Actualités :: Accusations des autorités mauritaniennes : Le Burkina victime de sa bonne (...)
Djibril Bassolé

Une fois de plus, le Burkina Faso est mis à l’index dans une sordide affaire d’atteinte à la sûreté d’un Etat. En effet, sans détour ou " formule diplomatique ", il vient d’être accusé par la Mauritanie de tentative de déstabilisation. Au regard de la gravité de cette accusation, même si elle paraît légère et sans fondement, les autorités burkinabè, à travers le ministre de la Sécurité, M. Djibrill BASSOLE ont réagi pour démentir ces allégations. C’était le 27 août dernier.

Après sa déclaration liminaire, le ministre de la Sécurité s’est prêté aux questions des journalistes. Quelques extraits de ces échanges.
Nous donnerons par la suite notre lecture de ces accusations farfelues et sans fondement.

Pourquoi ce silence du gouvernement autour de cette affaire qui date de janvier 2004 ?

Djibrill BASSOLE (DB) : Comme on le dit, le jour de l’accouchement, il n’y a plus de honte pour la femme. Alors, je m’en vais vous donner tout ce que nous avons par-devers nous et que nous n’avions pas cru devoir livrer à la consommation de la presse. Tout simplement parce qu’il s’agissait d’une coopération dans un domaine sensible comme la sécurité. Vous savez, en règle générale, surtout lorsqu’on a la chance de pouvoir coopérer, il n’est pas indiqué que les informations qui sont recueillies fassent l’objet d’une médiatisation. En ce moment, on pourrait gêner les enquêtes en cours, ou gêner un éventuel procès.

Pourquoi la presse n’a pas été associée à la rencontre entre la délégation mauritanienne, conduite par le ministre de la Défense et les autorités burkinabè après l’audience avec le chef de l’Etat, le 20 août dernier ?

DB : La presse n’a pas été associée pour des raisons de discrétion. Il n’est pas habituel que dans ce genre de situation que nous diffusions les informations, surtout que des interpellations avaient été faites d’initiative. Nous avons appris que la Mauritanie avait subi des soubresauts et au mois de janvier, le directeur de la Sûreté de l’Etat de la République mauritanienne est venu ici sur notre invitation. Il a été reçu par les plus hautes autorités.
Nous avons en ce moment amorcé une bonne coopération. C’est suite à cette visite que les services de Sécurité ont reçu des instructions pour rechercher de manière plus précise ceux qui pourraient être impliqués de près ou de loin à la tentative de déstabilisation en Mauritanie. Quelques jours après, la police nous rendait compte que trois messieurs ont été interpellés.

D’ailleurs, je m’en vais vous présenter les pièces d’identité que ces trois messieurs détenaient. Ce sont des pièces d’identités maliennes que ces trois Mauritaniens opposants détenaient (NDLR voir encadré).
Lorsqu’ils sont arrivés ici, ils ont pris un certain nombre de contacts, notamment avec l’ambassadeur libyen pour demander à rejoindre la Libye en vue d’y subir des formations. Leurs intentions étaient claires. Alors, naturellement, nous ne pouvions qu’informer les autorités mauritaniennes avant même de parler de quelque chose à la presse. C’est ce travail que nous avons fait.

J’ai par-devers moi la lettre que j’ai personnellement adressée à mon homologue du Mali après l’avoir eu au téléphone pour lui donner l’information que trois fugitifs mauritaniens étaient détenteurs de cartes d’identité malienne. Ils se réclament de la nationalité malienne, c’est la raison pour laquelle, lorsqu’il a fallu les renvoyer chez eux nous avons préféré les renvoyer dans le pays dont ils se réclament originaires. C’est administrativement plus cohérent. C’était une bonne entente. Les Maliens à leur tour les ont purement et simplement renvoyés en Mauritanie. Nous pensions en tous les cas, avoir bien fait ce que nous devions faire ou avoir donné les gages d’une bonne coopération en matière de police.

Y a-t-il actuellement des officiers mauritaniens au Burkina Faso ?

DB : A l’heure actuelle, nous n’en savons, strictement rien. C’était précisément l’objet de la visite du ministre mauritanien de la Défense (NDLR : le 20 août) et la séance de travail que nous avons eue par la suite. Il a donné des noms sans autres précisions. La seule description que nous avons eue est que c’était des arabes mauritaniens. Mais vous savez que les arabes mauritaniens, ainsi que tous ceux qui s’apparentent à des arabes mauritaniens, ils sont " pleins ".

