Actualités :: Les marchés de gré à gré : Quand le conseil des ministres en abuse

Courant mai 2004, nous avons lu avec satisfaction un communiqué du Ministre des Finances et du Budget , Monsieur Jean-Baptiste M.P. COMPAORE, portant sur les pratiques irrégulières d’achats publics de gré à gré.

Dans ledit communiqué il fustige le règne du mode de passation des marchés de gré à gré : S’adressant aux administrateurs des crédits de l’Etat le Ministre se désole : « il m’a été donné de constater que depuis le début de la gestion 2004, le recours à la procédure exceptionnelle de gré à gré pour vos commandes a tendance à devenir la règle ». Il en appelle au strict respect de l’orthodoxie financière. Selon les propos du Ministre « les motifs couramment évoqués sont : l’urgence , le monopole pour recourir à telle pratique. ». Du reste le communiqué est d’un ton grave et menaçant, cela montre La rigueur que le Ministre attache à la bonne exécution du Budget national. C’est nouveau dans la forme.

De tels communiqués restaient dans les méandres de l’administration abonnée au « secret-confidentiel », question de ne pas exposer les failles d’une gestion et surtout de ne pas froisser certains collaborateurs. Mais depuis peu, les temps ont changé, il faut jouer la carte de la transparence. Bravo au Ministre pour avoir lancé ce rappel à l’ordre. Mais la loi doit être égale pour tout le monde y compris les ministres car ce qui se passe en Conseil des ministres vient rattraper ce communiqué et le mettre en porte à faux. Nous vous livrons ici quelques réflexions fondées sur des cas ’d’abus’.

Le gré à gré dans la réglementation générale des marché publics (RGMP).

Dans le décret N° 2003-269/press/PL/MFB du 27 mai 2003 portant RGMP , en ses articles 45 à 48 il est dit que : « les marchés et les lettres de commande de gré à gré ne peuvent être passés que dans les cas suivants : 1°) dans les cas d’extrême urgence, pour les travaux, fournitures ou services que l’autorité contractante doit faire exécuter en lieu et place de l’entrepreneur ou du fournisseur défaillant ; 2°) pour l’exécution des travaux, fournitures ou services, dans les cas d’urgence extrême motivée par des circonstances imprévisibles relevant de la force majeure et ne permettant pas de respecter les délais prévus aux articles 27 et 40 ; 3°) pour les travaux, fournitures ou services qui, après appel d’offres ouvert ou plusieurs demandes écrites de prix n’ont fait l’objet d’aucune offre ou pour lesquels il n’a été proposé que des offres inacceptables ; 4°) lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur ou un seul fournisseur déterminé.[ Article 45].

Les marchés et les lettres de commande de gré à gré ne peuvent être passés qu’avec des entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services qui acceptent de se soumettre à un contrôle de prix spécifique durant l’exécution des prestations à l’initiative de la Direction centrale des marchés publics. Le marché précise les obligations comptables auxquelles le titulaire du marché sera soumis et notamment l’obligation de présenter ses bilans, comptes de pertes et profits et comptes d’exploitation ainsi que sa comptabilité analytique d’exploitation ou, à défaut de celle-ci, tous documents de nature à permettre l’établissement des coûts de revient.[ Article 46] Dans les cas prévus aux alinéas 1 et 2 de l’article 45 ci-dessus, l’autorité contractante doit procéder à une consultation formelle de trois candidats au moins.

Dans les cas prévus aux alinéas 3 et 4, l’autorité contractante est tenue de procéder à la publication préalable d’un avis de demande d’expression d’intérêt conformément aux délais prévus à l’article 27.[ Article 47] L’autorité contractante soumet, au préalable, à l’autorité compétente un rapport dûment motivé au regard des dispositions de l’article 45 ci-dessus. En tout état de cause, les marchés de gré à gré d’un montant strictement inférieur à cent millions (100.000.000) F CFA doivent être autorisés par le ministre chargé du budget après avis conforme d’un comité composé de la Direction chargée des affaires contentieuses, de la Direction centrale des marchés publics, de la Direction centrale du contrôle financier, de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services du ministère concerné. Au delà de ce montant, l’autorisation préalable du Conseil des ministres est requise. [Article 48]

Selon la réglementation les gros marchés doivent passer nécessairement en Conseil des Ministres. La phrase fétiche qui suspend le souffle des entrepreneurs soumissionnaires des appels d’offres est « à l’issu de l’examen des offres techniques et financières, le Conseil a retenu comme adjudicataires, les entreprises suivantes…. ». Mais il se trouve que même les décisions d’attribution des marchés prises par le Conseil des ministres souffrent de cet abus du « gré à gré ».

