Actualités :: Me Issouf Baadhio : <I>Il faut arrêter de parler de la corruption, il (...)

Avec Maître Issouf Joseph Baadhio, on aurait pu crier comme le poète "oh temps ! suspends ton envol". Les deux heures d’horloge d’entretien avec lui ont paru dans la réalité vite passer, en dépit des sujets abordés qui, par ailleurs, auraient pu revêtir un cachet tabou.

Le juriste, le défenseur de la veuve et de l’orphelin, l’intellectuel pour tout résumer a affronté nos questions sans détours. Ce qui a ajouté un brin de piquant dans les échanges.

Des sujets liés à sa candidature au poste de bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina, de la justice burkinabè, de son cabinet à Niamey, du rôle de conseiller du président Mamadou Tandja, Maître Baadhio, homme discret, voire effacé, cache mal un homme de poigne quand il s’agit de défendre ses idées. Et ce vendredi 17 décembre 2004, la rédaction de Sidwaya l’a constaté. En résumé, la rencontre avec Me Baadhio, le dernier invité de l’année 2004, est un condensé d’informations sur la justice, la politique, le développement. Lisez plutôt.

Sidwaya (S.) : A l’heure où je vous parle dans le Sud-Ouest du Burkina se tient la 9e édition de la journée nationale du paysan. Quel commentaire vous inspire un tel événement ?

Me Issouf Baadhio (I.B.) : Mon premier commentaire, c’est d’abord que nous sommes tous issus de la paysannerie au sens littéral du terme. Sans la paysannerie, il n’y a pas de Burkina Faso. C’est une chose relativement importante que les autorités du pays, en particulier le chef de l’Etat, ait pensé donc à l’existence de ce corps social qui est fondamental à la vie de la nation. Je pense que les ratios des populations sont tels qu’aujourd’hui les agriculteurs et les éleveurs sont certainement la partie la plus importante de la population. Donc, je crois qu’il est vraiment très fondamental qu’on n’oublie pas que nous venons en grande partie de la paysannerie et que le développement de ce pays se fera de toutes les façons à partir de la paysannerie et vers la paysannerie. Je crois que la paysannerie aujourd’hui pour nous ce n’est plus un cliché. Il faut que nous arrivions à faire en sorte que la paysannerie ne soit pas laissée sur le bas côté de la route au profit d’un développement, j’allais dire, affectée aux capitales et aux grandes villes parce que nous savons tous que les objectifs démocratiques ne peuvent pas être réalisés si l’ensemble de la population par arrière ne suit pas avec des critères qui, à mon avis, sont des critères essentiels. Des critères qui sont l’eau, l’éducation, la santé. Aujourd’hui, c’est le besoin essentiel de la paysannerie et ce n’est pas de trop qu’une fois par an, une journée revienne à l’essentiel, c’est-à-dire savoir d’où on vient.

S. : Si on vous demandait de choisir entre l’agriculture, l’éducation et la santé, qu”auriez-vous privilégié ?

Me I.B. : Il n’y a pas de possibilité de faire un développement contre sa propre population. C’est le premier critère que je peux donner. Je disais tantôt que la paysannerie semble du point de vue de la population certainement la frange la plus importante. Faut-il fondamentalement choisir entre l’éducation, la santé, et l’agriculture ? Je pense qu’on ne peut faire un choix. Nous sommes tous des purs produits des finances publiques. Nous avons été à l’école publique pour la plupart d’entre nous et c’est valable pour notre génération. L’école publique était financée par l’impôt de capitation, un impôt prélevé directement sur une assiette fiscale composée essentiellement par des paysans. Je crois qu’il n’y a pas non plus de développement sans santé. La santé va de pair avec l’agriculture qui ne peut être faite, sans, bien évidemment une productivité, elle-même liée à l’état des hommes. Donc personnellement, j’aimerai ne pas choisir entre ces trois thèmes. Je dirai que ces trois thèmes sont importants, fondamentaux pour l’existence d’un pays. La question étant de savoir combien chacun de nous est prêt à céder pour que la majorité d’entre nous aille vers un développement qui conduise vers ces trois thèmes.

S. : Les conflits entre agriculteurs et éleveurs ne découlent-ils pas de la mauvaise application de la (RAF) Réforme agraire et foncière ?

Me I.B. : En ce qui me concerne, je ne suis pas très sûr que les conflits que vous décrivez soient des conflits liés à la Réforme Agraire et Foncière (RAF), et sont des conflits dont le socle soit un socle juridique. Il faut faire très très attention à l’analyse que nous faisons parce que entre agriculteurs et éleveurs depuis les temps ancestraux, il y a toujours eu un vécu de bonne intelligence. Seulement, nous devons observer nous-mêmes l’évolution de notre société. Qu’est-ce qu’on constate ? On constate que le cadre administratif a énormément changé. Quand on était jeune, il y avait dans la société un certain nombre de repères. Ceux qui ont vécu dans les années 60 ont connu ce qu’on appelait le petit Commandant et le grand Commandant de cercle, c’est un héritage colonial mais dans le découpage de la gestion administrative de la cité, cela se faisait dans un cadre bien précis. Aujourd’hui, j’estime que pour des problèmes comme ceux-là, le droit ne doit pas être la solution miracle si à côté du vécu sociétal et le vécu administratif tout n’est pas coordonné. Vous avez aujourd’hui effectivement dans nos sociétés une prééminence évidente à l’argent. Or le tissu social jusqu’au jour d’aujourd’hui dans nos pays est encore relativement traditionnel. Le positionnement au sein de la société relève-t-il aujourd’hui de la tradition ou du pouvoir public ? La frontière est tenue. Je pense que chacun d’entre nous a relevé tous les jours des exemples qui montrent que la place que l’instituteur (le départ de tout) est de plus en plus marginalisée au profit des positions économiques dites en droit “dominantes”. Que la place de la personne qui est chargée de prêcher la parole religieuse cède un tout petit peu du terrain à la prééminence économique ; autrement dit nous devons d’abord avoir un regard introspectif sur nous-mêmes pour savoir si les problèmes que l’on pose, on y répond, ou on les déplace. Si on choisit de les déplacer, on avance un peu plus vers des situations qui seront irréversibles. Je crois très sincèrement qu’il y a assez d’espaces de vie libres dans ce pays pour que les conflits tels que ceux que vous avez évoqués ne soient pas des conflits qui ressurgissent un peu partout sur le territoire national et auxquels on ne trouve pas de solution, auxquels on est simplement en train d’essayer, à mon sens, de pallier à titre curatif plutôt qu’à titre préventif. Je crois pour répondre à votre question que ce problème-là est un problème sociétal, ce n’est pas un problème de droit, il ne faut pas se tromper d’objectif.

S. : Avez-vous un champ ?

Me I.B. : Je ne suis pas paysan de par bien évidemment ma profession. Ce n’est pas une surprise. Je ne sais pas si avoir un champ, c’est avoir les moyens d’avoir une ferme. Ce n’est pas non plus un domaine dans lequel on met en mouvement quelques espèces. De part mon origine, j’ai effectivement de la sympathie pour les paysans et les éleveurs parce que de toute façon, c’est un monde commun. Je dirais oui, j’ai effectivement quelque chose en moi, quelque part qui me ramène à mes origines. Donc je ne peux pas le matin en me réveillant dire que je viens de quelque part et ce quelque part-là est le confort des bureaux dans lesquels nous sommes à Ouagadougou et pour lequel nous nous battons de façon désespérée. Je crois que chacun d’entre nous vit avec sa culture où il y a des origines, je ne peux pas oublier que je viens de quelque part.

S. : Droit naturel et droit positif jouent-ils dans l’harmonie ?

Me I.B. : Je pense que l’essence même du droit positif, c’est de codifier le droit naturel.Une fois de plus, cela nous ramène à un débat de société. Soit le droit naturel est en déphasage par rapport au droit positif dans sa codification, soit le droit positif est allé trop loin parce que ceux qui ont en charge de codifier les règles et qui sont des garants de la société, l’ont fait avec des paramètres qui sont des paramètres quelquefois en déphasage avec des règles existentielles de la société. La question est maintenant de savoir si ceux qui sont chargés de promouvoir les lois sont effectivement et suffisamment armés en informations, en éléments pour que le droit positif qui va être publié, normé, soit un droit positif qui colle avec le droit naturel. Etant entendu que si le droit naturel est un droit féodal et par essence disons rétrograde ou freinant un certain nombre de manettes de développement, il appartient effectivement aux hommes politiques, aux autorités, aux personnes chargées de légiférer de trouver le point d’équilibre nécessaire. Mais il est aussi évident que nous ne pouvons pas éternellement prendre des éléments du droit positif en déphasage complet avec notre société parce que tout simplement nous avons des pressions extérieures, nous avons un certain nombre d’obligations de résultats par rapport à un certain nombre d’éléments de coopération internationale. Ça nous mène quelquefois dans des problèmes pour lesquels malheureusement nous ne sommes pas préparés.

S. : Le Collectif vient de commémorer le 6e anniversaire de l’assassinat du jornaliste Norbert Zongo le 13 décembre dernier en réclamant vérité et justice parce que ce dossier n’a pas connu son dénouement. Quelles explications et quel jugement portez-vous sur ce dossier ?

