Actualités :: Issa Joseph Diallo, maire revoqué de Ouahigouya : "J’ai des relations (...)
Issa Joseph Diallo

Depuis le déclenchement de la crise qui l’opposait à 23 conseillers municipaux qui exigeaient son départ de la tête de la mairie de Ouahigouya, Issa Joseph Diallo s’était toujours refusé à toute déclaration officielle. Nos multiples sollicitations d’interviews, il les jugeait toujours inopportunes.

Au lendemain de la décision de sa révocation de sa fonction de maire prise par le Conseil des ministres du mercredi 27 octobre 2004, le moment est enfin venu pour lui de sortir de son silence.

Dans cet entretien, qu’il nous a accordé à Ouagadougou en même temps qu’à un confrère de L’Amazone, Issa Joseph Diallo évoque entre autres, l’origine de la crise, ses relations avec Salif Diallo, son avenir politique... Pourquoi avoir choisi de parler maintenant ? N’est-ce pas un peu tard alors que, dès le début, on vous a pratiquement harcelé pour un entretien ?

• Je suis content que nous ayons l’occasion d’échanger aujourd’hui sur la crise qui secoue la commune de Ouahigouya. Comme vous le dites vous-mêmes, plusieurs fois vous avez demandé à me rencontrer pour comprendre et savoir ce que je pense de tout cela. Jusque-là, je n’ai pas pu y donner de suite et je vous prie de m’excuser.

Je considère que je ne peux pas me dérober pendant longtemps encore, surtout que la crise connaît une évolution qualitative depuis quelque temps. J’aimerais partager avec vous l’analyse que je fais de cette situation et éventuellement les conséquences.

En sa session du mercredi 27 octobre 2004, le Conseil des ministres a décidé de votre révocation avec poursuites judiciaires. Vous attendiez-vous à une telle décision ?

• Je n’ai pas de commentaires particuliers à faire sur cette décision. Je sais que le processus engagé depuis le 22 septembre (NDLR : date de la déclaration de la motion de défiance des 23 conseillers contre le maire) devait aboutir à cela. Quand on analyse les justificatifs, la stratégie mise en place et les méthodes choisies, il n’y avait pas beaucoup de choix en dehors du fait que j’aurais pu donner ma démission.

Et quand bien même j’aurais donné ma démission, je ne suis pas sûr que le processus de déstabilisation, de discrimination mis en œuvre pour m’empêcher de terminer mon mandat allaient s’arrêter sans dégâts majeurs. Je considère donc à la limite que ce qui était programmé depuis longtemps est arrivé.

Mes sentiments personnels face à tout cela : je regrette ce qui est arrivé pour plusieurs raisons dont une essentielle : quand la décision (de révocation) est tombée, la commission de vérification et de contrôle engagée par le ministère de tutelle, c’est-à-dire le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) n’avait pas achevé ses travaux.

Je m’attendais à ce que tout cela se poursuive afin que l’on puisse statuer véritablement sur la qualité des griefs qui me sont reprochés. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé et je le déplore. Je prends acte de cette décision comme tout le monde.

Justement, parlant des griefs retenus par les 23 conseillers contre vous, qu’est-ce que vous en dites ?

• Je me demande si ce n’est pas prématuré de répondre à des questions concernant ces griefs. Vous le savez, le MATD a dépêché deux missions de contrôle sur le terrain et apparemment les conclusions sont déposées puisqu’elles ont permis de prendre la décision de révocation ; ce que je peux dire, c’est que je n’ai pas eu connaissance des conclusions des deux missions de contrôle. J’attends, comme tout le monde, d’en savoir assez long dessus afin de pouvoir faire des commentaires opportuns.

Personnellement, je ne me reconnaîs pas dans tout ce qui est développé comme arguments pour "demander" ma tête comme vous le dites dans un de vos numéros de L’Observateur. J’attends toujours les conclusions pour comprendre davantage.

Une partie de l’opinion pense que derrière cette crise se trouve le ministre Salif Diallo. Celui-ci vous en voudrait de n’avoir pas manifesté assez de compassion à son égard pendant son hospitalisation en France, et aussi d’avoir été absent de Ouahigouya le jour de son retour. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

• Moi aussi j’ai entendu cette rumeur, mais je ne sais pas si on doit donner foi à des considérations de cette nature. C’est vrai, quand le problème de la maladie de Salif Diallo s’est posé, de mon point de vue, il y avait deux attitudes. Il y avait d’abord l’attitude du grand frère que je suis, qui n’a pas, à ce qu’on dit, suffisamment compati à la douleur de Salif Diallo.

