Actualités :: Blaise Compaoré : « Le problème, c’est la légitimité du pouvoir actuel à Abidjan (...)

Accusé par la Côte d’Ivoire de servir de base arrière à la rébellion du Nord, le Burkina affiche le calme de l’innocent outragé. Fort du succès du sommet de la Francophonie qui vient de s’achever, Blaise Compaoré qui préside depuis dix-sept ans à la destinée du « pays des hommes intègres » mesure le chemin parcouru dans l’opinion publique internationale.

Ses détracteurs, qui avaient fait courir le bruit de l’implication de Ouagadougou dans une tentative de déstabilisation du Togo, de la Mauritanie, et bien sûr du régime d’Abidjan, en sont aujourd’hui pour leur frais. La résolution adoptée à l’issue de la réunion appuie en effet l’action de la France dans le cadre du mandat de l’ONU dans le conflit ivoirien. Un motif de satisfaction pour le président du Burkina qui devrait briguer un nouveau mandat en 2005.

Le FIGARO. - Le Burkina est soupçonné par ses adversaires d’être la base arrière des rebelles en Côte d’Ivoire...

Blaise COMPAORÉ. - Le Burkina est le pays frontalier qui subit le plus la politique xénophobe qui s’est développée en Côte d’Ivoire. Depuis l’apparition de l’ivoirité en 1999, près de 600 000 Burkinabés sont rentrés au Burkina, après avoir été dépouillés de leurs biens, et chassés de terres régulièrement acquises. Beaucoup d’autres ont été tués. Or, il faut savoir qu’un grand nombre des Burkinabés vivant en Côte d’Ivoire a été installé dans ce pays il y a cinquante ou soixante ans par la colonisation française, qui avait besoin de main d’oeuvre.

Nous souhaitons, plus que tout autre, le règlement de cette crise mais sur des bases justes qui permettent une solution durable. Parce que tout le débat dans cette crise, c’est comment ouvrir l’élection présidentielle à tout le monde. Imaginez qu’en France, l’UMP et le PS soient exclus des élections. Comment voulez-vous que dans de telles conditions, la France soit stable ? C’est ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire en octobre 2000, lorsque tous les candidats des grands partis ont été éliminés de l’élection présidentielle. Il faut qu’en Occident, les gens comprennent que le véritable problème de la Côte d’Ivoire, c’est la légitimité du pouvoir actuel. Et tant que cela ne sera pas réglé, tout le bavardage autour du rôle supposé du Burkina n’aboutira à rien. Ceux qu’on appelle les Forces nouvelles, constituent l’élite de l’armée ivoirienne, qui pour des raisons politiques, a été dispersée à travers tout le continent.

N’oubliez pas qu’à Marcoussis, les acteurs politiques ivoiriens ont eux-mêmes identifié les causes de la crise dans leur pays. Nulle part, il n’est question du Burkina. Ils ont plutôt parlé d’élections mal organisées, de politiques d’exclusion sur des bases régionales, de problèmes fonciers.

Pour vous, Gbagbo est donc illégitime ?

Gbagbo lui-même a dit qu’il s’agit d’une « élection calamiteuse ». C’est son expression et il sait de quoi il parle ! Je répète que, lorsque les deux principaux partis d’un pays sont exclus des élections, vous ne pouvez pas organiser la stabilité, même par les armes.

Qu’est-ce que le Burkina peut faire pour aider à l’application de ces accords ?

Aujourd’hui, c’est devenu une affaire des Nations unies ; le Conseil de sécurité s’est penché dessus et c’est à ce conseil de continuer à agir pour amener effectivement ce processus à s’installer sur de bons rails.

Donc, vous rejetez toutes les accusations qui ont été portées contre vous de rêver d’un grand Etat qui irait jusqu’à Bouaké... ?

Ces allégations ne servent qu’à éviter de traiter des vraies causes de la crise ivoirienne. Au Burkina, on n’a pas fini de nous occuper de nos problèmes. On ne va pas en chercher d’autres. Nous avons suffisamment de terres et nous sommes vraiment engagés pour le respect des frontières héritées de la colonisation. Nous souhaitons plutôt le bon voisinage.

On vous soupçonne d’avoir un rôle déstabilisateur dans la région, récemment en Mauritanie, hier au Liberia...

