Actualités :: La vie d’un être humain vaut-elle le prix d’un mouton ?

En feuilletant mon journal, je suis tombé sur un « fait divers » qui m’a révulsé et a suscité en moi un doute : « Serions-nous un peuple de sauvages pour lequel la vie d’un homme ne vaut pas le prix d’un mouton » ? Sauvages ? N’est-ce pas un peu fort ?

C’est pourtant l’épithète qui m’est venu immédiatement à l’esprit. J’ai aussitôt consulté mon dictionnaire pour m’assurer que je n’avais pas perdu la tête : « Sauvage : ...Qui a quelque chose de féroce, de cruel, de violent, de grossier. Haine sauvage... Qui s’organise spontanément, en dehors des lois, des règlements... ».

Sauvages ? N’exagérons rien. La tempérance n’est-elle pas une vertu ? Il existe certainement des épithètes plus euphémiques. Pourquoi pas « Barbares » ? C’est-à-dire « d’une grande cruauté, inhumain ». N’est-ce pas encore exagéré ?

N’est-il pas de jurisprudence constante que la justice populaire, qui « s’organise spontanément, en dehors des lois, des règlements », condamne les voleurs au lynchage ? D’ailleurs, les droits de l’Homme n’ont-ils pas été inventés par l’homme Blanc ?

J’ai pourtant beau cherché, je n’ai pas trouvé d’adjectif pour qualifier l’insoutenable photo publiée dans l’Observateur paalga du lundi 20 décembre 2004 à la page 25. « Brûlé vif pour tentative de vol » titrait le quotidien. Ce jeune homme n’est-il pas un être humain ?

N’avait-il pas droit, comme le dispose l’article 4 de notre constitution, à ce que sa cause soit entendue par une juridiction indépendante et impartiale ? ou à la présomption d’innocence ?

Que l’on ne se méprenne pas sur mon propos. Notre compassion va d’abord aux victimes innocentes des bandits qui font la loi dans notre pays depuis quelques années. Mais le cinquième commandement, « tu ne tueras point ; celui qui tuera sera passible du jugement », vaut pour tous.

Bourreaux et victimes innocentes, puissants comme misérables, tous citoyens de ce pays, ont droit à la vie, parce que tous partagent une commune humanité. On ne brûle pas un être humain comme on brûle des ordures. C’est cette valeur que nous devrions tous porter !

Mais assurément, l’Etat, les partis politiques et la société civile ont du pain sur la planche en matière d’éducation aux droits humains ! Assurément, beaucoup reste encore à faire pour crédibiliser notre justice pour éviter que le « peuple » lui-même ne se fasse justice.

Contre la « justice populaire », il nous faut cependant nous élever ; même si cela ne nous rendra pas populaire. Contre la société, il nous faut réaffirmer l’intangibilité des droits humains et refuser ce silence coupable contre une pratique inhumaine consistant à traiter l’être humain, créé à l’image de Dieu, comme des passereaux.

Une information sera-t-elle ouverte contre X pour homicide ? La vie d’un Burkinabè vaut-elle celle d’un mouton ? Nous le saurons par la suite qui sera réservée à ce « fait divers ». Qu’on ne me parle surtout pas d’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs.

Ce qui caractérise un Etat moderne, c’est avant tout sa capacité à revendiquer avec succès le monopole de la violence physique légitime. Si le Burkina Faso n’est pas un ectoplasme juridico-institutionnel, les pouvoirs publics ne devraient pas rester impassibles contre ces formes d’atteinte à ce principe consubstantiel à tout Etat digne de ce nom et qui blessent notre dignité de nation civilisée.

Ils devraient envoyer un signal sans ambiguïté aux populations : la justice est réservée à l’Etat. En contrepartie, ils devraient consentir plus d’efforts budgétaires, opérationnaliser dans les meilleurs délais le concept de police de proximité et infléchir la réforme de la justice en cours.

L’objectif visé est double : garantir effectivement le droit à la sécurité des citoyens et satisfaire leur soif d’une justice crédible, accessible, efficace et impartiale. C’est le vœu que je formule pour l’année 2005 en particulier à l’endroit du ministère de la Sécurité et de celui de la Justice.

Pr Augustin Loada
L’Observateur Paalga

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