Actualités :: Le Burkina Faso veut "raison garder" face aux opérations de déstabilisation (...)
Blaise Compaoré

Je viens de séjourner, du 15 au 23 octobre 2004, au Burkina Faso. Entre deux événements majeurs qui ont pour cadre Ouagadougou. Tout d’abord, l’organisation, les 8 et 9 septembre 2004, d’un sommet extraordinaire de l’Union africaine consacré à l’emploi et à la lutte contre la pauvreté.

Ensuite, le Xème sommet de la Francophonie qui doit se réunir les 26 et 27 novembre 2004. Entre temps, le Burkina Faso organise une manifestation panafricaine qui est devenue un "must" sur le continent : le SIAO, tandis que se déroule le Tour cycliste du Faso qui tend à s’affirmer comme un rendez-vous sportif majeur. C’est dire que le pays ne quitte pas le devant de la scène.

Il faut ajouter à ces manifestations internationales, les soubresauts politiques qui jalonnent continuellement la vie du pays : la mise en cause de Ouaga dans la déstabilisation de la sous-région ouest-africaine (cf LDD Burkina Faso 040 à 043/Lundi 20 à Jeudi 23 septembre 2004) et "l’affaire Hermann" (cf LDD Burkina Faso 044 à 048/Lundi Il à Vendredi 15 octobre 2004). On pourrait penser que cette avalanche de "problèmes" à gérer stresse les responsables politiques burkinabè. Pas du tout. Aujourd’hui, comme hier, la sérénité est de mise.

J’ai pu, cette fois encore, m’entretenir longuement avec le président Blaise Compaoré. Mais également avec quelques uns de ses ministres dont Bassolé (Sécurité) et Boly (Défense). Nous avons pu faire un large tour d’horizon des questions internationales, africaines, burkinabè et françaises. Pas l’ombre d’un doute du côté de mes interlocuteurs. De l’agacement, parfois ; de l’amusement, souvent.

Les tribulations franco-moyen orientales de l’avion présidentiel ivoirien fait, ici, sourire. Tout comme les tergiversations de Gbagbo qui remet en cause Accra III comme il avait remis en cause Marcoussis. Ses déclarations dans Le Figaro (daté du mardi 19 octobre 2004) n’étonnent bien sûr personne ; chacun ici laisse le temps au temps. Dans un moins d’un an, désormais, le mandat quinquennal de Gbagbo aura pris fin ; il sera redevenu, au mieux, un homme ordinaire ; au pire, un usurpateur du pouvoir.

"L’affaire Hermann" n’est guère plus préoccupante ; l’opération de déstabilisation du pouvoir burkinabè a tourné court. L’opposition à Blaise Compaoré marche sur des oeufs : elle soutiendra Hermann comme "la corde soutient le pendu". Pour son seul profit ; pas pour celui du leader de l’ UNDD dont chacun connaît ici le parcours et les multiples élucubrations. Hermann Yaméogo n’est pas près de solder ses comptes dans le grand livre de Blaise Compaoré ! Le meeting (" d’information et de dénonciation des ingérences et de l’accueil de rebelles actifs au Burkina Faso par le pouvoir ") du dimanche 17 octobre 2004 à la Maison du Peuple, convoqué par 16 partis de l’opposition, n’a pas fait le plein.

Hermann, maillon faible de l’opposition burkinabè, a été instrumentalisé par Gbagbo et cette collusion, aujourd’hui, entre les ennemis d’hier (quand Houphouët-Boigny était le patron à Abidjan), suscite plus de ressentiment que d’étonnement. On ne mobilise pas un peuple contre le régime en place en allant s’acoquiner ouvertement avec ceux qui, de tous temps, ont méprisé ce peuple ! Comme l’écrivait le patron de Sidwaya dans le numéro du Il octobre 2004 : "A Hermann Yaméogo de se débattre tout seul dans cette sale affaire et que justice soit rendue au peuple burkinabè et au Burkina !".

Mon séjour à Ouaga m’a conforté dans ma vision du Burkina Faso. S’il y a tentative de déstabilisation, c’est bien celle menée par Laurent Gbagbo contre Blaise Compaoré. Les deux hommes se connaissent bien. Gbagbo est parfaitement conscient que Compaoré est le seul obstacle à la mise en oeuvre de sa politique d’exclusion (une politique d’exclusion qui est le fondement de son hégémonie politique et de sa perpétuation) : non seulement parce que les Burkinabè en sont la cible mais plus encore parce qu’il est, dans la sous-région, un des très rares chefs d’Etat dont la détermination ne peut pas être mise en question. Il n’est pas dans la nature des Burkinabè de céder aux pressions. Qu’elles soient politiques ou qu’elles soient militaires !

