Actualités :: Questions à Etienne Traoré, enseignant de philosophie morale et (...)

Le Professeur Etienne Traoré n’est plus à présenter. Il fait partie de ces leaders d’opinion respectés pour leur probité intellectuelle autant que pour leurs compétences et leur courage. C’est avec intérêt par conséquent que beaucoup liront l’entretien qu’il a accordé à SAN FINNA à un moment particulièrement mouvementé de notre vie nationale, comme en témoignent les sujets d’importance qui la sollicitent. Mais lisez plutôt.

San Finna (S.F) : Bonjour Professeur. Comment se porte le Forum Civique National (FCN) ?

Professeur Etienne Traoré (P.ET) : Je viens d’avoir le récépissé n° 2004/478/MATD/SG/DGLPAP/DOASOL en date du 30 Août 2004. La demande de reconnaissance a été déposée depuis le 05 Avril 2004 !!! Je compte, en tant que Président, proposer en fin de semaine prochaine (Dimanche 17 Octobre 2004 à 16 h) un programme d’activités aux 28 membres du Bureau Exécutif pour réaliser les objectifs de notre Forum : informer, former et sensibiliser les citoyens burkinabé à propos de leurs droits et devoirs ; contribuer à élucider toute question nationale ou internationale en rapport avec la nécessité de renforcer l’Etat de droit ; instaurer un cadre d’initiatives et de débats citoyens autour de thèmes d’intérêt national ; constituer un creuset de propositions et d’activités autour de thèmes d’intérêt national, etc..

S.F : On entend parler de l’organisation, en marge de la Francophonie, d’une rencontre pour l’alter-francophonie. Qu’en pensez-vous ?

P.ET : J’en ai entendu parler il y a quelques mois. Pour le moment, je n’en connais pas les contours. Avec la direction du FCN, en temps opportun, nous nous prononcerons en fonction des objectifs ci-dessus cités. D’ores et déjà, il me paraît tout à fait normal et même souhaitable, qu’en marge des grandes rencontres nationales ou internationales, au sommet, que les citoyens disent leurs mots alternatifs et rappellent aux dirigeants de ce monde leurs préoccupations concrètes et quotidiennes. Cette différence montrée, contribue à l’avancée de la démocratie dans nos divers pays.

S.F : Parlant de la situation nationale, elle est dominée aujourd’hui par des accusations portées contre Me Hermann (président de l’UNDD) d’être en collusion avec des puissances extérieures pour déstabiliser le Burkina. Quelle est votre opinion ?

P. ET : Les explications du Ministre de la " Sécurité " ne m’ayant point convaincu, je pense que Me Hermann est tout simplement victime de la philosophie politique de ceux qui nous dirigent et qui tient en ces mots : bouffez, volez, détournez, tuez au besoin mais ne regardez jamais le fauteuil présidentiel. Un Hermann regarde et lorgne le fauteuil. Voilà tout son malheur depuis quelques temps. Il est certainement l’opposant le plus remuant et parmi les plus déterminés face au pouvoir Compaoré.

Le pouvoir qui refuse toute alternance (cf les révisions de l’article 37 de la Constitution et du code électoral par le seul CDP de Blaise Compaoré) tient à briser un tel opposant au point de l’empêcher de se présenter à la présidentielle de 2005. Cette cabale contre lui constitue un avertissement contre d’autres opposants présidentiables jugés radicaux et dangereux tels Maîtres Sankara, Norbert Tiendrébéogo, Philippe Ouédraogo ou Ram Ouédraogo !
C’est aussi un sérieux avertissement à ceux qui dans son parti (le CDP) rêveraient d’être candidats en 2005 !

Je pense aussi que notre pays n’étant pas en guerre avec la Côte d’Ivoire, la Guinée ou la Mauritanie, je ne comprends pas que le fait d’y voyager soit répréhensible et réprimé. Les opposants comme les tenants du pouvoir peuvent y aller et venir pour rencontrer d’autres citoyens dans le cadre de défense de leurs intérêts sans pour autant être traités d’apatrides !

