Actualités :: Le Burkina et les rencontres internationales : pour que survive la poule (...)

Sommets France-Afrique, de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et de la Francophonie d’une part et d’autre part la Coupe d’Afrique des nations de football, telles sont les grandes manifestations que le Burkina a abritées ces dix dernières années.

Que lui reste-t-il à organiser mis à part le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) et le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) ? La question est d’autant à propos que le pays, dont le sous-sol n’a pas encore dit qu’il possède des richesses en phase avec les besoins de la population, tire son prestige et bien des moyens de son développement de la tenue des grandes rencontres.

De 1983 à 1987, la Haute-Volta d’abord et le Burkina Faso ensuite a acquis une notoriété indiscutable grâce au choix idéologique et au charisme de ses dirigeants, au premier rang desquels se trouvait le président du Conseil national de la révolution (CNR), chef de l’Etat, le capitaine Thomas Sankara.

Ainsi, à travers le monde (de l’Afrique à l’Europe et de l’Asie à l’Amérique), l’expérience burkinabè en matière de gestion de ressources publiques, de diplomatie et de construction du pays avait les faveurs de la majorité des opinions publiques.

A l’époque, le sésame du Burkina était la rigueur dans la gestion, l’auto-ajustement structurel, l’incitation des agriculteurs à produire toujours plus, etc. De ces actions découlaient des retombées qui permettaient de contribuer à un niveau non négligeable à la construction de la patrie.

Et puis patatra, une crise d’abord larvée puis ouverte au sein du CNR conduisit au carnage du 15 octobre 1987, dont une des victimes était Thomas Sankara, et Blaise Compaoré, dont une partie de l’opinion voit la main derrière ce coup d’Etat, prit la place du défunt chef d’Etat à la tête du Front populaire, nouvelle instance dirigeante du pays.

Bien des personnes ne vendaient pas cher la peau de l’ancien n°2 du CNR, ni au Burkina, ni encore moins à l’étranger, où la très médiatique personnalité de Thomas Sankara avait conquis des foules et des esprits.

Toutefois, l’ouverture du Front populaire à toutes les organisations politiques, la prise de mesures sociales pour décrisper la conjoncture nationale, le cheminement vers l’Etat de droit démocratique et libéral, même si cela s’est opéré, entre autres, grâce à la pression de la rue, la séduction du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et, d’une manière générale, des bailleurs de fonds ont permis au nouveau pouvoir de pousser des racines malgré l’exécution de Boukari Jean-Baptiste Lingani, d’Henri Zongo et d’autres citoyens moins connus de la scène politique.

Seulement, on ne construit pas un pays avec des discours. Et de toutes les façons, ce n’est pas dans ce domaine que Blaise Compaoré excelle le plus. Alors, il réconcilie son pays avec la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët Boigny et la France de Jacques Chirac, deux pays perçus comme les instigateurs de l’assassinat de Thomas Sankara.

Il réussit le tour de force de continuer à être dans les bonnes grâces d’Omar Bongo du Gabon et de Moammar Kaddafi de la Libye, s’entend pendant un moment avec Gnassingbé Eyadéma, renoue avec Israël, préfère la Chine de Taïwan à celle de Pékin et soutient, contrairement à son prédécesseur, la thèse marocaine dans la question sahraouie.

Défier ce qui est perçu comme une fatalité

Malgré les survivances de comportements dignes de l’Etat d’exception révolutionnaire, tels l’assassinat du Pr Oumarou Clément Ouédraogo, les velléités de verrouillage du système par certains caciques, la peur bleue qu’éprouvaient certains dignitaires vis-à-vis de l’exercice effectif des libertés d’opinion, d’expression et de presse, les alliances citées plus haut lui permettent d’arracher une certaine reconnaissance internationale, qui n’était pas gagnée d’avance tant les conditions de son avènement au pouvoir ont choqué plus d’un.

Avec ce crédit retrouvé et conscient du fait que les ressources de son pays sont si maigres qu’elles ne lui permettent pas de réaliser ses ambitions, il cherche et trouve son filon aurifère : les grandes rencontres internationales.

