Actualités :: Partis d’opposition : arrêt sur une scissiparité à multiples facettes
H. Yaméogo et G..K. Ouédraogo,
ex-partenaires de l’ADF/RDA

Lorsqu’on parle de division des partis politiques, de leur mauvaise gestion, de leur manque de programmes, de tous ces maux qui fragilisent les partis politiques, polluent la vie publique nationale et dégradent l’image des politiques, on ne voit que les partis politiques d’opposition. Si la démocratie a tant de mal à s’implanter, c’est eux les responsables, les moutons noirs. Pourquoi cette image leur colle-t-elle tant à la peau ?

En effet, rares sont les journaux au Burkina Faso qui n’évoquent pas de façon récurrente le problème de l’instabilité dans les partis politiques d’opposition. D’ailleurs, de prestigieuses institutions et d’éminents intellectuels ne manquent pas aussi d’en faire état. Cela suffit à se pencher sur le problème car lorsque dans la construction de la démocratie, les partis politiques d’opposition sont en butte à tant d’instabilité, il y a problème pour la démocratie elle-même.

La bâtisse démocratique est comme assise sur deux piliers : la majorité et l’opposition. C’est dans leur bon fonctionnement que dépend la bonne évolution de la démocratie. Mais un arrêt sur images montre effectivement que les partis politiques d’opposition sont sous l’effet de mutations et de remous permanents, qu’ils n’ont pas, pour la plupart, de présence sur le terrain, de programmes politiques, qu’ils sont souvent artificiels, ne vivant pour la plupart que le temps des campagnes électorales.

Ainsi s’écrit leur histoire avec des scissions, des démissions spectaculaires. Le MDP, l’ADF, l’ADF-RDA, le PDP-PS, les Sankaristes, le PAI, les Verts…, bref, rares sont les familles et les partis politiques d’opposition qui n’ont pas souffert de tels phénomènes hémorragiques. Il y a dans ces manifestations, des responsabilités indiscutables à imputer aux leaders de l’opposition : leurs querelles subjectives, leur impatience d’arriver au faite des responsabilités, leur manque de cohésion, leur lenteur dans les décisions, leur attrait vis-à-vis des sollicitations du pouvoir. Tout ça, c’est vrai et il faut le dire et le dénoncer.

Mais une observation plus neutre, plus fine, plus scientifique de cette pathologie ne peut pas ne pas aboutir à un nécessaire partage de responsabilités dont la plus grosse part reviendrait au parti présidentiel. Si la désorganisation des partis politiques d’opposition est un phénomène si répandu, qu’on en arrive à le considérer comme étant de bonne guerre pour un parti majoritaire, il faut reconnaître qu’il est plutôt marginal dans un véritable système de démocratie où le civisme républicain est la règle.

Au Burkina Faso, l’institutionnalisation du " déssouquage " des partis est devenue un principe politique majeur. Le pouvoir, pour s’y livrer en toute quiétude, ne s’est jamais véritablement engagé dans une politique visant à promouvoir un véritable droit de suffrage, un véritable droit des partis politiques. Grâce à une insuffisante protection institutionnelle et légale du suffrage national et des partis politiques d’opposition, il a pu donc taillader à souhait dans les partis, y opérer des coups d’Etat, allant même jusqu’à créer un espace pour le jeu politique à sa convenance et animé par les acteurs à sa dévotion.

Mais de cette responsabilité du parti présidentiel, on n’en fait pas cas ou si peu. Quand on daigne le souligner, c’est sous la forme dubitative, précisant que selon les partis politiques d’opposition, le pouvoir serait leur déstabilisateur.

C’est cette perception lacuneuse, orientée de la scissiparité des partis politiques d’opposition qui frappe à l’analyse de certains commentaires profanes ou spécialisés. Cette perception participe aussi des manifestations de résistance vis-à-vis de la promotion d’une véritable démocratie, elle agit comme une prime en faveur du pouvoir qui se trouve ainsi dégagé de toute responsabilité.

A la limite, s’il n’existait pas des partis politiques d’opposition, le monde partisan connaîtrait un fonctionnement paisible et harmonieux puisque du côté des partis de la mouvance présidentielle, il y a une telle organisation, un tel souci de la démocratie, de si bons programmes, il y fait si bon vivre qu’il n’y a jamais de démission fracassante, de scission ; bref tout comme dans les partis bolchéviques, les contradictions ont totalement disparu.

Mais pour espérer en venir un jour à ce partage de responsabilités, qui permette de donner une vision plus exacte de la réalité du système des partis politiques, peut-être faudrait-il obtenir une plus grande collaboration des médias, leur ralliement à une gestion plus équilibrée des opinions. Peut-être faudrait-il obtenir également de nombre d’intellectuels, de leaders de la société civile et politique, de responsables d’ONG, plus de distance vis-à-vis des sollicitations et pressions du pouvoir.

Comment y parvenir lorsque l’espace médiatique est trusté par le parti présidentiel soit par le jeu des pressions, des subornations, de l’autocensure ou par la création d’organes de presse pour contrôler directement l’opinion ? Comment y parvenir lorsque la fameuse théorie de la trahison des clercs continue de sévir, même si cela se fait avec un art subtil de l’enrobage ? C’est là toute la question qui révèle, entre autres, les difficultés d’une saine application de la démocratie au Burkina Faso.

San Finna

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