Nous-même nous avons nos populations d’origine un peu arabe. On ne peut pas, parce que nous recherchons des fugitifs se remettre à persécuter des gens simplement parce qu’ils ressemblent à des arabes mauritaniens ! Nous avons souhaité avoir les photographies de ces anciens officiers. Cependant même sans avoir ces précisions, le cabinet du ministre a immédiatement envoyé un message écrit à la police et à la gendarmerie (voir encadré) pour les mesures de recherches à prendre. Alors, à notre connaissance, il n’y a pas d’officiers mauritaniens qui séjournent sur le territoire burkinabè.

L’accusation de la Mauritanie porte-t-elle uniquement sur la dernière tentative de déstabilisation ou sur la série de tentatives ?

DB : Finalement, je ne sais même plus qu’elle est la tentative qu’on nous reproche parce que, selon les informations que nous avons reçues, celui qui a animé la conférence de presse au cours de laquelle on a été accusé, semblait dire qu’un commando devrait venir du Burkina pour attaquer la Mauritanie. Est-ce que c’est la tentative échouée, la toute dernière ? Je n’en sais rien… Tout ce que je sais c’est qu’il y a eu une série d’arrestations d’officiers, une cinquante environ, là-bas en Mauritanie (NDLR : certains viennent d’être libérés) Ces gens-là, ne savent pas où se trouve le Burkina Faso !

Même si un commando devait partir du Burkina Faso, comment allait-il aller ? Par avion ? Par la route ? En traversant le Niger, le Mali… ? Non ! Je pense que les autorités mauritaniennes n’ont pas suffisamment pris la mesure de la gravité de ce qu’ils étaient en train de dire.

Pourquoi, un peu partout, c’est le Burkina qu’on accuse ?

DB : J’aimerais moi-même vous poser la question ! Comme quelqu’un le disait, bientôt, on viendra nous dire que nous sommes impliqués dans l’action du jeune Chiite radical en Irak... Qu’est-ce que vous voulez qu’on vous dise ? C’est des accusations sans fondement. Quelqu’un disait qu’on ne prête qu’aux riches. C’est très flatteur ! Mais là vraiment, ça commence à peser quand même ! Et puis, la Mauritanie…Franchement…C’est tellement loin de nous. Si on avait vraiment la capacité qu’on nous donne, des moyens, des hommes … on ne serait pas là en train de chercher à sortir péniblement de notre sous-développement.

Est-ce que le Burkina Faso ne reviendra pas un jour sur ce démenti ?

DB : Je ne pense pas qu’un seul jour on soit revenu sur un démenti officiel que nous avons fait. Je confirme que nous démentons de manière formelle une quelconque implication du Burkina Faso dans la série de complots qui secouent la Mauritanie.

Les fugitifs étaient d’abord au Mali, puis au Niger et enfin au Burkina Faso, selon les informations. Alors pourquoi, on n’a pas accusé le Mali ou le Niger et c’est le Burkina qu’on accuse ?

DB : Effectivement, au cours de notre entretien avec le ministre mauritanien de la Défense, il nous a confirmé qu’il les avait localisés d’abord au nord du Mali en compagnie d’Islamistes algériens. Par la suite, c’est au Niger qu’ils ont été localisés. Ils ont pris contact avec les Nigériens comme ils l’ont fait avec nous et ce n’est que par la suite qu’ils ont perdu leurs traces au Niger. La dernière information qu’ils avaient est que ces fugitifs étaient venus au Burkina Faso. Nous avons d’ailleurs salué l’initiative de la Mauritanie de venir au Burkina nous porter l’information afin que nous puissions travailler ensemble.

