Actualités :: "Libérons les enseignants du primaire..."

Toujours préparer ce qu’on veut enseigner aux élèves, c’est ce qui est recommandé à tout enseignant du primaire. Dans l’article suivant, un formateur s’élève contre "les préparations de classe fastidieuses et inefficaces". Il ne manque pas de proposer des solutions de rechange.

Je voudrais, par cet écrit, exposer mon point de vue sur certains aspects des tâches dévolues à l’enseignant du primaire et proposer des solutions pouvant conduire à leur allègement. Sans m’encombrer d’un début protocolaire, je voudrais, avant de faire l’état des lieux et proposer des solutions, rappeler ce qui suit : Depuis les écoles de formation, il est toujours dit aux élèves-maîtres que l’enseignant doit préparer ce qu’il veut enseigner aux élèves et prévoir au moins deux (2) devoirs écrits par jour pour évaluer la portée de son action.

Le constat qu’ils font sur le terrain et qu’ils relèvent toujours lors des bilans est que certains maîtres titulaires ne sont pas réguliers dans la préparation de leur classe et que les devoirs administrés aux enfants sont clairsemés dans les cahiers de devoirs : un (1) devoir par semaine ou un (1) mois sans devoir écrit. Les encadreurs pédagogiques vivent souvent ces réalités quand ils vont en visite de classe et ne tarissent pas de remontrances envers ces enseignants en situation irrégulière. C’est vrai, c’est désagréable de voir des enseignants faire des semaines, voire un mois ou plus sans préparer leurs cours et sans administrer aux élèves des devoirs qui, pourtant, sont nécessaires dans tout processus d’apprentissage.

Parmi ces enseignants, il y a ceux qui sont de nature hostiles à l’accomplissement de leur devoir et ceux aussi qui, au fil des ans, ont perdu leur enthousiasme face à l’ampleur de la tâche. Aucun enseignant ne peut soutenir que depuis le début de sa carrière, il n’a jamais eu des manquements au niveau des préparations de classe et des examens écrits. Même les encadreurs pédagogiques qui sont passés par là en savent quelque chose. Il faut reconnaître que le métier d’enseignant est infernal, harassant, contraignant et finit par rebuter, émousser même les esprits qui ont une bonne conscience.

Certains enseignants en situation irrégulière, dans la crainte d’une visite de classe inopinée, choisissent de se faire (faux) malades et restent à la maison, abandonnant les enfants à eux-mêmes ou alors quand ils se rendent dans leur classe, ils se lancent dans des improvisations aux conséquences désastreuses. D’autres, dans leurs efforts hors du commun, présentent de belles pages de leçons bien préparées, mais la prestation dans la classe est médiocre. Médiocre, parce qu’épuisés par ces préparations et ces corrections de devoirs.

Combien d’enseignants ont été surpris en train de somnoler ou de s’offrir, malgré eux, un sommeil réparateur pendant des heures de classe : les débutants ou les maîtres qui ont la pratique de leur examen (CEAP, CAP) peuvent aller jusqu’à 1 heure voire 3 heures du matin dans la préparation de leur classe sans les corrections des devoirs. Si nous capitalisons ces temps de manquements et de tâtonnements, nous verrons que la perte est énorme et cela alimente considérablement la baisse du niveau de nos élèves. Tout cela me conforte dans ma position et m’amène à proposer l’élaboration de fiches de leçons pour toutes les classes, ou à soutenir l’idée, au cas où elle existerait déjà, afin que l’enseignant dispose de beaucoup plus de temps pour se consacrer au travail des élèves : une autre perception rationnelle de l’action éducative, centrée sur l’enfant. Je signale en passant que dans les petites classes (CP1, CP2) des fiches existent en langage, en exercices sensoriels, en exercices d’observation etc.

Certes, les tenants et/ou les nostalgiques d’une pédagogie vieillissante diront que tant que l’enseignant ne conçoit pas lui-même sa préparation, il ne peut l’exploiter efficacement. Il faudrait que l’on dépasse ces vieilles conceptions et que l’on étende les limites de nos réflexions. Les documents pédagogiques et philosophiques existants n’ont pas été conçus par nos enseignants, mais ils savent les exploiter à bon escient pour leurs examens et concours professionnels. Sans oublier qu’un maître qui a préparé ses cours et qui est momentanément absent peut voir ses leçons administrées par un collègue. Toujours est-il que : entre deux maux on choisit toujours le moindre. Mais voyons comment élaborer les fiches, cela pourrait tranquilliser les plus sceptiques.

