Actualités :: Djibril Bassolé : "Me Hermann Yaméogo a créé des tensions inutiles"
Djibril Bassolé

Les 6 ans qu’il a passés à la tête du ministère de la Sécurité n’ont pas réussi à émousser les ambitions de Djibril Bassolé de faire du Burkina un pays de paix, où l’insécurité constituera une préoccupation mineure pour les populations. Mais entre vouloir et pouvoir, il y a souvent des obstacles qu’il faut aplanir.

C’est à quoi s’attèle le ministre de la Sécurité qui, malgré ses cheveux blancs qui ont commencé à se mêler aux noirs garde cette détermination dans le regard et ce calme olympien qui demeurent des atouts importants chez un "pandore". Cependant Djibril Bassolé ne parle-t-il pas plus qu’il ne travaille réellement ? A l’écouter c’est une fausse impression que de penser ainsi, car l’homme refuse même d’évoquer les acquis de son ministère, car la lutte contre l’insécurité est pour lui une quête permanente.

L’insécurité, les accusations mauritaniennes contre le Burkina, l’évolution de la crise ivoirienne, la mutinerie à la MACO, et bien entendu l’affaire dite Hermann Yaméogo, ont constitué l’essentiel de cet entretien matinal qu’il nous a accordé le mardi 2 novembre dernier à son cabinet.

Il pleuvait et c’était déjà assez extraordinaire en ce mois de novembre, tout comme le sera la sérénité de Djibril Bassolé qui ne s’est même pas emporté quand nous lui avons demandé s’il n’est pas plutôt un ministre de l’insécurité. Il a simplement ri ...

Le Pays : La nomination d’un homme de trempe et d’expérience comme Djibril Bassolé à la fonction de ministre de la Sécurité a suscité beaucoup d’espoir. Compte tenu de la situation qui se dégrade de jour en jour n’est-on pas en mesure de vous qualifier de ministre de l’insécurité ?

Ministre Djibril Bassolé : Cette appréciation n’est pas très élogieuse concernant mon action. En matière de lutte contre la sécurité, l’action doit être soutenue et permanente. Le problème de l’insécurité est intimement lié à l’évolution de notre société tant sur le plan démographique qu’économique. De ce point de vue nous recherchons le juste équilibre qu’il faut, entre maintenir une sécurité pour tous et favoriser en même temps la libre circulation des personnes et des biens. Ce n’est jamais un exercice facile, sans occulter le fait que dans le cas particulier de la lutte contre le grand banditisme, il faut énormément de moyens.

Cependant nous persévérerons dans le sens de toujours faire mieux. Tous les moyens humains et matériels dont l’Etat dispose seront mis à contribution pour assurer aux Burkinabè la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre. C’est évident que le problème de la sécurité ne sera pas résolu par un ministre ou par un gouvernement. C’est un problème qui est posé au Burkina Faso. Tout comme la santé publique, c’est un problème de société. Nous devons travailler quotidiennement à améliorer notre dispositif de sécurité de sorte qu’il y ait le moins d’agression.

Vous aviez développé à l’époque le concept de police de proximité qui semble avoir des difficultés à se matérialiser sur le terrain. Y a-t-il des goulots d’étranglement ?

Il n’y a pas réellement de goulot d’étranglement autre que les difficultés liées à la mise en oeuvre d’un tel concept qui est immense et concernera, comme nous le prévoyons, toutes les localités, tous les villages, toutes les communes, du Burkina. Nous mettrons en place un partenariat entre les populations à la base et les forces de sécurité publique. En termes de conception le dossier est fin prêt mais en termes de moyens à mobiliser et à mettre en oeuvre il faut encore rechercher les ressources idoines.

