Actualités :: François Compaoré : "La piste de l’Indépendant me semble intéressante"

Sans doute plus qu’avec son frère Blaise, ce n’est pas un exercice facile que d’interviewer François Compaoré. Pour des raisons pratiques d’abord. Comment en effet lui mettre la main dessus alors que le conseiller économique (c’est sa fonction officielle) n’a pas une cellule de presse ou de communication officielle par laquelle passer pour l’atteindre.

Il faut donc trouver d’autres canaux, plus ou moins informels, plus ou moins directs, pour entrer en contact avec lui.

Deuxième difficulté : quand on l’aura saisi, va-t-il accepter se livrer à notre jeu des questions-réponses alors qu’à l’occasion du sixième anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo, les attaques, contre celui qui a toujours été présenté par une frange de l’opinion comme le suspect sérieux des commanditaires, se sont faites plus violentes et plus précises ? "Au contraire, c’est une raison supplémentaire pour qu’il parle enfin" , lance quelqu’un à un bout de la rédaction. "Ça ne nous coûte rien d’essayer" , avise un autre.

Nous voici donc entreprenant les démarches en cette seconde quinzaine du mois de décembre 2004 pour arracher un entretien avec celui qu’on sait discret, presque effacé, vivant à l’ombre tutélaire de son aîné. Sans doute son passage chez les Frères de la Sainte-Famille où il était à deux doigts de porter la soutane y est-il pour quelque chose. Et François, après que nous eûmes attendu un moment un signal quelconque, donna finalement à notre intermédiaire qui nous le transmit aussitôt son accord de principe.

Non sans chercher à savoir de quoi il sera question au cours de l’interview ; et même s’il n’avait pas besoin d’être grand clerc pour savoir que l’essentiel tournerait autour de l’Affaire des affaires. Mais doit-on seulement donner la possibilité à ce presque sosie de Blaise, même dans la diction (la taille toutefois en moins), de s’exprimer quand la religion de nombre de nos concitoyens, quoi qu’il puisse dire, et quoi qu’on puisse lui poser comme questions, a été faite dès la commission du forfait de Sapouy ?

Il nous revient en effet cet autre entretien qu’il nous avait accordé en 1998 (1), au plus fort de l’Affaire David Ouédraogo. Que n’avions-nous pas entendu alors de la bouche même parfois des champions toutes catégories de la démocratie et de la liberté d’expression et d’opinion ? "L’Observateur aussi ! Quelle idée vous avez d’interviewer François alors même que tout le monde sait à l’avance ce qu’il va dire ?". On l’aura compris, dans ce manichéisme forcené qui a cours au pays des hommes intègres, il y a ceux dont le sport favori est de parler et d’écrire, quitte à faire dans la théorie de l’occupation permanente des esprits, et il y a les autres qui n’ont pas droit à la parole.

Nous savions donc ce que nous encourions en prenant cette initiative, surtout que les esprits chagrins et les spécialistes de l’art journalistique trouveront toujours à redire du genre "vous auriez dû poser telle ou telle question". "Oui, nous aurions dû poser telle ou telle question si un entretien ou quelque article de presse a jamais été complet ou irréprochable et si, après coup, le journaliste, quel qu’il soit, n’avait pas toujours le détestable sentiment d’avoir omis quelque chose".

Oui, "nous aurions dû..." mais en attendant, voici "ce que nous avons pu " faire en cette matinée de janvier au Conseil de l’Entente où François Compaoré a ses quartiers. "J’ai un autre bureau à la Présidence mais c’est plus calme ici" dit-il. Le bureau, au premier, est très sobre, presque dépouillé. Un ordinateur et son attirail, deux ou trois tableaux en batik, quelques sculptures en bronze dans une armoire étonnamment vide, et bien sûr, l’inévitable portrait officiel de son président de frangin.

Sauf erreur ou omission, c’est la première fois, depuis l’autodafé de Sapouy un certain 13 décembre 1998, que celui à qui on donnerait le bon Dieu sans confession... se confie à un organe de la presse nationale. La première et seule fois qu’il était sorti de son silence au sujet de l’assassinat du directeur de publication de l’Indépendant, c’était dans l’Autre Afrique de notre confrère Jean-Baptiste Placca. Rien que pour cela, cet " entretien d’Etat" comme l’un d’entre nous l’a appelé vaut son pesant de mots.

Comment d’habitude François Compaoré passe-t-il ses fêtes de fin d’année ? En famille ou avec des amis ?