Me I.B. : Je ne peux pas porter d’explications parce que je ne suis pas en charge de l’instruction de ce dossier. Tout ce que je peux dire, c’est que je pense qu’en toute chose, sachons raison garder. Je considère personnellement que l’indépendance de la justice par rapport à tout ce qui touche aux problèmes de société, est une indépendance qui doit être affirmée. Je considère qu’en matière criminelle, l’instruction judiciaire est une instruction qui doit prendre toutes les précautions pour que la manifestation de la vérité se fasse dans de telles conditions, qu’aucune des parties, ne suspecte l’appareil judiciaire d’être parti pris.

J’ai vu comme vous effectivement le positionnement qu’a pu avoir le Collectif par rapport au 6e anniversaire de ce triste événement. Je considère que cette affaire est suffisamment délicate pour qu’on en fasse un objet de polémique. Il faut laisser au système judiciaire le soin d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Un chef d’Etat qui n’est plus de ce monde disait : « Ce n’est pas au départ, mais à l’arrivée que l’on juge la course ». Je pense qu’en matière criminelle, la prescription légale est connue et ce que je peux espérer est que le droit soit dit dans toute sa rigueur. Je n’ai pas en charge ce dossier, je ne suis pas partie prenante de cette procédure. Je ne le connais pas, autrement, je serais astreint au secret professionnel. Je vous réponds sur la thématique générale. Je pense qu’il appartient au système judiciaire d’aller jusqu’au bout de sa démarche.

S. : Votre réaction sur la réélection du président Mamadou Tanja à la magistrature suprême.

Me I.B. : Je ne sais pas si c’est un état de choses, mais en tout cas c’est une situation à l’issue d’un scrutin. Ce que je peux dire, c’est que c’est une bonne chose que le système démocratique nigérien soit arrivé à son terme. Pour la première fois au terme d’une législature démocratiquement mise en place. Je crois que les Nigériens ont respecté les règles de la démocratie. Ce que je peux souhaiter, c’est que cet exemple-là soit suivi autant que l’on peut faire dans la plupart des pays environnants. La règle du jeu consiste à accepter le scrutin. Lorsque le peuple a choisi, on ne peut que constater ce changement et souhaiter que la législature soit menée aussi à bon port dans les conditions d’absence de tensions.

S. : On vous dit conseiller du président Tanja.

Me I.B. : Malheureusement, on ne prête peut être qu’aux riches (rires) et je ne suis pas riche. Vous n’avez pas précisé « conseiller occulte », je peux vous rassurer non, je n’ai pas cette qualité-là.

S. : La justice burkinabè dit-on est aux ordres. Qu’en pensez-vous ?

Me I.B. : Ecoutez, moi je suis très précautionneux lorsqu’il s’agit d’avoir des jugements qui semblent des jugements tranchés, des jugements qui peuvent être considérés comme suspects. L’excès nuit en toute chose. Il faut se garder d’avoir un jugement péremptoire sur tout système parce que le système est établi par les hommes. Je crois que chacun peut le constater dans son métier, il faut faire très attention à cela. Je ne sais pas si la justice est aux ordres. Aux ordres de qui ? Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire, c’est qu’en tant qu’acteur du système judiciaire, je souhaite que cette prophétie ne soit pas exacte. Sinon ça veut dire que je n’aurais plus de métier. Je crois qu’il y a toujours des velléités à penser qu’effectivement tel ou tel système est inféodé. Il peut y avoir des raisons quelquefois de le penser, il peut même y avoir quelques éléments susceptibles d’amener une telle conclusion, mais ça ne peut pas être généralisé. Vous avez des hommes et des femmes dans le système qui font leur métier avec beaucoup de courage et d’abnégation et qui sont loin d’être aux ordres. Il faut savoir qu’au cas même où on n’est pas là-dessus très regardant, très attaché, le juge pour faire ce métier prête d’abord serment et s’il est aux ordres de quelqu’un, c’est aux ordres de son serment. Par conséquent, j’espère et je souhaite en tout cas pour la plupart des acteurs que lorsqu’ils ont en charge un dossier difficile sur le plan judiciaire, qu’ils se conforment d’abord et avant tout à leur serment. On ne va pas à ce métier parce qu’on a une conviction mais parce qu’on veut porter une mission. Il y a quelques professions dans la vie qui sont confinées dans un serment et je crois que la dimension d’un serment me paraît celle que l’on doit à mon avis véritablement ramener à la source de l’exercice professionnelle.

S. : Que pensez-vous de la décentralisation administrative en cours au Burkina ? Qu’attendez-vous des gouverneurs ?

Me I.B. : Je crois d’abord qu’il faut saluer l’approche de la décentralisation qui rapproche l’administration de l’administré. C’est à chaque citoyen de souhaiter que ce soit dans cette direction-là que l’administration, la répartition des charges de l’Etat, soit faite. C’est un plus pour la cartographie de l’administration burkinabé qu’il y ait un gouverneur qui soit ce que l’on peut appeler le référent par rapport à elle. Ça veut dire aussi si vous voulez, que maintenant l’ensemble des projets qui correspondront aux zones géographiques correspondantes à l’espace géographique du gouverneur seront des zones où on a un point d’ancrage qui est un point de référence pour le gouverneur. A mon avis, cela permettra aussi une coordination des services qui jusque-là relevaient plus directement de la hiérarchie ministérielle que de la hiérarchie locale et administrative. Or malheureusement ou heureusement, la capacité opérationnelle du ministère ne permet pas toujours d’avoir un balayage complet. J’espère que là-dessus, nous allons avoir une avancée par rapport aux besoins des populations rurales. C’est important que les populations du point de vue organisationnel aient un interlocuteur qui pourra porter la parole de façon unanime sur toute une zone géographique. C’est une bonne chose. Je crois aussi que ça va nous amener progressivement à considérer que chaque citoyen devient un petit peu responsable de son existence dans sa commune, puis ensuite un petit peu plus loin dans sa région, et maintenant au niveau du gouvernorat. Je pense que c’est aussi quelque part le début de l’appartenance géographique à une identité.

S. : L’installation des gouverneurs parachèvera-t-elle le processus de décentralisation au Burkina ?

Me I.B. : Le processus de décentralisation ne peut pas être achevé avec la mise en place des gouverneurs. Au niveau des communes nous avons encore beaucoup de travail à faire. Si on peut considérer qu’une mairie importante fonctionne selon des critères d’administration de comptabilité publique, il est évident que nous avons actuellement un processus de décentralisation que nous devons parachever depuis la plus petite commune de ce pays jusqu’à la capitale. Je crois par contre, que la dynamique de la présence des gouverneurs va donner une impulsion qui permettra effectivement d’avoir un regard homogène des parties géographiques qui ne sont toujours, j’allais dire, gérées de façon cohérente. Nous avons connu des découpages des cercles administratifs ensuite des régions. Là-dessus, on est en permanente évolution et il faut considérer qu’à ce niveau-là, nous sommes loin d’avoir achevé le processus de décentralisation. Pierre Mendès France disait que « gouverner, c’est choisir ». C’est une phrase qui résume tout dans la mesure où gouverner c’est choisir ; choisir fait toujours des heureux et des malheureux. Il faut faire plutôt en sorte que le peuple burkinabé dans son ensemble vive, soit, en osmose plutôt que de lui trouver des raisons de le diviser. Le point culturel d’osmose entre les régions, à mon avis, encore une fois de plus, doit être une passerelle et non pas un fossé. A partir de ce moment-là, que le gouverneur soit à Manga plutôt qu’à Pô, cela peut-être un débat kafkaïen pour des salons ouagalais. Je ne suis pas sûr que dans l’exercice professionnel du vécu des administrés de Pô ou Manga, cela soit essentiel sur la durée. La vie d’un Etat ne se gère pas sur un, deux ans, mais plutôt sur un demi-siècle. Je crois que c’est cette prospective-là que nous devons viser pour le futur. Il faut construire. On est dans un système qui, sur le plan organisationnel demande de faire un choix. A moins que bien évidemment on ne souhaite que chaque région, chaque zone ait un haut-commissaire. Il faudra aussi l’accepter du point de vue de notre feuille d’impôt à la fin de l’année parce que bien évidemment les effets induits de ces mesures sur le plan financier sont quand même eux aussi des éléments auxquels il faut penser. De mon point de vue, l’objectif, c’est de rapprocher l’administration de l’administré et de permettre que le gouvernorat soit un référent.

S. : Le Burkina a célébré récemment le 11 décembre, le 44e anniversaire de son accession à la souveraineté. Avec le recul, comment vous appréciez cette fête ?

Me I.B. : Je ne sais si j’ai bien compris la question. Je crois qu’on ne peut que considérer que nous avons parcouru du chemin depuis le 11 décembre 1960 où on a considéré que nous pourrions voler de nos propres ailes. Pour employer un langage aéronautique, que nous pouvions être lâchés. Rétrospectivement, je crois que l’histoire du pays nous a amené à vivre une évolution avec des soubresauts... que les uns et les autres ont connus. Que la fête soit belle. C’est tout ce que l’on peut souhaiter et surtout se dire que la fête est un point de repère. Un point de repère pour réfléchir par rapport à ce que nous sommes, d’où nous venons et d’où nous souhaitons aller.

La fête c’est aussi le moment de faire en sorte que le ciment national par rapport aux objectifs qui sont assignés à chacun d’entre nous en tant qu’individu, devienne tous les jours un peu plus, le dénominateur commun minimum à chacun d’entre nous, dans la transmission que nous avons vis-à-vis de nos enfants de l’idéal “républicain” que nous souhaitons avoir dans ce pays avec une assise à la fois démocratique et consensuelle qui nous permet de vivre très loin des conflits, des soubresauts qui peuvent amener le pays sur des terrains extrêmement dangereux.

