Actualités :: Crise ivoirienne : Hermann Yaméogo fustige l’attitude de la France

Le Président de l’UNDD, Hermann Yaméogo a accordé récemment une interview au quotidien ivoirien "L’Intelligent d’Abidjan". Crise ivoirienne, sommet de la Francophonie, voyage à Londres.. Voici ce qu’en pense le député burkinabè.

Quelle est la position de l’UNDD et la votre par rapport à l’attaque de l’armée française...?

La réponse de mon parti, c’est que cette attaque s’est faite sans base légale et de façon disproportionnée. La France n’a pas eu un mandat des Nations Unies pour intervenir. Par ailleurs le principe de la légitime défense invoqué trouve difficilement à s’appliquer dans le cas d’espèce.

Le président Chirac a pris sa décision sur un coup de sang, sans consulter l’Assemblée Nationale française ni la classe politique comme il avait pris l’habitude de le faire dans l’affaire irakienne et des deux journalistes français retenus en otage en Irak. En agissant dans l’instantanée, il a donné le sentiment que l’attaque de la cible Licorne était une aubaine pour enrayer la reconquête du Nord de la Cote d’Ivoire quasiment acquise depuis le lancement de l’opération “Dignité”. Mon point de vue, c’est qu’il ne peut pas exister un digne fils de l’Afrique qui ne s’émeuve de la brutalité de la réaction française.

Tirer sur des populations composées de jeunes, de femmes qui marchaient sans arme pour défendre leur liberté, c’est de mon point de vue un acte de guerre injuste avec des conséquences très graves ; non seulement les faits qui ont été relevés à l’encontre de la force Licorne peuvent être qualifiés de crime de guerre et ressortir de la compétence des tribunaux internationaux, mais aussi la force Licorne ne peut plus être une force impartiale. Il faudra de mon point de vue penser à lui substituer des forces de l’UA venant de pays en dehors de la région Ouest-Africaine, ou de forces multilatérales composées de pays qui n’ont pas de passé colonial.

Mais vous voyez, comme chaque montagne a sa vallée, il y a un côté positif dans la démesure de la riposte française. Elle a constitué un déclic. Tout ce que des années de conditionnement médiatiques, diplomatiques avaient élevé comme barrage pour empêcher les opinions de comprendre cette crise s’est écroulé. La France en devenant belligérante a pris partie, et au-delà des Ivoiriens, ce sont les Africains qui, dans leur majorité, se sentent agressés.

Dans cette affaire ivoirienne, il y a des gens qui n’avaient pas d’atomes crochus avec Laurent Gbagbo, mais qui se sentent obligés à la solidarité parce que, ce que son pays subi est une blessure pour toute l’Afrique. Par un heureux retournement de situation, voila donc un acte de vengeance inconsidéré de la France qui donne des lettres de noblesse à un combat nationaliste et qui tend à fédérer autour de ceux qui mènent ce combat beaucoup d’Africains.

Le sommet de la Francophonie vient de se tenir à Ouagadougou, avec des résolutions sur la crise ivoirienne. Serait-ce une caution au régime de Blaise Compaoré ? Et quel est l’avenir de la Francophonie au regard des crises en Afrique francophone ?

Le sommet, contrairement aux attentes, n’a pas été un grand cru. Non seulement il est passé à coté du sujet qui était un espace solidaire pour un développement durable, mais il n’a pas convaincu grand monde. Après le sommet de l’Union Africaine à Abuja, pour soutenir la position française en RCI, beaucoup craignaient que ce sommet ne soit l’occasion pour le Président français d’obtenir un soutien du même type de la part de la francafrique, ce qui explique que des oppositions se soient manifestées.

Il y a même eu un contre sommet organisé par 25 organisations de la société civile sur le thème “Pour une francophonie des peuples”, en collaboration avec des associations comme Survie, le Symposium de Ouagadougou s’est déroulé durant tout le Sommet de la francophonie, et a adopté à la fin de ses travaux une déclaration exigeant entre autre la fin des ingérences. Mais comme vous le savez, les barrages médiatiques ont empêché que l’on parle de cette contre-manifestation.

Que l’on ait cherché à donner une caution à Blaise Compaoré, cela n’a échappé à personne ; mais venant de la francophonie de plus en plus décriée et de plus en plus éloignée des peuples, on ne peut pas jurer que ce soit un cadeau. Quant à l’avenir de la francophonie, si l’institution n’est pas repensée, si elle n’arrête pas d’être un groupe de pression au service de la France, elle risque d’aller de désaffection en désaffection vers sa perte.

La crise ivoirienne connaît un autre médiateur en la personne du président Thabo MBéki. N’est-ce pas une façon de désavouer l’Accord de Marcoussis ? Pensez-vous que cette médiation va aboutir à une résolution définitive de la crise ivoirienne ?

Pour dire vrai, il y a longtemps que l’Accords de Linas Marcoussis est enterré. Il ne pouvait en être autrement. Conclu sur la contrainte et en violation de l’expression du suffrage populaire ivoirien, il ne pouvait qu’être rejeté. C’est ce que certains représentants du pouvoir ivoirien n’ont pas manqué de faire pour se démarquer de l’atteinte qui était ainsi faite à la constitution ivoirienne.

Mais on n’a jamais voulu reconnaître que Marcoussis n’était pas la bonne médiation pour la crise. Le reconnaître, c’était avouer l’échec de la diplomatie française. Mais les faits sont là têtus : l’incapacité de cet Accord à régler cette crise que j’ai l’habitude d’appeler ivoiro /sous-régionale. On peut donc dire effectivement qu’avec l’initiative MBéki, c’est la page qui se tourne sur Linas Marcoussis. La médiation Sud-Africaine peut aboutir si effectivement elle se met au dessus des chapelles et qu’elle vise à aller aux causes profondes de la crise pour en situer toutes les responsabilités afin d’être en mesure d’en trouver les solutions durables.

Qu’est ce qui explique la présence du président de l’UNDD à Londres en ce moment ? Une façon de préparer les élections présidentielles ou une visite de routine ?

Ma présence à Londres a pour objectif d’étendre le champ des relations du parti, de faire connaître ses objectifs et ses positions au regard de certains enjeux nationaux et internationaux. Ainsi donc, grâce au Forum des Libertés qui a été l’un des organisateurs de ma visite, j’ai pu rencontrer des mouvements des Droits de l’Homme, des acteurs politiques dans toute la diversité des sensibilités politiques britanniques. J’ai été agréablement surpris de la formidable écoute dont j’ai été l’objet.

Et mes interlocuteurs ont été très attentionnés à mes développements aussi bien par rapport à l’état des libertés publiques au Burkina Faso, que par rapport à la question du mercenariat d’Etat qui cancérise l’Afrique de l’Ouest en ce moment. Ils ont pris bonnes notes du point que j’ai eu à faire en ce qui concerne en particulier la situation de Noël Yaméogo (NDLR : détenu arbitrairement par le pouvoir Compaoré depuis bientôt 3 mois) et en ce qui concerne l’ingérence du régime Compaoré dans les affaires de pays voisins (Liberia, Sierra Léonne....Côte d’Ivoire).
Interview réalisée au téléphone par Aké L. Okoué collaboration

Narcisse Nabo (depuis Londres)
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