• Les deux à la fois ! La famille et l’amitié représentent pour moi des valeurs fondamentales.

Ce 31 décembre 2004, qu’avez-vous fait exactement ?

• Je suis resté d’abord en famille avant de faire un tour chez des amis.

Vous êtes plutôt discret, presque effacé. Peut-on pour autant vous donner le bon Dieu sans confession ?

• Je suis un homme de foi et j’ai toujours senti la main de Dieu avec moi. Vous savez, j’ai toujours été discret et c’est tant mieux ainsi, au regard de ma position particulière et des missions qui me sont assignées. Ceux qui me connaissent depuis l’enfance pourront témoigner que je n’ai jamais été ni excessif ni exubérant.

On imagine que ça ne doit pas être facile d’être le frère du président.

• Oh que non ! En tout cas pour ce qui me concerne cela requiert beaucoup de responsabilités et de sacrifices. Je suis souvent la cible d’attaques violentes et injustes dans le but recherché d’atteindre mon frère et de déstabiliser le régime.

Au fait, quels genres de missions vous confie-t-il ? Celles sociales ou celles plutôt occultes à l’intérieur comme à l’extérieur ?

• Je ne suis pas adepte de l’occultisme et je n’ai pas non plus de missions jugées inavouables. Je suis agroéconomiste de formation et Conseiller économique du Président du Faso ; à ce titre j’ai des responsabilités officielles que j’assume. Mais il est vrai que j’exerce parfois aussi des missions sociales et de relations publiques.

Comme quoi ?

• Comme recevoir des amis de mon frère suivant ses instructions ou entretenir certaines de ses relations que son temps ne lui permet pas de faire.

S’il est une affaire qui a fait trembler la République, c’est bien celle dite Norbert Zongo. Six ans après le drame de Sapouy, les commanditaires et les exécutants de cette affaire courent toujours. C’est un peu long non ?

• La justice en est saisie et l’espoir demeure donc que la vérité éclate. Je suis de ceux qui ont le plus intérêt à la manifestation rapide de la vérité des faits.

Est-ce une affaire qui vous a coupé ou qui vous coupe toujours le sommeil ?

• J’ai été bouleversé et choqué car il s’agit de la mort d’un homme, un crime odieux que des personnes, à travers une certaine presse, s’évertuent avec un acharnement très calculé à me coller sur le dos ! N’importe quel être humain à ma place serait offusqué surtout s’il sait qu’il est parfaitement innocent.

Il faut reconnaître que toutes les apparences vous accusent.

• Ah oui ! Pouvez-vous me citer ces apparences qui m’accusent selon vous ?

Celles dont tout le monde parle et que la CEI a relevées, à savoir qu’il y a une relation de cause à effet entre l’affaire David Ouédraogo et l’assassinat de Norbert.

• C’est çà vos apparences qui m’accusent ? La CEI ne m’a pourtant pas mis en cause en dehors des extrapolations que vous faites ! Vos apparences devraient être mieux fondées que sur des supputations et des extrapolations qui n’ont rien d’apparent, mais qui sont subjectivement puisées dans des rumeurs calculées.

Quel était votre programme le 13 décembre 1998 puisqu’on dit que vous vouliez vous assurer que le boulot serait fait avant de voyager ?

• Tiens, tiens ! En tout cas je n’avais confié aucun "boulot" de ce genre à qui que ce soit ce jour là ! Quant à mon programme, la CEI m’avait largement interpellé sur cette question avec toutes les vérifications nécessaires.

Le 13 décembre 1998 dans la matinée, si j’ai bonne mémoire, j’ai participé à un meeting de remerciements des électeurs au Centre populaire des loisirs de Ziniaré, auquel a pris part le secrétaire général du CDP à l’époque, monsieur Simon Compaoré. L’après-midi j’ai dû quitter Ziniaré pour rejoindre Ouagadougou afin de participer à un autre meeting au secteur 8 où je me souviens même avoir pris la parole.

Après ce meeting, j’étais contraint de rentrer chez moi puisque je prenais l’avion ce même soir pour participer à la journée du Burkina organisée à Paris le 15 décembre 1998 et qui était programmée depuis fort longtemps.

Je n’ai été informé de la mort de Norbert Zongo que le 15 décembre 1998 ! Tous ces faits ont été minutieusement vérifiés par la Commission d’Enquête Indépendante et vous constaterez que j’avais ce jour-là le programme d’un citoyen et d’un militant préoccupé avant tout de remercier les populations suite au bon déroulement de l’élection présidentielle qui venait d’avoir lieu à la mi-novembre.