S. : Vous ne pensez pas que l’incivisme est né du fait que toutes ces dates historiques ont été banalisées ? Il y a eu tellement de fêtes nationales durant notre histoire qu’il n’y a plus de repère.

Me I.B. : Moi, je pense qu’il y a des points réussis. Le Burkina Faso d’aujourd’hui n’est plus la Haute-Volta de 1960. Je dirai que nous avons un niveau d’éducation, un niveau civique quand même élevé. Mais la perception que nous avons de la fête n’est plus la même au fur et à mesure que les générations s’éloignent du point de départ. Je disais tout à l’heure que nous sommes de purs produits des finances publiques. Nous sommes tous pauvres ici, sauf ceux qui ont la chance d’être le fils ou la fille de Y... Ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais à l’expliquer aujourd’hui à un enfant de la classe de sixième ou de cinquième qu’il est le pur produit des finances publiques parce que son père a été à l’école avec l’argent de tout un chacun, il ne perçoit pas ce message. Je pense que nous devons arriver à faire en sorte que la façon dont nous percevons les choses évolue aussi un peu en fonction de la façon dont notre pays avance. Je crois que c’est ce que vous voulez dire en notant qu’il y a une certaine banalisation, une certaine façon de considérer qu’après tout, le 11 décembre n’est qu’une fête où il y a des récipiendaires qui invitent les autres. Non, c’est pas du tout ça le 11 décembre.

S. : Vous voulez dire que c’est une fête octroyée ?

Me I.B. : Je n’ai pas dit que c’est une fête octroyée. J’ai dit que c’est le point de départ de notre lâchage en tant que nation et de notre prise en charge personnelle en tant que nation. Il vaut mieux avoir une fête octroyée que pas de fête du tout. Je me souviens encore de la parole d’un ami sud-africain qui, après la “libération” de l’Afrique du Sud raciale m’a dit que ça fait du bien de respirer l’impression d’une nation. C’est quand même important que nous ayons un point de repère. Maintenant, bien évidemment, l’égoïsme des uns et des autres dans la société moderne nous fait penser que notre moi est plus important que le collectif. C’est peut être ça que vous voulez traduire et là, je vous rejoins parfaitement. C’est quelque chose auquel effectivement nous devons essayer de trouver un point de repère qui va nous amener tous au dénominateur minimal commun : d’où nous venons et où nous allons.

S. : Le président du Faso a adressé le 11 décembre 2004, un message à la Nation que vous avez suivi certainement. Quelle est votre réaction ?

Me I.B. : Je pense que le message qui a été donné par le chef de l’Etat est un message sur l’avenir et qui encore une fois, nous amène à la dimension que nous sommes une nation. Une nation se construit avec tous ses fils quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs opinions. Je crois que si j’ai pu retenir quelque chose, c’est ça. Je n’ai pas eu d’autres impressions par rapport à cela. Que nous devons tous regarder dans la même direction, que nous devons tenter d’aller dans la même direction et construire un pays fier d’exister à travers ses fils.

S. : Sur le continent, on a célébré cette année de nombreuses fêtes d’indépendance. On voit aussi que sur le même continent se multiplient de nombreux conflits. Comment vous percevez cette crise évolutive dans le développement du continent ?

Me I.B. : A cette question, je répondrai avec beaucoup d’amertume et beaucoup de peine. Parce que quand vous regardez aujourd’hui la carte de l’Afrique, à la limite, ce qu’il faut commencer par faire, c’est se dire : où est-ce qu’ il n’y a pas de conflit. Le compte va plus vite par rapport aux zones géographiques. C’est un drame parce que les énergies intellectuelles, économiques, spirituelles de nos pays ne peuvent s’investir pour le développement. Pourquoi des conflits, bien souvent à partir de situations qui sont souvent assez difficiles. Soit que la représentation démocratique s’est transformée progressivement en accaparant des prérogatives de puissance publique au bénéfice de quelques personnes. Soit, l’apparition de l’échéance naturelle a permis ou a fait perdre la tête à tout le monde. Et ramener la chose simplement à la dimension de sommes-nous un pays ou sommes-nous la somme d’individus susceptibles de ne penser qu’à leurs propres intérêts. Quand vous regardez le coût de cette entreprise sur le plan financier, économique, sociétal, c’est un drame. Je pense que lorsqu’on a la chance de vivre dans un pays qui connaît la paix, il faut se battre pour la conserver parce qu’il est extrêmement facile d’allumer un foyer de tension. Mais, il est beaucoup plus difficile de l’éteindre.

Je crois que l’ensemble des normes internationales sur les conflits, sur les éventuels trafics d’armes, sur la nécessité de préserver un minimum de nos richesses peuvent souvent se régler simplement. Mais il y en a qui ont envie de maintenir une situation de conflit pour permettre peut-être à quelques-uns de tirer les marrons de cette situation. Ça, pour moi, c’est le drame aujourd’hui du siècle que l’on vit en Afrique.

Quelle est l’explication que l’on peut donner à cela ? Je crois que quand on regarde les dirigeants qui sont sortis de la colonisation et qui ont en charge, les affaires de nos Etats, on se rend compte qu’on a beaucoup changé par rapport à l’objectif et l’on en revient à la discussion qu’on a eu tout à l’heure. L’intérêt public n’a pas toujours été le premier critère de la gouvernance. Je crois qu’on doit revenir à ça. Nous avons la chance d’exister, nous tous ici, sommes des produits des finances publiques alors, nous avons échappé à plein de choses. A la rougeole à 5 ans, alors que des copains n’ont pas dépassé le CE2 tandis qu’un autre est mort d’une méningite... On a tous vécu ça. C’est déjà en soi une chance que nous existions en tant qu’adultes, que nous puissions produire. Alors, il faut ramener les débats à ça. Il faut que les Africains à mon sens reviennent à des objectifs sereins d’existence collective, qu’ils reviennent à des objectifs de nation plutôt que d’individus, à des objectifs existentiels qui vont entraîner des objectifs communautaires mais pas des objectifs de division.

Autrement dit, les Etats que nous avons hérités des frontières coloniales sont des Etats qui, aujourd’hui deviennent des poudrières parce qu’on a toujours eu une raison d’en vouloir à l’autre ou de se sentir frustré par rapport à ce que l’autre est devenu.

Qu’est-ce que vous voulez si à la frontière d’un Etat, 2 mètres après, on trouve du pétrole et que vous en face vous n’en aviez pas ? Il faut que bien entendu on fasse en sorte que cela se gère dans des termes et dans des débats qui permettent d’arriver à se dire qu’il ne peut pas y avoir de développement séparé, qu’il ne peut pas y avoir des enclaves de richesses à côté de déserts de pauvreté. Ça ne marche pas. Tant que ça sera ainsi, ce seront des conflits qui vont continuer d’être entretenus. Je crois que ceux qui en souffrent, c’est d’abord les populations, les citoyens de ces pays africains. Donc, je crois très sincèrement, que nous devons revenir à la dimension de la nation et des objectifs qu’une nation doit avoir pour ses citoyens. C’est la seule façon que nous avons d’éviter les conflits qui vont nous amener irrémédiablement à la destruction totale de nos Etats en tant qu’Etats.

S. : Le conflit ivoirien s’éternise. Suite au vote du nouveau code à l’assemblée, Alassane Dramane Ouattara, a demandé qu’on applique immédiatement les sanctions parce que Marcoussis a été vidé de son contenu. Quelles pourraient être ces sanctions ?

Me I.B. : Je crois que les acteurs de la crise ivoirienne se sont réunis, ont parlé, ont fait en sorte qu’il y ait un canevas de reprise de dialogue et de justice. Personnellement, j’ai peur qu’en Côte d’Ivoire, on ne vive une crise de l’intelligence. Et ça m’inquiète. Cela rejoint un peu ce que je venais de dire. Quelle est la dimension d’un Etat dont l’objectif est de s’auto-fractionner ? Il n’a pas de sens. Quelle est la dimension d’un homme politique dont l’objectif est de récupérer un Etat en déliquescence ? Ça n’a pas de sens. Quel est l’objectif d’un parti politique : acquérir une expérience ou arriver à la gestion du pouvoir d’Etat sans Etat ?

Je crois que ce sont là des paramètres de base. Je crois que la Côte d’Ivoire est un pays important dans la sous-région. Très récemment, c’était un pays fort. Je crois que la Côte d’Ivoire est essentiellement riche des autres, de l’apport que les autres ont donné et c’est à son honneur. Maintenant, voir la Côte d’Ivoire, pièce maîtresse de toutes les institutions communautaires sous-régionales, BECEAO, UEMOA, dans l’état où elle est, c’est proprement affligeant. Ce que je peux dire, c’est que je crois à la communauté de destin. Quand je regarde aujourd’hui une ville comme Bouaké qui a 200 ans d’histoire, dont tous les critères sociaux existentiels ont volé en éclats, comment va-t-elle se reconstruire ? Comment est-ce qu’on peut aider la Côte d’Ivoire à retrouver les rails du destin qui permettent de la ramener à une situation d’espérance ? Je crois que c’est la question que chacun d’entre nous doit se poser. Personnellement, je ne suis peut-être pas très bien placé pour en parler parce qu’étant un des avocats d’Alassane Dramane Ouattara (NDLR : homme politique ivoirien, président du Rassemblement des Républicains) qui communique avec les acteurs politiques de la scène ivoirienne. Mais en tant que citoyen burkinabè, africain, tout ce que je peux dire, c’est que la situation actuelle de la Côte d’Ivoire est dramatique et je souhaite que l’ensemble des acteurs politiques retrouvent le chemin de la cohérence, le chemin du destin commun de la nation. Et ce n’est que comme ça que l’on peut espérer que cette crise sera résolue. Autrement, nous avons un certain nombre de crises qui sont communes à l’Afrique de l’Ouest dont on peut apprécier l’impact financier qui est dévastateur. Imaginez un instant le coût de la présence des forces françaises ou des forces de l’ONU en Côte d’Ivoire par rapport aux besoins dont on parlait plus haut. C’est inadmissible et je crois qu’aujourd’hui, ce que nous pouvons souhaiter est que ces foyers s’estompent. Qu’ils s’éteignent avec la raison. Il n’y a pas lieu de désespérer. Ce que je considère comme une crise d’intelligence va être, j’espère une crise passagère, autrement ce serait désespéré du devenir de l’être humain.

