Actualités :: Salvador Yaméogo : "Je ne suis pas plus parachuté qu’un autre"

C’est, à n’en pas douter, au Burkina, l’un des quatre ou cinq faits politiques majeurs de l’année qui vient de s’écouler. Ce n’est pas en effet tous les jours, surtout sous nos tropiques où la politique est d’abord une affaire de famille, qu’on décide de lâcher son frère. De surcroît quand ce frangin se débat dans une ténébreuse affaire politico-judiciaire qui n’a d’ailleurs pas encore connu son dénouement.

Me Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) était dans le collimateur du pouvoir qui l’accablait d’apatridie, d’intelligence avec l’ennemi, l’accusant de colporter, moyennant rémunérations, des ragots auprès des autorités ivoiriennes et mauritaniennes quand Salvador, son puîné, décida le 21 octobre 2004 de lui présenter sa démission.

Il était alors coordonnateur national du parti. Mais comment les héritiers du premier président de la République en sont arrivés-là ? Quelque trois mois après, Salvador Maurice Yaméogo revient sur cette déchirure politique et familiale et parle de son avenir politique.

Quelque trois mois après avoir commis le fratricide, comme d’autres hommes politiques, le parricide pour pouvoir exister par eux-mêmes, comment vous sentez-vous ?

• Bien.

C’est quand même un coup de Jarnac non, puisque politiquement, c’est Hermann qui vous a fait, en tout cas au Burkina ?

• Le Président de l’UNDD m’a fait rentrer au Burkina et en politique, par la grande porte ; j’en conviens. Il reste que nos itinéraires politiques respectifs, si différents soient-ils, sont indissolublement liés au parcours de notre géniteur commun, à la personnalité du président Maurice Yaméogo, à la relation exceptionnelle de ce dernier avec le premier président de la Côte d’Ivoire. Mon départ du parti ne peut être analysé et compris en dehors de ce contexte. Partant, on peut légitimement se poser la question de savoir qui de nous deux s’est éloigné des objectifs premiers de ces deux grands hommes.

Ministre en 2000, vous avez été élu député en 2002. Après quatre ans de présence continue au Faso, c’est quand même pas mal pour quelqu’un qu’on présente comme un parachuté.

• Ayant reçu une certaine éducation, je n’aurai pas l’indélicatesse de vous lister des personnalités qui, de l’Université dans le meilleur des cas, ont été « parachutés » comme vous dites, à des postes de responsabilités bien plus élevés que ceux que j’ai occupés. Mais enfin, c’était à une certaine époque. Cela étant, il y a qu’en politique, ce sont bien souvent les circonstances qui déterminent les hommes, leur offrant parfois des raccourcis assez saisissants. Toute comparaison mise à part, bien entendu, que n’a-t-on pas dit et écrit à ce sujet, sur les présidents Daniel Ouezzin Coulibaly et Maurice Yaméogo ?

Au fait, dans quelles circonstances exactes votre frère est-il venu vous chercher à Abidjan ?

• En octobre 2000, s’est faite jour au Burkina une volonté politique d’ouverture de la part du régime. Une demande, aussi, d’hommes nouveaux, bien formés, travailleurs, à même de collaborer avec le pouvoir en place, au service de l’Etat et de la nation toute entière.

Le président de l’ADF/RDA d’alors, percevant cette mouvance m’a demandé de rentrer, toutes affaires cessantes, pour discuter avec lui, d’une question à la fois sérieuse et urgente. Ce que j’ai fait. Vous l’aurez compris, il s’agissait d’échanger sur l’esprit et la lettre du projet de gouvernement protocolaire en gestation et de réfléchir à l’éventualité d’en faire partie.

Quelles étaient les clauses du contrat si on peut parler ainsi ?

• Il était clairement entendu qu’il s’agissait de travailler en collaboration avec le parti au pouvoir à restaurer la paix sociale, à approfondir le processus démocratique et à parachever la mise en place des institutions. Courant novembre, après une longue et mûre réflexion, et en me remémorant les enseignements du président Maurice Yaméogo, qui a toujours voulu que ses descendants et ses disciples oeuvrent pour la paix et la consolidation de l’unité nationale, j’ai fait un second déplacement à Ouagadougou.