Au plus fort de la crise, n’avez -vous pas eu peur pour la survie du régime ?

• Au regard des manifestations qui s’en sont suivies on peut dire que le régime a été ébranlé, il faut le reconnaître ! Certains ont voulu récupérer et instrumentaliser l’opinion publique mais heureusement ils se sont heurtés à la clairvoyance de notre peuple et à la lucidité des sages du pays.

Aviez-vous des raisons d’avoir peur pour votre vie ?

• Non, puisque j’étais convaincu de mon innocence ! Peut-être que certains en voulaient à ma vie au point de me diaboliser dans les médias, mais personnellement, je n’avais aucune raison d’avoir peur. La preuve, c’est que je suis resté au pays.

Connaissiez-vous personnellement Norbert ?

• Je ne le connaissais pas personnellement et je n’entretenais aucune relation avec lui.

A l’occasion du 6ème anniversaire de l’affaire Norbert Zongo, Reporters sans Frontières a décrit votre frère comme le protecteur et vous le protégé. Qu’en dites-vous ?

• Le caractère subjectif de l’affiche publiée par Reporters sans frontières est patent, au regard des faits. Vous savez bien que Robert Ménard, le secrétaire général de cette organisation, a pris une part active aux travaux de la Commission d’Enquête Indépendante où il ne s’est pas privé de me questionner sur tout.

Je rappelle pour vos lecteurs que suite à cet horrible assassinat, une Commission d’Enquête Indépendante avait été mise en place, présidée par un éminent représentant de la société civile, le Magistrat Kassoum Kambou alors Secrétaire aux relations extérieures du MBDHP, commission dont faisait partie entre autres vos confrères Sy Chérif et Pierre Dabiré.

Cette Commission a bénéficié de moyens conséquents sans qu’on ne puisse la suspecter d’allégeance au pouvoir ; son autorité et son crédit n’ont jamais été remis en cause.

Après avoir auditionné 204 personnes, selon son rapport rendu public, les conclusions de la CEI ne mettent nulle part en cause ma personne ! L’attitude de Robert Ménard ne relève donc, ni plus ni moins, que d’une animosité personnelle à mon égard qui a pour but de salir les plus hautes autorités du pays et sa justice. C’est dommage pour l’image de RSF.

Tout de même, la CEI, en plus d’établir le lien entre les dossiers David et Norbert, a désigné 6 suspects sérieux, tous du RSP dont certains étaient déjà impliqués dans l’affaire David.

• Si l’on vous suit, il n’y aurait plus qu’à inculper sans autre forme de procès dans l’affaire Norbert, ceux qui ont été déclarés suspects ou coupables dans l’affaire David Ouédraogo ! Un suspect, fût-il sérieux, n’est pas encore un coupable ; il jouit de la présomption d’innocence et peut être innocent. Pour preuve certains des suspects désignés par la CEI dans l’affaire David Ouédraogo ont été blanchis lors du procès par la vérité des faits. C’est la preuve qu’ils avaient été injustement qualifiés de suspects.

Pouvez-vous nous rappeler votre rôle dans la triste affaire David Ouédraogo ?

• Le procès de cette affaire a été largement public et tous les détails sont connus de l’opinion publique. Je suis un citoyen épris de paix et de justice et je ne souhaiterais pas donner des justificatifs à même d’éveiller des rancoeurs ou faire des commentaires sur des décisions de justices devenues définitives ; vous savez vous-même que ce n’est pas normal.

Alors comment voulez-vous que les apparences qui lient les deux évènements puissent être clarifiées ?

• (Silence)... Bon, c’est vous qui insistez ! Je pense que ce sera pour moi la dernière fois de revenir sur cette affaire. David Ouédraogo était mon chauffeur et j’avais beaucoup d’estime pour lui, au point de le traiter comme un membre de ma famille.

Suite à un vol commis à notre domicile, lui et d’autres membres du personnel domestique ont été interpellés et interrogés par la sécurité. Il faut aussi rappeler qu’à l’époque des faits, des questions relatives à la sécurité de l’Etat se sont superposées au problème de vol.

Malheureusement, David Ouédraogo est mort en détention. Mon épouse avait simplement porté plainte du fait de vol commis à notre domicile, et le cas malheureux du décès de David s’est produit suite aux investigations consécutives. D’ailleurs on avait tellement confiance en David que la plainte contre le vol ne le visait pas au départ ; ce sont ses collègues domestiques qui l’ont dénoncé au cours de la procédure.