En la matière, le pays avait déjà une expérience certaine grâce au FESPACO et au SIAO. Il restait à affiner le mécanisme et à l’élargir. Ledit filon aurifère comporte deux avantages majeurs : vendre l’image de marque du pays dans un monde où, du fait des moyens de communication modernes, le contenant est aussi (sinon plus) important que le contenu, on peut utiliser ces opportunités pour construire des infrastructures grâce à l’assistance des partenaires (Etats et organisations internationales) et à la mobilisation de ressources humaines, financières et matérielles à l’échelle nationale.

Ces infrastructures survivront aux manifestations, les Burkinabè les utiliseront et elles changeront le visage de leur pays.

Au plan politique et diplomatique, il s’agissait de prouver qu’en dépit des maigres ressources du pays, celui-ci est capable de soulever des montagnes grâce à une chose : la conviction que l’être humain est la première richesse d’une nation, que la rareté des ressources financières ne doit pas inciter à se croiser les bras, mais qu’au contraire elle doit être un défi à relever.

N’est-ce pas là une des raisons qui expliquent le fait que l’espèce humaine n’a pas encore disparu de la surface de la terre ? Nous croyons que si. Dans tous les cas, les richesses matérielles et financières en elles-mêmes n’ont aucune valeur si elles ne sont pas utilisées à bon escient par les hommes et les femmes d’un pays.

Partant de cette conviction, le pays a abrité les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de France et d’Afrique, de l’OUA et des pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) sans oublier la Coupe d’Afrique des nations de football en l’espace de dix ans. Sans fausse modestie, on peut affirmer qu’en Afrique, nous n’avons pas connaissance de pays qui, en l’intervalle de dix ans, a organisé autant de rencontres internationales. Nous passons volontairement sous silence les rencontres ministérielles, les séminaires, les colloques...

A l’évidence, le paysage de Ouagadougou (et sans doute, mais de manière indirecte de celui d’autres villes et villages) a profité de cet état de fait. Une étude en la matière pour faire une sorte de bilan politique, diplomatique, managérial et économique n’aurait pas été inutile.

Des succès à relativiser

Qu’à cela ne tienne, le bilan de la diplomatie burkinabè, dont c’est en réalité Blaise Compaoré le vrai orfèvre, est positif. Tout au moins de notre point de vue. Pour autant nous ne pouvons ou ne devons oublier que :

Les réflexes résiduels de l’Etat d’exception sont encore au moins potentiellement existants dans la tête de plus d’un puissant du jour et également d’un citoyen lambda. Cela est compréhensible, car l’habitude est une seconde nature, mais on ne peut en aucun cas le justifier.

Il importe donc qu’individuellement chacun fasse son examen de conscience et que les mécanismes institutionnels qui permettent de dire le droit soient plus efficaces ;

autant l’organisation de rencontres internationales est l’occasion de bénéficier de mannes financières et d’équipements de la part de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux d’une part et de mobiliser des ressources à l’échelon national d’autre part, autant la gestion desdites ressources laisse parfois à désirer : factures impayées au lendemain des manifestations, accusations de détournement de ceci ou de cela, mauvais traitement de X ou de Y, etc.

De tels problèmes sont susceptibles de jeter le discrédit sur le pays, ses leaders (quels qu’ils soient) et sa population et de tuer ainsi la poule aux œufs d’or ;
le nombre de grandes rencontres que nous pouvons organiser n’est pas illimité. Avec les quatre dont nous parlions tantôt, nous avons vite bouclé la boucle.

A moins de vouloir organiser une deuxième fois l’une de ces rencontres, il ne nous reste que les rencontres ministérielles, les conférences, les séminaires, lesquels sont loin d’avoir la même audience que les chefs d’Etat et de gouvernement.

Au regard de tout cela, le Burkina (le pouvoir, la société civile, le secteur privé, les citoyens) gagnerait à continuer à promouvoir théoriquement et pratiquement l’Etat de droit démocratique et ses adjuvants, à rationnaliser davantage la gestion humaine, financière et matérielle des rencontres et à se spécialiser dans l’expertise en matière d’organisation de manifestations internationales.

Ainsi, même si le pays n’abrite aucune rencontre, son expertise le fera rayonner à partir de cette espèce de software qu’il vendra. Il pourrait alors s’assurer une sorte de reconversion au cas où les grand-messes ne seraient plus à sa portée en attendant qu’un jour son sous-sol daigne bien nous livrer ses secrets dans le sens de lendemains qui chantent.

Z. Kafando
L’Observateur

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