Actualités :: Etienne Traoré à Sidwaya : Vous permettez, professeur ?
Etienne Traoré

Chapeau au quotidien d’Etat Sidwaya, qui a encore reçu dans le cadre de sa rubrique "Invité de la rédaction" du 28/10/04 une personnalité dont les idées sont dignes d’intérêt et qui ne manqueront pas de défrayer la chronique dans la cité.

C’est du reste parce que ses idées sont dignes d’intérêt que nous en faisons l’objet de notre réflexion du jour. Elles l’ont toujours été, que l’on soit d’accord ou pas avec l’intéressé.

C’est pourquoi nombre de grosses pointures du régime actuel, bien des galonnés de l’armée et beaucoup de cadres du secteur public et privé, soit se sont nourris intellectuellement de ses cours de philosophie au secondaire et/ou à l’université, soit ont élevé leur niveau de conscience politique à partir de ses causeries, exposés ou conférences, soit enfin ont profité de ces deux occasions.

Prendre le parti, de la part d’un journaliste, d’opiner sur les idées d’un tel monument est un pari risqué pour deux raisons : d’abord nous n’avons ni son expérience, ni sa rigueur du point de vue argumentatif ; ensuite ce n’est qu’un article journalistique, un article de commentaire avec toute la forte charge subjective que l’on peut imaginer. Cependant, nous nous sommes résolu à donner notre opinion, car :

- en démocratie tout le monde a droit à la parole ; même les incultes, qui peuvent passer leur temps à raconter des niaiseries ;

- c’est l’occasion de continuer à nous former en allant chercher au plus profond de nous-même des idées soit pour contester, soit pour corroborer les propos de l’intéressé ;
- personne n’a toujours raison sur les autres quels que soient son niveau de connaissances, son expérience et ses potentialités intellectuelles.

C’est donc fort de ces convictions que nous nous jetons à l’eau. Pour l’instant, nous passons sous silence les éléments de réflexion sur lesquels nous sommes d’accord avec Etienne Traoré pour nous focaliser sur ceux au sujet desquels nous avons des différences de point de vue, car c’est cela qui enrichit le débat.

L’affaire Hermann Yaméogo et les multiples accusations contre le Burkina

"Hermann Yaméogo a le droit, dit-il, sinon le devoir d’aller chercher des soutiens diplomatiques et financiers dans tout pays qui n’est pas en guerre ou en rupture de relations diplomatiques avec notre pays. Même si les dirigeants de ces pays ne sont pas les amis de Blaise Compaoré".

Autant nous pensons que déclencher la procédure de levée de l’immunité parlementaire d’Hermann Yaméogo est politiquement maladroit et inopportun, autant nous estimons qu’être allé en Côte d’Ivoire pour travailler avec Laurent Gbagbo (comme Etienne Traoré semble l’indiquer) était tout aussi maladroit et inopportun.

En tant que représentant du peuple, élu donc par le peuple (et certainement par certains des Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire lors d’un séjour au Burkina), était-il indiqué qu’il aille négocier quelques billets de banque avec celui-là même qui incite certains de ses concitoyens à spolier les Burkinabè de leurs biens et à les tuer ?

Qu’il se fiche de l’avis de Blaise Compaoré, mais qu’il se contrefoute de la misère des Burkinabè de Côte d’Ivoire et des ressentiments qu’ils peuvent avoir du fait qu’il va dîner chez leur tortionnaire n’est pas digne d’un homme politique (de surcroît député, chef de parti et fils du premier président de la République).

Par ailleurs, peut-on imaginer un seul instant un chef de parti et député français par exemple rendre visite à un chef d’Etat qui incite ses concitoyens à piller les biens des Français résidant dans son pays et, pire, à les tuer, sous prétexte que ce chef d’Etat est l’ennemi de Jacques Chirac et pas celui du député en question ? Et pourtant les notions contemporaines de la liberté et des droits de l’Homme nous sont venues de là-bas.

L’on peut nous rétorquer que la France n’est pas le Burkina et vice-versa, mais à moins d’apporter d’autres arguments, des simples en esprit comme nous ne peuvent pas comprendre.