Le tort a quand même consisté à le confier aux éléments du RSP plutôt qu’à la gendarmerie ou à la police.

• Vous savez, on ne va pas refaire ce procès qui contient tous ces détails. Lorsqu’on habite un endroit sécurisé comme c’est mon cas, le premier réflexe en cas d’incident, est d’en informer les responsables de cette sécurité, ce que j’ai fait ! Retenez néanmoins, comme je vous l’avais déjà déclaré dans une autre interview en 1998 (1), que la gendarmerie a été saisie de la plainte pour fait de vol à mon domicile.

N’avez -vous pas été quelque peu ébranlé par cette affaire ?

• Beaucoup ! Car non seulement j’avais perdu un être pour qui j’avais beaucoup d’estime et d’affection, mais en plus on m’accusait de l’avoir livré intentionnellement à la mort alors que, comme je vous l’ai déjà dis, la plainte ne l’avait pas personnellement visée au départ et sa mise en cause a résulté de l’enquête diligentée à cet effet.

Les ponts sont-ils définitivement coupés entre vous et sa famille ou gardez-vous toujours les mêmes relations ?

• Je continue d’entretenir de bons rapports sa famille.

Le procès de l’affaire David Ouédraogo a été un moment fort dans notre pays. Comment l’avez-vous vécu ?

• Avec la sérénité de l’innocent, mais aussi de la tristesse. La sérénité parce qu’il m’était enfin donné l’occasion de manifester mon innocence. La tristesse, d’abord à cause de la mort d’un de mes employés, et ensuite pour toutes les accusations gratuites et calomnieuses dont ma famille et moi faisions injustement l’objet.

Avez-vous pu vous expliquer comme vous le souhaitiez ?

• Oui. Le procès était public et malgré le conditionnement d’une partie de l’opinion par les adversaires politiques du régime, les débats sont restés sereins et le procès équitable. D’ailleurs à l’issue du procès, certaines personnes qui étaient auparavant manipulées, et après avoir été bien éclairées, m’ont témoigné leur amitié et soutien.

Aviez-vous des raisons de craindre l’issue du procès ?

• Très honnêtement je n’avais aucune crainte puisque j’étais persuadé de mon innocence.

Quelle a été votre impression d’ensemble sur ce procès ?

• La vérité a triomphé ! Certains ont voulu manipuler la justice et les juges en me présentant comme le coupable désigné, mais la manoeuvre n’a pas marché et j’en suis très heureux. Souvenez-vous de l’entretien que j’avais accordé en 1998 à votre journal, bien avant la mort de Norbert Zongo, et dont je parlais tantôt. J’avais clairement affirmé que je m’en remettais à la justice de mon pays. C’est dire que j’attendais ce procès avec sérénité.

J’avais également clairement affirmé que j’acceptais l’expression de la différence d’autrui et que j’adhérais fermement à la liberté de la presse et fustigeais par conséquent toutes les pratiques néfastes à la démocratie. Ce procès me donnait parfaitement raison et comme tout bon citoyen, je me suis soumis comme il se devait à toutes les contraintes de la procédure.

Revenons au dossier Norbert Zongo. Le journal l’Indépendant, dans son édition spéciale du 13 décembre dernier, vous a présenté comme l’instigateur d’une tentative d’empoisonnement dont Norbert Zongo aurait été victime à Kaya ; citant au passage l’apport de feu Edmond Koama et certains spécialistes en sciences occultes dans le Boulkiemdé. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

• On m’a parlé de cet article. A l’époque des faits je n’avais pas de rapports particuliers avec Koama Edmond.

Par ailleurs n’étant pas versé dans les sciences occultes, je ne saurais en faire une source d’inspiration ou de preuve pour la justice moderne ! Mais la piste invoquée par l’Indépendant me semble intéressante.

D’ailleurs je me rappelle qu’après ce drame de Sapouy l’un de vos confrères, l’Opinion, avait évoqué cette tentative d’empoisonnement comme une des pistes possibles pouvant conduire à la manifestation de la vérité.

Ce journal précisait même, citant Norbert Zongo, que le repas incriminé était pris dans un cercle "d’amis sûrs" de celui-ci. Mais à ma connaissance le journal l’Opinion n’avait pas été suivi dans ce sens ni par la CEI, ni par une quelconque structure de la société civile.

