Actualités :: Affaire Hermann Yaméogo : "Les calembredaines du procureur Barry" selon P. (...)

En réponse aux propos du procureur général sur l’affaire Hermann Yaméogo rapportés dans L’Observateur paalga n°6244 et dans Sidwaya n°5116 du vendredi 8 octobre 2004, le Dr Pierre Bidima, estimant qu’il s’agit de contrevérités, nous a fait parvenir le droit de réponse suivant.

Monsieur le directeur,

C’est avec un grand étonnement que j’ai lu les propos de M. le procureur général parus dans les colonnes de L’Observateur paalga n°6244 page 2 et de Sidwaya n°5116 page 2, du vendredi 08 octobre 2004. Ces propos sont des contrevérités qui s’apparentent à de la diffamation et à l’injure ; s’ils ne provenaient pas du procureur général du gouvernement, j’aurais intenté un procès en diffamation contre leur auteur. Mais que peut faire un petit médecin de l’hôpital Yalgado, qui s’appelle Pierre Bidima de surcroît, face au tout-puissant procureur commissaire général du Burkina Faso ?

C’est pourquoi, M. le directeur de publication, je vous demande de bien vouloir tout simplement faire paraître ce droit de réponse dans les colonnes de votre journal afin d’éclairer vos lectrices, vos lecteurs et l’opinion de façon générale.

Je n’ai pas suivi la prestation de M. le procureur général à la télévision le jeudi 07 octobre 2004, mais certains amis et parents qui l’ont fait, m’ont dit que les propos du procureur général à mon endroit étaient franchement irrespectueux et même injurieux.

Les quelques mots et propos que Sidwaya et L’Observateur paalga ont rapportés confirment les dires de ces personnes qui ont suivi M. le procureur général à la télévision. Quant au journal le Pays, il n’a pas trouvé nécessaire de reproduire dans ses colonnes les contrevérités de M. le procureur général (1).

Dans L’Observateur paalga, M. le procureur général, répondant à la question des journalistes qui ne comprenaient pas pourquoi le médecin-traitant de M. Noël Yaméogo, que je suis, n’arrivait pas à lui rendre visite et à lui faire subir un examen médical, qui est de droit après les 72 heures de garde à vue (cf. article 63 du code de procédure pénale), déclare que : « Le Docteur Bidima, qui prétend le suivre, on le connaît très bien ; il utilise toujours ce statut pour rencontrer des personnes arrêtées.

Il avait également dit qu’il était le docteur de Naon » (cf. L’Observateur cité). Sidwaya rapporte que le « procureur général a soutenu que le "médecin-traitant" de M. Yaméogo, en la personne du Dr Bidima, le suit en tant que défenseur des droits de l’homme, mais pas en tant que médecin » (cf Sidwaya cité).

Je suis au regret d’affirmer que M. le procureur général a raconté aux journalistes des calembredaines et des contrevérités indignes de son rang. En effet, M. le procureur général, dans quel bureau, à quelles date et heure vous et moi avons eu à nous rencontrer au sujet du dossier Noël Yaméogo ?

Chronologie des faits :

"M. Noël Yaméogo a été mis aux arrêts le mardi 28 septembre 2004. Dans la nuit du mercredi 29 septembre 2004, jour de la mutinerie des prisonniers de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), j’ai contacté vers 22 heures le directeur général de la police en tant que président du Mouvement de la paix pour en savoir plus sur la situation à la MACO ; j’ai profité de ce coup de fil pour m’informer de la situation de M. Noël Yaméogo, notamment ses conditions de détention et les accusations dont on l’accable.

Le directeur général de la police, sur ce point, a été catégorique et m’a dit qu’il ne discute pas de ce problème (cas Noël) au téléphone. Le jeudi 30 septembre, j’ai conduit une délégation du Mouvement de la paix pour une rencontre avec le directeur général de la police, toujours au sujet de M. Noël Yaméogo.

Lorsque la secrétaire du directeur général de la police nous a annoncés, ce dernier est sorti de son bureau pour nous dire ceci : « Si c’est pour voir Noël, je suis au regret de dire à la délégation du Mouvement de la paix que cela est impossible pour l’instant, je l’ai déjà signifié à votre président la nuit dernière au téléphone ».