Elaboration des fiches

Il serait superflu de vouloir concevoir les fiches au sommet pour les imposer à la base (aux enseignants). Pour l’élaboration des fiches, les meilleurs laboratoires de recherche seront les écoles, les groupes d’animation pédagogique (GAP), les conférences pédagogiques. Chaque année, un certain nombre de fiches seront travaillées, discutées, expérimentées dans les GAP. Les GAP se retrouveront ensuite en conférence pédagogique pour présenter ses différentes fiches au grand groupe, d’abord en ateliers et ensuite en plénière sous le contrôle des encadreurs pédagogiques. Ces fiches seront centralisées ensuite à la Direction de la recherche et du développement pédagogique (DRDP) pour contrôle et validation. Ces moments d’élaboration de fiches seront d’un apport précieux à la formation initiale des jeunes enseignants nouvellement engagés et consolideront les acquis des anciens. Je rappelle que les enseignants sont des techniciens-praticiens et non des bureaucrates. Nous devons donc les aider à améliorer leurs techniques et leurs prestations dans les classes en les libérant des préparations de classe fastidieuses et inefficaces.

De l’exploitation des fiches

Pour préparer ses cours il suffira à l’enseignant de sélectionner les fiches concernées, de les lire attentivement, de prévoir le matériel à utiliser et de consigner dans un cahier journal les changements, les modifications, les ajouts, pour des besoins d’adaptation (exemple : motivation, textes de base, exercices élaborés par le maître ou références des exercices retenus pour les différentes leçons). Chaque notion pourrait avoir plusieurs fiches de leçons. Les élèves-maîtres seraient initiés à l’exploitation des fiches dans les écoles de formation.

Des avantages

Il y a de réels avantages dans l’enseignement soutenu par les fiches de leçons, qui peuvent révolutionner notre système d’enseignement. On peut en retenir quelques-uns pour l’enseignant, pour l’élève et pour le système éducatif.

1. Pour l’enseignant

Au niveau physique il gagnera en santé. Au niveau mental, il connaîtra un équilibre certain. Il retrouvera de l’enthousiasme dans le travail, qu’il fera avec plaisir et non par contrainte, et là je suis tout à fait d’accord avec A. de St-Exupéry quand il dit que : « Accomplir son devoir, c’est le degré le plus bas de la moralité. L’homme acquiert une véritable morale seulement par ce qu’il accomplit de bon au-delà de l’obligation ». L’enseignant mettra aussi à profit le temps dégagé au niveau de la préparation de la classe pour corriger les exercices et les devoirs, qu’il administrera désormais régulièrement aux élèves. Je peux affirmer sans risque de me tromper qu’aucun plan d’amélioration ne peut atteindre ses objectifs sans des exercices et des devoirs au niveau scolaire.

2. Pour l’élève

L’élève accusera à coup sûr des progrès significatifs. La régularité des exercices contribuera à l’épanouissement de son intelligence et l’incitera au travail : (apprentissage et révision de ses leçons). Il trouvera du plaisir à travailler avec un maître plus accueillant, plus détendu, plus coopératif et bienveillant.

Pour le système éducatif

Le système éducatif connaîtra par ricochet un essor certain, car les indicateurs du progrès du niveau des élèves seront positifs. Responsables de l’éducation, chers collègues enseignants, chers parents d’élèves, j’ai voulu à travers ces lignes partager une saine réflexion sur un aspect du système éducatif, qui me tient à cœur. Me référant à l’idée que l’école est l’affaire de tous, je crois qu’autant que nous sommes, nous pouvons dire ce que nous pensons du système éducatif de notre pays afin de contribuer à la recherche de son amélioration.

Merci pour votre attention.

Yaméogo Donatien,
Formateur à l’Ecole nationale des enseignants du primaire (ENEP) de Loumbila
Cel : 76 63 22 60

(1) Le titre complet du texte est le suivant : "Libérons les enseignants du primaire des préparations fastidieuses et inefficaces".

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