Certains avaient même considéré qu’il s’agissait d’un simple incident que le pouvoir invoque pour brouiller les pistes. En réalité cette piste ne les arrangeait pas, car les auteurs de la tentative d’empoisonnement, si elle est vérifiée, seraient à rechercher ailleurs que dans mon milieu, car Norbert Zongo qui était, semble-t-il, prudent et méfiant n’aurait accepté ce repas entre amis que sur insistance de certaines personnes en qui il faisait certainement confiance.

Toujours selon notre confrère, c’est l’échec de l’empoisonnement qui a commandé la méthode utilisée le 13 décembre 1998 à Sapouy.

• Si c’est cela, le dossier Norbert Zongo peut avancer rapidement et je pense que c’est effectivement une hypothèse qui pourrait être explorée comme le suggère l’Indépendant. Sur ce point je suis d’accord avec ce journal ! Mais il faut se situer dans le contexte de l’époque.

En effet, le problème de la tentative d’empoisonnement est intervenu juste avant l’élection présidentielle qui était boycottée par une partie de l’opposition. Si l’empoisonnement avait abouti à la mort de Norbert Zongo, comme l’espéraient ses fameux « amis sûrs », des troubles consécutifs auraient peut-être conduit au report de l’élection !

Dieu merci l’élection a pu se dérouler sans incident majeur ! Mais pour salir le mandat du Président du Faso, il n’est pas exclu que les mêmes auteurs de l’empoisonnement aient remis en œuvre, avec succès cette fois, leurs sombres desseins sur la route de Sapouy ! Vous savez, en matière criminelle, il y a une question qui doit être toujours posée : à qui profite le crime ?

Il est évident que ce crime abominable est devenu une mine d’or politique, voire financière, pour bien de gens par l’instrumentalisation de la soif légitime de vérité de notre peuple. Et souvenez-vous que les écrits de l’Indépendant à l’époque n’épargnaient personne ; les pistes peuvent donc être nombreuses.

Vous êtes en train de dire que le coup du 13 décembre a pu être fait par les propres amis de Norbert ?

• Vous savez, je m’interroge sur toutes les pistes ainsi que votre question m’en donne l’occasion. C’est Norbert qui, a semble-t-il, dit avoir pris le repas incriminé en compagnie d’amis sûrs pour lui. Alors s’il y a eu tentative d’empoisonnement au cours du même repas, vous voyez bien qu’il serait illogique d’exempter ce cercle de toute vérification. Je n’affirme rien, je m’interroge.

Plus loin dans la même livraison, l’Indépendant dit qu’en récompense pour service rendu, vous avez offert une voiture neuve à l’adjudant Marcel Kafando, le seul inculpé à ce jour dans cette affaire. Vrai ou faux ?

• Faux ! Je ne lui ai jamais acheté même une mobylette à plus forte raison une voiture neuve.

Vous arrive-t-il de lui rendre visite ou l’avez-vous complètement abandonné à son triste sort ?

• Humainement, je ne peux l’abandonner ! S’il n’y avait pas eu ce problème de vol à mon domicile, peut-être qu’il n’en serait pas là. Je suis allé lui rendre une visite lorsqu’il était à la MACO puis lorsque j’ai appris qu’il était gravement malade, mais toujours après avoir accompli toutes les formalités légales et sur autorisation du juge.

Depuis l’affaire Norbert Zongo, vous et le sergent Babou Naon vous regardez en chien de faïence. Quelle serait la pomme de discorde ?

• Même quand il était en activité au conseil, je n’avais pas de rapport particulier avec lui. Il n’a jamais été un problème pour moi.

Lors du procès de la tentative de putsch courant avril, il a pourtant déclaré que vous n’étiez pas étranger à l’assassinat de Norbert. Vous allez nous dire comme certains que c’est une ligne de défense pour quelqu’un qui était dans le pétrin ?

• Dans cette douloureuse affaire j’accueille personnellement avec enthousiasme tout ce qui peut éclairer l’opinion nationale et le juge d’instruction, et contribuer à la manifestation de la vérité.

Mais je suis surpris que ce monsieur laisse passer tout ce temps alors qu’il aurait pu témoigner utilement devant la CEI qui, à l’époque, avait mis en œuvre des mécanismes permettant de sauvegarder l’anonymat des témoins. Par ailleurs cela fait longtemps que le juge d’instruction est à la recherche d’informations pertinentes lui permettant de boucler son dossier.

