Actualités :: Présidentielle 2005 : Incertitude à Abidjan, Ouaga en ordre de (...)

Scènes d’apocalypse en Asie du Sud-Est et dans l’océan Indien depuis que ce dimanche 26 décembre 2004, lendemain de la Nativité, un tremblement de terre sous -marin a provoqué un raz-de-marée qui a ravagé les côtes de huit pays, de l’Indonésie à l’Inde en passant par la Thaïlande, le Sri Lanka, les Maldives, la Birmanie, le Bengladesh et la Malaisie.

Il n’est pas jusqu’à certains pays de l’Est africain comme le Kenya, la Somalie et la Tanzanie qui n’aient ressenti le contre-coup de cette secousse sismique de magnitude 9 sur l’échelle ouverte de Richter. Une catastrophe naturelle sans précédent dont le bilan ne cesse de s’alourdir : un jour on parle de 55 000 morts, le lendemain, de 60 000 ; aujourd’hui il est question de 80 000 victimes, mais la barre fatidique des 100 000 cadavres pourrait facilement être franchie. Et cela, sans compter avec les quelque 30 000 disparus, qui sont autant de décédés potentiels, car les espoirs de retrouver des survivants s’amincissent au fur et à mesure que les jours passent.

Triste fin d’année donc pour cette partie du monde où les secours s’organisent lentement, où aussi les risques d’épidémies sont grands. Puis la polémique d’enfler au même rythme que les cadavres en décomposition : pourquoi les sismologues n’ont-ils rien vu venir ? En attendant d’avoir la réponse à cette interrogation capitale, on peut d’ores et déjà retenir cette catastrophe naturelle comme le fait le plus marquant de l’année qui s’achève.

La réélection de Bush en novembre dernier ? Une catastrophe politique certes, mais on peut caresser le secret espoir que, ne pouvant plus briguer un nouveau mandat, le cow-boy de la Maison Blanche sera plus réfléchi dans la conduite de la politique extérieure des Etats-Unis au lieu de jouer aux Rambos de foire avec sa clique de néocons. La guerre en Irak ? Bagdad tombé en mars 2003, Saddam Hussein a finalement été pris voilà maintenant un an, mais la paix n’est pas pour autant de retour.

Au contraire, les attentats, les prises d’otages prolifèrent plus que jamais dans ce pays devenu le laboratoire des groupuscules terroristes qui essaiment à tout va. Seul l’Oncle Sam est convaincu d’être sur la bonne voie, et il organisera coûte que coûte ses élections dans ce foutoir courant janvier 2005. Aux forceps, question de légitimer le pouvoir du Premier ministre intérimaire Iyad Alaoui et de montrer qu’après la liberté, la démocratie est désormais réalité en Irak.

Mais pas plus que la capture du barbu hagard de Tikrit, cette échéance, vous vous doutez bien, ne ramènera pas le calme et la quiétude. En 2005, Bagdad, Fallouja, Tikrit, Mossoul seront toujours aussi chauds.

En Afrique, le conflit en République démocratique du Congo (RDC) aura à nouveau marqué l’actualité au cours de l’année qui s’achève. Les espoirs de paix alternent invariablement avec des regains de tension. Une plaie béante au cœur de l’Afrique, un géant aux pieds d’argiles régulièrement en proie à un petit pays, mais néanmoins grand trublion dans les grands lacs. Et une classe politique faite de socialo-jouisseurs et de nonceurs qui poussent des cris d’orfraie quand le nouveau ministre belge des Affaires étrangères, Karel de Gucht, jette depuis Kigali un pavé dans le fleuve Zaïre qu’il venait de quitter.

Et pourtant la réalité des choses donne raison au fort peu diplomatique chef de la diplomatie belge quand il affirme haut et fort qu’il a rencontré, au Congo, peu de responsables politiques qui lui ont laissé une "impression convaincante". Mais au fond, a-t-il vraiment tort devant le spectacle désolant qu’offre le pays de feu Mobutu qu’on finira par regretter ? Assurément non.

La Côte d’Ivoire nous aura aussi et encore tenu en haleine tout au long de 2004. Marcoussis, on le sait, a finalement été revisité à Accra en juillet 2004 où un échéancier pour une sortie négociée de la crise a été arrêté :
- 30 septembre 2004 : vote, par l’Assemblée nationale, des lois qui fâchent sur les conditions d’éligibilité à la présidence, sur la nationalité, sur la CENI, etc.
- 15 octobre 2004 : début du processus DDR (Désarmement, Démobilisation, Réinsertion). Le premier dead-line n’ayant pas été respecté, les Forces nouvelles refusèrent à leur tour de déposer les armes à la date convenue.