S. : Mais pourquoi solliciter des compétences pour trouver des solutions pendant que nous en avons ?

Me I.B. : Je crois que dans ces types de crise, il ne faut pas chercher à faire du juridisme ou à faire des cloisonnements. Toutes les solutions qui peuvent être apportées d’où qu’elles viennent doivent être trouvées à mon sens. Je crois que l’Union africaine en tant que telle est impliquée dans le processus. On le voit avec la mission du président Thabo MBeki. Maintenant, on peut se poser la question de savoir pourquoi l’Afrique du Sud, plutôt que l’Afrique de l’Ouest. Tant mieux pour ce pays. C’est un signe qu’effectivement la communauté de destin de l’Union africaine commence à prendre corps. Parce qu’il n’y a peut- être plus de pré-carré, il n’y a plus de frontière. Et si les Sud africains peuvent aider à résoudre une crise en Afrique de l’Ouest dans ce pays francophone, tant mieux. Je crois vraiment que toutes les forces qui peuvent concourir à la réalisation des objectifs de paix en Côte d’Ivoire doivent être encouragées. Et qu’on ne peut pas faire de l’ostracisme particulier à l’endroit des initiatives qui sont prises. Ce que l’on peut souhaiter, c’est qu’elles ne se fassent pas dans le désordre. C’est tout.

S. : Comment expliquez-vous que des intellectuels comme le président Gbagbo ou l’ancien président congolais Lissouba échouent en politique ?

Me I.B. : Je pense d’abord qu’il n’y a pas de commune mesure entre l’espace de vie politique et le caractère intellectuel de l’individu. Je crois que la politique est quelque part aussi un métier avec ses accidents de travail ou ses pannes d’imagination. La question est de savoir : est-ce que les pannes d’imagination prennent le pas sur les accidents de travail ? Je crois très sincèrement qu’il n’y a pas de destin politique strictement individuel. Les hommes que vous avez cités ont gêré le pouvoir. Est-ce qu’on doit désespérer d’individus ou de la globalité de ceux qui gèrent un processus démocratique, qui gèrent un Etat, un pouvoir ? je crois que c’est une question intéressante. Maintenant, vous le savez, l’école donne un savoir mais pas l’intelligence.

S. : L’actualité c’est aussi le sommet de la Francophonie précédé de celui sur l’emploi que notre pays a abrités. Quelle appréciation faites-vous des conclusions de ces événements ?

Me I.B. : D’abord, je pense qu’il faut dire que le sommet de la Francophonie en tant que tel a été un succès. C’est une fierté partagée par chacun d’entre nous. En dehors de ça, je pense que les résolutions du sommet se sont axées sur les problèmes qui nous sont très chers. La crise de la Côte d’Ivoire n’a pas pu être écartée et je crois que très objectivement ce que l’on peut espérer au-delà du sommet de Ouagadougou c’est que la francophonie devienne véritablement un espace de vie commune et que l’organisation de la francophonie ne se justifie pas simplement par sa propre existence. C’est ce que l’on espère parce que je crois très sincèrement que nous sommes de plus en plus dans un monde où l’espace francophone en tant que tel recule sur la communauté de la langue. Je pense que quelque part nous pouvons participer pour que la francophonie devienne une réalité pas seulement politique, linguistique mais surtout économique. Et c’est dans ce sens que je me dis que nous avons peut être eu la chance d’avoir ce sommet qui s’est tenu dans de bonnes conditions ici à Ouagadougou. Nous espérons que les conclusions de ces travaux ne seront pas simplement comme on le reproche souvent dans les grandes réunions des vœux pieux.

S. : Pourquoi avez-vous choisi le métier d’avocat ?

Me I.B. : Certainement pas par défaut. Je l’ai choisi parce que d’abord, c’est un métier où on exprime une solidarité envers les autres. C’est un métier qui permet à la fois un contact et la recherche de la manifestation de la vérité.. Je crois que c’est surtout un métier où on peut travailler de façon tout à fait autonome. Ça, c’est aussi important. C’est d’abord et avant tout un métier libéral. Peut être que la vision que l’on a quand on est jeune dans ce métier n’est pas toujours complète. On apprend très vite mais finalement, ce sont des charges de travail monumentales qui ne sont pas toujours récompensées à leur juste valeur. Mais, j’ai choisi ce métier parce que je voulais me mettre au service des autres.

S. : Parlons à présent de votre métier où semble-t-il on devient riche

Me I.B. : Riche de culture d’accord.

Je voudrai que là-dessus, les choses soient très claires. Je crois d’abord que c’est un métier très difficile. Contrairement à ce que l’on dit, la théorie de l’apparence comme on dit dans notre vie est une réalité dans notre milieu. Vous savez, il y a des journalistes détenteurs de télécentres, de débits de boissons. Il n’est pas évident quand on parle d’eux que l’on dise qu’ils sont détenteurs de télécentres et de débits de boissons. Ramenons les choses à leur juste proportion. C’est un métier qui permet de vivre honorablement. Ce n’est pas un métier qui permet d’être riche. Etant entendu que la richesse est très relative selon que l’on soit à New York, à New Delhi ou à Manga. Ce n’est pas exact de dire que les avocats sont riches.

Si vous voulez être riche, vous avez bien des canaux que ce métier. Je voudrais que l’on ramène les choses à des proportions acceptables. Quel est le pouvoir d’achat du Burkinabè moyen qui permette à un avocat d’être riche ? Première observation. Deuxième observation, la richesse a toujours une origine : connue, inconnue, suspecte, éventuellement discutable. Ce que je peux vous dire, c’est qu’après 23 ans d’exercice professionnel, je n’ai pas été riche.

Je pense que la vie d’un avocat normal n’est pas tellement différente de celle d’un cadre supérieur. je le dis en m’amusant avec des amis qui sont dans la fonction publique. Si j’étais dans un ministère ou à Sidwaya, je ne serai pas planton. Qu’on me concède au moins cela, ce qui veut dire que j’aurais des aspirations légitimes à vivre comme un cadre supérieur. Je peux vous assurer que si vous venez chez moi, je n’ai pas beaucoup de choses qui peuvent me différencier de celles qui peuvent exister chez les uns et les autres autour de cette table. On peut parler toujours des voitures. Vous avez l’obligation d’avoir un véhicule professionnel en bon état de marche. Si j’ai un véhicule professionnel de 8 ans mais qui tient toujours la route, ce qui est mon cas, c’est que je considère qu’il est un outil de travail.

Il faut comparer ce qui est comparable. Je dirai que là-dessus, les avocats sont aujourd’hui dans une situation contrairement à ce que l’on croit, de précarité croissante sur le plan financier. Précarité croissante parce que tout simplement le phénomène de la paupérisation de la masse virtuelle des clients est quelque chose de constant. Depuis 23 ans de profession, nous le constatons très bien. Aujourd’hui, la clientèle individuelle pouvant permettre à un jeune avocat d’exister n’est pas une espèce en voie de disparition, mais en tout cas, elle est une espèce qui a de plus en plus de mal à payer. Or l’avocat est confronté à des charges qui sont incompressibles : les salaires, les impôts. Donc, forcément, c’est un peu une aventure.

S. : Est-ce que vos honoraires ne sont pas très élevés par rapport au pouvoir d’achat des populations ?

Me I.B. : Je pense que c’est une question qui peut être effectivement débattue. Vous savez que l’administration de l’ordre des avocats a pris sur elle de proposer un barème indicatif, un barème qui donne à peu près une direction sur le coût des honoraires des prestations. Il faut toujours amener la chose à la dimension de comment existe le professionnel qui intervient. Si le professionnel qui intervient a la possibilité d’exister sans contrepartie financière importante, il peut, peut-être aligner ses honoraires au niveau de vie des Burkinabè. Mais, là aussi de quels Burkinabè ?

S. : On dit aussi que les anciens avocats sont pour la plupart dans des grandes institutions bancaires. C’est ce qui fait leurs fortunes ?