Notre étonnement était donc au comble naturellement quand au lieu de nous envoyer les éléments de précisions que nous avons demandés, on nous accuse par voie de presse. Nous avons été abasourdis surtout que rien ne présageait de telles accusations…

Si le Burkina est accusé, on peut dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu…

DB : Est-ce qu’il y’a vraiment une fumée ? Je ne peux même pas considérer que c’est de la fumée ! C’est trop facile quand même ! Je peux me lever un jour pour dire : par rapport à telle situation au Burkina Faso, le Guatemala est responsable. C’est très facile ! Franchement, il n’y a même pas de fumée et nous ne sommes en rien impliqués dans cette affaire. Imaginez un seul instant qu’il y ait un commando mauritanien en préparation ici, est-ce que vous pensez vraiment que cela passerait inaperçu ? Je suis sûr que vous les journalistes seriez les premiers à le savoir. Non, il n’y a aucun officier mauritanien en formation ici, il n’y a aucune préparation qui se fait sur le sol burkinabè.

Mais, on ne peut pas dire qu’un jour ou l’autre des fugitifs ne soient pas passés par le Burkina.
Personne ne peut l’affirmer. Mais que l’Etat du Burkina ait donné un cadre de préparation à des putschistes, ça c’est impensable et niet !

Dans cette affaire, le gouvernement n’a t-il pas " péché " dans sa communication, puisque l’opinion publique n’a pas été informée de cette affaire qui date pourtant ?

DB : Comme je l’ai dit au départ, en règle générale, ce genre de coopération se passe, surtout quand on est de bonne volonté et de bonne foi, toujours dans la discrétion. En matière d’information sur la recherche des individus, il n’est pas de bon ton à chaque fois de le " proclamer ". Ce n’est pas parce que nous sommes en difficultés aujourd’hui, qu’il faut renoncer tout de suite à un certain nombre de principes de travail. C’est la crédibilité de l’Etat qui est en jeu.

Maintenant, il est évident que quand il y a de la mauvaise foi quelque part, il faut se prémunir en prenant chaque fois la presse à témoin. Là, je suis d’accord avec vous. A partir de maintenant, nous allons " opérer " ainsi. Parce que dans ce monde, la bonne foi n’est pas la chose la mieux partagée. Je suis donc d’accord avec vous. Maintenant, chaque fois qu’un émissaire viendra pour dire qu’il y a un oiseau de son pays qui a survolé le Burkina, vous serez au courant. Qu’il y a un criquet de son pays qui est venu vers le Burkina, vous serez également au courant.
Mais, l’essentiel est que rien ne se prépare pas à partir du Burkina Faso. Le temps nous donnera raison…

Quand aux " tactiques " communicationnelles, nous tirons de grands enseignements de cette affaire et sur notre manière de communiquer, surtout lorsqu’on a en face des gens qui en réalité, manipulent l’opinion.

On remarque que n’importe qui peut venir au Burkina Faso sans qu’il ait un véritable contrôle …

DB : Nous disons que le Burkina Faso est ouvert. Il n’y a pas, a priori, d’exclusion. A partir du moment où vous rentrez régulièrement, muni d’un document certifié… Si vous n’êtes pas recherché, si vous n’êtes pas auteur de crime, si vous ne faites pas l’objet d’un mandat, ou d’une Commission rogatoire quelconque, pourquoi, on ne vous laisserait pas traverser le Burkina ou même y séjourner ?

Cette manière de traquer les gens n’est pas en conformité avec notre volonté d’intégration. Il y a des efforts à faire par rapport effectivement à la criminalité transnationale et à ce qui peut apparaître comme une complicité même passive à cette espèce d’asile que notre pays offre à tous ceux qui sont mal intentionnés. Il y a des efforts à faire. Mais ce n’est pas facile.

Nous, nous sommes victimes de la circulation anarchique des individus. Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que nous constatons des insuffisances au niveau des contrôles à nos frontières. Si nous avions un procédé magique pour détecter à la frontière tous ceux qui sont animés de mauvaises intentions pour leur pays, nous allions les éjecter hors du Burkina.

Quelle sera la prochaine action du gouvernement après ce démenti devant la presse ?

DB : Comme je l’ai dit, par le canal diplomatique traditionnel des protestations seront élevées. Je pense que vous serez bientôt informés de ce que le ministère des Affaires étrangères aura adressé dans ce sens et de tout ce qu’ils pourront faire pour donner suite à ces accusations.

Propos recueillis par l’Opinion


Faut-il en rire ou en pleurer ?

