Actualités :: Homosexualité : Expression de la liberté, ou fléau social ?

Notre chronique, votre chronique, devrions-nous dire, s’est donné pour objectif de commenter l’actualité politique. Essentiellement. Mais c’est connu, il n’y a pas que la politique dans la vie. Fort heureusement. En société, les activités des humains embrassent des aspects aussi divers que l’économique, le social (éducation, santé, mœurs...), le culturel (musique, danse, tradition, religion, etc.).

C’est pourquoi aujourd’hui, nous allons aborder une question (tabou au regard de la situation actuelle de notre pays) qui déclenche des passions ici et là : pour les uns, c’est un fléau social et psychologique qui ronge la société en ce qu’elle est un comportement déviant dont il faut trouver les remèdes, et pour les autres, c’est l’expression de la liberté individuelle et notamment sexuelle de ceux qui la vivent, et ce serait aller contre les droits humains que de ne pas leur reconnaître cette liberté : il s’agit, comme vous le savez au regard de la titraille, de l’homosexualité.

Il est évident pour nous qu’il ne sera pas question dans les lignes qui suivent de trancher le débat. Cela, pour deux raisons fondamentales : d’abord parce que nous ne sommes pas outillé au plan intellectuel pour le faire. D’autres plus au fait de la question que nous s’y sont essayés, en vain.

Ensuite, parce que ce n’est pas un sujet semblable à un problème mathématique, dont la solution peut faire l’unanimité auprès des esprits initiés. C’est un débat, et en tant que tel, c’est à chacun de se battre pour justifier son point de vue.

Si nous avons estimé nécessaire d’aborder le sujet, c’est que nous le voulions ou non, l’homosexualité est un phénomène de plus en plus courant en Afrique noire et notamment au Burkina. Se fermer les yeux et la bouche n’empêche pas ce phénomène de se propager. Cette remarque, nous la faisons à l’endroit de nos autorités, qui n’ont pas encore adopté une position claire sur la question.

Elle est certes délicate, car les réseaux associatifs de défense des homosexuels sont si puissants qu’ils auront vite fait de les taxer d’homophobes et de tout mettre en œuvre subtilement pour que le pays ne bénéficie pas de certains investissements et d’autres facilités au plan international.

D’un autre côté, développer ne serait-ce qu’une tolérance vis-à-vis de ce phénomène peut les mettre en porte à faux avec la population, dont apparemment la majorité (rurale) n’a pas encore entendu parler d’homosexualité ; et dans l’hypothèse où elle en a entendu parler, c’est encore pour elle un phénomène qui a cours aux lointains pays des Blancs.

Quant aux populations urbaines censées être plus ouvertes au monde, la prédominence du secteur informel fait que les idées sur la question tournent autour de malédiction, de digrâce, de folie... Même une bonne partie des couches sociales scolarisées partage cette perception, de même que la quasi-totalité des clergés et des chefferies coutumières.

Le débat sur l’internet au sujet du Burkina

Ces constats que nous faisons sont empiriques et par conséquent n’ont aucune valeur scientifique. Ils ont peut-être seulement l’avantage de présenter un pan de la lecture sociale de l’homosexualité au Burkina Faso. Cela signifie-t-il que cette façon de vivre la sexualité est inconnue dans notre société dite traditionnelle ?

A partir de notre propre expérience, non ! Mais notre expérience est-elle statistiquement représentative de ce qui se passe au sein de notre groupe ethnique ? Bien sûr que non ! Si par miracle, elle l’était, la serait-elle des autres groupes ethniques du pays ? Eh bien, c’est doublement non !

Mais voici ce que nous avons trouvé dans Ouaga Net.Com (www.OuagaNet.Com) à ce propos : "Voici donc un sujet tabou au Burkina... La question principale est la suivante : 1. Y a-t-il des ethnies burkinabè qui embrassent l’homosexualité ?

2. Est-ce que l’homosexualité au Burkina est un produit importé de l’Ouest (NDLR : des pays occidentaux) ? 3. Quelles sont les conséquences sociales pour quelqu’un qui se dévoile comme homosexuel dans certains milieux traditionnels burkinabè ?

