Actualités :: Soumané Touré à la CENI : Attaque, contre-attaque et réaction

Dans une lettre ouverte au président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le Parti africain de l’indépendance (PAI) demande la dissolution des démembrements de la CENI pour non-conformité aux dispositions des textes fondamentaux du Burkina Faso. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui estime que la lettre lui fait un mauvais procès contre-attaque et la CENI réagit.

Le PAI dans sa lettre déclare : "La CENI a été successivement présidée par le Pasteur Samuel Yaméogo, le Pasteur Flavien Tapsoba et enfin par vous-même M. Moussa Michel Tapsoba.

De toutes ces présidences, la vôtre est en passe de devenir la plus nocive, parce que légalement dangereuse pour l’aspiration de la classe politique, de la société civile et de notre peuple à une CENI véritablement indépendante et pour la consolidation de notre processus démocratique. Pourquoi ? "

La première raison qui sous-tend cette affirmation du PAI est selon lui, le non-respect par la présidence actuelle de la CENI de la Constitution et des procédures prescrites par la Constitution.

Le PAI explique en effet que la CENI a mis en application une loi qui n’a pas encore été promulguée. Cette loi adoptée par l’Assemblée nationale sur proposition de quatre députés du CDP est de haute portée politique selon le PAI, en ce sens qu’elle rompt le consensus national et crée une situation politique délicate et de forte tension. Et le communiqué n° 2004/005/CENI/CAB du 28 avril 2004 publié dans le quotidien Sidwaya n° 4996 du mercredi 05 mai 2004, par lequel le président de la CENI portait à la connaissance "des partis et formations politiques et de la société civile que suite à la révision du code électoral par l’Assemblée nationale, la Commission électorale régionale indépendante (CERI) a été supprimée.

Elle n’existe donc plus en tant que démembrement de la CENI. En outre, chaque démembrement de la CENI (CEPI, CEDI, CECI, et CECIA) se compose désormais de six (6) membres répartis comme suit........" est à en croire le PAI, une irruption de la CENI dans l’arène politique de façon tonitruante. Plus loin, ajoute le PAI : "Comme si les nombreuses remises en cause de l’indépendance et de la crédibilité de la CENI opérées par la majorité CDP ne suffisaient pas, vous réussissez le tour de force, par vôtre zèle et votre activisme irresponsables à décrédibiliser complètement la CENI, en appliquant un texte de loi non encore promulguée. Il n’y avait pas de raison de vous précipiter de la sorte ! Soit vous patientez jusqu’à la promulgation de la nouvelle loi pour appliquer les nouvelles dispositions y contenues, ou alors vous étiez tenu d’appliquer les dispositions de l’ancienne loi promulguée".

Le PAI fonde sa vision sur les articles 97 et 155 alinéa 1 de la Constitution burkinabè. Le premier dispose en effet que : "la loi est une délibération, régulièrement promulguée, de l’Assemblée nationale. La loi à laquelle la Constitution confère le caractère organique est une délibération de l’Assemblée nationale ayant pour objet l’organisation ou le fonctionnement des institutions. Elle est votée à la majorité absolue et promulguée après déclaration de sa conformité avec la Constitution par le Conseil constitutionnel.

L’initiative de la loi appartient concurremment aux députés et au gouvernement. Ces projets de textes émanant des députés sont appelés "propositions de lois" et ceux émanant du gouvernement "projets de lois".

L’article 155 alinéa 1 dispose pour sa part : les lois organiques et les règlements de l’Assemblée nationale, avant leur promulgation ou leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel".

Se référant à ces dispositions le PAI interroge le président de la CENI : "les nouvelles dispositions que vous avez appliquées ont bel et bien été votées à la majorité absolue par l’Assemblée nationale, mais à la date de votre communiqué (le 28 avril 2004) connaissez-vous l’avis du Conseil constitutionnel ?

Et à ce jour pouvez-vous nous produire le décret de promulgation ?"

Pour le PAI, si à ce jour la loi en question n’a pas encore été promulguée, par celui qui doit constitutionnellement le faire, en l’occurrence le président du Faso, c’est parce qu’il y a un problème sérieux auquel il cherche des solutions à même de garantir la paix sociale, la crédibilité et le renforcement du processus démocratique du Burkina Faso.

