Actualités :: Hermann Yaméogo, un "héritier" joue la destabilisation du Burkina (...)
H. Yaméogo

Pour comprendre la personnalité de Hermann Yaméogo, il faut savoir qui était son père (cf LDD Burkina Faso 044/Lundi 11 octobre 2004). En 1958, à la suite de la mort de Ouezzin Coulibaly, Maurice Yaméogo s’est trouvé en position de prendre le pouvoir.

Il préside le conseil du gouvernement. Il se retrouvera, du même coup, être le "Père de l’indépendance" de la Haute-Volta. Non sans difficultés.

Il n’a cessé de vagabonder d’un parti à l’autre ; il ne cessera jamais de vagabonder d’une alliance à l’autre : Fédération du Mali ? Conseil de l’Entente ? La Haute-Volta sera le seul Etat de la communauté qui refusera le maintien de bases militaires françaises sur son territoire. Maurice Yaméogo sera le premier chef d’Etat africain francophone à se rendre en visite officielle en Israël.

Ses rapports avec la Côte d’Ivoire relèvent plus de la psychologie que de la politique. Maurice Yaméogo y a été un kanga (esclave) comme disaient, alors, les Ivoiriens des Voltaïques. Et il a mal vécu que la main de Thérèse Larbat lui ait été refusée. D’ailleurs, le 17 octobre 1965, devenu chef de l’Etat, il se remariera avec une jeune métisse ivoirienne : Suzanne Monaco. Fils de paysan, provincial, il sera subjugué par le "médaf’ qu’était Félix Houphouët-Boigny.

"Monsieur Maurice" ne cessera plus alors de se placer dans le sillage de son prestigieux aîné. En homme lige ; dans un rapport de vassal à suzerain. Tenté de rejoindre la Fédération du Mali, il s’alignera, ensuite, sur les positions antifédéralistes de Houphouët-Boigny. Il jouera la carte de la double nationalité voltaïque-ivoirienne au lendemain de son mariage avec Suzanne ; ce qui va précipiter sa chute le 3 janvier 1966. Là encore, c’est auprès du chef de l’Etat ivoirien qu’il cherchera soutien et réconfort.

Dans les années Sankara, il va se comporter en médiateur, les relations entre le maître de la Côte d’Ivoire et le jeune leader révolutionnaire n’étant pas particulièrement bonnes. Et quand, à la veille de l’arrivée à Yamoussoukro du président Sankara, une bombe explosera à l’hôtel Sofitel-Président, il ne manquera pas de prévenir Houphouët-Boigny (un message qui demeure valable pour Gbagbo) : "J’ai dit à Houphouët de faire attention, qu’il jouait avec le feu, car notre pays est tellement mobilisé que, si jamais on touchait à un seul pilier de notre édifice national, il surgirait de partout des forces insoupçonnées pour le défendre". Après les obsèques de Mamie Adjoua (la soeur de Houphouët), le 16 mars 1987, revenu en Côte d’Ivoire, Maurice Yaméogo s’installera à Abidjan.

Hermann est le fils aîné de "Monsieur Maurice". Il n’a pas 10 ans quand son père devient le numéro un du pays. Quand il démissionnera de la présidence de la République, sous la pression de la rue qui réclame "du pain. de l’eau", le 3 janvier 1966, Hermann n’a pas encore 18 ans. Le 5 août 1967, à quelques semaines de son dix-neuvième anniversaire, il tentera un coup d’Etat pour libérer son père incarcéré à la prison de Balolé. Il échouera et sera condamné à sept ans de réclusion criminelle.

Il passera deux ans à la prison civile de Ouagadougou ; il sera libéré le 5 août 1969 alors que son père, condamné à cinq ans de travaux forcés et au bannissement à vie pour non-justification des fonds spéciaux, bénéficie d’une remise en peine ; "Monsieur Maurice" sera effectivement libéré un an plus tard.

C’est Hermann qui devient, pour la famille Yaméogo, l’espoir d’un retour au pouvoir. En 1977, Maurice Yaméogo va confier à son fils, qui a 29 ans, la tâche de reconquérir le pouvoir grâce à l’Union nationale pour la défense de la démocratie (UNDD) constituée autour de quelques nostalgiques des années "Yaméogo".

Maurice Yaméogo avait institué, dès sa prise de fonction à la tête de l’Etat voltaïque, un régime qu’il qualifiait lui-même d’autocratique (les révolutionnaires, après 1983, le qualifieront de népotiste). Il s’était opposé aux chefferies traditionnelles mais avait également imposé le régime du parti unique (alors que le multipartisme était inscrit dans la Constitution). Quand l’armée s’emparera du pouvoir en 1966, c’est son chef d’état-major, Sangoulé Lamizana qui s’imposera comme chef de l’Etat.