J’avoue que ma décision n’était pas facile à prendre. En raison de l’ampleur de la crise traversée par le pays et des défis à relever, rien ne permettait de préjuger du succès d’un tel projet. J’ai finalement accepté d’intégrer cette mission difficile mais exaltante de rétablissement de la paix sociale dans notre pays.

Avec le recul, pensez-vous que lesdites clauses ont été respectées ?

• Elles l’ont été, on va dire jusqu’en décembre 2002, date à laquelle la position du président du parti s’est radicalisée sur la question ivoirienne, sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Dans l’intervalle, il a rempli sa part du contrat en m’épaulant politiquement, comme notre géniteur l’a fait, en son temps, pour lui, et en retour je me suis efforcé de remplir la mienne au ministère des Transports et du Tourisme et je ne pense pas, en toute modestie, avoir démérité.

J’ai par ailleurs mis à contribution mes relations en Côte d’Ivoire et dans les affaires, pour apporter au parti, tout le soutien possible pendant la campagne des législatives de 2002.

Si Hermann s’est à nouveau radicalisé, c’est à l’évidence parce que, une fois de plus, on lui a joué un tour pendable en le débarquant de son ADF/RDA. N’est-ce pas ?

• Il faudrait en réalité poser cette question au Président de l’UNDD. Pour ma part, je ne saisis toujours pas la relation de causalité, s’agissant de la prise de position sur la Côte d’Ivoire. Sans vouloir refaire l’histoire, je me bornerai à vous dire ceci : tout le monde a vu le « coup » venir, y compris le président du parti. Nous avons même été, quelques responsables du parti et moi-même, partisans de l’option d’aller au Congrès convoqué par Me Gilbert Ouédraogo, pour y débattre et défendre la position du président Hermann Yaméogo. Mis en minorité, nous avons été contraints de subir.

Avec le recul, je concluerai sur ce point, en disant que, quelle que fût l’iniquité de la chose, il aurait fallu mieux penser la stratégie, en rebondissant avec l’UNDD. Au final, je retiens que les mêmes causes produisent et produiront toujours les mêmes effets.

Peut-on penser que quelque part, en vous faisant rentrer au bercail, Hermann vous a même peut -être sauvé la vie, car avec la situation qui prévaut en RCI, qui sait si les escadrons de la mort ne seraient pas passés visiter le conseiller municipal burkinabé que vous étiez.

• C’est possible, d’autant qu’à l’époque, je résidais pas très loin de la RTI. Il est fort probable, alors, que les sinistres escadrons, que vous évoquez, auraient pu me rendre une visite, qui n’aurait pas été de courtoisie. C’est du reste pourquoi je ne peux comprendre la mansuétude de Maître Hermann Yaméogo à l’égard de celle qui, dit-on, les commandite (Simone Gbagbo Ndlr), tout comme je peux difficilement comprendre la comparaison hâtive, qui est faite entre les "patriotes" et des figures telles que Patrice Lumumba et Kwamé N’Khumah. Cela dit, et pour éclairer votre lanterne, je n’étais plus conseiller municipal depuis 1995.

Au fait, comment vous êtes-vous retrouvé sur les bords de la lagune Ebrié ?

• Je suis parti fin 1984, sous le CNR. La ferveur révolutionnaire battait son plein. Le président Maurice Yaméogo venait d’être libéré de Pô, et sa famille, comme après le 3 janvier 1966, n’était pas en odeur de sainteté. J’ai très vite compris, comme le dit l’adage, qu’il ne fallait peut-être pas « mettre tous les œufs dans le même panier ». Par ailleurs, mon tempérament ne m’inclinait pas vraiment à tout accepter de la Révolution, même si je reconnais qu’elle a constitué, à ses débuts, un des moments forts de l’histoire de notre pays.

Puisque beaucoup de vos compatriotes ne vous connaissent pas vraiment, quel a été votre cursus scolaire et universitaire.

• Je crois au contraire qu’ils commencent tout de même à me connaître. Néanmoins, pour répondre à votre question, j’ai fait une partie de mon primaire à Ouaga ; à l’école de la Salle, puis à l’école pilote. J’ai été exfiltré avec mes frères et sœurs après le 3 janvier, et j’ai rejoint le Collège « Jean Mermoz » à Abidjan, récemment incendié par les "patriotes".