Me I.B. : Moi je pense qu’il faut faire très attention pour ne pas faire de la caricature. Je pense que l’expérience ne s’achète pas au marché. A mon avis, si nous voulons rentrer dans un débat où nous considérons que l’ancienneté n’a pas de prix, j’aimerais bien qu’on me dise d’où viennent les cheveux blancs. Il n’y a pas de métier où l’ancienneté n’a pas de prix. L’ancienneté, c’est de l’expérience. Ce qu’on demande à l’avocat, c’est d’avoir le réflexe professionnel immédiat de résoudre un problème, pas de philosopher. Bien évidemment, plus il en a connu, plus il en a vu, sa réaction peut être immédiate, spontanée. Vous n’allez pas m’opposer le fait que les anciens soit disant prennent un certain nombre de places qui seraient dévolues aux jeunes. Vous savez, la jeunesse en tant que telle n’est pas une qualité. C’est Raymond Barre qui disait lorsqu’on a nommé Laurent Fabius comme Premier ministre le plus jeune de France à la télé “écoutez, j’espère que ce n’est pas la seule qualité qu’il a parce que il n’y a rien de plus éphémère que celle-ci”. Alors, ce n’est pas une qualité d’être jeune. C’est une qualité que d’être un bon professionnel jeune. Je voudrais que cela soit entendu. Parce que une fois que vous avez dit cela, le chemin qui sépare le jeune bon professionnel de l’ancien bon professionnel n’existe pas. Il n’y a que l’expérience qui peut les séparer. Mais le chemin qui sépare un jeune qui arbore la seule qualité de jeune sous certains cieux, cela s’appelle l’eugénisme.

Contrairement à ce que vous dites à propos des banques, il y a récemment un responsable de banque qui m’a dit qu’il travaillait avec de jeunes avocats avec qui je n’ai pas eu de problèmes.

Je n’ai pas osé lui dire que je n’ai pas vu sur son bureau un jeune banquier de 25 ans le remplacer mais que si on continuait la démarche logique, on peut aussi aboutir à cette conclusion.

S. : Que pensez-vous du système judiciaire burkinabè ?

Me I.B. : La couverture judiciaire considérée comme étant relativement saine est selon les critères internationaux, de un (1) magistrat pour 100 habitants.

Nous sommes très loin de ce compte. Il n’y a que 2 Cours d’Appel au Burkina à Ouaga et à Bobo. Et pour celui qui vient de Diapaga, Tansarga, etc. pour se présenter physiquement à une audience à la Cour d’Appel de Ouagadougou, il a fait plus de 400 km. Si on lui dit que son dossier est renvoyé et qu’il doit revenir dans un mois et demi parce qu’il y a l’ouverture de tel séminaire, ce sont des frais récurrents qui sont énormes pour la paysannerie par exemple. L’organisation judiciaire au jour d’aujourd’hui, de ce point de vue serait en deçà des objectifs espérés. Mais la question est de savoir si nous avions la possibilité de gérer du point de vue financier, deux Cours d’Appel parce qu’on n’en a pas une seule. Mais je pense qu’il est tout a fait normal que de ce point de vue, tout le monde ne soit pas concentré à Ouagadougou comme cela l’a été il y a une vingtaine d’années.

Mais en dehors du coût de l’exploitation judiciaire, je crois que le Burkina Faso est en deçà des normes de couverture judiciaire considérées comme acceptables. Il appartient à l’Etat souverain de donner les moyens au système judiciaire pour exister en fonction des objectifs de sa politique.

S. : Quels sont les ratios alors ?

Me I.B. : C’est de l’ordre de un (1) magistrat pour 100 habitants.

S. : Les avocats ne se lancent pas trop dans les procès politiques. Comment expliquez-vous cette retenue ?

Me I.B. : Je ne crois pas que ce soit très exact. D’abord parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de procès politiques par rapport au nombre de procès criminels.

Je pense aussi que l’avocat ne peut pas s’auto constituer. Il a un mandat qui lui permet d’assister quelqu’un. Si vous n’êtes pas demandé, vous ne pouvez pas devancer l’appel. Cela n’existe pas. C’est la première réponse à la question. Vous ne voyez que ceux qui sont régulièrement constitués. Je pense qu’il nous est arrivé à chacun de plaider dans des procès politiques qui ont commencé depuis le temps de Maurice Yaméogo, les TPR (Ndlr : Tribunaux populaires de la Révolution). En ces moments il n’y avait pas d’avocats. Il faut éviter à mon sens d’étiqueter l’avocat qui est là pour agir et travailler pour toutes les causes pour lesquelles il a été requis.

S. : Dans les discours, l’on entend toujours parler de corruption sans pour autant que l’on en assiste à des grands procès dans nos juridictions.

Me I.B. : Je ne sais pas à quoi cela est dû. Il y a des choses qui me paraissent essentielles. Aujourd’hui ce qu’on doit faire est de permettre à la Justice de poursuivre les infractions qui sont liées à la corruption et les sanctionner. Je reviens là encore au problème de moyens. Il faut de nos jours un parquet économique, en bonne et due forme qui puisse poursuivre tout le monde sans exception ; un parquet spécialisé dans les délits économiques avec peut-être à côté, des juridictions d’instructions pouvant aller dans ce sens, mais il faut spécialiser la démarche. Malheureusement pour l’instant ce n’est pas le cas. Bien évidemment, on a des rumeurs qui nous parviennent, on a aussi des institutions qui sont créées qui vont avoir un rôle peut-être de prévention, d’incitation à abandonner le phénomène. Mais sur le plan pratique, il faut que dans ce domaine la justice puisse passer et qu’elle s’exerce avec des règles de transparence valables pour tout le monde. Il faut véritablement une volonté affichée pour que si cela doit arriver, que des moyens requis soient mis à la disposition de la Justice. Autrement, ce ne sera pas possible.

S. : Pour revenir à votre métier, que pensez-vous de la CARPA introduite par le Bâtonnier Me Kéré ?

Me I.B. : Je rectifie : la CARPA n’a pas été introduite par le Bâtonnier Me Kéré. C’est un texte légal qui est initié il y a déjà quelques années ; un décret qui prévoit depuis 2003 qu’il y a une caisse de règlement autonome. La CARPA est la banque obligée des avocats qui doit tenir la main de portefeuille des avocats pour parler en langage imaginée. Elle fait en sorte que le maniement des fonds échappe à l’avocat lui-même pour transiter par un compte bancaire, un compte CARPA. Le problème n’est pas relatif au texte lui-même, mais à son application. A savoir que la CARPA est une administration à part entière de l’Ordre des avocats et il faut des hommes pour l’animer, lui consacrer leur temps. Il est le trésor public de l’Ordre.

Bien évidemment, dans l’état actuel des choses, soit il y a un ou plusieurs avocats qui se dévouent corps et âme et ne travaillent plus pour ne faire que cela, parce qu’avec la CARPA, vous ne pouvez plus signer un chèque à votre client de vous-même. C’est elle qui vous envoie un chèque signé pour rembourser la veuve et l’orphelin ou soit on embauche des personnes qualifiées pour le faire comme on en voit dans la plupart des grands pays. Cela suppose que bien évidemment, et c’est cela l’objectif de la manœuvre, le fonds commun qui unit l’ensemble des sommes qui transitent dans les cabinets d’avocats permet du point de vue du placement de générer des recettes financières qui elles-mêmes peuvent assurer le fonctionnement du Barreau ; lequel a 150 personnes et où les cotisations ne sont pas payées. Aujourd’hui, il y a un conseil d’administration de la CARPA qui a été élu mais dans les faits, il ne fonctionne pas. Je ne suis pas sûr que c’est demain qu’il va l’être parce que très honnêtement je ne pense pas qu’on va trouver un avocat qui va arrêter de travailler pour ne se consacrer qu’à cela. Dans certains pays, il y a un administrateur qui est un avocat qui fait partie du métier. C’est le cas notamment en Martinique où mon ami le Bâtonnier est très content parce qu’il venait de dénicher un avocat qui quitte la robepour s’occuper de la CARPA.

C’était de plus en plus difficile de trouver des gens pour le faire, pourtant c’est un mal nécessaire eu égard d’abord à ce qu’il met fin à toute tentative éventuelle de s’octroyer indûment des fonds. Les avocats sont des hommes comme les autres vous savez et peuvent être tentés de manipulations pour leur propre compte ou celui de leurs clients. Ensuite la CARPA permet de fédérer les énergies financières de l’ensemble des avocats, ce qui n’est pas rien parce que ceux-ci sont, en tant que corps et non en tant qu’individus, sans assurance et prévoyance sociales. Donc c’est un bon point pour les autorités mais il subsiste la difficulté de sa mise en œuvre. Nous ne le sommes pas à même d’appliquer et qui d’ailleurs pose problème parce que nous ne sommes pas hors-la-loi au jour d’aujourd’hui.

S. : On ne dirait pas que vous êtes hors-la-loi mais il semblerait que vous avez un cabinet à Niamey.

Me I.B. : Oui, c’est complètement vrai. Ce n’est pas un exercice professionnel occulte, rassurez-vous. Nous vivons dans un espace de plus en plus communautaire. Ce n’est pas l’apanage des autres d’aller voir ailleurs et je souhaite aux Burkinabè d’aller exercer ou comme on dit d’aller “percer” ailleurs. Il n’y a aucune incompatibilité à cela car nos textes prévoient la possibilité d’aller s’installer ailleurs et de pouvoir exercer sous un certain nombre de conditions bien entendu tel que le respect des règles des Barreaux d’origine et d’accueil. Tous ceux qui ont vécu dans des villes comme Abidjan ou Dakar savent qu’il y a des dépendances de grands cabinets français qui y sont depuis 30 ans sans que cela n’ait choqué qui que ce soit. Bien évidemment s’agissant d’un Burkinabè qui va s’installer ailleurs cela peut prêter à des sujets de discussion, cependant complètement inopérants dans le mesure où ce sont des cabinets structurés totalement différents qui relèvent de deux administrations différentes. Mais personnellement je trouve que c’est un défi africain à mettre en route. Je peux vous dire que je suis un exemple vivant d’intégration et l’UEMOA et la CEDEAO ne sont pas des mots vides pour moi. Et j’estime que, au regard des textes que nous appliquons, nous sommes très très loin de l’intégration. Quand je prends ma voiture pour me rendre à Niamey, au poste-frontière du Niger, je paie une taxe douanière si mon véhicule est immatriculé au Burkina Faso. Dans l’autre sens, si ma voiture est immatriculée à Niamey, je paie une taxe pour entrer au Burkina Faso.

