Actualités :: Collectif : De la nécessité de poursuivre les activités

La coordination nationale du Collectif s’est réunie le 8 juillet 2004, à la suite de la réunion du bureau de Coordination, autour de la situation nationale et de la nécessité impérative de poursuite des activités du Collectif.

1°) De la situation nationale :

Les rencontres du bureau et de la coordination nationale, analysant la situation nationale, ont mis l’accent sur deux éléments majeurs :

1er élément majeur : La tenue du procès de la présumée tentative de putsch annoncée le 7 octobre 2003 par le Commissaire général du Gouvernement, Abdoulaye Barry, et jugée le 6 avril 2004. A travers la tenue de ce procès, le pouvoir de la IVe République espérait entre autres :
- lever le scepticisme général qui a prévalu à l’annonce, en octobre 2003, de la présumée tentative de putsch ;
- redorer le blason de la démocratie au Burkina Faso en montrant que même pour des questions de coups d’Etat, c’est -la Justice qui est mise en avant ;
- discréditer le Collectif, les partis de l’opposition, notamment du Groupe du 14-Février, les organisations combattantes de la société civile membres du Collectif comme étant des putschistes, des antidémocrates. C’est le sens du « ratisser large », qui a conduit à l’interpellation de Norbert Tiendréboéogo du G-14, de la citation à témoin du Pr. Joseph Ki-Zerbo, d’Etienne Traoré du G-14 et du président du Collectif, Halidou Ouédroago.

Nous nous félicitons des actions menées par le Collectif dans le cadre de cette affaire (de l’annonce au procès), du fait d’avoir su déjouer les différents pièges qui nous étaient tendus. Le pouvoir de la IVe république ne peut pas se blanchir aussi facilement tant il recèle de relents militaristes. Le Collectif relève que la tenue du procès n’a pas permis au pouvoir d’atteindre ses objectifs. En effet :

1°) La tenue même du procès est une victoire de la lutte du Collectif contre l’impunité et pour le respect des droits humains. En une autre époque le pouvoir ne se serait pas embarrassé d’une telle procédure.

2°) Le Collectif saisit cette occasion pour saluer l’acquittement de Norbert Tiendrébéogo, faisant ainsi échec aux visées de "large ratissage" du pouvoir. Il dénonce les dispositions du texte portant création et organisation du tribunal militaire, interdisant aux personnes innocentées devant les juridictions militaires de demander des réparations à l’Etat. 3°) Malgré la tenue du procès, le scepticisme demeure, car beaucoup de zones d’ombre, et pas des moindres, subsistent :

• la dénonciation par certains inculpés de l’implication du chef d’état-major particulier de la Présidence, le Colonel Gilbert Diendéré, dans la procédure de l’enquête de gendarmerie et chez le juge d’instruction, n’est pas passée inaperçue ; • l’origine des cinquante millions (50 000 000) de Francs CFA, remis dans la pénombre, par on ne sait qui, au présumé cerveau de la présumée tentative de putsch, n’a pas été éclaircie ;

• des responsables de services spéciaux de renseignements ont dit devant le tribunal avoir appris l’information de la tentative de putsch par les médias !

• des débats, il ressort que le mobile de cette prétendue tentative de putsch, loin d’être la conquête du pouvoir d’Etat, semblerait plutôt être le ras-le-bol d’anciens fidèles compagnons du régime, qui revendiquent leurs droits. 4°) La justice nous a présenté le même visage d’une justice aux ordres. Il est curieux en effet que le président du Tribunal ait refusé de rédiger un procès verbal des confessions de Ouali et Naon, relatives à l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons en 1998. Les tentatives d’intimidation des inculpés, par le Procureur Abdoulaye Barry, la tentative d’empêcher Me Farama de plaider en faveur de Norbert Tiendrébéogo, son inculpation pour soit disant divulgation du secret professionnel, étaient vraiment inacceptables. Aussi, une justice indépendante, garante de la démocratie était absente.

5°) Ce procès fut assurément le procès du régime de la IVe République. Les crimes de sang et crimes économiques, la corruption, les détournements au niveau de nos forces armées nationales dont les conséquences sont les frustrations diverses, le mercenariat, ont été largement dénoncés.

6°) Le dossier Norbert Zongo a plané de façon permanente sur le procès. Le pouvoir, par ce procès, avait voulu faire oublier, un tant soit peu, le dossier « compliqué » de Norbert Zongo et de ses trois compagnons. Contre son gré, ledit dossier a animé le procès. Mieux, de larges pistes ont été ouvertes et devraient permettre au juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, en charge dudit dossier, d’avancer rapidement dans ses investigations. Le capitaine Ouali et le sergent Naon déclarent être prêts à donner les noms de ceux qui ont tué Norbert Zongo et même le nom du chef de cette macabre mission du 13 décembre 1998.