Je suis revenu passer mon CEP à Koudougou en 1968. J’ai alors quitté l’Afrique pour le secondaire et le supérieur en Europe. Je suis titulaire d’un Bac D et d’un Doctorat de 3e cycle en sciences économiques, de l’Université de Nice ; laquelle, soit dit en passant, a donné quelques ministres au Burkina (Hermann Yaméogo, Ablassé Ouédraogo, Bissiri Sirima, Yarga Larba...).

Et votre parcours professionnel ?

• Bien que macro-économiste de formation, j’ai exclusivement travaillé dans le privé. Dans le transport et les services, pour des groupes agro-industriels dans les filières de produits de base (ananas, bananes,café,cacao, hévéa, coco râpé, etc.) ainsi que dans le consulting.

Dans votre tendre jeunesse, avez-vous milité dans quelque chapelle politique comme la plupart des politiciens ?

• Pas vraiment. Je l’ai regretté un temps, à cause du réseau que cette période crée habituellement, mais plus maintenant. Dans le secondaire, c’était plutôt difficile, car j’étais dans des pensionnats, le plus souvent religieux. Arrivé à l’université et comme la plupart des étudiants africains, j’ai bien entendu été séduit par la pensée marxiste, davantage d’ailleurs que par la phraséologie révolutionnaire et j’ai opté en licence pour l’économie générale, un peu pour ces raisons, à la différence de mes collègues de gestion qui, à l’époque, étaient rarement étiquetés comme étant de gauche.

J’ai été nourri à la doctrine « tiers-mondiste », mais à la vérité, hormis les AG de la FEANF à Nice, je n’ai pas vraiment milité dans les organisations estudiantines. Mais ne dit-on pas qu’à vingt ans, ne pas être de gauche, c’est manquer de cœur, tout comme le rester à quarante ans, c’est manquer de raison ?

Vous êtes donc plutôt vierge politiquement.

• Je crois être mal placé pour apprécier moi-même, objectivement cela s’entend, ma propre virginité politique. S’il s’agit d’évoquer une certaine appréhension de la politique et des questions qui s’y rattachent, je dirai qu’à l’instar de tous les enfants du président Maurice Yaméogo, je suis né et j’ai grandi « dedans ». S’il s’agit maintenant du parcours, des mandats électifs, force est de constater une relative jeunesse, tout au moins pour ce qui concerne notre pays.

Vous portez le prénom de votre père ; êtes-vous tenté de penser que vous étiez son enfant « chouchou » ?

• Notre géniteur avait, je crois, une égale affection pour tous ses enfants. Il reste que, peu avant sa mort, il a dit ceci : « Je connais tous mes enfants et sais ce que je peux attendre de chacun d’entre eux ».

Je rends grâce à la providence de m’avoir fait naître, ni aîné, ni benjamin, parmi les garçons de notre regrettée mère. J’ai dû trouver ma place entre ces deux extrêmes, et je crois que cela a forgé mon caractère et ma personnalité. Quant au prénom, si je porte effectivement celui de notre père, c’est, m’a-t-on dit, parce qu’après l’aîné des garçons ( Hermann), notre mère lui avait donné deux filles coup sur coup. Mais j’ambitionne bien plus modestement, je l’avoue, de faire connaître celui de Salvador.

Député à 30 ans, Hermann est à l’évidence l’héritier politique du président Maurice Yaméogo tandis qu’à vous serait revenue la charge de gérer les affaires de la famille. Est-ce exact ?

• Jusqu’à ma démission de l’UNDD, c’est probablement ainsi que les choses auraient pu se régler, à l’avantage de toute la famille. Depuis les événements qui ont précipité mon départ, je pense pouvoir revendiquer une part de cet héritage politique. En réalité, comme je ne suis entré en politique qu’après le décès du président Maurice Yaméogo, Dieu seul sait comment il aurait lui-même tranché cette question, si une telle éventualité s’était présentée à lui de son vivant. S’agissant des affaires familiales, elles ont été gérées au départ par notre aîné, qui était le seul à résider sur place.

Pensez-vous que l’expérience politique que vous avez acquise en Côte d’Ivoire puisse vous servir au Burkina ?