Toutefois, il faut relever que la mise en oeuvre est déjà en branle, ne serait-ce que sur le plan de la formation. Aujourd’hui, dans les écoles de formation de la police et de la gendarmerie, nous introduisons des modules relatifs à la police de proximité. Nous essayons d’orienter progressivement les agents qui ont des tâches de sécurité vers un comportement qui milite en faveur de la mise en oeuvre de la police de proximité. Même si le dossier est lui-même en voie de finalisation, il y a quelque chose qui est fait. Du reste, le dossier sera bientôt adopté, et sa mise en oeuvre sera effective sur le terrain. Toutefois, il faut reconnaître que la mise en oeuvre de la police de proximité n’est pas la potion miracle qui réglera tous les problèmes d’insécurité. Aujourd’hui, nous avons une évolution de la criminalité qui nous amène à privilégier le préventif. Il y a des bandits et des bandes armées organisées qui opèrent de plus en plus dans nos zones.

Face à cette insécurité, il n’y a que la riposte énergique des forces de sécurité publique qui pourra nous mettre à l’abri. Le territoire est vaste. Nous avons 6 frontières et la criminalité transfrontalière est une réalité. Il nous appartient donc de nous mettre à la hauteur dans la lutte que nous avons engagée contre ces bandits.

Vous venez d’évoquer une fois de plus l’éternel problème de manque de moyen. Ne pensez-vous pas que la lutte contre l’insécurité et les bandits de grand chemin relève plutôt de la mise en place d’une bonne stratégie ?

Si l’on voit comment se manifeste l’insécurité, la stratégie est toute trouvée. Il suffit que partout, il y ait une présence dissuasive de forces de sécurité publique dotés de moyens d’intervention adéquats. Si les bandits attaquent sur les grands axes routiers c’est parce que autour d’eux, il n’y a aucune présence de force de sécurité publique. Dans cette optique, il y a un effort de fait par le gouvernement pour équiper les forces de sécurité publique, mais nous sommes encore loin d’avoir atteint le stade où tout le pays est parfaitement couvert au plan sécuritaire. La couverture sécuritaire étanche du pays que nous souhaitons est une oeuvre à plus long terme.

Une arrestation qui défraie actuellement la chronique au Burkina, c’est celle de l’homme d’affaires et propriétaire de La Surface Alimentation, Adama Bella dit Adam’s. L’homme qui a été arrêté le 26 octobre, serait "présumé coupable d’association de malfaiteurs, vols à main armée et recel de véhicules de luxe".

Sans préjuger de ce qui lui est reproché et a valu son interpellation, je voudrais simplement réitérer que la criminalité transfrontalière demeure une réalité, en témoigne ce cas précis. Que s’est-il passé ? A Sikasso au Mali, le 15 octobre je crois, un groupe de braqueurs attaque un automobiliste et lui retire son véhicule 4x4. Immédiatement, les services de police de Sikasso alertent leurs homologues de Bobo Dioulasso au Burkina. J’en profite pour dire que cette collaboration fait suite à la concertation que nous ministres de la sécurité avons eue à Sikasso précisément, au mois d’août dernier. Donc la coopération fonctionne à merveille.

La police de Bobo après cette alerte se déploie et intercepte le véhicule et les braqueurs. Ce sont les investigations de la police qui ont permis de remonter à celui qui a été interpellé ici à Ouaga, sur instruction du procureur du Faso de Bobo. L’affaire suit naturellement son cours et j’aimerais profiter de vos colonnes pour féliciter vivement les forces de sécurité publique du Mali et du Burkina pour ce bel exemple de coopération en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière.

A la lumière de cette affaire, peut-on dire qu’il y a des intouchables au Burkina ?

Non, il n’y a pas d’intouchables et je voudrais vous le garantir personnellement. Si nous avions ici des intouchables qui sont en même temps les receleurs du produit du vol des grands bandits, notre insécurité prendra alors des proportions que nous ne pourrons jamais contrôler. Et c’est parce que ceux qui volent les mobylettes et les véhicules ont l’assurance qu’ils pourront les vendre à des "intouchables" qu’ils sont encouragés dans leurs forfaits et qu’ils s’en vont perpétrer des actes criminels sur nos axes routiers.

En même temps que nous luttons contre les coupeurs de route qui dépossèdent les populations de leurs biens, en même temps nous ferons en sorte qu’il n’y ait pas de receleurs, de gens qui organisent et qui poussent ces malfaiteurs à aller perpétrer leurs actes ignobles sur nos routes.