Nouvelle impasse qui fit à nouveau redouter le pire. Et le pire survint le 4 novembre lorsque Laurent Gbagbo reprit les hostilités en faisant bombarder par ses Sukhoï les positions des rebelles à Bouaké, Korogho et Man. L’ONUCI et la force Licorne observèrent sans lever le petit doigt. Jusqu’à cette erreur fatale quand, le 6 novembre, un des Sukhoï bombarda le cantonnement de la force Licorne à Bouaké. Bilan : 9 soldats français et un citoyen américain tués et une trentaine d’autres militaires tricolores blessés.

La suite, on la connaît. Jacques Chirac donne l’ordre de détruire au sol tous les aéronefs militaires ivoiriens, déclenchant ainsi les pires émeutes anti-françaises que la Côte d’Ivoire aient connues depuis le début de la crise. Face-à-face tendu entre la force Licorne d’un côté, de l’autre les patriotes de Charles Blé Goudé et les FANCI. Combien d’Ivoiriens sont-ils tombés ces désormais célèbres 7 ; 8 et 9 novembre 2004 devant l’hôtel Ivoire, sur les ponts Houphouët et de Gaule ou devant le 43e Bataillon d’infanterie de marine (BIMA) stationnant à Port-Bouët ? 20 comme le prétendent les Français ? 60 ainsi que l’affirment les Ivoiriens ? Qu’importe d’ailleurs cette querelle macabre des chiffres, habituelle dans ce genre de situation, de force d’interposition, la France s’est subitement retrouvée en situation de belligérance avec le pays d’Houphouët et était dès lors disqualifiée pour jouer les médiateurs.

L’Union africaine tente depuis de calmer le jeu et de remettre la machine en marche. Ainsi, après les différents échecs des multiples médiations entreprises par les Eyadéma, Wade, Bongo, Obassanjo... l’UA met en selle Thabo Mbeki, qui s’engage dans une négociation difficile aux résultats incertains. Mais venant du cap, il a l’avantage de la neutralité présumée, est réputé être tenace et a une fois de plus l’occasion de positionner l’Afrique du Sud comme une puissance régionale incontournable.

Et de fait, la méthode Mbeki semble déjà porter ses fruits puisque la Constitution, précisément son article 35, a finalement été remaniée le 17 décembre courant et ouvre désormais la voie à une candidature d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) à la présidentielle d’octobre 2005.

Seulement voilà, la bagarre fondatrice de la crise ivoirienne n’est pas encore terminée puisqu’au lieu de promulguer la loi comme le souhaitent les rebelles, l’opposition politique et tous les médiateurs, le président Gbagbo tient à organiser un référendum constitutionnel sur la question. Avec le secret espoir que la nouvelle loi fondamentale sera rejetée par le peuple.

A ce petit jeu, les semaines s’ajoutent aux semaines, et à l’orée de la nouvelle année, la question que l’on se pose est la suivante : la présidentielle d’octobre prochain pourra-t-elle se tenir ? La réponse est oui si l’enfant terrible de Mama renonce à son idée de référendum. Dès lors, le DDR pourra débuter et le territoire, être réunifié pour permettre à un scrutin libre, transparent et équitable, avec en lice tous les éléphants de la faune politique ivoirienne, d’avoir lieu. Autrement, on prendra encore quelques mois à jouer la montre avec les conséquences que l’on sait.

Si donc du côté de la lagune Ebrié, la présidentielle est en pointillés, chez son voisin du Nord, dont on a toujours vu la main derrière l’insurrection armée du 19 septembre 2002, les probables prétendants, les présidentiables virtuels et les candidats autoproclamés sont presque déjà en ordre de bataille.

L’année que nous enterrons aujourd’hui aura en fait été marquée par une polémique sur la possibilité ou non pour Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat, après la nième révision de la Constitution, intervenue au plus fort de la crise Norbert Zongo. D’abord limitant les mandats à deux de 7 ans chacun dans la loi fondamentale originelle du 2 juin 1991, le verrou constitutionnel sera sauté en 1997 du temps de la splendeur de l’enfant de Ziniaré. Désormais il pouvait se présenter ad vitam aeternam. C’était l’époque où on te faisait et y avait rien.