• Je pense très sincèrement que oui. Le terrain présente des différences sur le plan socioculturel, mais les modes de fonctionnement en politique restent très voisins, quelles que soient les latitudes. Et puis n’oubliez pas que la politique à l’époque se faisait en Côte d’Ivoire avec les étrangers, tout particulièrement avec nos compatriotes. Je voudrais ici indiquer à ceux qui ne le savent pas, et rappeler à ceux qui l’ont oublié, l’importance du centre de décision politique qu’était Abidjan du temps du « Vieux », pour nombre de politiciens burkinabé dont le président de l’ADF à l’époque.

A partir de mars 1987, date à laquelle le président Maurice Yaméogo est arrivé en Côte d’Ivoire pour s’y établir, quasiment jusqu’à son décès, cela s’est amplifié. Bien que parachuté en 2000, depuis la révolution, j’ai suivi et bien souvent appuyé son action, depuis Abidjan.

Trois mois après l’avoir lâché, avez-vous maintenant rencontré votre frère Hermann. Si oui, comment se sont passées les retrouvailles ? Si non, quand comptez -vous le voir ?

• Comme le dit l’adage, « il faut donner du temps au temps » et le temps saura y pourvoir.

Pensez-vous vraiment que dans cette affaire on puisse dissocier la famille de la politique ?

• C’est effectivement très difficile. En ce qui me concerne, il fallait absolument marquer cette dissociation.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en démissionnant avec fracas de l’UNDD, vous aviez comme confirmé les graves accusations d’apatridie qui pèsent sur votre frère. En avez-vous conscience ?

• Ça c’est votre interprétation. Relisez simplement ma lettre. Elle débute par ce point précis et est sans équivoque à ce sujet.

A ce qu’on dit, la famille voulait vous bannir mais c’est Hermann qui a calmé le jeu.

• J’ai une toute autre version des faits, que je préfère, pour l’instant, garder pour moi.

Mais quel effet ça vous fait de passer aux yeux de l’opinion pour un traître ?

• Quand on entre en politique, il faut s’attendre à ce que l’opinion puisse porter sur vous toutes sortes d’appréciation. C’est notre lot à tous. Cela dit, dans la pire des hypothèses, je préfère et de loin, passer pour un traître à mon parti, que pour un traître à ma patrie...

Vous feriez par hasard allusion à votre frère que le pouvoir accuse de traîtrise ?

• Il s’agit d’une considération générale, s’agissant du choix que peut être contraint d’opérer tout responsable politique.

Visiblement vous êtes dans une logique de rupture totale. Vous n’avez donc aucun remords ?

• Non.

On vous dit proche de Roch et de Djibril Bassolet qui seraient à la base de votre départ.

• Je crois, comme beaucoup de mes compatriotes, avoir le privilège de bénéficier de la part du président de l’Assemblée nationale, de rapports empreints d’estime, de respect et d’amitié réciproques et datant de l’époque de nos parents. S’agissant du ministre Bassolet, c’est plus récemment, au gouvernement en 2000, que je l’ai connu. J’ai pu y observer les qualités de l’homme. En outre, nous sommes de la même région. En réalité, d’autres hommes politiques et pas des moindres le connaissent bien mieux que moi et pour paraphraser l’un d’entre eux, je pourrais dire, puisque c’est ainsi, c’est maintenant que je vais vraiment chercher à mieux connaître le ministre Djibril Bassolet.

Dans un récent entretien qu’il nous a accordé, le même Djibril Bassolet a laissé entendre que s’il en avait les moyens, il liquiderait l’UNDD. Quel commentaire en faites-vous ?

• Je dirais que sur le fond, il faut naturellement se mettre dans la logique du ministre de la Sécurité qu’il est. S’agissant de la forme, aucun responsable, en acceptant de communiquer comme il a le mérite de le faire, n’est à l’abri de voir, de temps à autre, ses paroles dépasser sa pensée. La réplique de l’UNDD, à mon avis, a clos ce débat.

Voteriez-vous la levée de l’immunité parlementaire de Me Hermann Yaméogo si, comme le menaçait le pouvoir, la question atterrissait à l’Assemblée ?

• Si d’aventure cela devra arriver, je voterai non.

Si vous êtes l’un des rares membres de la famille sinon le seul, à avoir vu Noël Yaméogo à la Sûreté, c’est quand même grâce à vos relations avec le ministre de la Sécurité.