C’est le propre de l’homme et surtout du journaliste de ne parler que du train qui arrive en retard. Pour l’une des rares fois, nous allons mettre en exergue les trains qui sont arrivés à l’heure au ministère de la Sécurité. En somme pouvez-vous nous énumérer quelques acquis de votre département en matière de lutte contre l’insécurité ?

Je ne voudrais pas verser dans l’autosatisfaction. Comme vous le disiez si bien, les Burkinabè sont encore angoissés aujourd’hui. Ils sont toujours inquiets. Les routes ne sont pas aussi sûres que nous l’aurions souhaité. Ce serait donc paradoxal de parler d’acquis. J’aimerais personnellement mettre plutôt l’accent sur les insuffisances. Nos routes sont insuffisamment surveillées. Il y a la prolifération des armes et des munitions légères, de même que l’accroissement du taux de bandits qui passent d’une frontière à l’autre. J’aimerais simplement noter que ce phénomène, probablement lié à des facteurs endogènes et exogènes, est persistant.

Nous devons dans ce sens intensifier les actions de lutte contre l’insécurité. Pas plus tard qu’hier (l’interview a été réalisée le mardi 2 novembre dernier, ndlr) on nous a signalé une attaque dans la région de Falangountou, contre des ressortissants canadiens. Les auteurs semblent être des anciens combattants touareg. Je me rendrai probablement sur les lieux. C’est pour vous dire qu’il nous reste beaucoup à faire et qu’en matière de sécurité, on ne parle jamais d’acquis. Tant qu’il y a quelqu’un qui est agressé quelque part, on considère que le dispositif n’est pas parfait.

Si des bandits pénètrent aussi facilement sur le territoire burkinabè, peut-on aussi dire, à la suite de l’opposition, qu’il y a également des rebelles et des opposants à des régimes africains qui entrent et vivent en nombre au Burkina ? En tant que ministre de la sécurité, pouvez-vous nous dire si vous arrivez à contrôler ce flux incessant ?

L’action de contrôle des services de sécurité vise à empêcher que des malfaiteurs ou des gens ayant des visées hostiles à leur pays trouvent une base arrière au Burkina. Du reste, nos opposants aussi vont ailleurs, font le tour du monde sans être inquiétés outre mesure. Pourquoi voulez-vous que des Africains, du fait qu’ils ont l’étiquette d’opposants soient interdits de séjour ici, simplement parce que le Burkina "ne veut pas de problème" ? C’est un mauvais procès qu’on nous fait et c’est dommage que nous ayons une certaine opposition qui veuille faire de ce sujet un créneau pour se mettre en valeur.

Avec la politique d’intégration préconisée aujourd’hui en Afrique et dans le monde, c’est normal et indispensable que nous puissions favoriser la libre circulation des biens et des personnes. Nous ne saurions, non plus négliger le fait que depuis les indépendances, les pays africains ont toujours vécu cette sorte de solidarité agissante. Quand momentanément des ressortissants d’un pays ont des difficultés, ils se retranchent toujours dans le pays d’à-côté où dans le pays où ils se sentent bien. Ceci n’a jamais été l’objet d’une brouille quelconque. Nous avons des opposants qui ont séjourné au Ghana, en Côte d’Ivoire. Tout comme nous avons des opposants ivoiriens bien connus, qui sont au pouvoir aujourd’hui et qui étaient bel et bien au Burkina...

Vous voulez faire sans doute allusion à Laurent Gbagbo le chef d’Etat ivoirien qui a longtemps bénéficié de gîte et de couvert au Burkina, du temps où il était l’opposant le plus farouche au régime du "Vieux" ?

Suivez mon regard... En tout cas, ça n’a jamais créé un problème à l’époque entre le Burkina et la Côte d’Ivoire.
Pourquoi aujourd’hui, parce qu’une certaine opposition dénonce des soi-disant ingérences et immixtions du Burkina, devrions-nous nous recroqueviller et rendre la vie impossible à tous ceux qui voudraient venir dans notre pays ? Tant qu’ils ne sont pas recherchés par la justice, tant qu’ils n’ont pas commis des actes criminels, et poursuivis en tant que tels, le Burkina n’a aucune raison de fermer ses frontières à des Africains qui veulent venir s’y établir.