Non-respect du décret n°2000-333/PRES du 21 juillet 2000 promulguant la loi n°007-2000/AN du 25 avril 2000 portant statut de l’opposition

La deuxième raison évoquée par le PAI pour qualifier la présidence actuelle de la CENI d’être en passe de devenir la plus nocive est le non-respect du décret n°2000-333/PRES du 21 juillet 2000 promulguant la loi n°007-2000/AN du 25 avril 2000 portant statut de l’opposition. "Par votre communiqué (dessus cité) par lequel vous faites application des nouvelles dispositions du code révisé par l’Assemblée nationale et non encore promulguée par le président du Faso, non seulement vous réduisez à six le nombre des représentants des partis politiques et des organisations de la société civile dans les démembrements de la CENI, mais surtout vous classez les partis et formations politiques en deux catégories à savoir ceux de la mouvance présidentielle et ceux de l’opposition". Cette classification soulève des problèmes sérieux selon le PAI et qui ont dans la pratique donné lieu à une pagaille et des empoignades très chaudes entre les partis politiques lors de la mise en place des démembrements annoncés dans le communiqué.

"La dominante dans cette pagaille est que le PAI était inclassable, ni à la mouvance présidentielle ni à l’opposition. Mais nos représentants sur le terrain se sont battus dans cette mêlée, tant et si bien que, à la lecture des P.V. que vous avez reçus, vous les trouverez dans les démembrements aussi bien du côté de l’opposition que du côté de la mouvance présidentielle".

C’est la raison pour laquelle le PAI pense, pour sa part, que la nouvelle classification des partis politiques en majorité parlementaire, en opposition et en opposition extraparlementaire selon les dispositions de la loi portant statut de l’opposition est la bonne et celle en vigueur. Car elle résulte des discussions de partis politiques lors des concertations sur les réformes politiques et institutionnelles. "Cette classification a été adoptée et promulguée dans la loi portant statut de l’opposition parce qu’elle renferme en plus constitutionnellement l’idée de l’alternance et l’idée que la majorité au parlement peut être de la majorité acquise aux élections présidentielles, et qui introduit l’idée de la cohabitation".

Contre-attaque du CDP

Le Congrès pour la démocratie et le progrès parti majoritaire à l’Assemblée nationale fait quelques observations sur un certain nombre de citations de la lettre qui sont relatives à la Constitution et sur certaines affirmations du destinataire de la lettre.

Premier point de la lettre : "les lois organiques et les règlements de l’Assemblée nationale avant leur promulgation ou leur mise en application doivent être soumis au Conseil constitutionnel". Cela est très exact selon le CDP, mais deux remarques s’imposent : d’abord, toute loi votée à la majorité n’est pas une loi organique, ensuite par nature la loi portant code électoral n’est pas une loi organique. Et cela pour faciliter la révision de cette loi.

Deuxième point : "A la date de votre communiqué (le 28 avril 2004) connaissez-vous l’avis du Conseil constitutionnel ?"

Le CDP pense que l’avis du Conseil constitutionnel n’est pas nécessaire pour deux raisons : primo, la loi portant code électoral n’étant pas une loi organique, elle n’est pas systématiquement soumise au Conseil constitutionnel.

Secundo, ceux qui ont droit de soumettre ladite loi au Conseil constitutionnel à savoir le président du Faso, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, 1/5 (au cinquième) au moins des membres de l’Assemblée nationale comme l’exige l’article 157 de la Constitution n’ont pas, à la connaissance du CDP, saisi le Conseil constitutionnel.

Troisième point : "Et à ce jour pouvez-vous nous produire le décret de promulgation ?" Cette question manque d’intérêt pour deux (02) raisons selon le CDP. D’abord, Soumane Touré, secrétaire général du PAI affirme que le communiqué du 28 avril 2004 du président de la CENI sera exécuté à partir de mai 2004, période où la loi sera probablement promulguée, puisque la promulgation doit nécessairement intervenir dans les vingt et un (21) jours qui suivent sa transmission, sauf en cas d’une deuxième lecture demandée par le Président du Faso (cf. Article 48 de la Constitution).