• Je crois plutôt que c’est parce que j’ai su me montrer persuasif auprès du juge, quant aux motivations exclusivement familiales qui guidaient ma demande d’autorisation de visite. Mais suis-je toujours le seul à avoir rencontré Noël Yaméogo ? L’essentiel pour moi, demeure qu’il soit bientôt élargi.

Certains de vos amis du CDP vous disaient, semble-t-il, sans cesse : « Salvador, qu’est-ce que tu fais là-bas (à l’UNDD Ndlr) ? Tu mérites mieux que ça ». Quel strapontin vous réservent-ils donc après votre démission ?

• Je peux affirmer qu’aucun de mes amis du CDP ou d’ailleurs ne m’a sérieusement tenu de tels propos. Lesquels, d’ailleurs, auraient été blessants, d’abord, pour moi-même. Vous savez, sur le ton de la plaisanterie, beaucoup de choses se disent entre députés. Cela a pu se produire, mais dans cet esprit seulement.

En revanche, après mon départ, énormément de personnes, y compris de la famille, m’ont appelé pour me féliciter et me témoigner tout leur soutien. Enfin, n’ayant pas démissionné en contrepartie d’un strapontin, j’ignore celui qu’on me réserve.

Mais vous ne cracheriez pas dessus ?

• Dans des conditions clairement définies et acceptées, je pourrais accepter. Pas vous ?

Etes-vous toujours membre du groupe parlementaire « Justice et Démocratie » dont l’UNDD fait partie ?

• C’est toujours le cas à ce jour. Ne voulant prendre aucune décision qui ne soit mûrement réfléchie et après avoir échangé avec le président du groupe parlementaire Justice & Démocratie, j’ai différé toute décision (de quitter ou de rester durablement au sein de ce groupe) jusqu’à la prochaine session de mars 2005.

Il semble néanmoins que vous vouliez changer de place à l’hémicycle, question de vous éloigner de vos anciens camarades. Vous vous sentiez à l’étroit ?

• Pas du tout. Il se trouve simplement que la manière dont on place les députés dans l’hémicycle obéit à des règles, notamment pour visualiser les partis politiques et les groupes parlementaires, à faciliter les concertations. Je m’en serais voulu d’être un obstacle à la communication entre mes anciens camarades de parti et voisins que sont les députés Dabo Amadou et Millogo S. Deval.

Quels sont maintenant vos projets politiques après le temps de réflexion que vous vouliez vous imposer ?

• Le temps pour réfléchir et consulter, que je me suis imposé, n’était pas prédéterminé. Je poursuis ma réflexion et toute décision de ma part sera pesée, avant d’être rendue publique. Encore un peu de patience !

Pour certains, n’eût été la gêne, vous auriez déposé votre baluchon au CDP ou dans un parti de la mouvance.

• La gêne mise à part, je conçois bien que certaines personnes aient envisagé ces deux éventualités.

Qui ne sont pas à exclure ?

• En politique, aucune éventualité n’est effectivement à exclure et elles vont même au-delà des deux explicitement mentionnées, plus haut.

Electron libre comme vous êtes, ne courez-vous pas le risque d’une mort politique certaine ?

• Je l’assume, ce risque s’il existe. Mais avez-vous songé à la certitude de la mort physique qui nous habite, dès notre venue au monde ?

A ce qu’on dit, vous vous apprêtez à créer votre parti. Si c’est vrai, comment va-t-il s’appeler et sera-t-il de l’opposition ou de la mouvance présidentielle ?

• Vous voyez bien que la rumeur peut dégager d’autres éventualités...

Peut-on raisonnablement vous considérer toujours comme un opposant de Blaise Compaoré ?

• Je crois, tout d’abord qu’il aurait fallu me poser cette question ou celle plus essentielle du sens profond de mon engagement en politique, à l’ADF/ RDA, puis à l’UNDD, ce, avant ma démission. Mais n’étant pas leader de parti, les journalistes que vous êtes, voient naturellement peu d’intérêt, médiatiquement parlant, dans les opinions de ceux qui, comme moi, n’occupaient pas le devant de la scène. Cela est un peu normal et je ne vous en fais pas le procès.

