Actualités :: Elections au Burkina : quand les boycotteurs se repentent

"Cette fois, nous ne boycotterons pas", tel est en substance le titre-phare de notre édition du week-end. L’auteur de ces propos n’est pas un quidam, un hurluberlu de la scène politique nationale en mal de publicité. Non, loin de là, et mieux, il est de tout ce qu’on peut qualifier de sérieux. Il s’appelle Philippe Ouédraogo.

Polytechnicien de formation, il est député et président du Groupe parlementaire justice et démocratie, que forment 19 élus issus de 8 formations politiques de l’opposition radicale au régime Compaoré.

Pour mémoire, sachez que cohabitent, au sein de ce groupe, des têtes d’affiche telles Laurent Bado, Bénéwendé Sankara, Hermann Yaméogo et Ernest Nongma Ouédraogo pour ne citer que ceux-là. Comme on le voit, ce sont des hommes qui, sans toutefois vouer une haine viscérale à Blaise Compaoré, ne souhaiteraient pour rien au monde qu’il rempile pour un autre mandat.

C’est dire que si ce groupe parlementaire a pris la décision d’aller à la présidentielle, ce n’est pas pour servir de candidats accompagnateurs (comme nous l’avons vécu de par le passé) ou de faire-valoir pour apporter un soupçon de légitimité au pouvoir en place. Car après avoir boycotté la présidentielle de 1991 et celle de 1998, ce qui confinait parfois au refus de livrer bataille, l’opposition semble s’être ravisée en prenant la judicieuse décision de ne pas s’inscrire aux abonnés absents lors de la présidentielle qui se profile à l’horizon.

C’est peu dire que d’affirmer que Philippe Ouédraogo et ses amis ont tiré leçon des méfaits de ces boycotts itératifs antérieurs. Ce n’est certes pas tôt, mais comme on le dit, il vaut mieux tard que jamais. Cette fois-ci, tous les apposants semblent bien décidés, car pas même le grand débat sur l’éligibilité ou pas de Blaise Compaoré, qui, il y a quelques mois, était sur toutes les lèvres - n’est plus prétexte à boycott de la présidentielle 2005. A postiori, l’opposition semble avoir retenu la leçon pour de bon : boycotter les élections est source de difficultés multiples, voire suicidaires pour toute formation politique responsable, et cela peut se vérifier un peu partout.

En effet, tout près de chez nous en Côte d’Ivoire, le RDR d’Alassane Ouattara, qui reste sans conteste l’une des plus grandes formations politiques, l’aura appris à ses dépens : en effet pour avoir boycotté les dernières législatives, tout grand parti politique qu’il est du côté de la lagune Ebrié, le RDR n’a à ce jour aucun député à l’Assemblée nationale pour défendre ses positions face au FPI et à sa Dame de fer qu’est Simone Gbagbo. Boycotter, c’est être absent, alors que les absents ont toujours tort. Pour un homme ou un parti politique, qu’importe qu’on soit aimé ou voué aux gémonies, l’important c’est d’être présent, d’occuper le terrain, car la nature a horreur du vide.

Qui mieux que le professeur Ki-Zerbo, cet autre opposant irréductible au régime en place, après en avoir fait l’amère expérience, peut savoir que le boycott est intrinsèquement mauvais. En effet, en 2000, alors que son parti, le PDP/PS, respirait la forme et était bien côté à la bourse des valeurs politiques nationales, car premier parti de l’opposition à l’époque, Ki-Zerbo et ses amis n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’aller pêcher le jour des municipales 2000. Ils étaient tout simplement absents de nouveau.

Et pourtant, selon les analyses des spécialistes de la politique locale, aux municipales de 2000, le PDP/PS aurait pu rafler la mise à Tenkodogo avec un certain Sébastien Zabsonré, contraindre le CDP à la cohabitation à la mairie de Kaya grâce à l’influence non démentie du Dima de Boussouma, et avoir des centaines de conseillers municipaux à travers tout le pays. Avec ses conseillers, le parti du prof Ki-Zerbo, à défaut de diriger des mairies, aurait pu au moins avoir des représentants au sein des conseils municipaux. Cela signifiait aussi avoir un droit de regard sur la politique locale.

Depuis l’historique fin en débandade de la CFD (1), on pensait naïvement que l’opposition avait tiré toutes les leçons et conséquences d’un boycott électoral. Et pourtant, prenant prétexte du déficit d’indépendance de la CENI, la frange la plus représentative de l’opposition, regroupée au sein du Groupe du 14-Février, prônait de nouveau un "boycott mobilisateur" lors de la présidentielle du 15 novembre 1998. A l’époque, en dépit des nombreuses conférences de presse et autres incantations qui inondaient littéralement la presse, il ne nous a pas été permis de mieux cerner la quintessence de ce mot d’ordre.

Toujours est-il que certains hommes politiques de l’opposition, dont justement Philippe Ouédraogo, avaient été pris en flagrant délit de collage d’affiches invitant les éventuels électeurs à ne pas aller ce 15 novembre aux urnes. Et depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont Kadiogo, car voici un colleur d’affiche invitant au boycott mobilisateur de la présidentielle de 98 qui, maintenant, n’entend aucunement boycotter celle à venir. Signe des temps. Reste maintenant à voir la stratégie de l’opposition lors de cette présidentielle 2005, car de cette stratégie dépendra, très certainement, l’estocade que l’opposition administrera à Blaise Compaoré.

Mais on est déjà heureux de constater que les boycotteurs professionnels se repentent et qu’ils nous rejoignent enfin dans notre conviction, celle qu’en politique, il faut éviter les faux-fuyants et les prétextes fallacieux, dans la mesure où la politique de la chaise vide profite toujours à l’adversaire. Il est vrai que quand on ne représente pas grand-chose ou quand on n’est pas sûr de son affaire, c’est tellement plus confortable de s’abriter derrière des prétextes pour conserver ses illusions intactes.

Notes (1) CFD : C’est la Coordination des forces démocratiques sous la période de transition, qui avait appelé au boycott de la présidentielle de 1991

Observateur Paalga

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