Ensuite, en cas de non promulgation, la CENI a la possibilité de recommencer l’opération de mise en place de ses démembrements. Le CDP poursuit en disant que la motivation du président de la CENI s’explique par sa volonté de respecter un engagement pris auprès des partis et formations politiques le 17 février 2004 à savoir "exécuter rigoureusement le chronogramme de travail dont vous avez informé les partis et formations politiques". Quatrième point : "Vous croyez avoir tiré d’embarras le Conseil constitutionnel et le Président du Faso en mettant tout le monde devant le fait accompli". Pour le CDP, une telle affirmation n’a pas de sens. Et deux (02) raisons justifient cela. Il y a d’abord le fait que le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi. Ensuite, la compétence de promulgation par le Président du Faso est une compétence liée, c’est-à-dire que s’il demande une deuxième lecture, la procédure de promulgation est suspendue. Dans le cas contraire, "à défaut de promulgation dans les délais requis, la loi entre automatiquement en vigueur après constatation du Conseil constitutionnel" (cf. Article 48 de la Constitution). Cinquième point : "Si à ce jour, la nouvelle loi portant révision du Code électoral votée par l’Assemblée nationale n’a pas encore été promulguée, ce n’est certainement pas par faute de courage de celui qui doit constitutionnellement le faire, en l’occurrence le Président du Faso".

Le CDP répond que la loi a été bel et bien promulguée par décret n° 2004-211/PRES du 27 mai 2004. L’hypothèse d’une deuxième lecture n’est plus d’actualité selon le parti majoritaire.

Sixième et dernier point : "qu’il y a un problème d’harmonisation des textes à savoir l’harmonisation des dispositions de l’article 5 de la loi n° 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant Code électoral modifiée par la loi n° 002-2002/AN du 23 janvier 2002 qui classe les partis politiques en mouvance présidentielle et en opposition, avec les dispositions de l’article 2 de la loi n°007-2000/AN du 25 avril 2000 portant statut de l’opposition qui stipule" : "au titre de la présente loi, est considéré comme parti politique de l’opposition, tout parti non membre de la majorité parlementaire... L’opposition est parlementaire quand elle est représentée à l’Assemblée nationale et extraparlementaire lorsqu’elle n’y est pas représentée".

Le CDP fait savoir que quand un problème d’harmonisation de lois se pose et qu’avant de l’avoir résolu, c’est la plus récente volonté du législateur qui s’impose. Et dans ce cas précis, la loi portant code électoral étant plus récente que celle portant statut de l’opposition politique, c’est elle qui doit être considérée. Les démembrements de la CENI prenant en compte la notion de mouvance présidentielle et non celle de la majorité parlementaire sont donc conformes à la volonté la plus récente du législateur. C’est pourquoi le CDP déclare que la demande de dissolution des démembrements de la CENI doit être motivée par d’autres arguments que ceux évoqués dans la lettre de Soumane Touré.

Réaction de la CENI

"En guise de réponse aux signataires à la requête de dissolution des démembrements de la CENI, lesquels sont juridiquement inexistants pour le moment, nous demandons au journal Le Pays de publier le décret n° 2004-211/PRES portant promulgation de la loi 013-2004/AN du 27 avril 2004 modifiant la loi n° 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant relecture du code électoral publié dans le numéro 22 du 27 mai 2004 au Journal officiel du Faso et enregistré au Cabinet du Président de l’Assemblée nationale sous le numéro 040 du 27 mai 2004."


Loi électorale promulguée

Voici le décret N° 2004-211/PRES promulguant la loi N° 013-2004/AN du 27 avril 2004 portant modification de la loi N°014-2001/AN du 13 juillet 2001 portant code électoral.
Le Président du Faso, Président du Conseil des ministres,

Vu la Constitution ;

Vu la lettre N° 2004-034/AN/PRES/SG/DGSL/DSC du 25 mai 2004 du président de l’Assemblée nationale transmettant pour promulgation la loi N°013-2004/AN du 27 avril 2004 portant modification de la loi N°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral.

Décrète :

Article 1 : Est promulguée la loi N° 013-2004/AN du 27 avril 2004 portant modification de la loi N° 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral.
Article 2 : Le présent décret sera publié au Journal officiel du Faso.

Ouagadougou, le 27 mai 2004

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