Cela dit, n’étant pas issu du sérail politique, comme on m’en a quelquefois fait grief, je n’ai de contentieux politique personnel avec personne, jusqu’à ma démission de l’UNDD, tout au moins. Venant en outre du secteur privé, la conception que j’avais et que je garde de l’engagement politique se départit fondamentalement de l’opposition à un homme, soustrait d’un système.

L’opposant, que j’ai été dans les deux formations politiques précitées, s’est voulu un responsable politique engagé dans la lutte pour le mieux-être de ses concitoyens, dans l’analyse critique objective de la politique du pouvoir en place et dans celle concomitante des voies et moyens de proposer un projet alternatif, crédible et réalisable, dans un cadre républicain et par la voie des urnes.

Vous comprendrez bien qu’avec une telle vision, on soit loin de se focaliser sur une personne, fût-elle, l’actuel Président du Faso. Et puis, vous savez, en politique (dans la majorité comme dans l’opposition), les rôles sont distribués. Il y a ceux qui communiquent plutôt et ceux qui, dans la discrétion et l’anonymat, travaillent.

Néanmoins, quelle est votre position actuelle sur la possibilité ou non pour Blaise Compaoré de se représenter à la présidentielle après les multiples modifications de l’article 37 de la Constitution ?

• Au stade où nous sommes aujourd’hui rendus, le débat sur la légalité et/ou la légitimité de la probable candidature du Président Blaise Compaoré, est un combat d’arrière-garde. Monsieur Blaise Compaoré, comme l’ont déjà indiqué d’éminents constitutionnalistes, dispose de la légalité pour se présenter en 2005. Reste à ceux qui iront lui disputer le fauteuil présidentiel, à démontrer, par les urnes, qu’il n’en n’avait pas la légitimité.

Quels commentaires faites-vous de l’évolution de la situation en Côte d’Ivoire ?

• La situation de la Côte d’Ivoire est extrêmement complexe par l’imbrication de ses composantes, mais relativement simple à la fois, quant à la problématique de sa solution, deux ans après son éclatement. Complexe parce que la cristallisation de la haine entre les deux parties en conflit a distrait l’opinion nationale de ce pays, des fondements mêmes de la crise (les disparités politiques, économiques et sociales entre le Nord / Dioula et le Sud / Akan et Bété).

Complexe aussi parce que l’importance des intérêts économiques étrangers en place (café/cacao, etc.) et l’extrême sensibilité de l’opinion dans les pays détenteurs de ces mêmes intérêts (questions des droits de l’homme, etc.) inhibent l’action de ces puissances étrangères dans la résolution du conflit. Poser le problème de la sortie de crise au niveau supranational, comme c’est le cas (Linas- Marcoussis, Accra III et Conseil de Sécurité des Nations unies) m’apparaît donc toujours comme la meilleure des solutions possibles.

Dès lors, pour qui connaît la réalité politique de ce pays, sa sociologie et l’implantation électorale des différentes formations politiques en lutte pour la conquête du pouvoir d’Etat (PDCI/RDA, RDR, FPI, PIT, etc.) les atermoiements du régime en place, dans la mise en œuvre réelle des Accords souscrits, soutenu par un mouvement d’autonomie à l’égard de la France, lui-même, né de l’instrumentalisation d’une frange de la population et de la rue, ne peuvent surprendre.

En cela, la résolution du problème apparaît peut-être, sous un jour tout autre. L’évolution assez dramatique de la situation en RCI, peu après ma démission n’a fait que confirmer ce que je redoutais et mis en lumière la réalité de tout ce qui fondait mes inquiétudes par rapport à un soutien affiché et si peu subtil au régime du Président Gbagbo. La rencontre de Libreville a pu apparaître comme un sursis accordé à ce dernier. En aucun cas, elle n’a modifié mon appréciation de la situation.

Celle plus récente d’Abuja, de même que les entretiens multipartites du Président Thabo M’Beki, avec les forces en compétition, n’a fait que mettre à nu et les contradictions de l’U.A. et les faiblesses de la médiation sud-africaine qui, apparemment, peine à tirer tous les enseignements de l’échec des médiations précédentes. Dans de telles conditions, comment voulez-vous que la communauté internationale ne soit pas, à son tour, embarrassée.

On a parfois vu la main du régime burkinabè derrière la rébellion. C’est aussi ce que vous pensez ?