Nous avons plein d’experts qui parlent d’intégration tous les jours mais l’intégration de nos pays ne se fera que par la production de richesses aussi bien sur le plan économique que sur le plan intellectuel. Vous avez aujourd’hui une Cour commune de justice de l’UEMOA qui va être de plus en plus la Cour communautaire de référence dans notre espace et qui jugera des choses fondamentalement importantes. Tous les actes qui sont pris et qui permettent aux Etats de se considérer comme étant infaillibles vont être déférés à l’attention de la Cour. Je crois que dans ce cas, l’intégration sera devenue un très gros avantage en amenant les jeunes à se battre pour exister ailleurs que dans leur périmètre parce que c’est en se frottant aux autres, qu’on se rend compte des difficultés et qu’on peut comprendre l’intérêt de l’intégration.

S. : Parlant d’intégration, est-ce vrai que vous jouissez d’une double nationalité ?

Me I.B. : Quel intérêt à une telle question par rapport à ce que je fais ? Je crois que du point de vue de la démarche d’abord sur le plan personnel, chacun d’entre nous a une existence. C’est une question qui est purement personnelle. Si je vous dis que je ne jouis pas d’une double nationalité, vous ne me croirez pas. Si je dis que je jouis d’une double nationalité vous ne serez pas plus avancés par rapport à la connaissance que vous avez de moi. C’est la réponse à la “Normand” que je puisse donner. Je me considère comme un citoyen qui vit dans un pays et a la nationalité dudit pays et qui aurait pû naître au Mexique ou ailleurs. On voit ce que cela a donné comme dérapage en Côte d’Ivoire. Chaque fois qu’on me pose cette question, je réponds de la sorte et pas seulement parce que c’est ici, j’aurais pu vous dire aussi que je suis marié, que ma femme est ceci ou cela... Ça ne m’intéresse pas !

S. : Vous avez de la suite dans les idées tant du point de vue professionnel que politique. Avez-vous des “Inhibitions” au plan politique ou seulement voulez-vous vous engagez dans votre sacerdoce ?

Me I.B. : Je vous remercie. C’est tout l’honneur pour moi de faire la connaissance des uns et des autres à partir du moment que je connais les plumes mais pas les hommes. Je repartirai en ayant découvert des personnalités attachantes à Sidwaya.

Alors non, il n’y a pas d’inhibition. Je vis et j’existe à la cité. C’est déjà pas mal. Ensuite faire de la politique n’est pas forcément une obligation. Je considère que faire de la politique, c’est participer d’une façon ou d’une autre à la vie et au développement de son pays. La question pour moi est de savoir si la politique est une profession. Je vous remercie de constater que j’ai de la suite dans les idées. Je suis quand même allé à l’école où j’ai appris à réfléchir et je vous dirais que chacun d’entre nous concourt à la réalisation des objectifs communautaires de vie et de la société en faisant d’abord bien ce qui lui est dévolu, en étant bon professionnel, bon père de famille, bon contribuable et en faisant en sorte de vivre en bonne intelligence avec tous ceux qui vivent autour de soi.

Deuxième objectif, il appartient à chacun d’entre nous de valoriser ce qu’il peut au profit de son pays au niveau où il peut le faire. Je dis toujours en rigolant que personne n’a fait un concours pour être haut responsable. Il y a des postes de la haute Fonction publique qui sont dévolus à des gens qui ont un profil professionnel, scolaire, universitaire... Tout le reste est de la discrétion, je ne dirais pas du chef ou du bon Dieu, mais de celui qui estime qu’à un moment, “X” peut d’abord de lui-même jouer un rôle de partition et s’engager en politique dans nos pays. Ce n’est pas compliqué. Nous avons la chance d’avoir un pays jeune, nous nous connaissons tous parce que nous avons fréquenté les mêmes collèges et lycées et nous nous sommes peut-être bagarrés sur les mêmes filles, etc., mais une fois que ça s’est dit, je crois que nous tendons tous à essayer de jouer notre partition.

Je disais que faire une carrière politique pour un avocat était synonyme d’un accident de travail non remboursé par la sécurité sociale, ça peut être aussi un choix car à partir d’un certain âge et une certaine expérience, je peux dire que je peux porter la petite expérience que j’ai au profit de missions qui ne sont pas que seulement classiques. Je peux me résumer en disant que j’essaie d’être, dans ma vie de tous les jours, pratique, en phase avec moi-même et avec les principes de vie aussi bien civile que professionnelle. Bien évidemment chacun de nous a ses intérêts, qui doivent être modulés en fonction des objectifs que l’on a.

S. : Les avocats au Burkina, dit-on, vivent dans l’opulence.

Me I.B. : Du point de vue de la généralité, l’avocat au Burkina Faso est plutôt un avocat qui se paupérise sur le plan financier.

S. : Expliquez-nous les problèmes que rencontrent les dossiers des veuves et orphelins ?

Me I.B. : Je dirai que le dossier de la veuve ou l’enfant orphelin, c’est un document comme un autre. Vous avez connu comme moi un certain nombre de problèmes évoqués par rapport à la veuve et l’orphelin dans la presse ; des difficultés dans l’exercice professionnel de certains confrères. Je dirai simplement qu’il n’y a pas de honte d’un point de vue professionnel à traiter de ces dossiers. La veuve, c’est celle qui se retrouve avec le mari accidenté, qui ne travaille pas et dont les ressources disparaissent. Il n’y a pas de honte professionnelle à faire de cela sa clientèle. On le fait en rendant à qui de droit ce qui lui revient.

S. : Le problème, c’est souvent le temps pour dédommager la veuve et l’orphelin ou les ayants droits...

Me I.B. : Vous savez qu’en matière d’assurance, le processus est un peu plus compliqué. Il y a une procédure très large de concertation et de conciliation avec les assureurs lorsque l’accidenté est assuré. Mais, je suis d’accord avec vous que là-dessus les choses ne se font pas relativement vite d’autant plus que nous n’avons pas dans ce pays une commission d’indemnisation à titre provisoire qui permettrait cela avec un dossier constitué dans le mois suivant. On se rend compte qu’il est aussi très difficile de réunir les pièces d’état civil. L’assureur les examine. Or, quelques fois quand vous demandez ces pièces, facilement vous pouvez attendre 4 mois pour les avoir. Cela n’est pas la faute de l’assureur, ni de l’avocat, ni du juge.

S. : Ces derniers temps, nous assistons à une entrée massive d’avocats dans l’arène politique. Est-ce un raccourci pour parvenir au pouvoir ou pour arrondir les fins du mois ?

Me I.B. : Je ne savais pas que la politique est une profession qui rapporte de l’argent. Il faudra leur poser la question pour savoir pourquoi ils sont allés en politique. Je pense qu’au Burkina Faso, nous avons un petit décalage par rapport aux autres pays où la scène politique est très occupée par des avocats. Je pense que le parlement burkinabè a été le dernier à connaître la présence d’avocats alors qu’ailleurs, ils étaient déjà de longue date sur le terrain politique. Je crois que ces confrères jeunes ou pas, le justifieront si vous les interrogiez. Je souhaite que l’amalgame ne soit pas fait. L’avocat qui devient un homme politique est pour moi un homme politique et non un avocat. Je constate en lisant la presse que ce sont des détails qui ne sont pas toujours portés. A mon avis, il faut le dire parce qu’il n’y a pas d’homme politique qui n’a pas de profession. Vous avez des médecins et autres à l’assemblée nationale. La particularité de l’avocat en politique, c’est comme s’il était parti à l’aventure. Quand vous avez 50 ans, après une incursion en politique au bout de 7 ou 8 ans. Et comme l’avocat est un “tacheron” sans retraite, vous recommencez tout à zéro. Ce n’est pas évident pour des gens qui ne sont pas assis du point de vue professionnel et qui n’ont pas pris en amont les précautions pour que la structure professionnelle dont il émane, continue à vivre anvant de se lancer en politique.

Comprenez qu’un mandat de député, c’est 5 ans. C’est court. Mais après vous retrouvez la réalité. C’est différent du fonctionnaire ou de l’agent d’une société qui retrouvera son salaire. Ceci est un problème. Je trouve qu’y aller sans avoir pris les précautions nécessaires d’assurer sa suite professionnelle, peut-être quelque fois une expérience périlleuse.

S. : Des députés siégeant à l’Assemblée nationale demandent qu’on leur permette de continuer à exercer la profession.

Me I.B. : Je crois savoir que ce projet de loi n’a pas connu de suite. Peut-être qu’il n’était pas très opportun parce que la dynamique d’intégration au sein du parlement repose sur la base de quelques existants. Il aurait fallu se battre pour que la logique change avant et pas après. Cela pose un problème. Je pense aussi qu’il aurait été plus indiqué que ce soit le corps qui pose cette question. Il est vrai que lorsque vous revenez à la profession après 5 ans de ballades parlementaires, il n’y a personne pour vous attendre.Conformémentà la législation des pays voisins, un député avocat investi de missions parlementaires ne peut pas plaider contre l’Etat. Il y a une situation d’incompatibilité. J’espère qu’on va arriver à faire en sorte que cette spécificité soit maintenue, autrement il y a beaucoup d’avocats qui veulent apporter leurs contributions aux débats parlementaires. Mais les risques professionnels sont énormes. Au Mali, au Niger, au Togo, en Côte d’Ivoire, les avocats élus députés continuent d’exercer leur profession.