Nous en avons pour preuve trois exemples illustratifs pris dans les comptes rendus des travaux des conseils des ministres depuis le début 2004. Le premier marché passé par la procédure du gré à gré : ’travaux de drainage et d’ouvrages de franchissement du complexe présidentiel à Ouaga 2000’. Voici un extrait : « Le Conseil a examiné et adopté un rapport relatif aux résultats du dépouillement de l’appel d’offres pour la passation de marchés de gré à gré en vue de la réalisation des travaux de voiries, de drainage et d’ouvrages de franchissement du complexe présidentiel à Ouaga 2000.Dans le cadre de la réalisation de ce projet, un appel d’offres restreint a été lancé le 21 avril 2004 dans la perspective de choisir les entreprises devant réaliser les travaux.

A l’issue de l’évaluation, le montant total des offres s’élevait à cinq milliards trente six millions cinq cent soixante trois mille soixante onze (5 036 563 071) F CFA toutes taxes comprises, se situant largement au-dessus du coût prévisionnel des travaux. Dans l’impossibilité matérielle d’organiser à nouveau un appel d’offres, il a été procédé à une consultation formelle auprès de 13 entreprises le 24 mai 2004 pour des propositions financières conformément aux dispositions de l’article 47 du décret n° 2003-269/PRES/PM/MFB du 27 mai 2003 portant réglementation générale des marchés publics.

A l’issu de l’examen des offres techniques et financières, le Conseil a retenu comme adjudicataires, les entreprises suivantes :
Lot 1 : Voirie - drainage et parking extérieur (terrassement) : La Société Fadoul Technibois pour un montant de neuf cent soixante onze millions sept cent vingt neuf mille deux cent cinquante six (971 729 256) F CFA TTC avec un délai d’exécution de trois (3) mois ;
Lot 2 : Revêtement et équipement de la voirie et du parking extérieur :La Société Fadoul Technibois pour un montant de cinq cent quatre vingt dix huit millions neuf cent deux mille deux cent soixante dix neuf (598 902 279) F CFA TTC avec un délai d’exécution de trois (3) mois ;
Lot 3 : Aménagement du canal primaire à l’intérieur du complexe : l’entreprise EBOMAF pour un montant de six cent quatre millions cent quatre vingt seize mille trois cent quarante quatre (604 196 344) F CTA TTC avec un délai d’exécution de trois mois ;
Lot 4 : Construction des ouvrages d’art : l’entreprise EBOMAF pour un montant de neuf cent quarante quatre millions huit cent huit mille neuf cent deux (944 808 902) F CFA TTC avec un délai d’exécution de trois (3) mois ;
Lot 5 : Aménagement du chenal jusqu’à l’exutoire et prolongement du caniveau de la voie express : la Société Fadoul Technibois pour un montant de cinq cent treize millions cinq cent quinze mille huit cent soixante dix (513 515 870) F CFA TTC avec un délai d’exécution de trois mois.

La dépense s’élève à un montant global de trois milliards six cent trente trois millions cent cinquante deux mille six cent cinquante un (3 633 152 651) F CFA toutes taxes comprises. Le financement est assuré par les ressources du budget de l’Etat. »( Ouagadougou, du 30 juin 2004. COMPTE-RENDU DES TRAVAUX (014)). (A suivre la semaine prochaine).


Le sondage 2004 est lancé

Le REN-LAC lance dans la première quinzaine du mois de septembre les activités entrant dans le cadre du sondage national d’opinion 2004. Cet exercice annuel consiste à recueillir la perception des uns et des autres sur diverses questions touchant au phénomène de corruption au Burkina. Contrairement aux années précédentes le sondage 2004 a lieu dans les cinq communes suivantes : en plus de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, s’ajoutent les communes de Koudougou, Ouahigouya et Banfora. L’opération de collecte des données se déroulera simultanément dans toutes ces villes et devrait durer jusqu’au 15 septembre prochain.

Comme à l’accoutumée les avis à collecter concerneront entre autres les manifestations de la corruption dans dix secteurs : la Santé, l’Enseignement, les Impôts, les Marchés Publics, la Police et la Gendarmerie, la Justice, la Douane, les Mairies, l’Administration Publique, les Médias. C’est l’occasion pour le REN-LAC de remercier les populations pour la disponibilité dont elles ont toujours fait montre pendant les opérations de sondage d’opinion et de demander à celles qui pour la première fois rencontrent les enquêteurs du Réseau de savoir leur réserver un bon accueil. En acceptant répondre aux questions que les enquêteurs vous poseront vous aider à lutter contre la corruption au Burkina-Faso.

Le Ren-LAC

NOTES

1 - « Le délai de remise des offres ne peut être inférieur à trente (30) jours calendaires à compter de la date de première publication de l’avis précité sauf autorisation expresse du ministre chargé du budget. La date limite de dépôt des offres et la date d’ouverture des plis doivent coïncider. Tout report éventuel de la date limite de dépôt des plis doit être communiqué au plus tard sept (7) jours calendaires avant la date initialement prévue dans l’avis d’appel d’offres ».[ article 27]

Le délai accordé aux entreprises consultées pour déposer leurs propositions de prix ne peut être inférieur à sept (7) jours calendaires.

Observateur Paalga

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