Pourquoi attend-il d’être impliqué dans une tentative de putsch et en passe d’être jugé pour prétendre faire des révélations ? Ces interrogations font douter de l’objectivité de ses propos qui s’inscrivent tout simplement dans une stratégie de défense. Vraiment pour moi, Naon n’est pas un problème. Il peut aller voir le juge d’instruction s’il a des révélations à faire.

Il est quand même venu s’ouvrir à vous après le 13 décembre et vous l’avez houspillé.

• Je vous dis que toutes ses déclarations sont liées à sa stratégie de défense ! Je ne me rappelle pas avoir eu un quelconque entretien avec lui, ni avant ni après le 13 décembre 1998.

On dit aussi que de retour du Soudan, votre frère s’est emmuré à Ziniaré, refusant obstinément de vous recevoir plusieurs jours durant. Il ne vous a jamais soupçonné ?

• Jamais ! Vous savez, c’est lui qui me connaît le plus. Il sait que je ne suis pas capable d’un tel acte et sans son soutien et son affection je n’aurais jamais pu tenir face à un tel déchaînement de haine. Rappelez-vous qu’à l’époque des faits, nous étions en pleine préparation d’une réunion de l’OUA et le Président du Faso devait accueillir, les 17 et 18 décembre 1998 des hôtes de marque dont certains ont même participé à la cérémonie d’investiture le 21 décembre.

Et souvenez-vous que moi j’ai quitté Ouaga pour Paris le 13 décembre alors que le Président du Faso revenait du Soudan le 14 décembre. Je suis revenu quant à moi le 18 décembre en plein mini sommet extraordinaire de l’OUA. Pensez-vous sincèrement qu’il pouvait s’emmurer à Ziniaré pendant cette période-là comme vous le dites ?

Il semble qu’un ami de la famille Compaoré, en l’occurrence le lieutenant Casimir Kaboré, est mort à cause de cette affaire. Qu’en savez-vous ?

• Je suis vraiment peiné par ces allégations qui vont jusqu’au bout de l’horreur. Il faut savoir que les deux familles se connaissent et se fréquentent depuis 1964 donc bien longtemps avant qu’on sache que mon frère occuperait ses responsabilités actuelles.

Pourquoi s’acharner sur nous au point de fouler aux pieds des valeurs sacrées comme le respect dû aux morts et à la douleur de leurs familles et amis ? D’ailleurs la famille de Casimir a produit une mise au point à laquelle je voudrais m’en tenir.

Votre belle-mère, Alizèt Gando, est aussi souvent épinglée dans cette triste affaire ; c’est à croire que c’est un complot familial.

• En réalité, on a tenté à tort de salir de nombreux autres opérateurs économiques présentés comme des proches du régime. Entendue à l’époque par la CEI, ma belle-mère n’a pas été mise en cause, ni aucun autre membre de ma famille d’ailleurs !

Elle n’aurait pas pu faire cela sans que vous ne fussiez au courant ?

• Elle est incapable d’un tel acte !

Au fait, comment votre épouse vit-elle ces accusations itératives ?

• Elle a été très affectée au début, mais maintenant elle supporte mieux la tension liée à ce tissu de mensonges savamment distillés pour des besoins de luttes politiciennes.

Vos enfants savent-ils qu’on vous accuse de choses très graves ? Si oui, comment réagissent-ils ?

• Vous savez, les enfants jugent leurs parents par rapport à leur comportement réel et non par rapport aux ragots colportés sur leur compte. Mes enfants, quoique mineurs, connaissent la situation, parce que nous en avons parlé en famille.

A l’école ne sont-ils pas quelquefois pris à partie par leurs camarades comme cela peut arriver chez les enfants ?

• Dieu merci, non !

Malgré tout ce qu’on dit de votre implication dans l’affaire Norbert Zongo, vous restez muet comme une...tombe. Pourquoi ne jugez-vous pas nécessaire de répondre si vous n’avez vraiment rien à vous reprocher ?

• Je ne peux pas passer mon temps à répondre à toutes ces attaques grossières et politiciennes ! Le but du jeu est aussi de me divertir et d’installer une polémique stérile afin de me détourner de mes missions essentielles et il ne faut pas tomber dans le piège.

En outre des animateurs d’une certaine presse, ainsi que certains milieux politiques, font de cette affaire un fonds de commerce en associant outrageusement mon nom à la mort de Norbert Zongo comme argument de vente ou de marketing politique !