De la tentative de coup d’Etat en Mauritanie où le Burkina, une fois de plus est mis à l’index, doit-on dire avec l’autre que " le nom de l’hyène est gâté depuis sa naissance ? " Franchement, quel que soit le bout par lequel, on tente de comprendre cette affaire, on se surprend à remuer la tête comme pour dire décidément, il y a quelque chose qui ne va pas quelque part. Est-ce notre modestie légendaire et notre volonté traditionnelle d’être toujours en phase avec les exigences des relations internationales et la cohabitation harmonieuse avec tous les pays qui nous créent tous ces problèmes ?

Dans ce qu’il convient d’appeler l’affaire de la Mauritanie, tout indique, au regard des informations, que nous avons été victimes de notre bonne foi. En effet, guidé par son professionnalisme, la Sécurité burkinabè arrête trois individus mal intentionnés, détenteurs de pièces d’identité maliennes. Après recoupements, fouilles et autre vérification, elle se rend compte que ces derniers ne sont pas des Maliens, mais des Mauritaniens. Les " lascars " passent même aux aveux et martèlent à qui veut les entendre qu’en fait, ils sont des opposants mauritaniens qui veulent en découdre par tous les moyens avec le régime de Nouakchott. Ainsi donc NAON Babou notre amateur putschiste local n’est pas seul dans son genre sur le continent !

De ce fait, ils seraient en transit pour la Libye où ils devraient suivre selon leur plan, des formations entrant dans le cadre de la réalisation de leur sale besogne. Immédiatement nos professionnels engagent le protocole en la matière. Ils se mettent en contact avec les autorités maliennes pour vérification et ensuite avec les Mauritaniens. Tout naturellement, les trois putschistes sont remis aux autorités maliennes qui les remettront à leur tour à celles de la Mauritanie. Fin du premier épisode.

Deuxième épisode : Les contacts et la collaboration entre les trois pays continuent. Les coups de fils, les rencontres et autres se poursuivent, surtout que d’autres informations faisaient état (encore) de la présence de militaires mauritaniens dans notre pays. Ces derniers toujours selon ces informations avaient été d’abord localisés au Nord malien en compagnie d’Islamistes algériens, puis au Niger et seraient enfin au Burkina Faso. M

algré la faiblesse de ces informations et leur caractère du bitatif la Sécurité burkinabè se met à la recherche de ces individus, lorsque le 20 août une délégation mauritanienne conduite par le ministre de la Défense rencontrait en audience le président du Faso. Nul doute que cette affaire était principalement à l’ordre du jour.

En effet cette audience, une séance de travail est organisée entre les responsables de la sécurité mauritanienne et burkinabè, A loccasion, la partie burkinabè demande plus d’informations (photo, description détaillée…) sur les militaires mauritaniens qui seraient dans notre pays. La délégation mauritanienne a été incapable de répondre à ces attentes mais promettaient de fournir plus d’informations dès leur retour au pays. C’est dans l’attente que le Burkina Faso et le monde entier avec, apprendra qu’il est accusé par la Mauritanie de tentative de déstabilisation de son régime. Voilà résumée la trame de cet invraisemblable feuilleton " politico-militairo-diplomatique ".

Franchement, avec cette histoire de la Mauritanie, on peut maintenant dire que " trop, c’est trop ". Manifestement des pays sont contre nous. Est-ce par simple jalousie ? Ou parce que le nom de l’hyène est gâté depuis sa naissance ? On ne comprend vraiment plus rien ! Il suffit qu’un pays ait des problèmes avec ses opposants où qu’une mouche vole sur la tête d’un chef d’Etat pour qu’il accuse le Burkina. Trop, c’est trop et c’est même révoltant. Partout, c’est le Burkina !

A cette allure, comme le disait le ministre de la Sécurité, Djibril Yipéné BASSOLE, il ne serait pas étonnant si on accusait le Burkina d’être en IRAK aux côtés de l’Iman Moctada SADR, celui-là dont les milices empêchent les Forces d’occupation de dormir. Ce n’est pas trop oser puisque de toutes les accusations entendues jusque-là on ne recule devant rien, même le ridicule, puisqu’on ne s’embarrasse pas de morale chaque fois, ce sont des accusations sans fondements qui sont " balancées " aux yeux du monde entier et qui d’une manière ou d’une autre discréditent notre pays.