Dans le cas précis des Mauritaniens, il semble qu’ils ont trempé dans une tentative de putsch contre le président Ould Taya. Où en est-on avec ces accusations mauritaniennes contre le Burkina Faso ?

Il y a eu des accusations publiques proférées par les autorités mauritaniennes. Nous avons répliqué par les mêmes voies diplomatiques et médiatiques. Par la suite, la Mauritanie a envoyé des mandats d’extradition, toujours par le canal diplomatique, aux autorités judiciaires burkinabè et celles-ci les ont transmis aux services de la police pour exécution. Sans anticiper, je pourrai dire que les mêmes qui sont soi-disant recherchés par les autorités mauritaniennes et qui seraient dans des camps d’entraînement à Diébougou et autres, les mêmes sont aujourd’hui en Mauritanie. Voyez vous-même l’absurdité des accusations qu’ils ont proférées contre le Burkina.

Naturellement, la recherche de ces gens ici s’avère infructueuse. Le deuxième cas est celui de M. Chafi (Moustapha Chafi, est mis en cause par les autorités mauritaniennes dans la tentative de coup d’Etat. Il vit au Burkina avec sa famille, ndlr). Celui-ci a été régulièrement entendu par les services de police au profit de l’autorité judiciaire dans le cadre de la mise en oeuvre du mandat d’extradition. Je vous rappelle que l’intéressé est Burkinabè. Je ne rentrerai pas dans les détails parce qu’il s’agit d’un dossier judiciaire. L’autorité judiciaire examinera et donnera les réponses appropriées.

Mais avant d’être Burkinabè, Moustapha Chafi est d’abord Mauritanien, non ?

Bien sûr. Il est d’origine mauritanienne et il est né et a longtemps vécu au Niger.

Ces opposants seront-ils extradés vers la Mauritanie ?

M. Chafi n’est pas opposant que je sache. Du reste, c’est la justice qui décidera après examen de la situation et des faits qui lui sont reprochés. L’extradition, il faut le noter, est une procédure extrêmement complexe et elle reste avant tout un acte de souveraineté.

En tant que Burkinabè, M. Chafi aura sans doute l’opportunité, tout comme les autres Burkinabè de se faire établir la nouvelle carte d’identité qui se fait toujours attendre. Où en est-on exactement dans la mise en place de la nouvelle CIB ?

Vous avez raison de vous inquiéter, mais nous suivons le timing et pour l’instant, nous ne sommes pas du tout en retard. Le lancement est prévu pour le dernier trimestre de l’année 2004. Sachez cependant que la nouvelle carte d’identité est une carte informatisée et sécurisée. Le matériel de production est en train d’arriver à Ouaga et d’être installé. Il nous reste à mettre en oeuvre la collecte des données.

Tous les Burkinabè ont droit à la CIB où qu’ils se trouvent et nous devons veiller à cela. Ce qui n’est pas chose aisée. Il y a tout un dispositif opérationnel à mettre en place et qui prend du temps. Toutefois, nous ne désespérons pas. Nous serons au rendez-vous. Avant la fin de l’année, nous serons en mesure de commencer à délivrer les nouvelles cartes d’identité burkinabè.

Les nombreux Burkinabè qui sont en Côte d’Ivoire seront-ils tous contraints de revenir au Burkina pour se faire établir cette nouvelle CIB informatisée et sécurisée ?

Dans notre organisation, il est prévu environ 450 centres de collectes de données. Ce seront les commissariats où les gens ont l’habitude d’aller chercher les cartes d’identité, les préfectures là où il n’y a pas de commissariat, certaines communes et aussi nos consulats à l’étranger. Des agents collecteurs de données seront installés en permanence dans les 3 consulats burkinabè en Côte d’Ivoire pour l’établissement de la carte d’identité à tous les Burkinabè qui le désirent. Tous ceux qui comptent se faire établir une CIB en Côte d’Ivoire s’adresseront simplement aux consulats qui feront le nécessaire.