C’est tant mieux pour eux, mais malheureux pour la mémoire de Norbert Zongo. Vous remarquerez aussi que ces attaques ont repris de plus belle parce que nous sommes de nouveau en année électorale et je m’attends à ce qu’elles soient encore plus virulentes. Je déplore simplement que l’opinion publique soit continuellement grugée par ces pêcheurs en eaux troubles.

Le juge d’instruction vous a-t-il entendu après la livraison spéciale de l’Indépendant vous mettant fortement en cause ?

• Non ! Le devrait-il systématiquement pour toutes les allégations de la presse ? De mon point de vue, cette fameuse livraison n’apporte aucune information nouvelle ; il s’agit des mêmes attaques et accusations gratuites, des allégations mensongères et des extrapolations faciles concoctées pour lancer une vaste campagne de dénigrement dans la perspective de l’élection présidentielle.

Mais une fois de plus, cette campagne politicienne est vouée à l’échec. Si l’Indépendant veut vraiment faire avancer la justice, qu’il demande à ses sources de bien vouloir se présenter dans le bureau du juge d’instruction pour faire leur déposition conformément aux règles de procédure en vigueur.

Pensez-vous qu’un jour on saura de façon indubitable qui a dit à qui de boucaner Norbert ?

• J’ai le plus grand intérêt au triomphe de la vérité !

A l’issue des législatives 2002, le CDP a obtenu 54 élus/111. Pensez-vous que cela ait influencé positivement les débats à l’Assemblée  ?

• Oui je crois. De ma position de citoyen je constate qu’il y a plus de pluralisme, donc plus de débats et d’idées. Tout ceci contribue à la consolidation de la démocratie. D’ailleurs, lors de la clôture de la dernière session parlementaire, nous avons pu avoir une illustration éloquente de ce nouveau climat qui règne à l’Assemblée nationale.

A quoi faites-vous allusion ?

• Au débat républicain qui est riche, vivace et librement contradictoire avec un sens élevé des responsabilités.

Une trop grande longévité au pouvoir est souvent source de tous les dangers, surtout sous nos tropiques. C’est également votre avis ?

• De mon point de vue l’essentiel n’est pas dans la longévité mais dans le respect des choix du peuple,les réalisations faitespourson épanouissement, la paix sociale bien entretenue, l’espoir d’une vie meilleure, bref, le travail qui est fait sur le terrain par les dirigeants. Il y a des pouvoirs qui ont été relativement brefs mais particulièrement désastreux pour leurs peuples, tout comme il y a des dirigeants qui, après leur mandat ou leur disparition, sont aujourd’hui regrettés par leurs peuples malgré une certaine durée au pouvoir ! Sur cette question évitons donc la langue de bois.

Comment entrevoyez-vous l’après Blaise aussi bien pour lui que pour vous et votre famille ? Pensez-vous pouvoir vivre une vie paisible au Faso après avoir quitté les affaires ?

• Bien sûr ! J’espère que la construction de l’Etat de droit que le Président du Faso a courageusement engagée sera irréversible afin de toujours assurer à tous les citoyens une vie paisible au Faso. La consolidation de l’Etat de droit ou simplement son maintien ne pourra aboutir qu’à garantir à tous les citoyens burkinabé sans distinction, de vivre en paix chez eux quel que soit celui qui dirige le pays. Je n’ai aucune raison de penser qu’il en sera autrement.

Certaines langues disent que vous êtes le parrain d’un nouveau parti de la mouvance présidentielle (le RDM) avec monsieur Eugène Diendéré. Qu’en est-il exactement ?

• J’ai aussi entendu cette rumeur de plusieurs sources, et il semble même qu’une radio locale en a fait échos. Je démens catégoriquement cette information, pour n’avoir jamais été associé à une pareille initiative. D’ailleurs, la liberté de création de parti au Burkina est bien instaurée au point qu’on a pas besoin d’une tierce personne pour en créer. En plus, en tant que militant actif et membre du bureau politique du CDP, je ne vois pas quel intérêt aurais-je à susciter la création d’autres partis. C’est complètement absurde et faux !

Pour beaucoup de gens, c’était une provocation d’ériger votre bunker en face de l’U.O. au moment où les étudiants tirent le diable par la queue. Y avez-vous pensé ?

• Voyez-vous, c’est ce genre d’amalgame qui entretient quelquefois des confusions dommageables auprès de la jeunesse. La situation sociale difficile des étudiants est une question récurrente posée et à résoudre à travers un programme national, et j’y ai moi même aussi été confronté à une certaine époque en tant qu’étudiant non boursier. Et puis en quoi est-ce qu’en construisant une maison, en face de l’U.O ou ailleurs, un individu pourrait y être pour quelque chose ?