Il est donc temps qu’à côté de notre diplomatie de développement, il y ait une autre plus percutante qui nous permettrait de réagir efficacement face aux accusations farfelues et de " trimbaler " s’il le faut certains pays devant les instances internationales. Le Burkina " pêche " souvent par sa bonne foi et une naïveté coupable. Si on n’y prend garde on risque de réduire à néant et en un clin d’œil ce qu’on aura mis des " lunes " à bâtir.

Qu’est-ce qui empêchait par exemple le ministre BASSOLE et le gouvernement d’informer la presse sur cette affaire qui date de depuis janvier 2004 ? Pourquoi la presse n’a pas été informée de la séance de travail qui a eu lieu le 20 août après l’audience accordée par le chef de l’Etat à la délégation mauritanienne qui était conduite par son ministre de la Défense ? Pourquoi la presse n’a-t-elle pas été informé de ce que le ministre BASSOLE est même allé en Mauritanie pour cette affaire ?

Ce sont là, un certain nombre de questions pertinentes malgré les réponses du gouvernement. C’est vrai qu’en matière de sécurité, il faut être discret, c’est vrai que la presse ne " doit " pas être informée de tout ; c’est vrai que… Mais trop de l’égalisme dans notre monde actuel n’est-il pas faire preuve d’une naïveté coupable ? La preuve, nous voilà à courir derrière le venin inoculé par le régime décadent et moribord de Mauritanie. Serons-nous compris ? Rien n’est moins sûr.


Lettre à la gendarmerie et à la police nationale

Origine : Ministre de la Sécurité
Destinataires : - Chef d’Etat-Major gendarmerie nationale
- Directeur général police nationale

Texte :
Honneur vous demander ..bien vouloir prendre toutes dispositions pour rechercher les sieurs :
- Mohamed OULD Cheikna
- Saleh OULD Hanana
- Abderahmane OULD Mini..

Intéressés seraient des officiers de l’armée mauritanienne en fuite en provenance du Mali ou du Niger Signalement : arabe mauritanien sans autre précision rendre compte des résultats sans délais et fin.

Djibril Y. BASSOLET,
Commandeur de l’Ordre National


Lettre du ministre Djbrill Bassolé à son homologue malien

A Monsieur le Colonel Souleymane SIDIBE,
Ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile de la République du Mali
A BAMAKO

Monsieur le Ministre et cher frère,

Suite à notre entretien téléphonique, je te transmets à toutes fins utiles les documents d’identification maliens détenus par des ressortissants mauritaniens qui ont été interpellés par les services de la Police Nationale à Ouagadougou.

Tout en vous réitérant ma gratitude pour votre disponibilité, je vous prie de croire en l’expression de ma fraternelle et amicale considération.

Djibrill Y. BASSOLE,
Commandeur de l’Ordre National


La communication manque le plus

Le fantôme, serait-on tenté de dire, est entré dans la maison avant qu’on ne ferme la porte pour l’en empêcher. Cette image illustre, s’il en faut, l’attitude de nos dirigeants au regard de la sortie médiatique du ministre de la Sécurité consécutivement aux accusations de tentative de déstabilisation proférées par les autorités mauritaniennes. Déficit communicationnel mû par une volonté de bien faire face à un " partenaire" de mauvaise foi ?
Le mal engendré est en tout cas grand.

L’adage dit vrai ; il est suicidaire de laisser le fantôme installer ses pénates dans vos appartements avant de chercher à l’en déloger. Le gouvernement burkinabè eût-il pris des garde-fous depuis qu’il a pris langue avec les autorités mauritaniennes dans le traitement de cette affaire de fugitifs sur notre territoire après des "forfaits" chez eux en Mauritanie, qu’il ne serait pas aujourd’hui contraint de chercher à se justifier et à refuter des accusations contre lui portées. Il est facile d’accuser, on le sait, mais se laver des soupçons n’est pas chose aisée.

Comme le dit le dicton, l’eau versée peut-elle être ramassée ? Même si des techniques de "sorciers" dans ce monde de haute technologie le permettent, ce n’est pas sans grands investissements. Aussi faut-il reconnaître qu’il sera difficile pour le Burkina, malgré sa bonne foi, son innocence dans cette affaire de rétablir la vérité. Les mensonges, les allégations sans fondements des autorités mauritaniennes tel le fantôme dans la maison, ou l’eau qui s’infiltre dans le sol, ont dès leur émission provoqué les effets escomptés par leurs auteurs.