En tant que ministre de la Sécurité, quelle lecture faites-vous des récents développements de la crise ivoirienne ?

Je n’ai pas une lecture particulière à faire. Je pense simplement aux conséquences que pourrait provoquer un conflit armé sur les Burkinabè, sur le Burkina Faso. Notre souhait est que la mise en oeuvre des Accords de Linas-Marcoussis et d’Accra III se déroule convenablement et que les partis au conflit n’en n’arrivent pas à reprendre les armes (entretien fait le 4 novembre dernier donc avant les attaques ciblées des lignes des Forces nouvelles à Bouaké par l’armée ivoirienne hier jeudi 4 novembre, ndlr).

Si malheureusement il y a une reprise des hostilités militaires, les conséquences seraient dramatiques à nouveau pour les Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire, mais aussi pour les nombreuses personnes qui ont des liens étroits avec ce pays. Le Président du Faso et le gouvernement sont très attentifs à l’évolution de la situation. Au niveau sécuritaire, nous prenons les dispositions préventives qu’impose ce genre de conflit aux frontières d’un pays.

Il semble que Laurent Gbagbo n’est pas en train de se surarmer uniquement à cause des ex-rebelles mais contre des pays qu’il soupçonne de soutenir ceux-ci ; le Burkina est-il prêt à faire face à un tel scénario ?

Je ne serais pas aussi affirmatif ni pessimiste que vous. Je dis une fois de plus que le Burkina n’est en rien impliqué dans la crise ivoirienne et qu’il ne viendra donc pas à l’esprit des autorités ivoiriennes de déclarer la guerre au Burkina. Nous entendons comme vous ces rumeurs. Tout ce qui nous préoccupe, c’est le sort des Burkinabè et les répercussions possibles d’un conflit armé en Côte d’Ivoire. Ceci dit, même si on doit retenir votre hypothèse, les forces de Défense burkinabè sont prêtes à faire conflit d’où qu’il vienne.

En attendant de faire face à une éventualité de conflit, le Burkina se prépare activement à accueillir le Xe Sommet de la Francophonie. Y a-t-il un dispositif de sécurité particulier qui est mis en place ?

Naturellement et ce n’est pas uniquement au niveau du ministère de la Sécurité. Ce sont toutes les composantes de défense et de sécurité qui sont à pied d’oeuvre pour faire en sorte que le sommet de la Francophonie qui se tient du 26 au 27 novembre se déroule dans d’excellentes conditions. Nous abriterons de nombreux chefs de délégation dans un contexte international marqué par les agressions terroristes.

Nous avons ici une situation certes stable mais qui est tout de même émaillée par quelques agressions à main armée. Dans l’ensemble, nous mettrons en place un dispositif particulier de sécurité pour que tout se passe bien. Nous n’avons pas que des amis, en témoignent les récentes accusations infondées et fabriquées contre le Burkina. Toutes ces accusations avaient un seul objectif, celui de nous perturber. Mais nous restons sereins et nous prendrons les dispositions pour que tout se passe bien.

Derrière la démission de Salvador Yaméogo de l’UNDD, certains voient la main du pouvoir, notamment celle de Djibril Bassolé. Est-ce vrai ou faux ?

Salvador est un adulte et un politicien averti. Je pense qu’il a bien mûri sa décision. Pensez-vous sincèrement que j’aurais pu moi, l’amener à poser un acte majeur tel celui qu’il a posé et qui a des implications familiales et politiques ? Certainement pas. Je suis proche de Salvador Yaméogo comme je le suis tout autant de Hermann Yaméogo. Je dois même dire que j’ai connu Hermann Yaméogo bien avant de connaître le député Salvador. Avec Hermann, nous avons toujours entretenu des rapports de fraternité.