Blaise Compaoré, Djibrill Bassolé et Yéro Boly ne sont pas dupes. Ils savent ce qui se trame à Abidjan, Nouakchott, Conakry et Lomé. Ils savent aussi les contraintes internes et externes qui pèsent sur les leaders de la Côte d’Ivoire, de la Mauritanie, de la Guinée et du Togo. Ce qui ne les empêche pas d’être vigilants. Et déterminés.

Il y a, dans la sous-région, une échéance : le Xème sommet de la Francophonie. Moins de quatre semaines. Le compte à rebours est déclenché ! La réussite de ce sommet est un impératif pour Paris tout comme pour Ouaga. Son impact va au-delà de la zone ouest-africaine et du continent africain ; c’est la diplomatie française qui est en cause. Et on sait, depuis "l’affaire Julia", qu’elle est dans le colimateur de Gbagbo (cf LDD Côte d’Ivoire 0126/Mardi 5 octobre 2004). S’il pouvait lancer un pavé dans la vitrine francophone à Ouaga, cela lui permettrait de faire d’une pierre deux coups !

A Ouaga, les veilleurs veillent ou, quand ils dorment, "dorment en gendarme" (il est peu probable que le Burkina Faso puisse être pris au dépourvu !), tandis que les politiques se consacrent à l’essentiel. Ils savent que la crise ivoirienne a brisé, pour toujours, le carcan qui enserrait l’Afrique de l’Ouest. Qui ne sera plus jamais ce qu’elle a été par le passé. Les équilibres sous-régionaux doivent être repensés. Le centre du pouvoir n’est plus à Abidjan (d’où se sont retirées les institutions internationales et africaines dont la Bad).

Ouaga, peu à peu, se fait à l’idée que, la politique, comme la nature, ayant horreur du vide, il lui faut assumer les responsabilités qui sont désormais les siennes. Cela heurte la mentalité mossi (qui n’est pas naturellement hégémonique). Mais ne peut que satisfaire une population burkinabè qui est, compte tenu de la diaspora sous-régionale, la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Et Blaise Compaoré a entrepris de faire de son pays un hub sous-régional qui s’appuie, tout à la fois, sur les activités du centre (Ouaga) et les activités des faisceaux émanant du centre (Mali, Niger, Ghana, etc...).

Dans ce contexte, l’actuelle partition de la Côte d’Ivoire sera un atout pour Ouaga quand l’axe Ouaga-Accra sera totalement opérationnel. Même si historiquement Korhogo a toujours regardé vers le Nord, le recentrage économique de la sous-région est une chance pour le Burkina Faso qui entreprend, par ailleurs, un vaste programme d’aménagement et d’équipement de la zone qui se trouve à l’ouest de Bobo-Dioulasso.

La montée en puissance de El Hadj Oumarou Kanazoé, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina Faso, par ailleurs très proche de la présidence du Faso et homme d’affaires prospère, au sein de la communauté musulmane du Burkina (il vient d’en prendre la présidence), est un signe. Kanazoé, qui n’est plus un jeune homme mais plus que jamais un homme incontournable, connaît mieux que quiconque, au Burkina Faso, la réalité économique de la Côte d’Ivoire.

Dans un contexte troublé, certes, mais où le trouble politique ("affaire Hermann’’’) trouve ses racines dans une situation sous-régionale qui ne cesse de se dégrader depuis plus de dix ans (crise ivoirienne), le Burkina Faso se donne les moyens économiques et financiers de réussir son pari : s’imposer comme le pôle sous-régional pour les activités de service ! C’est là l’essentiel.

Les responsables politiques y parviendront s’ils ne cédent pas au vieux démon du réglement de comptes. C’est la crainte exprimée par la population qui veut sortir des tensions et des crises politiques pour se consacrer à l’économie et au social. C’est pourquoi elle est critique vis-à-vis de Hermann Yaméogo qui souffle sur les braises pour ranimer la flamme de la division. Les incendies criminels ne profitent jamais aux incendiaires !

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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