S. : Maître, vous avez été candidat malheureux à la présidence du barreau alors que vous étiez donné pour favori. Comment expliquez-vous cette défaite ?

Me I.B. : Les sondages peuvent se tromper lorsqu’ils ne sont pas formels. La question est de savoir comment battre campagne. Je me suis battu suivant le schéma orthodoxe de la profession. On me l’a enseigné selon des règles. Je les applique. Ce n’est pas une fin en soi. Moi, je le regrette aujourd’hui. J’aurais pu apporter mon expérience au barreau. Je continue d’exister sur le plan professionnel. J’espère que le barreau ira de l’avant. Je constate simplement que du point de vue de l’organisation, le barreau du Burkina a encore beaucoup à faire. Parce qu’il faut un investissement humain pour faire avancer les choses. Et cet investissement ne se limite pas aux élections. Parce qu’après il faudrait vivre, organiser, administrer. Il est évident que nous sommes encore à un barreau très jeune. Et se passer des anciens, c’est peut-être une bonne chose d’un point de vue électoral, mais je ne suis pas sûr que cela est bien pour la vie et l’administration de la structure. Nous sommes en démocratie, considérons que c’est une élection transparente qui s’est faite dans les conditions normales. Considérons que la parole a été donnée et que les choses iront bien.

S. : Vous vous êtes réfugiés pendant cette élection derrière la loi. Est-ce que vous n’avez pas fait une confusion entre publicité et campagne et que l’autre camp a reçu du pactole ?

Me I.B. : Je n’ai pas fait des enquêtes à la Colombo pour savoir ce qui se passe dans l’autre camp. Je peux vous dire que je suis en paix avec ma conscience. Je n’ai pas de raison d’envoyer mon programme de travail au directeur général de Sidwaya. Le faire serait déjà transgresser les règles. On a vu des programmes de campagnes qui se sont retrouvés à la présidence. Ce sont des choix.

Mais, attention au retour du bâton ! Parce que la fonction première du bâtonnier est d’instaurer un climat de confiance. Or quand vous vous lancez dans le clientélisme pour acquérir quelque chose, vous êtes disqualifiés. Nous n’exerçons pas un métier qui nous permet de dire : je vais avoir mon clan. La fonction du bâtonnier est de permettre ensuite d’administrer un Ordre en ayant un minimum d’ascendance morale et éthique sur les avocats qu’il est chargé d’administrer. Ceci lui interdit de facto de se vendre comme un cheval encore moins d’aller chercher ailleurs des fonds financiers pour se faire élire. Parce que c’est le début de la compromission. Imaginez que ces fonds proviennent d’origines douteuses. Est-ce que vous pensez que moi, j’aurais une fierté de savoir qu’on peut acheter un bâtonnier. La loi m’interdit de faire de la publicité. Je suis désolé lorsque devant un programme de campagne on dit que c’est de la publicité. Il n’y a pas de contrôle de comptes de campagne. Ce n’est pas gratuit lorsque j’imprime par exemple sur mon ordinateur du papier. Cela me coûte de l’argent, si je dois payer mes factures à un imprimeur pour établir ma photo ou autre chose, il ne manquera plus que la photo à la sortie de la messe. Je suis désolé, ça ne correspond pas à l’image à l’éthique de notre profession. Ça ne correspond pas non plus à l’image que je me fais de ma profession. Je suis peut-être en décalage. Mais, je suis tranquille avec ma conscience et mes principes de vie. C’est le plus important. Le reste, je crois que chacun sait ce qu’est l’autre. Je me refuse aujourd’hui comme demain d’user des pratiques malsaines pour parvenir à un objectif électoral.

S. : Avec tout ce que vous venez d’évoquer peut-on dire que les avocats sont crédibles ?

Me I.B. : Je pense qu’ils le sont. Ils ne sont peut-être pas tous crédibles. Dans l’ensemble, ils sont crédibles. Ce qu’on peut reprocher aux avocats burkinabè, c’est de ne pas vivre en corporation. Ce que je viens d’évoquer plutôt est le symbole de cette situation. Une corporation qui n’a pas l’impression d’être unie ne peut pas évoluer. La crédibilité des avocats burkinabè ne peut et ne doit pas se mesurer au mètre cube de beton. La crédibilité de l’avocat burkinabè, c’est d’abord sa capacité intellectuelle à être présent dans les débats.

Sur le plan judiciaire, on n’est pas très présent, de même qu’au plan des droits de l’homme. En tant que corps, on n’est pas non plus présent sur le plan sociétal. Vous prenez un certain nombre de repères et vous verrez que les avocats sont des laissés- pour-compte. Je crois que la première décision que nous devons prendre est de dire qu’il est temps que les avocats soient un corps. Et un corps malheureusement a des règles. Personne n’est obligé d’être avocat. Si vous choisissez d’être commerçant ou autre, c’est votre droit le plus absolu. Mais, il y a des règles dans la profession qui sont incompatibles avec un certain nombre d’activités. Vous pouvez renoncer à être avocat. Vous ne serez pas pour autant un non être. Donc, la crédibilité des avocats dans les années à venir va se jouer à la capacité opérationnelle à se recentrer sur le corps et sur les principes gouvernant le corps.

A partir de ce moment, on pourra commencer à devenir un corps. On le sent d’ailleurs lorsqu’on voit des infiltrations professionnelles venant de l’extérieur auxquelles on ne peut pas résister. Parce que nous n’avons pas d’esprit de corps.

S. : Vous parliez d’ingérences extérieures...

Me I.B. : Non ! C’est l’ouverture du marché. Pour certaines consultations nationales vous aurez des avocats ivoiriens, maliens, sénégalais, français... Mais, la démarche de corps est une démarche d’ensemble et permet d’abord d’appréhender certains domaines, de les traiter en internes et de commencer à y donner des réponses. Le référentiel professionnel des avocats ne doit pas la proximité de celui qui n’a pas le pouvoir de donner économiquement du travail au plan judiciaire. Ce référentiel doit être d’abord la qualité professionnelle.

Cette qualité ne peut pas s’exclure de la formation continue, permanente et spécialisée.

S. : Vous avez été à la tête de l’Union des jeunes avocats . On voit aujourd’hui qu’elle prend des positions sur le terrain.

Me I.B. : Quand j’étais président de l’UJA, les combats que nous y avions menés étaient d’ordre existentiel et professionnel. J’ai été président de cette union à un moment où le corps des avocats était carrément une espèce en voie de disparition du point de vue légal.

Ce qui importe pour nous, c’est de revenir à notre essence de vie corporative. Je déplore si cela existe que l’Union des jeunes avocats puisse être utilisée à d’autres fins.

S. : D’une manière générale, comment percevez-vous la justice au Burkina Faso ?

Me I.B. : Je vois la justice burkinabè comme étant extrêmement sous-équipée. Cela est une réalité dont on parle très peu : sous-équipée en hommes et en matériel. La justice burkinabè qui relève d’un ministère de souveraineté est certainement le parent pauvre de la République. Il suffira de lire les lignes budgétaires du budget 2005 pour s’en convaincre. Je constate que le budget du Médiateur du Faso est plus important que celui du ministère de la Justice. C’est un handicap.

Il faut être clair là-dessus. On ne peut pas demander plus aux hommes qui participent pleinement à la réalisation de la mission de justice en leur donnant moins. Sur la façon dont fonctionne la justice, j’aurais beaucoup à dire. La lenteur est un phénomène récurrent parce que les étapes de procédures sont parfois cadrées par la loi mais surtout du fait de ce dont nous avons parlé plus haut, sous-équipement.

Pour ce qui est de la façon dont elle est rendue, beaucoup de Burkinabè peuvent avoir un sentiment non pas de défiance mais un peu d’amertume. Je peux dire que juger est une prérogative de puissance publique redoutable. Vous avez entre les mains la liberté des citoyens, le devenir économique des autres . Le juge agit au nom et pour le compte du peuple burkinabè.

Il est lié de façon définitive à l’exercice de sa profession. Je constate que le fonctionnement administratif à quelquefois pris le pas sur la fonction judiciaire. C’est là où ça devient compliqué. Vous savez que le juge en tant que magistrat est irresponsable.

On ne peut pas le poursuivre sur la base d’une décision considérée comme étant malvenue. Le juge donne à sa décision un chéquier sur lequel il signe au nom de la communauté . Son acte a des conséquences qui sont assumées par l’Etat.