La question n’est même pas à ce niveau. C’est ce qui devait arrivé qui est arrivé, à savoir que dans le parti de Me Hermann Yaméogo, il se trouve un militant qui ne veut pas répondre d’un certain nombre de choses devant les hommes et devant l’histoire. Il a pris ses responsabilités. Les connexions que son grand-frère (le grand-frère de Salvador Yaméogo, c’est-à-dire Hermann Yaméogo, ndlr) et chef de parti, entretenait avec certaines autorités de pays voisins manifestement hostiles, non pas seulement au pouvoir mais aussi aux intérêts du Burkina Faso, ces connexions donc sont de nature à discréditer complètement tout le parti. Salvador Yaméogo a donc tiré la sonnette d’alarme et s’en est allé.

C’est un acte courageux que personnellement je salue. Ceci étant, le devenir ou l’avenir politique de Me Hermann Yaméogo ne sont pas réellement la préoccupation du ministre de la Sécurité que je suis. Ma préoccupation première, c’est de faire en sorte qu’aucun Burkinabè ne puisse être le relais local d’actions de déstabilisation fomentées à l’extérieur par des puissances étrangères. J’ai l’impérieux devoir, non seulement de dénoncer ces faits mais de prendre les dispositions qu’il faut pour qu’aucune action préjudiciable à la stabilité du Burkina ne se produise.

On a vite fait de voir dans cette affaire une action destinée à affaiblir ou à détruire politiquement un opposant. Me Hermann Yaméogo lui-même dit que cette action le grandira. Il le dit et pense avoir trouver un bon créneau pour s’épanouir. Donc le problème ne se pose pas vraiment. Qu’il survive ou qu’il soit écrasé politiquement, ou qu’il en profite pour remonter dans les sondages, ce sont des effets qui ne nous concernent pas. Tant mieux s’il en profite et tant pis s’il perd sa crédibilité politique. De toutes les façons, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. L’essentiel pour nous, c’est que lui et les autres qui sont à l’extérieur soient dissuadés de tenter quoique ce soit contre la sécurité du Burkina Faso.

On vous reproche de ne pas fournir des preuves irréfutables. A l’heure où nous parlons, avez-vous en votre possession des éléments probants qui mettent en relief l’implication de Hermann Yaméogo dans cette campagne de déstabilisation du Burkina ?

Oui. Ce genre de débat ne manque pas d’avoir une implication directe sur le débat politique lui-même. Autrement dit, vous avez des gens qui sont pour Me Hermann Yaméogo et pour qui vous ne produirez jamais suffisamment de preuves. Vous avez aussi des gens qui sont contre Me Hermann Yaméogo et pour qui une simple déclaration suffit pour dire que celui-ci est impliqué. Ce sont des éléments qui sont strictement du domaine de la Justice.

Pour ce qui nous concerne, c’est sur la base des informations précises qui ne prêtent à aucune équivoque que nous avons établi cette connexion extérieure tendant à créer des troubles au Burkina avant la fin de l’année. Nous avons pris pour notre part les dispositions qui s’imposent pour parer à toute éventualité. Dans ces dispositions, nous nous devions de dénoncer publiquement, surtout que nous avions fait l’objet d’accusations publiques, les actes qui pour nous étaient à la base de la machination dont le Burkina est victime. Le dossier est en justice. Celle-ci se prononcera sur l’ensemble des éléments mis à sa disposition et qui accablent Me Hermann Yaméogo dans ce qu’il a fait à l’extérieur.

Vous avez à faire à un député

Les questions de procédures sont des questions de justice. La question de la levée de l’immunité parlementaire est une question de justice. A ce stade, je préfère laisser la justice faire son travail.

Dans l’affaire Hermann Yaméogo, il y a son cousin Noël Yaméogo qui se trouve toujours derrière les barreaux. Quel sera son sort ?

Le pauvre Noël Yaméogo a simplement été victime des agissements de son cousin Me Hermann Yaméogo. C’est par le fait de ce dernier que Noël Yaméogo se trouve aujourd’hui entre les mains de la justice. La justice suivra son cours. Il a été pris avec des éléments matériels probants. C’est l’ensemble de ces éléments qui ont été transmis au juge qui est en charge du dossier actuellement et qui les appréciera. Tout comme l’affaire dite Hermann Yaméogo, cette affaire ne manque pas d’avoir des répercussions politiques. C’est ainsi que des militants UNDD (le parti que préside Me Hermann Yaméogo, ndlr) de Koudougou m’ont adressé une sorte de pétition à laquelle j’ai répondue .

