir inventé aucune piste. A la bonne heure ! Il ne manquerait plus que cela. Mais ce qu’on vous reproche chers messieurs, c’est d’inventer des témoins, des témoignages, pour servir une piste au détriment des autres. On vous reproche d’être trop circonspects sur la première tentative d’assassinat de Norbert Zongo à Kaya.

On vous reproche de ne pas creuser pour trouver des tracts, des témoins, des informateurs qui font le lien entre Kaya et Sapouy alors que c’est une piste intéressante. Par contre on vous reproche de trouver trop de tracts qui accusent Marcel Kafando et François Compaoré. Cette démarche du deux poids deux mesures bat en brèche votre crédibilité et celle de vos informateurs.

A contrario elle expose votre parti pris plus que manifeste. Pour préserver l’opinion publique de vos "erreurs" et oublis volontaires, on vous suivra à la trace avec l’espoir tenu que vos prochaines “révélations” élèvent le niveau du débat et nous confirment que pour résoudre cette énigme, il faut remettre les compteurs à zéro.

Djibril TOURE
L’Hebdo

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