En clair, les autorités mauritaniennes pour se dédouaner et justifier la crise de confiance qui existe entre elles et leurs concitoyens n’ont trouvé de stratégie que la recherche d’un bouc-émissaire extérieur ; le Burkina Faso en présente le profil et comme certains fugitifs (bien qu’ils aient été refoulés sur le Mali dont ils se réclament originaires eu égard à leurs documents d’identité puis remis aux autorités mauritaniennes) sont passés par là, l’affaire est dans la poche, c’est du solide !

Ainsi, la bonne foi des autorités burkinabè dans leur coopération politique avec celles mauritaniennes a été de façon éhontée trahie. Pouvait-il en être autrement quand on sait que le pouvoir de Mahaouia Ould TAYA tanguant se cherche une bouée de sauvetage ? Le péril extérieur peut réveiller un nationalisme avec lequel on est en porte-à-faux et pourquoi pas s’attirer la sympathie de la communauté internationale avec laquelle on n’est aussi pas en odeur de sainteté.

Toutefois, les autorités burkinabè ne sont-elles pas plus victimes d’un déficit de communication ? Car si mystère n’avait pas été fait des "tribulations" policières afférentes au problème de fugitifs mauritaniens sur notre territoire, nul doute que l’opinion informée, il aurait été difficile alors pour le pouvoir en place à Nouakchott d’échafauder son "arnaque".

Le ministre burkinabè de la Sécurité, Monsieur Djibrill BASSOLE ne dit-il pas que les "choses" datent de depuis janvier ? En effet, en janvier 2004 trois (3) ressortissants, pire de farouches opposants au régime de Nouakchott sont rentrés illégalement en territoire burkinabè et avec de faux papiers d’identité malienne après avoir transité par le Niger et le Mali.

En véritable pandore, on a comme, il sied dans le milieu, traité l’affaire dans la stricte confidentialité pour ne pas dit-on entraver une éventuelle enquête, une éventuelle procédure. Le fait ébruité, cela pouvait-il vraiment être d’un handicap dans le travail des "traqueurs de putschistes" mauritaniens et qu’est-ce que le peuple burkinabè, excusez l’expression, a à foutre d’une telle situation si elle advenait ?

Les attitudes communicationnelles hexagonales dans le domaine policier même si elles ne sont pas parfaites gagneraient à êtres exploitées sous nos cieux car tout dans ce domaine n’est pas à cacher au public surtout quand celui-ci peut être un jour interpellé comme c’est le cas aujourd’hui pour le Burkinabè même lambda dans cette triste "histoire maure". On voit souvent en France comment des "fuites" savamment orchestrées par le Quai d’Orsay ou autres institutions de l’Etat permettent de se sortir sans grands dommages de certaines "sales affaires".

Alors, secret de… ou raison de… mon œil comme dirait l’autre ! Et pourtant, une tribune formelle, les points de presse du gouvernement, est là qui aurait permis d’"expurger" certaines affaires embarrassantes telle celle-là. En tous les cas, le fait est que le pays est accusé de choses dont il ne se reconnaît pas ; il est donc important sinon patriotique que tous les Burkinabè sans exception se serrent les coudes pour réfuter en bloc les allégations sans fondements des autorités mauritaniennes.

Que l’on soit de l’opposition, de la mouvance, de la société civile etc. l’union sacrée autour du gouvernement pour la défense de l’image et de l’intégrité du pays doit être de mise. Les querelles intestines comme celle que nous avons vécue pendant les heures chaudes de la crise ivoirienne doivent être bannies. Défendre l’image de son pays va au-delà des considérations politiques, religieuses etc. C’est un devoir pour tout Burkinabè. Evitons donc les sorties et show médiatiques qui décrédibilisent le pays. L’intérêt supérieur du Burkina doit prévaloir.

Du vent, rien que du vent !

Au cours d’une conférence de presse très exhibitionniste, donnée par le chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale mauritanienne, Nouakchott accuse le Burkina Faso et la Libye d’avoir prêté main forte à de prétendus putschistes aux fins de renverser le régime du président Ould Taya.