Puis vinrent le drame de Sapouy et son corollaire de réformes politiques et institutionnelles. Nouvelle révision de l’article 37 : le mandat présidentiel est ramené à 5 ans, et est renouvelable une seule fois comme c’était le cas dans le texte de 1991. Alors question : la nouvelle disposition est-elle oui ou non rétroactive ? Autrement dit, Blaise, qui est en train de griller son deuxième septennat, a-t-il épuisé toutes ses cartouches, ou peut-il à nouveau se présenter parce qu’ayant remis son compteur à zéro ?

Pour Salif Diallo, fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat burkinabè, la question ne se pose même pas. Mieux, il ne voit pas qui d’autre que Blaise aurait et l’investiture du CDP pour briguer la magistrature suprême. Cela, il l’a dit dans "l’Observateur paalga" du lundi 5 janvier 2004, donnant ainsi lieu à un intéressant débat politico-juridique et même historique et éthique. Tout le monde y est allé de ses convictions, de ses arguments et de ses incantations sans toujours convaincre le camp d’en face. Mais depuis quelques mois, la tension est comme retombée. Sans doute, les différents acteurs sont-ils en train de recharger les accus pour revenir à la charge, ce qui ne devrait pas tarder.

En vérité, au moment où l’année électorale commence, il n’y a plus vraiment aucune illusion à se faire : Blaise, qui dit ne pas être fatigué et qui dit avoir des chantiers à terminer et d’autres à ouvrir, sera candidat à sa propre succession. La première fois qu’il s’était exprimé sur la question, c’était lors de l’entretien radiotélévisé, coanimé le 5 août 2004 par cinq journalistes du public et du privé. Il avait alors louvoyé, esquivant les questions. Mais on le voyait déjà venir.

Puis, à la veille du Xe Sommet de la Francophonie, tenu à Ouaga les 26 et 27 novembre 2004, il est arrivé, affirmant entre autres, dans une interview accordée à Jeune Afrique l’Intelligent, que le nouvel article 37 lui donnait encore 10 ans. Qu’on se le tienne donc pour dit : le désir d’éternité est si grand que le monsieur ne peut pas ne pas succomber aux chants des sirènes. Sauf donc à être d’une extrême élégance en tirant sa révérence au moment où on s’y attend le moins, il fera acte de candidature.

Le dernier mot revient, il est vrai, au Conseil constitutionnel. Mais vu le niveau actuel de notre démocratie, on ne voit pas comment cette candidature pourrait ne pas passer comme une lettre à la poste. Si on avait donc un conseil à donner à l’opposition, ce serait celui-ci : sans forcément négliger la bataille juridique qui se profile, il serait bon de ne pas perdre trop d’énergie dans un combat qui semble perdue d’avance. C’est une question de lucidité politique. Plutôt donc que de se ruiner dans d’interminables gesticulations, l’opposition, qu’elle soit "vraie" ou "fausse", gagnerait à s’organiser et à fourbir ses stratégies pour déloger Blaise Compaoré de la présidence. Il est vrai que l’idée d’une candidature unique a fait long feu mais rien n’est encore perdu.

Il faut d’ailleurs espérer que pour une fois, le scrutin sera ouvert et que Blaise aura enfin des adversaires de poids en face de lui. En 1991, il était candidat unique pour cause de boycott de l’opposition, et pour avoir vaincu sans péril, il avait triomphé sans gloire. En 1998, il avait certes deux challengers, mais force est de reconnaître que Ram Ouédraogo et Son Excellence Frédéric Guirma n’en menaient pas large. S’il est donc une chose à souhaiter en 2005, c’est que rien ne puisse entraver la présence, sur la ligne de départ, de tous ceux qui rêvent d’un destin présidentiel et qui pensent représenter quelque chose.

Ce serait l’occasion, pour les uns et pour les autres, de mettre leur popularité souvent trop vite proclamée par eux-mêmes à l’épreuve des urnes. Car une chose est de tenir le crachoir dans les médias en pratiquant excellemment la théorie de l’occupation permanente des esprits ; une autre est d’aller à la pêche aux voix et d’en ramener quelque chose de substantiel. Il faut que la présidentielle à venir soit ouverte et transparente, car nous aussi avons hâte de savoir enfin, de Blaise et Hermann en passant pas Gilbert, Norbert, Bénéwendé, Ki-Zerbo, Issa et autres, qui vaut quoi.

En même temps qu’un exercice de démocratie, un scrutin comme celui à venir peut aussi être une école d’humilité et de modestie pour nombre de politiciens qui ont souvent l’illusion de la popularité. Pourvu seulement que tout cela se passe dans le calme et la sérénité, car le jeu politique, ce n’est pas la guerre.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur Paalga

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