Je crois que dans notre pays aujourd’hui, les apatrides sont nos compatriotes qui ont déposé (selon les propos non démentis du Père Balemans) dans les banques suisses plus de 1.300 milliards de nos francs, s’enrichissent ilégalement et impunément sur le dos de notre peuple, n’hésitant pas à ôter la vie de nos compatriotes pour maintenir leurs privilèges.. J’aimerais d’ailleurs que la vérité soit dite sur ladite implication de puissances extérieures dans la boucherie du 15 Octobre 1987. Quand cette vérité sera révélée, l’opinion nationale et internationale saura qui des Burkinabé est patriote et qui ne l’est pas !

S.F : Le Ministre Bassolet a parlé d’un projet d’assassinat d’Hermann Yaméogo par les faucons de l’entourage du président Laurent Gbagbo. Qu’en pensez-vous ?

P. ET : C’est une pure invention pour diaboliser Gbagbo que j’ai connu durant son exil parisien et qui a été déstabilisé aux dires même d’Ibrahim Coulibaly (IB) à partir de notre pays. Cette invention rappelle cette autre qui affirmait (" preuves à l’appui " aussi) qu’Halidou Ouédraogo aurait reçu 100 millions de Konan Bédié pour déstabiliser le régime Compaoré. Je pense que s’il y a une menace contre la vie d’Hermann Yaméogo, ça viendra d’ici car nous avons connu tant de crimes politiques impunis !

J’interprète aussi cette invention comme une menace ouverte pour amener Maître Hermann soit à négocier " son nez " avec le pouvoir en cessant de lorgner le fauteuil présidentiel, soit à s’exiler pour laisser les tenants du pouvoir en paix ou encore vivre dans une torpeur qui l’éloigne de toute activité militante.


S.F : Quels enseignements doit-on tirer de cette affaire pour la classe politique et la démocratie en général ?

P. ET : Je ne peux que tirer quelques enseignements provisoires car le feuilleton n’est pas terminé. Pêle-mêle, je vous dirai ceci : les tenants du pouvoir en place savent à présent, après les législatives de mai 2002, qu’ils peuvent le perdre et ils multiplient les initiatives pour empêcher cette éventualité par des révisions unilatérales de textes (code électoral et Constitution) et la diabolisation (peut-être jusqu’à l’élimination) des opposants les plus dangereux ; le pouvoir ne peut plus faire efficacement face à ses turpitudes extérieures et cherche des boucs émissaires pour tenter d’éviter des condamnations de la communauté internationale ; tous les mouvements intérieurs et extérieurs des opposants sont suivis ce qui permet d’en faire des interprétations abusives ou erronées selon les intérêts du pouvoir en place comme si nous vivions sous un régime de type stalinien ; la sécurité du régime en place est la préoccupation quasi exclusive de nos services de sécurité actuels. Est-ce que, sur les 120 évadés de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou, ils ont pu en rattraper un nombre significatif ?

Pendant que l’insécurité des populations s’accroît, ces services sont beaucoup plus orientés vers la répression de citoyens accusés de subversions : nombreux complots déjoués contre la sécurité de l’Etat en 1988 (coup d’Etat du " Lion "), 1996 (coup d’Etat des Lingani et Zongo), 1989 (coup d’Etat de Kafando), 1998 (coup d’Etat de David Ouédraogo), 2003 (coup d’Etat des Capitaines Ouali et Bayoulou) sans compter les accusations contre les responsables du Collectif pour " atteinte au moral de l’armée ", responsables qu’on n’a pas hésité à raser et à interner !

S.F : Votre mot de la fin ?

P. ET : J’appelle de tous mes vœux un sursaut patriotique de notre peuple afin qu’il redouble de courage pour dénoncer et arrêter, dans le cadre républicain, une véritable dérive totalitaire en cours dans notre pays où pratiquement tous les pouvoirs économiques appartiennent à une poignée de familles régnantes ; toutes les institutions républicaines sont tenues par ces familles ; presque tous les réseaux d’information leur appartiennent ou sont sous leur contrôle ; le système sécuritaire, pour l’essentiel, fonctionne à la sécurisation de ces familles. Il faut oser lutter pour conquérir une démocratie véritable.

Enfin, je souhaite beaucoup de courage à Me Hermann, je lui apporte tout mon soutien dans cette épreuve à lui imposée, et j’appelle les démocrates à lui apporter un soutien massif.

Lamine Koné
San Finna

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