Après une période de transition, une deuxième république sera instituée. Lamizana va se lancer dans une politique dite de "Renouveau national" qui vise à instituer une troisième république qui prévoit un multipartisme limité : les trois premiers partis qui s’imposeront aux législatives de 1977 seront reconnus officiellement ; les autres devront se fondre dans les organisations ayant triomphé au plan électoral. Les législatives vont propulser l’UNDD en deuxième position derrière l’ UDV-RDA mais devant l’ UPV. Premier pari gagné !

L’UNDD vise la conquête du pouvoir dans une perspective du retour aux affaires de Maurice Yaméogo. Mais celui-ci est privé de ses droits civiques et son fils, Hermann, est trop jeune pour être candidat à la présidentielle organisée à la suite des législatives. Ce sera le banquier Macaire Ouédraogo qui défendra les couleurs de "Monsieur Maurice" le 14 mai 1978. Non sans un certain succès. Il mettra en ballotage Lamizana qui ne l’emportera qu’au deuxième tour, le 28 mai 1978.

La Haute-Volta bascule dans la IIIème République. Pour peu de temps. Après quinze années passées au pouvoir, Lamizana sera balayé par le coup de force du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN). Le colonel Saye Zerbo prend le pouvoir le 25 novembre 1980. Deux ans plus tard, il doit céder la place à Jean-Baptiste Ouédraogo. Qui a le soutien de Maurice Yaméogo.

Le 4 août 1983, l’histoire fait à nouveau volte-face en Haute-Volta : le Conseil national de la Révolution (CNR) dirigé par Thomas Sankara prend le pouvoir. Les révolutionnaires tiennent "Monsieur Maurice", le seul civil qui ait été au pouvoir depuis l’indépendance, au bout de leurs fusils !

Dix ans plus tard, dans un long entretien accordé à Fraternité-Matin, le quotidien gouvernemental ivoirien (daté du samedi 18-dimanche 19 septembre 1993), Maurice Yaméogo expliquait alors : "Lorsque les hommes de Sankara sont venus me chercher à mon domicile le 9 novembre 1983, c’était pour me fusiller. Quand ils m’ont conduit au Conseil de l’Entente, Blaise Compaoré, Thomas Sankara, Sigué, Lingani et Kaboré s’y trouvaient déjà. Le fameux Sigué disait.. "De toutes les façons, il faut qu’on liquide le Vieux immédiatement, autrement notre révolution sera compromise". Blaise lui a répondu.. "N’allons pas trop vite en besogne. Si nous tuons, je ne suis pas sûr que notre révolution fasse du chemin". Il a ajouté qu’étant donné qu’il y avait des doutes sur ma personne, il était préférable qu’on m’emprisonne. J’ai passé une année au camp militaire de Pô, jusqu’à ma libération en 1984. Blaise Compaoré m’a donc sauvé la vie [..,] Je vous le dit sincèrement, le président Blaise Compaoré a toujours été très correct avec moi".

Par la suite, c’est Blaise Compaoré qui permettra à Maurice Yaméogo de recouvrer tous ses droits et tous ses biens. "J’en suis profondément reconnaissant à Blaise Compaoré. Je lui ai écrit une lettre pour l’en remercier", dira le "Vieux".

Dans l’entretien que Hermann Yaméogo nous a accordé au lendemain de la mort de son père, il déclarait notamment : "Blaise Compaoré a fortement contribué à l’éclat des obsèques du président Yaméogo. Il y a déjà quelques années qu’il exprimait à notre père de l’attention, voire de l’affection.

Nous savons que pendant la période du CNR, quand notre père a été déporté à Pô, dans des conditions dramatiques et humiliantes, c’est grâce au président Compaoré qu’il a eu la vie sauve alors qu’à huis clos on délibérait sur le sort des anciens hommes politiques.

Alors que certains jusqu’aux-boutistes en appelaient à la solution finale comme en Ethiopie et que les "sursitaires" attendaient dans une pièce attenante, c’est Blaise Compaoré qui a eu l’idée de proposer de les amener à Pô en attendant la décision à prendre. Il a gagné du temps et, ce faisant, il a évité le pire [...] La famille, les amis de la famille, les femmes et tous les hommes de bien ne peuvent que lui être reconnaissants de ce qu’il a fait".

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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