Actualités :: Général Sangoulé LAMIZANA, tirailleur sénégalais : Ce qui me fait toujours (...)

A la demande de nos lecteurs et actualité oblige, nous reprenons pour vous l’interview qu’a bien voulu nous accorder, le général Sangoulé LAMIZANA, ancien chef de l’Etat et « tirailleurs Sénégalais » la portée historique de l’entretien n’a pas laissé indifférent nos lecteurs qui ont souhaité que nous la reprenons cette semaine et au moment où le président du Faso vient de rentrer de Dakar où il assiste à la « journée du tirailleurs Sénégalais » qui sera célébrée chaque année, le 23 Août.

A l’occasion de l’anniversaire des 60 ans du débarquement en Provence (France), nous avons rencontré l’un des plus célèbres « Tirailleurs sénégalais », le général Sangoulé LAMIZANA, ancien chef d’Etat du Burkina Faso. Le « Bon Père » LAMIZANA se rappelle comme si c’était hier, les grands moments de la guerre pour la libération de la France, Les « Tirailleurs sénégalais » ont tout donné pour combattre Hitler mais il n’y a pas encore une vraie reconnaissance pécuniaire de leur sang versé, et cela fait mal au Général LAMIZANA.

Quels sont les souvenirs qu’évoque en vous le débarquement des Alliés en Provence ?

Général Sangoulé LAMIZANA (G.S.L) : On ne peut oublier le débarquement. Personnellement, je n’ai pas participé à cette opération. Nous étions en position, quand d’autres régiments nous ont précédés dans son accomplissement. On a commencé le débarquement dans l’Ile d’Elbe le 17 juin 1944, ensuite est intervenue la libération de la Corse et le Midi de la France. Nos troupes ont remonté la vallée du Rhône pour faire la jonction avec celles qui ont débarqué au Nord.
Les Allemands étaient contraints de ne pas se laisser encercler, ceux qui étaient du côté de la Bretagne se sont dépêchés pour constituer un noyau afin de résister. Mais les forces étaient telles qu’on les a mis hors du territoire français.

Avant le débarquement de Provence, il y a eu celui de Normandie, pensez-vous que la France a rendu suffisamment tout l’hommage que méritent les « Tirailleurs sénégalais » ?

G.S.L : Franchement on ne fait pas beaucoup cas des faits d’arme des héros de 39-45. En 1939-40 nous avions perdu la bataille comme disait le Général De GAULE, mais pas la guerre. En 1944, les Allemands tenaient durement le Midi de la France pour ne pas laisser débarquer. Il avait un système de défense tel qu’il fallait forcer. Et c’est ce qui a été fait en août 1944 pour les déloger des fortifications qui étaient du côté de Marseille, Fréjus, Saint-Raphaël, Nice, tout le long de la côte Sud.

On évoque juste de temps temps quelques hauts faits de guerre des « Tirailleurs sénégalais » parce que nous manifestons. On a l’impression qu’on nous oublie ! Ce qui me fait mal, c’est que dans les manuels d’histoire on n’enseigne pas aux jeunes français l’héroïsme des Anciens combattants africains. Même ceux qui sont au pouvoir actuellement étaient petits au moment de la guerre ; c’était des gosses, ils n’ont pas vu les braves Africains. Et comme ce n’est pas écrit dans les manuels, on n’enseigne pas ce volet de l’histoire. Ceux de 1914 - 1918 ne sont plus ; mais on parle de la Grande Guerre de 1914 - 1918, on parle des Africains, de Verdun où nous nous sommes illustrés en nous battant comme des lions dans les tranchées.

Si ce n’est pas maintenant, il y encore 40 ans de cela, on pouvait rencontrer pas mal d’Africains avec des jambes en bois. Ce n’était pas seulement à cause des balles ou des mines, il y avait le froid, ils étaient dans la boue et en plein hiver dans les tranchées. Malgré tout cela, ils se sont battus et on n’en parle pas beaucoup. Les jeunes Français qui ignorent tout de cette de cette période, de ce qu’ont enduré les combattants africains peuvent en parler. Ils connaissent tout de leurs propres frères, mais rien des Africains qui ont versé leur sang pour cette liberté. Nos « Poilus » de l’époque, nos grands-parents et nous-mêmes avons montré au monde qu’il faillait compter avec nous. Quand il y a des anniversaires comme celui du débarquement, on ne parle pas des troupes noires, des « Tirailleurs sénégalais ». S’ils ne veulent pas parler de notre sacrifice Dieu lui, le sait et il en parlera !