Le même soir, vers 20 heures, une délégation du Mouvement de la Paix a accompagné un parent de Noël Yaméogo à la Sûreté, où il est incarcere, afin de lui remettre du matériel de couchage et d’Hygiène composé de couverture, de serviette, de savon, de pâte dentifrice... Les agents de police de garde ce jour, après avoir dans un premier temps accepté le principe, se sont rétractés quelques minutes plus tard, argumentant ce revirement par le fait que ce sont des instructions reçues.

Le vendredi 1er octobre, le Mouvement de la paix décide de suspendre ses démarches jusqu’à la fin de la garde à vue (5 jours au maximum), c’est-à-dire jusqu’au 3 octobre. Le lundi 04 octobre, la période de garde à vue étant théoriquement épuisée, notre délégation est répartie à la Sûreté pour rencontrer le directeur général de la police.

Ce dernier étant absent, c’est le directeur général adjoint, le commissaire Jean-Baptiste Ouédraogo, qui nous a reçus et nous a fait savoir que Noël Yaméogo, bien qu’étant dans leurs locaux, ne relevait plus directement de la police puisqu’il a été présenté au procureur du Faso, en la personne de M. Adama Sagnon.

Plus tard, l’avocat de M. Noël Yaméogo nous confirmera les dires du directeur général adjoint. Dès lors, le Mouvement de la paix décide d’arrêter ses démarches dans la mesure où ses craintes sur un dépassement exagéré de la garde à vue (comme ce fut le cas lors de la présumée tentative de putsch d’octobre 2003) sont levées et mieux, l’intéressé a eu droit à un conseil.

Mais, le 06 octobre 2004, j’ai été saisi en tant que médecin par la famille de M. Noël Yaméogo, qui souhaite que je m’occupe de la santé de l’intéressé.

La famille dit avoir pris cette décision parce que bien avant son arrestation, j’étais son médecin-traitant. J’ai naturellement accepté la proposition et sur-le-champ, j’ai contacté par téléphone M. le procureur du Faso (et non le procureur général) pour lui exposer la situation sanitaire de M. Noël Yaméogo.

J’ai même expressément insisté auprès du procureur du Faso sur le fait que je le contactais en tant que médecin de famille de l’intéressé. Très poliment et de façon courtoise, le procureur du Faso m’a recommandé d’introduire une requête auprès du juge d’instruction.

Le vendredi 08 octobre 2004 à 15h 45, la requête fut introduite. Le même jour à 17h, le juge d’instruction, du nom de M. Silga, reçoit en présence de son greffier le médecin-traitant de Noël Yaméogo et examine sa requête. L’entretien fut serein et respectueux de part et d’autre. Le juge prend acte de ma requête et se propose de me recontacter « en cas de nécessité ».

• Alors, M. le procureur général, dans tout ce développement, où et quand m’avez-vous rencontré à propos du dossier Noël Yaméogo ?

• Où est l’amalgame entre les démarches effectuées par les délégués du Mouvement de la paix à la Direction générale de la police nationale et celle effectuée (par voie de requête écrite) par le médecin traitant de Noël Yaméogo auprès du juge d’instruction ?

• Où et quand est-ce que j’ai utilisé mon statut de défenseur des droits humains en lieu et place de celui de médecin pour vous rencontrer vous-même ou vos services ?

Le cas de M. Naon Babou

M. Naon Babou a décidé librement de me choisir comme son médecin traitant et il est libre de son choix, même en tant que prisonnier. Naturellement j’ai accepté sa demande, car c’est une marque de confiance et cela constitue pour moi une autre expérience professionnelle. Ainsi, j’ai examiné et traité M. Naon dans mon bureau successivement les 1er, 06 et 15 septembre 2004. Son dernier suivi médical date du 05/10/2004 et il se porte bien.

Mais, compte tenu du fait que l’état de santé de l’intéressé nécessite un suivi médical régulier (en septembre il s’est présenté 3 fois à mon bureau, soit en moyenne une présence tous les 10 jours), j’ai demandé au directeur de la justice militaire de me faciliter l’obtention d’un permis permanent pour communiquer avec mon patient afin de réduire ses va-et-vient à l’hôpital. Le directeur a trouvé l’idée assez intéressante et a pris un rendez-vous avec le procureur général, qui m’a reçu à son bureau le vendredi 10 septembre.