Je dirai à ce niveau que ce n’est pas parce que la compassion n’a pas été à une certaine hauteur des attentes que l’on doit dire qu’on est resté indifférent. Mais j’assume cela de façon individuelle. Je sais que j’ai des relations très difficiles avec certaines personnes et particulièrement avec Salif Diallo. Mais ce n’est pas parce que ces relations sont difficiles que je serais insensible à ses problèmes.

L’autre aspect, c’est que je n’ai pas eu la présence d’esprit de convoquer le conseil municipal pour décider de la conduite à tenir. Ici, il y a deux choses différentes : d’un côté, il y a l’individu Issa Joseph Diallo, qui a des relations un peu difficiles avec Salif Diallo, et de l’autre côté, je suis le maire et j’aurais pu poser le problème au niveau du conseil municipal pour savoir quelle attitude tenir.

Je déplore le fait de n’avoir pas eu cette idée. Mais je vous ferais remarquer que les 23 signataires sont aussi membres du conseil municipal et rien n’empêchait un d’entre eux de prendre une telle initiative.

C’est quelque chose qui est arrivé et que je déplore. Mais je ne sais pas si ce fait suffit à justifier ce qui est arrivé parce que je connais quand même le ministre Salif Diallo. Je ne pense pas que ça suffit à engager tout ce que nous avons subi comme événements cette année.

Mais d’aucuns pensent que si les signataires ont refusé toutes les tentatives de réconciliation, c’est parce qu’ils n’étaient pas libres de leurs décisions à cause de Salif Diallo.

• Effectivement, j’ai constaté avec vous que dès que le problème a éclaté, pratiquement tous les acteurs du développement local se sont mobilisés afin que la crise trouve une solution opportune. Il y a eu le Yatenga Naaba et tous ses ministres, les communautés religieuses, l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF) et le MATD.

Toutes ces interventions ont eu un impact limité. Peut-être que c’est dû à la nature de la crise que nous avons connue. La société civile a ses limites comme vous le savez. Ça ne peut pas aller très loin. L’AMBF aurait pu arriver à d’autres résultats s’il s’agissait d’un problème d’administration ou de gestion de la commune. Mais comme nous nous trouvons ici dans une crise politique, peut-être qu’il aurait fallu un autre type d’intervention pour régler le problème.

Parlant de crise politique, certains de vos détracteurs vous accusent d’avoir travaillé beaucoup avec les conseillers ADF/RDA.

• Il y en a qui disent que je travaille plus avec les conseillers ADF/RDA qu’avec ceux du CDP. Il y en a qui ont dit que je voulais organiser une implosion du parti CDP à Ouahigouya pour en partir avec une frange. Mais tous ceux qui soutiennent cela n’ont pas une bonne connaissance de la culture politique des militants CDP à Ouahigouya.

Quand on la connaît comme moi je la connais, on sait que quand on vient au CDP, on le quitte rarement. La structure est organisée de telle façon que c’est difficile pour quelqu’un qui a une faible capacité comme moi, de pouvoir entraîner des militants du parti hors du sérail.

En ce qui me concerne, toute mon action visait à consolider les bases du CDP. Mais je ne peux pas travailler à le faire imploser parce qu’ayant une bonne connaissance du parti, je sais que ce genre de travail est d’avance voué à l’échec.

Après la décision de révocation, quelle attitude adopterez-vous ?

• Je n’ai pas encore réfléchi à toutes les conséquences de la décision du Conseil des ministres. Ce que je sais globalement, c’est qu’il y a une action qui va sans doute être organisée par le ministère de tutelle. On parle de poursuites judiciaires.

Il faudra que je me prépare à répondre à ça. J’ai déjà pris contact avec mon conseil pour qu’il analyse le dossier sous tous ses aspects et éventuellement qu’il me conseille sur toutes les actions à mettre en œuvre pour me permettre de faire face à une situation qui est difficile sur les plans technique, administratif et moral.

On sait que depuis le déclenchement de la crise, vous avez bénéficié d’un élan de solidarité aussi bien d’une partie de la société civile que du milieu politique. Sentez-vous toujours ce soutien ?

• Il faut préciser que ce n’est pas ma personne, Issa Joseph Diallo, qui a bénéficié de ce soutien, mais l’ensemble du conseil municipal. Les populations souhaitent que ce conseil, qui a engagé des actions d’envergure dans la ville, puisse conduire son mandat à terme. Il se trouve que je suis le président de ce conseil, j’ai donc bénéficié indirectement de ce soutien.

