Actualités :: Présidentielle 2005 : les principaux adversaires de l’opposition

Pour ces élections, auxquelles pour la première fois, il y aura la participation de l’opposition significative, il y a des questionnements autour des embûches auxquelles l’opposition a à faire face dans sa quête pour l’alternance. Le premier obstacle évidemment, c’est l’éventuelle candidature du président sortant.

Le deuxième, c’est le parti pris de certains médias. Le troisième obstacle c’est l’environnement politique, juridique, social, tenu dans des liens de dépendance faits de pressions, de corruption et de chantages multiples. La quatrième embûche, mondialisation oblige, ce sont les appuis accordés au régime en place par des milieux diplomatiques, par des pays consciemment ou inconsciemment intéressés à son maintien. Le cinquième obstacle, c’est paradoxalement l’opposition elle-même.

Passons en revue tous ces obstacles qui laissent croire que l’opposition a à affronter un parcours du combattant tel qu’elle ferait mieux de jeter l’éponge, mais qui pourtant, dispose d’atouts majeurs dans le jeu qui s’engage.

Candidature anticonstitutionnelle de Blaise Compaoré

Le " R 16 " devenu " ALTERNANCE 2005 " a crié à la forfaiture. Beaucoup de représentants de la société civile en ont fait de même. Un courant vigoureux s’est dressé pour considérer que Blaise Compaoré violerait la Constitution et les lois de la République en forçant le consensus constitutionnel fondateur de la IVème République pour se présenter à un troisième mandat. Mais le pouvoir a mis les grands moyens en actionnant de multiples leviers diplomatiques, économiques, médiatiques, en enrôlant des leaders d’opinion, des milieux divers (religieux, coutumiers, patronaux..) pour conditionner l’opinion et l’amener à adhérer à l’idée de cette candidature.

Sur ce plan, la bataille, bien que difficile en raison de la disproportion des moyens, est loin d’être gagnée d’autant qu’au-delà de tous ces moyens de pression colossaux, il y a des motifs qui valent au peuple de ne pas se satisfaire d’une persistance de Blaise Compaoré à vouloir envers et contre tout, briguer une troisième candidature : le bilan économique et social est désastreux.

Les rapports annuels du PNUD sont une source non polémique qui l’étayent suffisamment. L’écart scandaleux de niveau de vie entre les gouvernants et les gouvernés montre aux citoyens, sans besoin de campagne, pourquoi la politique de redistribution est le cadet des soucis de l’équipe au pouvoir.

L’insécurité, qui n’a pu se cancériser à ce point que parce que le pouvoir de Blaise Compaoré y a contribué à travers son commerce avec les rebelles et ses multiples ingérences, suffit à elle seule à dénier à ce pouvoir l’intention d’inscrire encore Blaise Compaoré à la course.

La question donc de cette candidature réserve encore des surprises car si la baisse de contradiction qu’on constate à ce niveau de l’opposition est réelle, elle pourrait être beaucoup plus le fait d’une stratégie que d’un désistement.
Venons-en maintenant à l’obstacle que constituent certains médias.

Les médias

A quelques rares exceptions près, ils en ont déjà terminé avec les élections. Leur alignement à la politique du pouvoir, selon une distribution correcte des rôles, est un fait caractéristique du monde médiatique burkinabé. Le profane peut s’y méprendre face à la floraison des titres des journaux, au nombre de radios privées significatif en principe d’un pluralisme en ce domaine. Mais si la plupart de ces organes ne sont pas créés en sous-main par le pouvoir, ils lui sont connectés par divers contrats occultes bénéfiques pour chaque partie. Il faudra à l’opposition, démonter les thèmes de campagne autour desquels ils se battent déjà par procuration et qui sont : les divisions de l’opposition, l’absence d’un candidat capable d’inquiéter Blaise Compaoré, l’ ’’apatridie’’ de certains leaders de l’opposition, le manque de programme alternatif (comme si déjà le fait de ne plus avoir ce régime en place n’était pas déjà en lui porteur d’un nouveau programme !) et tutti quanti.

Mais là aussi, malgré l’ingéniosité de nombre de ces organes à vouloir convaincre de leur indépendance, beaucoup ont pris trop de risques qui les ont mis à nu. Et quelle que soit leur maestria, les Burkinabé qui les lisent, qui les écoutent, ne peuvent pas se laisser toujours manipuler et conduire comme des moutons de Panurge, à l’immolation pour la prospérité du pouvoir.

En effet, à force d’équilibrisme, ils en arrivent à avoir des lignes éditoriales peu lisibles, ce qui perturbe le lectorat et les auditeurs s’ils ne les convainquent pas totalement de leur subtil parti pris pour le pouvoir. Par ailleurs, sur bien de points, les risques pris par certains médias pour valoriser les politiques gouvernementales ont été démentis par les faits. Cela se constate tant au niveau de la politique interne qu’internationale.