• Le régime, à ma connaissance et jusqu’à preuve du contraire, opinion que j’ai exprimée en son temps, n’est pas impliqué dans la crise ivoirienne. Les causes réelles et profondes du drame qui se joue en RCI, sont strictement contenues dans les limites territoriales de ce pays. En revanche, le régime est hautement concerné par la situation qui prévaut en Côte d’Ivoire. Mais votre question, même si j’y ai répondu, est-elle encore d’actualité ?

Connaissez-vous personnellement le Président Gbagbo ?

• Personnellement, non. Pour avoir vécu quinze ans en Côte d’Ivoire, je ne peux méconnaître le rôle d’opposant historique au Président Félix Houphouët Boigny, qu’on lui reconnaît, ni le soutien dont il a bénéficié des autorités du Burkina Faso à cette époque.

Que faut-il, à votre avis, faire pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix.

• Il faut, si douloureux soit-il, appliquer dans l’esprit, les Accords de Linas- Marcoussis et d’Accra III ; permettre à tous les prétendants de se soumettre à la sanction du peuple, dans un scrutin libre, équitable et transparent, sous supervision de l’UA et de l’ONU, contraindre, enfin, tous les protagonistes, avant les élections, non seulement à accepter le verdict des urnes, mais à s’engager devant leur peuple et toute la communauté internationale à appuyer le Président élu de la nouvelle Côte d’Ivoire, que nous souhaitons sincèrement voir renaître.

C’est, je crois, tout le sens de la lutte menée par les partis membres du G7, dont je salue le combat tenace et clairvoyant, tout autant que les retrouvailles de l’ancien Président Henri Konan Bédié et de l’ex-Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, qui traduisent la renaissance du mouvement houphouëtiste et la consolidation de notre famille politique d’origine, au président de l’UNDD et à moi même. C’est, je le crois aussi, l’exact contraire de ce que prône le régime du Président Laurent Gbagbo.

Pour y avoir vécu, pensez-vous que ce pays puisse redevenir le havre de paix qu’il était ?

• Cela prendra du temps, pour cicatriser tant de blessures. Je souhaite pour les Ivoiriens que la Côte d’Ivoire redevienne ce qu’elle fut, mais sincèrement j’en doute. Néanmoins cela est possible, à la condition que la Côte d’Ivoire soit réunifiée et que les pays de la sous-région sachent renouer avec certains des fondements de la pensée politique du Président Houphouët Boigny, débarrassée certes, d’un certain paternalisme, mais empreinte de cette solidarité et de ce sens du partage que le « Vieux » a su incarner sa vie durant ; alors, tout redeviendra possible pour ce grand et beau pays.

Comme votre frère Hermann, vous aussi vous avez épousé une française, c’est une affaire de famille chez les Yaméogo ?

• Je ne crois pas, même si ça y ressemble. Les circonstances et les aléas politiques vécus par cette famille (éloignement du pays, diabolisation de ses membres, etc.) y sont pour beaucoup. Enfin, pour tout vous dire, mon épouse, bien qu’effectivement de nationalité française est en réalité d’origine italienne. Ce qui, sur bien des points, nous rapproche davantage du Burkina. Cela étant, je pense que nous nous écartons du sujet essentiel de notre entretien.

Au fait, avez-vous la nationalité française ?

• Non.

Depuis que vous êtes installé au Burkina, qui gère vos affaires à Abidjan ?

• Celles-ci ont lentement, mais sûrement périclité, pour les raisons que vous imaginez aisément. Certains de mes associés burkinabé sont, comme moi, rentrés au pays.

Vous ne vivez donc que de vos émoluments de député ?

• Je vis de mes émoluments, de la part qui me revient, des loyers de la succession de feu le Président Maurice Yaméogo et du produit de mes activités de consultant indépendant.

Dans une interview que vous aviez accordée au "Pays" au lendemain de votre démission, vous aviez lâché cette phrase, parlant de votre frère Hermann : « ... Si par extraordinaire il devenait Président du Faso... ». Vous pensez donc que c’est impossible, alors que pour l’UNDD, le fruit du Tékré est mûr ?

• On dit qu’en politique, tout est possible ; y compris donc, l’extraordinaire...

Entretien réalisé par Ousséni Ilboudo
L’Observateur

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