Le chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale, le colonel SIDI Ould Riha a déclaré le 20 août dernier devant la presse nationale mauritanienne et internationale que " Les instigateurs de cette lâche tentative sont Salch Ould Hanena et Mohamed Oul Cheikna qui se trouvent au Burkina Faso et qui ont fui avec leurs collègues, après l’échec de la tentative du 8 juin 2004 "…

Le haut responsable de la gendarmerie mauritanienne poursuit ses propos en affirmant que : " La disponibilisation de l’ensemble des moyens financiers, des équipements et de l’armement nécessaires à l’exécution de cette lâche tentative était assurée par ce groupe en raison de l’appui que lui apporte la République du Burkina Faso et l’encadrement que ce pays lui prodigue ". Comme il fallait s’y attendre ces fausses allégations n’ont guère intimidé les autorités burkinabè qui y ont d’ailleurs apporté un démenti catégorique et formel.

Un flou subsistait le 20 août dernier quand le ministre de la Défense mauritanienne, BABA Ould Sidi, accompagné du chef d’Etat-major ont été reçus par le président du Faso. Cette audience n’a duré que 5 minutes et les émissaires du président Ould Taya ont refusé de parler à la presse. Nul doute que ces émissaires mauritaniens sont venus demander au Burkina de livrer ces présumés putschistes.

La situation est, tout de même, curieuse pour plus d’un observateur. Quel intérêt le Burkina a à déstabiliser le régime du président Ould Taya ? La Mauritanie n’a aucune frontière avec notre pays. Au plan diplomatique et économique, il n’existe pas d’enjeux majeurs entre les deux Etats.

Mais on a l’impression que dans cette sous-région africaine, c’est devenu un effet de mode que d’accuser le Burkina en cas de déstabilisation.
La Guinée Conakry, la Côte d’Ivoire, le Libéria, le Togo sont tous passés par là, par le passé accusant notre pays à tord. Pourquoi a-t-on peur du président Blaise COMPAORE ?
15 coups d’Etat perpétrés en 20 ans contre le pouvoir du président Ould TAYA ont-ils été l’œuvre du Burkina ? La dictature d’Etat, la pratique de l’exclusion, la malgouvernance, l’esclavagisme acerbe sont devenus la règle du pouvoir d’Etat en Mauritanie. Il serait judicieux pour ce régime de commencer à balayer devant sa porte au lieu de chercher l’ennemi ailleurs et à tout va.

Une chose est claire, le Burkina Faso confirme sa notoriété dans le monde. Il ne peut se passer une année sans qu’une grande rencontre ne se tienne à Ouagadougou. Ainsi la semaine qui commence, des chefs d’Etat et de gouvernement des 53 pays africains se retrouveront à Ouagadougou pour le Sommet extraordinaire de l’Union africaine consacré à l’emploi. Quel intérêt alors pour le président Blaise COMPAORE d’entamer son capital de confiance que lui confèrent des leaders de ce monde ?

Notre pays a longtemps souffert de fausses accusations émanant de certains pays certes, mais les investigations des Nations unies et d’autres organisations internationales ont blanchi le pays des hommes intègres et ses dirigeants.
D’autre part, l’opinion nationale est en droit de se poser la bien curieuse question suivante : Quel type d’assistance et d’encadrement un petit pays comme le Burkina peut apporter à des terroristes ? Cela est bien curieux, car le Burkina n’a jamais disposé d’une école de mercenaires et n’a jamais été une base arrière pour des comploteurs comme le pensent certains détracteurs.

Le pouvoir mauritanien doit reconnaître que le grand désert qui se situe entre son territoire, l’Algérie, le Mali, le Niger et qui se prolonge au Tchad et en Libye constitue un repère de bandits et de fondamentalistes religieux qui troublent le sommeil des Etats concernés. Les attaques sporadiques perpétrées au Niger, en Algérie et même au Tchad ont toujours été revendiquées par ces rois du désert. Si la Mauritanie recherche des comploteurs c’est là qu’elle devrait jetter un coup d’œil. A moins que tout cela ne soit que du montage et du vent vendu pour esquiver les vrais problèmes du pays. Maintenir que le Burkina Faso héberge des déstabilisateurs c’est une note déjà entendue et dépourvue de tout crédit.