C’est un procureur général très accueillant et courtois qui m’a ouvert les portes de son bureau ce jour-là. Lorsque je lui ai fait ma proposition de pouvoir faire des visites médicales à mon patient dans l’enceinte de la MACO de temps en temps, par souci d’efficacité, le procureur général a dit : « C’est très bien, c’est une bonne initiative, d’ailleurs cela peut nous arranger... », et d’ajouter ceci :

« Mais docteur, pourquoi vous ne vous occupez pas des autres : les Ouali, les Bayoulou, etc.. ». A cette question, je lui ai répondu en substance que les gens sont libres de choisir leur médecin et que pour l’instant, les gens qu’il vient de citer ne m’ont pas encore contacté, mis à part Pascal Israël Paré et Naon Babou.

Après environ 45 mn d’entretien cordiaux et respectueux, le procureur général m’a prodigué ses encouragements et a dit qu’il allait donner des instructions au régisseur militaire pour que ma doléance trouve une « solution acceptable ». C’est dans l’attente de la « solution acceptable » promise que j’ai été surpris et ahuri par les propos irrespectueux de M. le procureur général parus dans les colonnes de Sidwaya et de L’Observateur paalga.

Le procureur général donne l’impression de posséder au moins 2 visages : il y a M. Abdoulaye Barry, procureur général très courtois, moins bavard, respectueux et même très critique lorsque vous le rencontrez dans son bureau à huit clos, mais il y a aussi cet autre Abdoulaye Barry, procureur général très irrespectueux, racontant des histoires sans têtes ni queues à qui veut l’entendre lorsqu’il est devant les caméras de la télévision et les médias en général. Il a un sérieux problème.

En tout état de cause, M. le procureur général devrait chercher à comprendre pourquoi tant de personnes arrêtées (garde à vue ou prisonniers) préfèrent se faire examiner et traiter par des médecins de leur choix. En effet, comment voulez-vous, M. le procureur général, que ces personnes arrêtées ou emprisonnées aient confiance aux prestations des services où vous les conduisez pour leurs problèmes de santé lorsqu’elles savent que vous êtes responsable de la mort de plusieurs personnes au nombre desquelles :

• Mor Alim Kaboré : il est mort de façon suspecte à l’hôpital Yalgado dans la période de sa garde à vue, donc sous votre responsabilité ;

• Moussa Kaboré dit Soza : lui aussi mort à la gendarmerie pendant sa garde à vue par pendaison, semble-t-il ; là aussi votre responsabilité est engagée ;

• Yemdaogo Pitroipa : prisonnier, mort à l’hôpital Yalgado dans des conditions non encore élucidées ; c’est encore sous votre responsabilité ;

• le lieutenant Minoungou : admis aux urgences médicales dans un coma grave, en provenance de vos services, et sauvé in extremis. Là également votre responsabilité est engagée. Ces quelques malheureux cas sont parlants et éduquent. Ils font jurisprudence et expliquent en partie pourquoi les personnes arrêtées ont peur et préfèrent se faire soigner par des hommes et des femmes de la santé en qui ils ont confiance ; et parmi ces gens de confiance, il y a le Dr Pierre Bidima, médecin, défenseur des droits humains, que vous le vouliez ou non. M. le procureur général, en tant que médecin traitant de certaines personnes privées de leur liberté d’une part, et responsable d’un Mouvement des droits humains d’autre part, vous me trouverez toujours sur votre chemin. La solution, c’est le strict respect du code pénal et du code de procédure pénale, notamment les dispositions relatives à la garde à vue.

La solution, c’est aussi la coopération sincère, citoyenne entre vous et moi, mais aussi, entre nos deux institutions : le Mouvement de la paix et le parquet.

Enfin, M. le procureur général, sachez que je ne ménagerai aucun effort pour vous assister médicalement et gratuitement, et ceci à des fins humanistes si un jour vous deviez malheureusement être mis aux arrêts, mis en situation de garde à vue ou emprisonné. Je ne vous souhaite pas un tel scénario, mais ça n’arrive pas qu’aux autres.

Je vous remercie !

Ouagadougou, le 11/10/2004

Dr Pierre Bidima
Médecin


(1) NDLR Nous avons choisi exprès de mettre en gras le passage objet de cette note de la rédaction, pour son évidente connotation viscieuse et perfide. Car, bonnes gens, qu’est-ce que cette précision apporte de plus au texte du Dr Pierre Bidima, s’agissant d’un droit de réponse qui s’adresse à l’Observateur ? Veut-il nous reprocher de nous être efforcé de relayer fidèlement les propos du procureur général ? Dr Bidima, on a tout compris !

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