Ils exigent la libération de Noël Yaméogo. Je dis que nous sommes dans un Etat de droit. Et tous ceux qui se réclament être des républicains au sens noble du terme, doivent respecter les procédures qu’exige l’Etat de droit. Il nous appartient à tous de faire confiance à la justice pour la résolution de cette affaire. J’ai été également approché par l’autre cousin de Noël Yaméogo, qui est Salvador Yaméogo. Il s’agit pour eux plus d’une préoccupation familiale qu’autre chose. Je peux comprendre les sentiments que les uns et les autres éprouvent. Moi-même je connais très bien Noël Yaméogo que je peux considérer comme un petit-frère. Mais par rapport aux questions touchant aux intérêts majeurs du Burkina et à la sécurité du pays, il y a des mesures à prendre.
Cependant, la question connaîtra bientôt, je l’espère, une évolution.

Après la mutinerie qu’a connue la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, les forces de l’ordre ont-elles réussi à récupérer les évadés ?

Quelques uns ont été rattrapés. Je ne peux vous donner un chiffre précis. Nous avons lancé des actions pour essayer de reprendre le maximum. Ce qui est important et rassurerait davantage les populations de Ouagadougou et du Burkina entier, c’est qu’elles soient protégées des méfaits de ces bandits bien connus qui se retrouvent aujourd’hui dans la nature. Et s’ils ont fui, c’est pour se soustraire au milieu carcéral. Ils ne vont donc pas s’exhiber. Ils se planqueront plutôt, ce qui compliquera sans doute les recherches.

D’autres qui ne pourront pas abandonner les pratiques qui les ont conduits derrière les barreaux se feront prendre de nouveau et retourneront en prison. Ce qui est important pour nous, c’est de redoubler de vigilance pour qu’il n’y ait pas une hausse du taux de la criminalité du fait de l’évasion de ces prisonniers. Pour l’instant, la situation est stable et nous n’avons pas enregistré une aggravation des agressions à main armée. Seulement, ce qui se produit déjà en temps normal est suffisamment préoccupant. Concrètement le dispositif sera nettement renforcé et la vigilance plus accrue pour que ni les anciens prisonniers, ni de nouveaux criminels ne dérangent la quiétude des paisibles populations burkinabè.

Permettez-nous de revenir sur l’affaire Hermann Yaméogo qui demeure d’actualité et s’invite toute seule dans tous les débats. Il n’y a pas très longtemps, le ministre de la sécurité guinéenne a affirmé que l’opposant burkinabè n’a pas mis les pieds en Guinée. Et dans une interview qui suivait, Me Hermann Yaméogo a pourtant dit être allé dans ce pays. C’était sur une grande radio étrangère. Quel crédit peut-on donner à ces déclarations de votre homologue guinéen ?

Je vous laisse apprécier de même que je laisse cela au jugement de ceux qui disent que je n’ai pas produit suffisamment de preuves. Ce que je voudrais de la part de mon homologue guinéen, c’est que nous puissions véritablement coopérer. Je fais la même chose avec les ministres de la sécurité des autres pays qui nous entourent et qui, quelques fois à tort, peuvent s’imaginer que le Burkina leur est hostile. Nous voulons une coopération franche et ouverte. Je l’ai déjà annoncé et j’ai déjà envoyé au ministre guinéen une lettre officielle dans ce sens.

Nos services sont disposés à échanger les informations, pour que ces genres de concertation à l’extérieur, et qui finissent par nous revenir par les canaux traditionnels des renseignements que nous avons et qui sont au point, ne soient plus de mise. Il faut que nous puissions nous faire confiance et faire revenir la paix dans nos pays. Dans notre région les choses ne s’arrangent pas. Au Liberia, la fin de désarmement était prévue pour le 30 octobre et dans le même temps, les différentes factions devraient normalement disparaître. Ce qui n’est pas le cas et des pays voisins au Liberia comme la Guinée et la Côte d’Ivoire,. sont fortement impliquées dans la crise libérienne.