La décristalisation des pensions peut-elle être considérée comme une certaine reconnaissance de la France à l’endroit des Tirailleurs ?

G.S.L : C’est une forme de reconnaissance mais qui vient tardivement. Je ne sais pas ce qu’on a voulu faire. Il y a 40 ans qu’on attendait, et je ne sais pas pourquoi ils avaient pris cette décision politique en nous faisant payer les pots cassés. Sur les champs de bataille, les sangs étaient mêlés, sang français, sang noir, tout était mêlé. Je ne comprends pas pourquoi au moment des indépendances on nous a abandonnés. On a conservé nos pensions jusqu’à une certaine période et on a suspendu la pension de reversion c’est à dire que les ayants droit, la veuve et les orphelins de l’ancien combattant qui meurt ne reçoivent plus rien. La pension de reversion a été supprimée à partir de 1991. Ils viennent d’abolir cette loi funeste pour essayer de nous donner satisfaction mais beaucoup d’entre nous sont morts. Ils ont regardé loin du côté de la France, dans leur village ils se mettaient face à la France et rien ne venait jusqu’à leur mort.

Nous autres qui avons la chance dêtre encore en vie, nous bénéficions de la modification de cette loi mais elle ne rapporte pas grand chose. Nous avons touché 20 % de ce que nous touchions avant sur une période de 5 ans. Et le reste ? Qu’est-ce qu’on veut en faire ? On part du fait qu’il faut tenir compte du pouvoir d’achat dans les Etats. Si on en avait tenu compte il y a 40 ans, contrairement que nous n’en serions pas aussi malheureux aujourd’hui ! La croix du combattant décerné à tous ceux qui avaient au moins fait trois mois de guerre, tarde à être reconnue à ses bénéficiaires et la somme qu’ils perçoivent pour cela est dérisoire. C’est juste 28 698 F CFA par semestre.

Avez-vous le sentiment que de votre position de Président de la République à l’époque vous avez suffisamment défendu la cause de vos camarades de tranchées ?

G.S.L : Dans mon placard, j’ai deux gros dossiers. Pendant 40 ans j’ai écrit à ma façon. Nos délégués qui allaient aux différentes assemblées générales des Anciens combattants évoquaient ce problème des pensions. Nos camarades français qui se sont battus avec nous ont essayé d’intervenir auprès de leurs gouvernements pour défendre notre cause. Mais les gouvernements successifs sont restés sourds. Je suis du reste reconnaissant au Président POMPIDOU qui a essayé de relever quelque peu les pensions mais reconnaissons que c’était des broutilles par rapport à ce auquel on avait droit.

La plainte du Sénégalais DIOP a conduit le Conseil d’Etat français à condamner le gouvernement français à se mettre en règle à notre égard. Mais une fois de plus on est resté sourd, pire, on a supprimé les pension de reversions qu’on devait allouer aux veuves. Je rends aussi hommage au Président CHIRAC qui a eu la présence d’esprit et le courage de sortir des tiroirs de l’Elisée cet acte juridique et de le faire appliquer. Il est en tout cas à remercier car ne dit-on pas que mieux vaut tard que jamais ? Le jour de la perception de mon augmentation, j’ai dit que je suis amer parce que je pense à mes camarades disparus, ceux comme le général Baba SY qui se sont battus et qui ont participé activement au débarquement. Je suis amer mais ce que Dieu fait, il le fait.

Quel est votre message à l’occasion des 60 ans du débarquement ?

G.S.L : Je rends hommage à nos morts, tous ceux qui sont tombés sur les champs de bataille dans ce Midi de la France en libérant cette partie de la France et en remontant jusqu’à Strasbourg pour pas mal de nos camarades.
Je pense au sacrifice de tous ces camarades africains comme français parce que sur les champs de bataille on était tous pareils. On était des frères et ce n’est que la différence créée par les hommes politiques qui nous divise, en faisant beaucoup de mal à nous autres pauvres « Tirailleurs sénégalais ».

A ceux qui vivent encore, je prie Dieu pour qu’il leur donne une bonne santé et encore une longue vie afin qu’ils puissent bénéficier de l’avantage de la décristalisation. Ma pensée va à ceux qui sont morts et dont les veuves ne touchent rien. On parle de la réouverture de la voie allant vers la pension de reversion, je prie Dieu qu’on puisse payer le plus rapidement possible ceux-là qui attendent plusieurs années.

L’Opinion

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