Je suis tombé par hasard sur des extraits d’un livre écrit par un Burkinabè et qui mentionne que chez les Dagaras, principalement chez les femmes, l’homosexualité est la norme (répandue et tolérée)... J’aimerais bien contre-attaquer cette thèse, mais ne connaissant pas l’ethnie dagara, je n’ai aucun fondement".

Le document auquel Yimpidga (l’animateur du débat-forum) fait allusion a été rédigé par deux Burkinabè en anglais, et en voici les références : Malidoma Somé and Sobanfu Somé : "The lesbian spirit : Girlfriends magazine, july 1994 Re : the dagar tribe of Burkina Faso, West Africa". A ce jour, six personnes ont réagi au problème posé.

Toutes ont nié l’existence de l’homosexualité féminine chez les Dagara. Certains avec un ton mesuré, d’autres avec véhémence. Le ventre mou de toutes ces réactions, c’est qu’elles ne s’appuient sur aucune recherche en sciences sociales et humaines. Tant et si bien qu’il n’y a pas de distinguo net entre ce que ces personnes auraient voulu que la société dagara soit et ce qu’elle est en réalité.

Autrement dit, on a l’impression qu’elles nient le phénomène parce qu’elle le trouvent indécent, mais pas parce que c’est une contre-vérité susceptible d’être prouvé par les faits.

A propos de la Côte d’Ivoire

Ailleurs en Afrique et notamment en Côte d’Ivoire, le débat provoque la même passion sans être, dans tous les cas, soutenu par une quelconque recherche. Ainsi, Mathias Blé, enseignant, "dégueule" sous forme interrogative dans Abidjan.Net (www-abidjan.net) en ces termes : "Peut-on faire quelque chose pour décourager l’homosexualité en Côte d’Ivoire ? Que faire pour arrêter ces pratiques qui causent de la honte, du déshonneur ?" Il conclut : "Je demande au gouvernement actuel d’ouvrir un débat... en vue de récupérer nos frères et sœurs (dans des établissements de réhabilitation sociale, morale) versés ou avancés sur cette voie...".

Contrairement au Burkina, sur vingt-six personnes qui se sont exprimées sur le sujet, seize ont littéralement "volé dans les plumes" de M. Blé tandis que seulement dix l’ont soutenu. Mais peut-être, ce que ce dernier ne savait pas en décembre 2001, période de publication de son coup de gueule, c’est que le gouvernement avait adopté ouvertement une attitude de tolérance vis-à-vis des homosexuels.

La preuve, Le Magazine Jeunes gars et lesbiennes de mai 2000 disait ceci : "L’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire sont les seuls pays africains à admettre l’homosexualité. Leurs capitales respectives, Johannesburg et Yamoussoukro, en sont un parfait exemple. Tous les "anormaux" y ont droit de cité.

Bars et saunas gays côtoient depuis quelque temps clubs hétéros, et il n’est pas rare de croiser dans la rue deux mecs ou deux filles se promenant main dans la main ou en train de s’embrasser goulument au grand dam des passants". Si ce qui se dit au sujet de la Côte d’Ivoire est avéré, cela ne peut surprendre, pour les raisons suivantes :

En Afrique de l’Ouest, ce pays est, mis à part le Nigeria et dans une moindre mesure le Ghana, le pays le plus ouvert au reste du monde. Or qui dit ouverture dit appropriation de certains pratiques et goûts venus d’ailleurs ou "affinement" de ceux-ci s’ils existaient déjà dans la société d’accueil.

En Côte d’Ivoire, la religion ne pèse pas sur le comportement sexuel des membres de la communauté nationale autant qu’au Nigeria par exemple.

De puissants hommes politiques et d’affaires sont considérés comme des homosexuels sans que les intéressés daignent démentir. Ce qui constitue une sorte d’ombrelle protectrice pour les homosexuels. A suivre...

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

Dans notre prochaine livraison, nous définirons le concept et évoquerons les causes de ce phénomène.

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