Je considère que quand le Yatenga Naaba s’investit dans la médiation, c’est pour sa ville, sa province. Ça fait plaisir de voir que des milliers de personnes vous accompagnent dans votre traversée du désert. Après tout, ce n’est pas la fin du monde. Des crises de cette nature, ça arrive à tout le monde.

Quand vous décidez de vous engager dans l’arène politique, vous devez vous attendre à recevoir des coups. Quand vous choisissez de pratiquer la boxe au lieu du football, c’est que vous êtes préparés à recevoir des crochets et des uppercuts. Je savais que j’allais en recevoir.

Malheureusement, je n’ai pas voulu en donner. C’est peut-être pourquoi, durant mes quatre ans, la situation a évolué de cette manière. Mais je ne regrette pas de m’être engagé en politique. Je remercie tous ceux qui se sont engagés pour ramener la paix dans les cœurs afin de permettre à tout le monde de terminer le programme que le conseil municipal m’avait mandaté de conduire.

Certains pensent que vous avez une carrière professionnelle bien accomplie et que vous n’auriez pas dû pénétrer dans cette jungle politique.

• Peut-être même que ma carrière professionnelle était terminée et je voulais mettre mes capacités intellectuelles, physiques et morales au service de ma ville. Je crois que je n’ai pas démérité. Seulement, je n’ai pas intégré dans ma nouvelle expérience un certain nombre de facteurs exogènes. C’est pourquoi nous nous trouvons dans cette forme de crise. Je souhaite une solution rapide dans l’intérêt de toute la ville de Ouahigouya et de nous tous.

Votre mandat a donc été brusquement interrompu. Néanmoins, comment le jugez-vous ?

• Je ne sais pas si c’est moi qui doit répondre à cette question ou si vous devez vous tourner vers les citoyens. En ce qui me concerne, je peux dire que le projet de programme que nous avons élaboré ensemble a été réalisé dans de très bonnes conditions. Toutes nos prévisions étaient réalisées.

Il restait à terminer un certain nombre de chantiers comme l’abattoir, l’autogare, le centre médical communal et la maison de la coopération, dont les financements sont pratiquement bouclés en dehors de l’autogare, qui était toujours en phase d’analyse.

Je pense sincèrement, que quel que soit l’issue définitive, mon mandat a été bien accompli avec l’apport de tous, y compris celui des 23 conseillers signataires de la motion de défiance. C’est pourquoi je suis surpris de la manière dont la crise a été conduite. Pendant les quatre ans, il n’y a pas eu une seule session du conseil municipal où on a voté une délibération.

Tout se passait par consensus. Je ne veux pas entrer dans les détails des griefs, mais ce que nous avons fait, nous l’avons fait ensemble avec les 23 signataires de la motion. Je salue d’ailleurs la collaboration qu’ils m’ont apportée pendant les quatre ans avant cette situation de crise. Pour l’avenir, il ne faut présumer de rien. Nous sommes tous des croyants et nous attendons ce que Dieu va décider pour Ouahigouya, ce qu’il va décider pour chacun de nous tous.

Vous parlez d’avenir. Comment entrevoyez-vous le vôtre au plan politique à quelques mois des élections municipales et présidentielle ?

• Comme j’ai l’habitude de le dire, je gère le quotidien. Pour l’avenir, nous verrons. Rien ne prédisposait M. Diallo à être maire de Ouahigouya. Quand je vois mon parcours professionnel, technique et politique, rien ne prévoyait que j’allais un jour assumer les charges de la mairie. Si Dieu décide que je dois reprendre le bâton, il en sera ainsi. Mais, ce n’est pas une préoccupation de l’heure pour moi, ces prochaines élections locales.

En ce moment qu’avez-vous sur le cœur et que vous voudriez bien sortir.

• Merci de me tendre votre micro pour échanger avec vous sur l’origine et l’évolution de la crise et sur les perspectives. Je salue la forte mobilisation de solidarité pendant la crise notamment celle de Naaba Kiiba et de ses ministres, des acteurs de la société civile et de certains conseillers municipaux.

Je salue également toutes les initiatives qui ont été développées à Ouahigouya et ailleurs pour que la concorde revienne dans nos rangs. Je pense aussi à l’AMBF. J’exprime toute ma reconnaissance à l’ensemble de la commune de Ouahigouya. C’est une passe difficile que nous traversons, mais ce n’est pas cela qui va hypothéquer l’avenir de la commune ni celui de la province du Yatenga.

Entretien réalisé par Alain St-Robespierre
L’Observateur

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