Est-ce qu’on ne peut pas évoluer vers une responsabilisation dynamique du juge qui n’est pas un martien ? Bossuet disait que les juges ne peuvent pas entrer leurs paroles dans les palais. Il est important que les intérêts des juges ou de leurs amis ne les guident pas dans leurs services. On peut quelquefois avoir l’impression qu’il n’y a ni de sanctions, ni de mises en cause que c’est un chèque en blanc que l’on donne aux juges, et ce quel que soit ce qu’ils font. On peut tenter de corriger cela sous des garanties extrêmement strictes et sévères en positionnant un début de responsabilisation par rapport à la mission de justice. Comment faire ? Des solutions peuvent être trouvées en faisant en sorte que les garanties de l’indépendance soient inviolables. Et que la procédure d’urgence puisse permettre d’aboutir à des jugements d’urgence. Quelle est la marge de manœuvre ? Peut être sur le plan légal obliger la procédure à suivre le timing. Lorsque le juge a rendu sa décision , on est tenu de la mettre à la disposition des gens dans les huit jours. C’est une obligation. Évidemment, on ne peut pas non plus demander cela aux magistrats en laissant plus pauvre tous les autres corps de l’administration. Ces phénomènes conjugués font que parfois on a l’impression que la justice est lente, partisane. Pire, que pour certains dossiers, ils vont plus vite que d’autres. On devrait pouvoir corriger le tir en mettant un minimum de moyens à la disposition de la justice. De cette façon le manque de moyens ne pourra plus être évoqué comme justificatif. L’on dira au justiciable s’il n’est pas content de l’action du juge, il peut sous réserve de certaines conditions actionner

d’engager la responsabilité de celui-ci. Le simple fait de l’existence d’un tel recours, peut donner au justiciable une quiétude. L’état actuel des moyens judiciaires, j’insiste là-dessus, est dérisoire. A l’heure où on parle de décentralisation, on voit très peu, le ministre de la Justice, garde des Sceaux rendre visite à des services décentralisés. Pour un ministère de souveraineté, c’est un problème. Parce que la justice ne peut pas être sous-traitée, donner en bail à des partenaires extérieurs (bailleurs de fonds). C’est un exercice de souveraineté. Lorsque nous rentrons dans un cadre de vécu démocratique et de développement axé sur la démocratie, la justice y est le premier et le dernier rempart du citoyen et de l’investisseur. S’il a l’impression que cette justice ne fonctionne pas, on plombe définitivement et de façon pernicieuse le devenir du droit. C’est la décentralisation même du pays que l’on met en doute. Il faut que l’on en prenne conscience. Il n’est pas normal aujourd’hui que le ministère de la Justice, les magistrats soient dans des conditions où ils ne peuvent pas exercer leur fonction parce qu’incapables même d’aller à Tenkodogo ou ailleurs faute de moyens de transport. Donc, les inspections fonctionnent mal.

L’administration de la justice de ce point de vue est en panne. Nous sommes tous, si nous voulons être exigeants vis-à-vis d’elle, obligés de reconnaître que les conditions dans lesquelles l’exercice se fait tous les jours ne sont pas celles qui favorisent une justice sereine.

S. : Est-ce qu’il n’y a pas lieu de repenser l’organisation de la justice en fonction de nos moyens pour la rendre plus efficace ?

Me I.B. : La justice burkinabè a été calquée sur le modèle de la justice française. Ce n’est pas un secret. La couverture judiciaire considérée comme relativement saine selon les critères internationaux, c’est un magistrat pour cent habitants. Nous sommes très très loin de cette situation. Il n’y a que deux Cours d’appel au Burkina Faso (Ouaga et Bobo). Vous comprenez que quelqu’un qui doit quitter Diapaga pour se présenter à une audience à Ouaga, aura à parcourir plus de 400 km. Et si on lui dit que son dossier est renvoyé à un mois et demi plus tard ? L’organisation judiciaire de ce point de vue est trop en deçà des objectifs. Il serait important de savoir si nous avons la possibilité de gérer, du point de vue financière, une telle administration. Parce qu’il ne sert à rien d’avoir une administration qui ne fonctionne que de manière très anonyme. Peut-on gérer d’autres Cours d’appel ? Le Burkina Faso est en deçà des normes de couverture judiciaire.

S. : Quels sont vos loisirs ?

Me I.B. : Ecoutez ! Moi, je n’aime pas beaucoup sortir. (Soupirs) ; par contre, j’aime bien la lecture que je préfère à l’écran de télévision. C’est peut-être d’ailleurs la seule chose pour laquelle on parlait plus haut de richesse. J’ai un budget pour cela et j’ai la chance de voyager beaucoup et par conséquent de pouvoir me permettre de lire tout ce qui est sur la vie. C’est la chose que je fais avec beaucoup plus de plaisir. Du reste, j’ai une vie professionnelle qui m’accapare beaucoup quelquefois au détriment de l’espace de la vie conjugale. Ce n’est pas toujours facile à gérer. Donc cahin cahan, on essaie de faire en sorte que chaque partie de son existence, chaque paramètre de sa personne puisse être un tout petit peu utilisé dans l’ensemble.

S. : Qu’est-ce que vous pensez de la presse burkinabè d’une manière générale ?

Me I.B. : Beaucoup de choses. Je disais au Directeur général en arrivant ici que la première fois que je suis venu au journal, c’était pour voir Alassane Kogoda Ouédraogo. J’étais en classe de 5e. Je pense donc que la presse burkinabè ne s’est pas mal professionnalisée ces dernières années. Je pense aussi que je suis un grand amateur de plume, donc par conséquent, je suis content de voir des visages sur lesquels je peux mettre un nom. Comme chez les avocats, le professionnalisme chez les journalistes est la première garantie de l’existence de leur corps. Je suis d’autant plus à l’aise que c’est un métier que j’aurais pu exercer, m’inscrire à une licence en communication et d’information. Je trouve qu’il y a de moins en moins d’éditoriaux de ligne dans la presse. Lorsque je prends un journal et que sur une, quatre, cinq pages, il y a des publi-reportages qui ne disent pas leur nom, je finis par me demander si véritablement il y a une ligne éditoriale.

De fait, je regarde qui a dit quoi ou qui a écrit sur “X” ou “Y”... Je crois que nous avons des problèmes au niveau sociétal qui nécessitent des débats pour trouver des solutions intellectuelles. Cela manque un peu. La place donnée aux acteurs non politiques est résiduelle. Ce qui laisse penser qu’aujourd’hui pour un gamin de 15 ans, si vous l’interrogez, la vie commence par le politique et finit au politique. Parce que tout son environnement communication et presse, tend vers ça. C’est un enjeu car ce qu’attend un jeune dans la vie de tous les jours est d’abord de se former, se qualifier et ensuite exister. Mais il ne peut pas exister sans avoir fait ça. En lisant les journaux, il a l’impression que les focus de l’existence sociétaire, c’est le vécu politique. Je pense que c’est très dangereux.

Ce que je pourrais dire par rapport à la presse est que la pluralité n’est pas forcément un signe qualificatif que les problèmes de droit de la presse par rapport à la responsabilité, à mon avis sont des problèmes qui doivent être travaillés.

Vous savez, l’honneur et la considération d’un être humain ne s’achètent pas au marché. Il y a des professions où l’honneur et la considération sont de façon violente le baromètre et la vitrine du professionnel. Mettre en cause ces données simplement sur des bases non assignées et non étayées, peut être grave. Alors, la plume au vitriol, c’est bien mais à condition que le vitriol soit dosé chimiquement comme on l’apprend dans les écoles professionnelles. Autant je disais que le pouvoir de juger est une prérogative de puissance publique absolument dangereuse et importante, autant j’estime que la plume du journalisme ne peut pas être mise aux enchères.

S. : Après donc tant d’années, est-ce que vous avez encore le temps de plaider ?

Me I.B. : Souvent ! On parlait des jeunes avocats tantôt, ils ont sectorisé “en paisantant” tout cela les audiences au Tribunal en petits et grands marchés. Apparemment, les jours des petits marchés, nous ne sommes pas les bienvenus ; alors les jours de grands marchés, c’est eux qui décident d’en faire. Par conséquent, non..., il est vrai que nous plaidions de moins en moins, parce que peut-être les charges permettent de moins en moins de le faire. Mais c’est aussi parce que tout simplement le vécu professionnel d’un cabinet comme le mien est beaucoup plus tourné vers l’écrit que l’oral. Je suis très heureux de faire du pénal lorsque j’ai l’occasion de le faire ; j’en fais de moins en moins. Que voulez-vous, si on accapare les audiences, nous sommes très pesants, on n’y est pas, on nous le reproche.

Où voulez-vous que les jeunes se développent si nous devons être une chape de plomb pour eux, ce que vous venez de nous reprocher d’une certaine façon. Laissons leur un espace de liberté, la possibilité de se développer en sachant très bien, du point de vue professionnel j’entends, que pour ce qui me concerne, je n’ai jamais rechigné à assumer mes devoirs. Mais qu’on ne me demande pas de le faire tous les jours parce que je ne le pourrais, car il y a d’autres missions qui m’appellent. Et j’y vais volontiers. Je n’ai pas renié à ma robe, j’aime bien mon épitoge même s’il est un peu grignoté par la chaleur et le costume professionnel permet quelquefois de nous rappeler que nous avons une existence aussi qui passe par les palais. Je dis toujours aussi en rigolant que les palais de justice ne sont pas ceux du juge, mais de justice, ouverts à tout le monde.

S. : Aujourd’hui ancien président de l’Union des jeunes avocats. Est-ce que vous serez tenté de mettre sur pied l’Union des anciens avocats dont vous pouvez être le nouveau président ?

Me I.B. : Je ne suis pas à la retraite, encore que je venais de vous dire que nous n’avons ni retraite, ni prévoyance sociale. Nous sommes malheureusement, contrairement aux journalistes de Sidwaya, acculés à une vie professionnelle sans temps. Vous savez que ce n’est pas toujours de gaieté de cœur qu’on a des avocats de 70 ans, je pense à un confrère qui en avait 75, parce qu’on ne sait plus faire autre chose, mais maintenant, je crois qu’on a la possibilité de faire autre chose.

Mes grands regrets, c’est de ne pas pouvoir avoir la carrière universitaire que j’avais souhaitée, je crois que je suis encore là pour quelques années et on aura l’occasion de nous rencontrer et je ne suis pas très sûr que le Club des anciens avocats dépasserait 5 personnes au stade actuel.

Sidwaya

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