Actualités :: Blaise Compaoré : la source de tous les maux en Afrique francophone ? (...)
B. Compaoré

Si les tentatives de déstabilisation de l’Afrique noire (Côte d’Ivoire, Mauritanie, Togo, etc...) par le Burkina Faso ne sont pas avérées, loin de là, la volonté de déstabiliser le régime Compaoré est probante. C’est, selon moi, ce qui ressort des opérations menées à la fin de l’été 2004, via Nouakchott et Ibrahim Coulibaly, dit "IB" (cf LDD Burkina Faso 040 et 041/Lundi 20 et Mardi 21 septembre 2004).

L’organisation d’un coup d’Etat par un Etat extérieur est une opération complexe, difficile, coûteuse. Et très aléatoire. Et chacun sait, depuis longtemps, en Afrique comme ailleurs, que le soutien effectif d’opposants est une opération à fonds perdus (qu’il s’agisse de finances ou de politique). La meilleure preuve en est Laurent Gbagbo. Opposant à Félix Houphouët-Boigny, il avait trouvé, à Ouagadougou, non pas un refuge (ce n’était pas nécessaire ; il n’était pas alors pourchassé et encore moins en danger de mort) mais une main amicale et fraternelle.

Houphouët mort, Bédié au pouvoir, Compaoré reste sur sa ligne : le Burkina Faso et les Burkinabè d’abord ! Bien sûr, il va s’interroger sur les risques de dérive inhérents à la mise en oeuvre de l’ivoirité. Mais sous Bédié (bien implanté en Côte d’Ivoire), cet argumentaire vise, exclusivement, à faire barrage à la candidature de Alassane Ouattara.

En 1994, le Burkina Faso a des préoccupations immédiates. Le franc CFA vient d’être dévalué ; ce qui ne manque pas de favoriser l’économie ivoirienne et de défavoriser l’économie burkinabè. Quand, à la fin de l’année 1999, Bédié sera renversé par un coup de force militaire et que son régime politique s’écroulera tel un château de cartes, Compaoré est occupé ailleurs. Après avoir été incontournable, organisant coup sur coup le sommet France-Afrique, le sommet de l’OUA, la Coupe d’Afrique des Nations (Can) de football, etc..., après avoir remporté l’élection présidentielle de 1998, l’affaire Norbert Zongo va faire de lui un zombie. Profil bas pendant quelques années.

Le chef de l’Etat burkinabè va mettre bien du temps pour remonter à la surface. Quand il y parvient, ce n’est pas pour se mêler des affaires intérieures ivoiriennes qui vont mal et dont il sait qu’il sera le bouc émissaire parfait puisque ce que reprochent Bédié, Gueï puis Gbagbo à Ouattara c’est d’être... burkinabè.

Si Compaoré adopte un profil bas sur la scène internationale, il n’en demeure pas moins au contact de la réalité politique de la sous-région. Ouaga est tout naturellement concerné par la crise politico-militaire que va traverser la Côte d’Ivoire à la suite de l’accession au pouvoir de Gbagbo. Ouaga est dans le colimateur d’Abidjan. Et les "étrangers" dans le colimateur de Gbagbo. La répression étant en marche, quelques uns vont se replier sur le Burkina Faso. Notamment des sous-officiers des Fanci. Compaoré le sait ; il conseillera à Gbagbo l’amnistie de ces hommes en rupture d’armée ivoirienne, leur réintégration et le retour au calme politique en organisant des élections ouvertes à tous les candidats qui le souhaitent, Ouattara inclus.

Mais pour jouer le jeu démocratique il ne faut pas être démocrate. Il faut être majoritaire. Gbagbo sait qu’il ne l’est pas. Ni politiquement, ni socialement, ni ethniquement. Il sait aussi qu’il est un AOH selon l’acronyme en vigueur au Pentagone pour désigner un Accident Qi History.

Débordé sur le plan intérieur par une "crise politique qu’il ne parvient pas à maîtriser, Gbagbo va lui donner une dimension sous-régionale. En France, les socialistes ont échoué dans leur conquête de l’Elysée et ont perdu les élections législatives. Gbagbo, membre de l’Internationale socialiste, se retrouve isolé. D’autant plus que le nouveau ministre français des Affaires étrangères s’est rendu fin juillet 2002 à Ouaga avant de débarquer à Abidjan.