Au sujet des accusations dont le pays fait l’objet, Etienne Traoré dit ceci : "On accuse le Burkina de servir de terrain d’entraînement (NDLR : de rebelles) et j’ai la conviction que ça existe. Il y a le témoignage du petit garçon du temps de Charles Taylor, qui dit qu’il a fait sa formation avec 72 autres éléments au Burkina. Quand on dit qu’il n’y a rien, je ne suis pas aussi naïf que ca".

Partons du principe que les propos du petit garçon sont véridiques. Est-ce que cela par une relation de cause à effet entraîne automatiquement la véracité des accusations actuelles ? On peut certes douter des déclarations actuelles des responsables de ce pays compte tenu de ce qu’ils ont fait de par le passé, mais le doute peut-il ou doit-il nous amener à conclure qu’ils sont coupables ?

En outre, si les Israéliens, qu’Etienne Traoré dit avoir renseigné les autorités mauritaniennes sont bons en matière de renseignements, que dire des services de renseignements français, qui, selon Jeune Afrique, auraient blanchi Blaise Compaoré et les siens ? Les Israéliens sont-ils meilleurs que les Français en la matière ? Si oui qu’est-ce qui permet de le dire ? Mystère et boule de gomme.

L’"illégalité" de la candidature de Blaise Compaoré

"L’opposition, la société civile doivent l’ (NDLR : Blaise Compaoré) aider à ne pas être prisonnier du pouvoir. Si on lui dit que sa tête sera coupée dès qu’il va quitter le pouvoir, ça va de soi qu’il refuse de s’en aller. C’est humain. Il faut peut-être, avec les familles des victimes, se retrouver à l’africaine pour trouver une solution" et non "pas administrativement comme à la JNP.

Il faut un compromis de sortie avec lui pour réellement ancrer la démocratie dans notre pays". Plus loin, il ajoute, au sujet de la position d’Halidou Ouédraogo, président du MBDHP, selon laquelle une candidature de Blaise Compaoré à sa propre succession ne serait pas illégale : "Il n’a pas été bien informé de l’argumentaire de l’opposition contre cette candidature.

Ce que j’attendais de lui, c’est un développement. Mais le seul argument qu’il donne, c’est que le texte n’est pas rétroactif. Je lis des juristes de l’université qui disent que la loi n’est pas rétroactive, mais qui concluent néanmoins que Blaise ne peut plus se présenter".

C’est un fait ; il faut aider Blaise Compaoré à quitter le pouvoir. Il faut aussi l’aider à trouver des solutions avec les familles des victimes ou les victimes des violences en politique encore réticentes. Seulement, il n’y a pas que dans l’entourage de Blaise Compaoré que l’on trouve des gens pour le convaincre de rester indéfiniment au pouvoir à cause des risques qu’il encourrait s’il redevenait monsieur de tout le monde.

Du côté de l’opposition, il en est qui jurent d’avoir sa peau le jour où il ne sera plus président du Faso. Il importe donc que de ce côté aussi, les propos soient plus rassurants qu’ils ne le sont aujourd’hui ; car c’est sur de tels propos que certains proches de Blaise Compaoré s’appuient pour le dissuader de raccrocher.

Quant à l’appréciation qu’Halidou Ouédraogo a faite de l’éventuelle candidature de Blaise Compaoré, reconnaissons qu’il n’a pas suffisamment argumenté sa prise de position. Cependant, il faut tout aussi reconnaître que la position d’Etienne Traoré est insuffisamment argumentée.

En effet, il a fait allusion aux juristes de l’université qui sont partis du fait que la loi n’est pas rétroactive pour, pourtant, conclure que le locataire actuel de la présidence du Faso ne peut plus se présenter. Un débat en fait entre la lettre et l’esprit, mais insuffisamment développé par le professeur de philosophie morale et politique.

Tant et si bien que non seulement il commet la même erreur qu’Halidou Ouédraogo, mais ne donne pas l’occasion au lecteur de comprendre davantage l’idée qui sous-tend la remarque. A suivre...

Z.Kafando
L’Observateur

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