L’érection de cette résidence est quand même l’une des preuves matérielles qui montrent qu’il y a l’argent dans le pays alors que les conditions de vie et d’études des étudiants se détériorent chaque jour.

• Je ne comprends vraiment pas votre logique ! Si vous vous promenez dans certains quartiers de Ouaga, vous vous rendrez vite compte que cette maison est bien dépassée ! Et puis ne faites pas croire qu’une seule maison constitue une preuve que la richesse du pays est telle que tous les problèmes sociaux peuvent être désormais solutionnés ! Je répète que le problème social auquel sont confrontés les étudiants ne date pas de la construction de ma maison. Ce problème social est posé de longue date et c’est un constat qu’on peut faire dans plusieurs autres pays.

Est-ce normal qu’il y ait pratiquement un détachement militaire devant chez vous simplement parce que vous être le frère du Président ?

• Les questions de sécurité ne sont pas de mon ressort et je fais confiance aux responsables qui prennent les mesures appropriées. Je suis sûr que l’opinion publique peut comprendre que dans un certain contexte et à certains moments, on ait des besoins de sécurité particuliers. Au début il n’y avait pas ce détachement comme vous dites.

Quel est votre passe-temps favori ?

• En tant qu’ingénieur agroéconomiste, je regrette énormément de ne pas avoir beaucoup de temps pour m’occuper de ma ferme, surtout les week-ends.

Pouvez-vous justement nous parler de cette ferme (localisation, superficie, conditions d’acquisition, prix, ce qu’on y trouve, le nombre de personnes qui y travaillent, etc.).

• Pour la localisation permettez-moi d’être discret. Il s’agit tout simplement d’une petite ferme d’élevage d’une vingtaine de vaches laitières que j’anime avec quelques six villageois dans le cadre d’une coopérative de producteurs de lait. Pour les conditions d’acquisition j’en ai fait la demande auprès des propriétaires ; et après qu’ils eurent accepté de me céder le terrain j’en ai effectué le bornage suivant les procédures domaniales qui en déterminent le coût. Je crois que c’est la procédure pour tous les citoyens qui désirent ce genre de terrain. Je compte à l’avenir y associer d’autres activités.

François Compaoré a-t-il une vie d’homme normal, de simple citoyen ?

• J’essaie d’avoir une vie normale à l’instar de tous les citoyens, une vie que je partage entre ma famille, mes amis et mon boulot. Il est vrai que par moment j’ai l’impression d’être traité comme un citoyen que l’on voudrait priver de certains droits, y compris les plus fondamentaux comme la présomption d’innocence, le respect de la vie privée, le droit à un procès équitable, etc.

Y a-t-il, pour conclure cet entretien, quelque chose qui vous soit resté sur le cœur et que vous souhaiteriez ajouter ?

• Je voudrais rassurer vos lecteurs et toutes les personnes de bonne foi, soucieuses de vérité et de justice. Dans cette affaire Norbert, je suis innocent et je reste serein.

Ma position particulière ne m’autorise pas à engager des polémiques stériles et sans issue avec des individus dont la seule préoccupation est de salir le régime et même le pays. Ces attaques qui reprennent de plus belle à la veille des élections présidentielles sont appelées à s’intensifier.

J’invite donc vos lecteurs au discernement, afin de permettre à la justice de retrouver et punir les vrais coupables que l’on tente de camoufler sous un rideau de mensonges et de diffamation. Je pense particulièrement à la jeunesse intellectuelle de la tranche d’âge de moins de 20 à 22 ans qui, à l’époque des faits en1998, avait moins de 14 et 16 ans.

D’aucuns voudraient aujourd’hui servir à cette jeunesse des versions tendancieuses à des fins de manipulation. J’invite donc ces jeunes à se référer au contexte sociopolitique préélectoral et à conserver leur indépendance de jugement pour pouvoir éclairer leur soif de vérité. Je profite de l’occasion qui m’est offerte en ce début d’année pour présenter mes meilleurs vœux à toute l’équipe de l’Observateur Paalga, de même qu’à vos confrères des autres organes de presse, sans oublier vos fidèles lecteurs. Je vous remercie.

Entretien réalisé par Edmond Nana Boureima Diallo Ousséni Ilboudo
L’Observateur Paalga

(1) Cf. L’Observateur Dimanche n°120 du 3 au 9 avril 1998

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