A Ouaga, il a rendu un hommage appuyé à la politique mise en oeuvre par l’équipe Compaoré, souligné la "coopération exemplaire" entre la France et le Burkina Faso. A Abidjan, de Villepin rend hommage à... Félix Houphouët-Boigny et s’il évoque la politique de Gbagbo c’est pour "saluer les efforts qui sont les siens dans la voie de la réconciliation nationale" et "la décision qui a été prise d’accorder à Alassane Ouattara son certificat de nationalité". A Abidjan, on grince des dents et Alain Toussaint (qui n’est pas encore devenu la star médiatique qu’il a été à la suite du coup de force du 18-19 septembre m’affirme "qu’il s’agit de comprendre les enjeux actuels et nepas se laisser distraire. La France doit être claire dans ses relations avec la Côte d’Ivoire. Elle n’a pas à prendre position pour ce qui est de Ouattara" (cf LDD Côte d’Ivoire 028 et 029/Lundi 5 et Mardi 6 août 2002).

Dans la soirée du jeudi 1 er août 2002, Balla Keïta est assassiné à Ouagadougou dans des circonstances qui ont été élucidées tandis que les motivations de ce crime restent mystérieuses. Balla est une des personnalités politiques majeures de la Côte d’Ivoire. Plus encore, il a été le plus grand dénominateur commun de la vie politique ivoirienne au cours de quinze dernières années, du "Vieux" à Gueï en passant par Bédié et par Ouattara. Le seul homme politique dont il n’a pas été le compagnon de route est Laurent Gbagbo ! J’écris alors : "L’assassinat de Balla Keïta donne une ampleur sous-régionale à la crise politique ivoirienne". J’ajoute : "Cela ressemble fort à une opération de déstabilisation de Blaise Compaoré, déstabilisation à usage interne et externe" (cf LDD Côte d’Ivoire 030, 031, 032 et 033/Mercredi 7, Vendredi 9, Lundi 12 et Mardi 13 août 2002).

J’ai considéré alors (et je ne suis pas encore revenu sur mon point de vue) que l’assassinat, à Ouaga, de Balla Keïta était un avertissement. Un avertissement aux opposants à Gbgabo ("vous n’êtes à l’abri nulle part, pas même chez vos amis") et un avertissement à Compaoré ("je peux frapper chez toi, qui je veux quand je veux").

Moins de deux mois plus tard, dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 septembre 2002, c’est le coup de force militaire. J’écris alors : "Ce n’est plus le mode de fonctionnement de ce régime [celui de Gbagbo] qui est en cause,. c’est le régime lui-même" (cf LDD Côte d’Ivoire 034/Lundi 23 septembre 2002). Or, Alain Toussaint et Laurent Gbagbo (qui mettra plusieurs jours avant de s’exprimer) vont, dans un bel ensemble, et immédiatement après les faits, montrer du doigt Ouaga, puis Ouattara puis les "étrangers".

La transformation de la crise politique ivoirienne en crise diplomatico-militaire sous-régionale profite à Gbagbo et à Gbagbo seul. Il instaure une économie de guerre (avec toutes les dérives que cela autorise) qui lui permet de se maintenir au pouvoir avec la bénédiction de l’armée française. Il était pourtant dans une position politique délicate. Pour Ouaga, le bilan est totalement négatif : Abidjan était le principal partenaire économique et le premier débouché sur l’extérieur. Et il faut absorber tous les "Burkinabè" qui pourchassés, pillés, ruinés, cherchent un refuge sûr.

Pour Compaoré, le bilan n’est pas plus positif. L’opposition remet sur la table tous les vieux dossiers : de Sankara à Zongo. Pourtant, à aucun moment, Compaoré ne va répondre à la provocation de Gbagbo. Bien au contraire, il va développer une action diplomatique ferme mais soft et engager un dialogue constructif avec son opposition.

Dans le même temps, il restructure son économie, reconfigure ses relations internationales (notamment en direction d’Accra,) et trouve dans ce nouveau défi des motivations pour relancer le Burkina Faso sur la scène mondiale (notamment en parvenant à organiser, dans la foulée, un sommet extraordinaire de l’Union qfricaine, le SIAO et le sommet francophone). Dès lors, il ne reste plus que deux questions à poser : qui a intérêt à déstabiliser Compaoré ? Et pourquoi ? Je vais y revenir.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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