Bouc-émissaire presque parfait

Ainsi donc et à en croire le régime de Nouakchott, le Burkina Faso aurait tenté de le déstabiliser. Une allégation grosse comme une montagne, qui vient après quelques unes et qui amène à s’interroger sur cette mode fort commode qu’ont certains régimes de trouver des boucs-émissaires sur qui décharger les problèmes qui leur brûlent (c’est peu dire) les doigts.

Au point où se multiplient les accusations fantaisistes à l’encontre du Burkina Faso, force est de se demander s’il n’y a pas une certaine jalousie derrière tout ce cirque. Pensez donc ! Un pays jadis étiquetté "pourvoyeur" de main d’œuvre et rien que, et qui, depuis plus d’une décennie, est devenue une place forte politique et diplomatique du continent. A preuve, des rebellions touareg et nigérienne, à la guerre civile libérienne, sans oublier les crises tchadienne, comorienne, on ne compte plus les conflits où le Burkina Faso a eu une intermédiation heureuse.

Et, comme l’a si bien dit Djibrill BASSOLE, ministre de la Sécurité burkinabè, au cours de la conférence de presse démentant les allégations mauritaniennes, "on ne prête qu’aux riches". Nous avons envie d’ajouter à tort ou à raison. Car, dans le cas spécifique du Burkina Faso, on note que tous les pays qui l’ont indexé jusque-là se débattaient avant dans d’inextricables contradictions socio-politiques, exacerbées par une "morosité" économique très forte.

Confusion entre causes et effets.

Quand un GBAGBO par exemple désigne le Burkina comme "l’instigateur" de la guerre en Côte d’Ivoire, il oublie qu’avant septembre 2002, tous les ingrédients d’une guerre civile étaient, réunis dans son pays. Raison principale, la théorie de l’ivoirité qui avait créé des Ivoiriens de première et de seconde catégorie. Or, comme l’a si bien dit Bob MARLEY dans une de ses chansons (War), tant que cela sera le cas dans un pays, ce sera toujours la guerre. Et, avant la Côte d’Ivoire de GBAGBO, le Libéria de Samuel TOE et avant lui de TOLBERT pour avoir semé les mêmes graines de la haine tribale a récolté la même violence, et peine toujours à sortir de ce cycle infernal.

Que dire de la Guinée de Lansana CONTE, exemple achevé de régime anachronique dont le jusqu’au boutisme peut avoir (nous touchons du bois) des conséquences désastreuses.
Dans le cas de la Mauritanie, le mal-être social et politique crève les yeux. Aboli dans les textes, l’esclavage perdure dans une société qui a du mal à se défaire de ses repères traditionnels. Jadis brimés et opprimés, les Haratines (descendants d’esclaves) et les Toucouleurs ont désormais les "yeux ouverts" grâce à la globalisation. Et, comme ils sont les plus nombreux, et ils n’entendent plus subir le diktat de leurs anciens maîtres, cela ne peut qu’entraîner des remue-ménages explosifs. Voilà le problème de la Mauritanie, lequel ne peut être résolu que par le biais d’une véritable révolution.

Or, l’actuel régime a montré son incapacité à mener celle-ci et, pire s’est aliéné une frange importante des officiers noirs, par le biais des répressions sanglantes de 1987 (complot Toucouleur) et 1989 qui visaient leurs congénères. Les purges qui ont suivi la kyrielle de coups d’Etat déjoués ayant été aussi orchestrées en grande partie contre eux, l’on comprend qu’ils se sentent persécutés dans l’âme. Et comme là où il y a oppression, il y a résistance et lutte, on comprend que le fauteuil de TAYA soit bancal.

Ce d’autant qu’il a fini par s’aliéner le soutien de certains officiers arabes par le biais d’élections truquées et d’une politique extérieure qui va à l’encontre de leurs convictions et des traditions. Un courant "Pro-HAÏDALLA" (ancien président renversé par TAYA, il a été battu cette année par ce dernier à l’issue d’élections contestées) serait ainsi né dans ce cercle et donnerait des insomnies au président. Un président qui a poussé l’absurdité de s’aliéner aussi le soutien de ses frères arabes en renouant des relations diplomatiques avec Israël. Ben Laden a depuis, qualifié Ould TAYA "d’apostat".

A l’analyse, le régime mauritanien est grabataire, ce qui peut expliquer une telle schizophrénie. Pour autant, ce n’est pas cette attitude qui le sortira de la "mouise".
A bon entendeur…

L’Opinion

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