C’est le même circuit de désinformation qui est organisé entre la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et la Guinée. Cela se sait. Ce sont les mêmes hommes qui circulent, qui désinforment. Cela permet à des pays d’éviter de traiter de véritables problèmes qui sont connus ; ce sont des questions de gouvernance, des questions de déficit démocratique...

Le président Chirac a rappelé l’initiative, prise par la France et d’autres pays, pour essayer de mettre sur pied une taxe internationale pour favoriser le développement. Appuyez-vous ce projet ? L’Afrique demande-t-elle une place plus importante à l’ONU ?

Nous sommes allés à New York signifier que nous accueillons hautement cette initiative prise par la France et d’autres pays. Les soutiens que nous demandons ne vont pas déstabiliser l’économie des grandes nations. C’est la volonté politique qui manque. On a vu l’effort financier en faveur de l’Irak. Pour les Etats les plus pauvres du monde, il en faut beaucoup moins, pour leur permettre de lutter contre la pauvreté et sortir du sous-développement. Cette initiative est bonne, même pour la stabilité du monde.

La réforme du système des Nations unies s’impose. Le mécanisme qui a été mis en place traite seulement de questions de sécurité militaire, parce qu’il a été mis en place par les vainqueurs de la guerre de 39-45. Aujourd’hui, il y a des menaces nouvelles sur la stabilité du monde. Il s’agit notamment de la faim et de la maladie. C’est aussi du terrorisme...

Il faut donc réformer ce système. Il faut que le Conseil de sécurité dépasse, dans ses attributions, le cadre militaire pour traiter d’autres questions. Ce n’est pas seulement quand il y a des guerres que l’ONU doit se réunir. Mais également quand, par exemple, 100 000 personnes meurent de la faim ; deuxièmement, un continent comme l’Afrique ne peut être absent.

Un rapport de l’ONU souligne le déficit démocratique en Afrique. Les présidents s’installent au pouvoir pour longtemps, il y a peu de partis d’opposition. N’est-ce pas la situation au Burkina, puisque vous êtes au pouvoir depuis dix-sept ans ?

La démocratie, comme vous-même le dites, c’est que le peuple en toute liberté puisse choisir ses dirigeants et les contrôler à travers des parlements pluralistes, à travers des élections renouvelées. Le plus important, c’est de créer les conditions d’élections pluralistes, équitables et transparentes. Après, c’est le choix populaire qui compte.

On a l’impression que lorsque vous êtes arrivé au pouvoir, c’était un peu un moyen d’écarter les vieux crocodiles. Est-ce que vous n’êtes pas vous-même en train de devenir un vieux crocodile ?

Ecoutez, c’est vrai qu’il y a une différence dans la gestion, mais en Europe vous avez des rois, des reines qui restent pendant longtemps.

Mais ils ne font rien !

Ils ne font rien mais ils délivrent quand même des messages. Si on travaille et qu’on a l’adhésion des populations, c’est cela l’essentiel. Dans un pays comme le Burkina, qu’est-ce que les populations attendent ? Qu’on leur fasse des forages, qu’on les aide à produire plus, à avoir des écoles, etc. En fait, c’est ça les préoccupations des populations. Une fois que vous travaillez dans cette direction, on peut comprendre qu’il y ait une adhésion à vos programmes, qu’il y ait du soutien à votre action.

C’est vrai qu’en Occident, vous voyez surtout les insuffisances que nous avons en matière de démocratie. Mais il ne faut pas oublier d’où nous venons, et aussi le chemin que vous avez parcouru pour arriver à finaliser les processus démocratiques en Europe ou en Amérique.

Vous avez combien de rois, de reines ? Ça aide pour la stabilité. Chez nous, les frontières ont été arbitrairement tracées par le colonisateur. Ce n’est déjà pas facile de créer une nation, de produire des citoyens d’une même République. Surtout qu’on a passé trente ans avec des messages venant de l’Occident disant que le parti unique, c’est ce qui est bien pour l’Afrique ; il a fallu que le mur de Berlin tombe pour qu’on dise que finalement, c’est le multipartisme qui est bon. Dans la plupart de nos pays, ça fait une dizaine d’années que l’on commence à s’organiser sur cette base.

Il faut quand même noter qu’il y a des progrès ; par exemple la presse est libre dans la plupart des pays. Les syndicats sont nombreux ; les partis politiques se créent ; il y a des efforts à faire encore dans l’organisation des élections. Ce n’est que par le travail qu’on va y arriver.

Propos recueillis à Ouagadougou par Jean-Louis Validire
Le Figaro

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