En Côte d’Ivoire aussi, les choses menacent de se détériorer. Dans un tel climat, ce serait bien que nous ministres de la Sécurité ayant des opportunités de nous rencontrer, de nous concerter, d’examiner nos problèmes, de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’espace pour ceux qui voudraient instaurer la pagaille.

Peut-on considérer cela comme une main franche tendue à vos homologues africains ?

Absolument. Nous avons beaucoup de choses à faire ensemble. Nous avons à lutter résolument contre l’insécurité transnationale ; nous avons à créer un espace de paix et de stabilité ; nous avons à prouver à la communauté internationale que notre sous-région n’abritera pas de réseaux de malfaiteurs ou de terroristes. Je pense que tout ceci passe par une bonne coopération. En tous les cas, le Burkina s’applique à être la cheville ouvrière de cette paix et de cette stabilité dans la sous-région. C’est notre vocation etnous aimerions que nos homologues des autres pays fassent la même chose.

Est-ce facile d’être ministre de la Sécurité au Burkina ?

Rien n’est facile. Ce n’est pas facile non plus d’être journaliste. Ce n’est pas facile d’être ministre de la santé ou ministre de l’Economie et des finances ou autres. Rien n’est facile parce que le Burkina n’est pas gâté par la nature. Dans le domaine particulier de la sécurité, nous sommes un pays continental avec 6 frontières. Nous avons autour de nous quelques crises qui affectent la sécurité publique. Disons que les facteurs pouvant aggraver l’insécurité au Burkina sont assez nombreux. Ce n’est pas pour autant que nous allons baisser les bras. Bien au contraire. C’est exaltant de pouvoir imaginer et trouver des solutions à cette situation d’insécurité. Une chose est certaine, le Burkina n’est pas un cas à part. L’insécurité dont on parle au Burkina n’est rien par rapport à celle qu’on peut trouver ailleurs. En la matière, il n’y a pas de comparaison possible. Le niveau de l’insécurité au Burkina est encore maîtrisable. Avec des efforts soutenus dans le temps et une bonne organisation, comme nous le ferons dans la mise en oeuvre de la police de proximité, nous arriverons à sécuriser toutes les zones au Burkina.

Comment dort le ministre de la sécurité que vous êtes ? Est-ce d’un seul oeil et une main posée sur votre PA (pistolet automatique) ?

Non, non, non. Si on n’en était là, ce serait grave. Je dors tranquille la nuit. Si un ministre de la sécurité est obligé d’utiliser son PA pour se défendre, cela signifie qu’il n’y a vraiment plus de sécurité dans le pays. Je n’ai pas de PA sur moi. Je souhaite ne pas en utiliser moi-même. Mais il faut reconnaître que j’aime bien le tir et que je m’exerce régulièrement au champ de tir. La situation n’est pas du tout tendue au Burkina qui est un véritable havre de paix. Ceci est dû à la nature même des Burkinabè. Le Burkinabè est lui-même organisé déjà et les hommes et les femmes qui vivent au Burkina, grâce à leur propre auto-discipline, par leur propre manière de faire, entretiennent une sécurité de fait. Le travail des forces de sécurité publique s’en trouve donc énormément facilité. La quiétude c’est un acquis au Burkina et nous devons en semble tout faire pour la préserver jalousement.

Quand vous arrivez à sortir la tête des problèmes de sécurité, que faites-vous de vos moments de loisir ?

Je fais beaucoup de sport pour vieillir moins vite et pour maintenir ma santé. J’essaie de trouver des moments à consacrer à mes enfants qui sont des adolescents. A cet âge, les enfants ne sont pas toujours très sages. J’ai une vie normale. Je m’organise au mieux. Je voudrais profiter de l’occasion que vous me donnez pour rendre grâce au Tout-Puissant en ce mois béni de ramadan par le fait qu’il a toujours su éloigner le spectre de la violence du Burkina Faso. Nous essaierons de travailler à consolider ce havre de paix. Nous ferons en sorte que même si nous n’avons pas de richesses matérielles à partager nous

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