L’ENVIRONNEMENT POLITIQUE, INSTITUTIONNEL, SOCIAL, NATIONAL

En ce qui concerne cet environnement, à force de fraudes, de violences, d’impunité, il a été grandement formaté à l’image du pouvoir. Les institutions, les organes de contrôle sont conçus et animés selon le bon vouloir des hommes au pouvoir. Ils ne peuvent donc pas jouer leurs fonctions de régulation, de contrôle, de différenciation propres au système démocratique. Cela est révélateur d’une concentration et d’une monopolisation du pouvoir à travers les apparences d’un pluralisme au niveau politique, médiatique, associatif... On le voit aussi bien avec l’organe judiciaire sous contrôle qu’avec les institutions comme le CSI, la CENI, structures domestiquées.

Au niveau des organisations sociales, on n’a plus besoin d’insister sur le travail de persuasion, d’intéressement, de compromission, qui a été mis en œuvre pour amener dans l’immense majorité des cas, les leaders des confessions religieuses, de la chefferie coutumière, à se faire les fervents défenseurs du système en place. Cela va parfois jusqu’à des prises de risque qui les mettent en porte-à-faux avec leurs ouailles, leurs affidés.

Cela dans un système où l’osmose parfaite entre les chefs et la base est incontestable ne pose pas de problèmes mais au Burkina, la fêlure est de plus en plus nette entre les hiérarchies religieuses et coutumières et leurs bases. Dans la fracture nettement visible aujourd’hui au Burkina qui oppose les oppresseurs aux opprimés, les riches aux pauvres, les gouvernants aux gouvernés, les dirigeants coutumiers et religieux dans leur majorité sont du côté des oppresseurs, ce qui fait que leurs mots d’ordre ou pour tout dire leurs plaidoyers prodomo auront de moins en moins d’emprise au plan électoral.

Les soutiens diplomatiques

Les hommes du pouvoir se sont employés à tisser des amitiés intéressées pour s’assurer des protections. Si aujourd’hui, malgré l’impunité structurelle, émaillée de cas éloquents tel l’affaire Norbert Zongo, malgré les violations de la Constitution et autres tripatouillages des lois, les ingérences qui déstabilisent les pays de la sous-région, les implications dénoncées dans des trafics multiples, les autorités n’ont pas encore été épinglées, condamnées ni lâchées au plan international, c’est parce qu’il s’est trouvé des amis internationalement bien placés pour les soutenir.

Au nombre de ces amis, il y a incontestablement le président Jacques Chirac qui n’a jamais entrevu la démocratie en Afrique comme un obstacle au maintien de l’influence de l’Hexagone dans le continent. Pour être une embûche de taille, elle commence à s’effriter parce que justement, les consciences sont maintenant plus en éveil.

Beaucoup de faits ont révélé la collusion qui existait entre les dictateurs africains et la France chiraquienne. L’action de nuisance s’en trouve de plus en plus limitée, ce d’autant que l’opinion française commence à remettre en cause les prérogatives exorbitantes du président de la République en matière de politique africaine et demande que l’Elysée rende davantage compte de ses actions en Afrique. Il y a là un tournant qui peut être profitable à l’opposition burkinabé.

L’opposition elle-même

S’agissant de l’obstacle de l’opposition qui réside dans l’opposition elle-même, et dont beaucoup de médias se repaissent, il y a, il faut le reconnaître, beaucoup de vrai. L’un de ces obstacles pourrait résider dans les ambitions non calibrées des multiples leaders de l’opposition. Certes, il serait incongru, voire insultant de reprocher à un leader, ses ambitions, mais la grandeur aussi en politique réside dans la capacité au dosage de ces ambitions pour les adapter au contexte du moment. Autre chose pouvant jouer contre l’opposition et sa perméabilité à l’intoxication du pouvoir. A ce niveau, l’opposition ne semble pas encore s’être donnée les moyens d’élever les barrières protectrices contre le venin des piques distillées par le pouvoir.

On reproche également à l’opposition burkinabé, son manque de culture oppositionnelle, laquelle culture consiste généralement à l’adoption d’un état d’esprit d’opposant lui permettant de jouer pleinement son rôle de contrepoids, d’adversaire déterminé, sans pour autant céder à la tentation de la démarcation physique.

On peut cependant conclure qu’en dépit de nombreux points d’adversité, les alliés et atouts de l’opposition pour provoquer l’alternance restent nombreux et puissants : l’insécurité permanente dans laquelle s’est installé le pays, la misère qui frappe plus que jamais les populations, la corruption galopante, l’usure du pouvoir, bref, le bilan désastreux du régime Compaoré qui grossit au fil des jours les rangs des partisans de l’alternance.

Lamine Koné
San Finna

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