Le Collectif affirme que, loin d’avoir permis au pouvoir de la IVe République de redorer le blason de sa « démocratie » et de présenter Blaise Compaoré comme la seule alternative à lui-même, le procès a simplement permis de redécouvrir le visage ambivalent du pouvoir de la IVe République, montrant encore une fois la justice aux ordres, les violations massives des droits humains, les institutions taillées à sa mesure. La Coordination saisit cette occasion pour féliciter les militants du pays réel pour leur mobilisation. Elle félicite et remercie les avocats qui se sont engagés aux côtés de Norbert Tiendrebéogo, membre dirigeant du G-14 et du Collectif, et ont accompli leur devoir avec efficacité. Elle encourage le barreau pour sa position courageuse dans le traitement du dossier de leur confrère, maître Farama.

2e élément majeur : La persistance de la crise multiforme particulièrement exacerbée à la suite du drame de Sapouy. L’analyse de la situation nationale a également permis au Bureau et à la Coordination nationale du Collectif de noter que la crise est là, indépendamment de la volonté de qui que ce soit. Elle se manifeste aux plans économique et social, politique et institutionnel. Elle est aggravée par la situation de guerre qui prévaut en Côte d’Ivoire.

Au plan économique et social, malgré les discours, les rencontres et autres programmes de lutte contre la pauvreté, celle-ci n’arrête pas de s’étendre et touche aujourd’hui plus de la moitié de la population burkinabé.

Renchérissement du coût de la vie avec les augmentations fréquentes des prix des produits de grande consommation, surtout les hydrocarbures, le manque d’eau, le développement des épidémies comme le SIDA, la prostitution, l’insécurité, etc., sont les conséquences de cette pauvreté généralisée qui croît d’année en année et qui n’épargne qu’une poignée de nouveaux riches. Les chiffres et indicateurs annoncés par le gouvernement de Yonli ne semblent pas convaincre les Burkinabè : taux de croissance économique, 6,5% ; taux de séroprévalence, 4,2% avec une tendance à la baisse, taux de scolarisation (de 42 à 52,5% ), etc. Tout cela, en une année ! ! ! Au plan politique, le pouvoir de la IVe République reste marqué par un semblant de démocratie, perceptible à travers les nombreux actes que posent les responsables en charge de ces institutions.

Ce dévoilement constant des institutions a été relevé par différents acteurs et observateurs de la scène politique nationale, dont le Collège de sages (1999), le Comité national d’éthique (2003), le Groupe national de réflexion sur le développement humain durable (GNR-DHD) dans son rapport 2003 portant sur « Corruption et développement Humain ».

C’est sous la pression exercée par le Collectif que le pouvoir a été obligé de procéder à quelques réformes au plan institutionnel et en lâchant du lest :
- la reforme de l’article 37 de la Constitution, portant sur le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois au lieu de 7 ans renouvelable indéfiniment ;
- la révision du code électoral et l’organisation des élections municipales et législatives sans fichier électoral, tout en mettant en place une commission nationale électorale alibi ;
- la formation de gouvernements semi-ouverts et monolithiques ;
- l’organisation d’une journée dite de pardon le 30 mars 2001 ;
- la création d’un fonds d’indemnisation des ayants droit des victimes des violences en politique, avec interdiction de se référer au pouvoir judiciaire, si on choisit cette voie.

Aujourd’hui, le pouvoir de la IVe République est en train de remettre en cause ces acquis, dissipant ainsi les illusions créées et confirmant qu’avec lui, sans lutte et sans pression constante, il n’y a pas d’acquis durables. Ainsi, le code électoral a été révisé au forceps ; certains dossiers pendants de la plate-forme du Collectif ont été jugés, mais Justice n’a pas été faite : dossier David Ouédraogo - dossier Mahamoudou Kéré - dossier enfants de Garango - dossier Mamadou Koné ; dans les deux derniers dossiers, les assassins n’ont même pas été condamnés ! ! ! A cela s’ajoute bien sûr les questions non résolues des candidatures indépendantes, la rupture du dialogue avec le Collectif en 2000 et autres réformes avancées par le pouvoir. C’est aussi et surtout cela, le visage du pouvoir de la IVe République.

Pour le Collectif, la situation actuelle confirme la faillite des institutions de la IVe République démontrée par sa lutte et confirmée par les différentes structures mises en place par le pouvoir lui-même (Collège de Sages, Commission nationale pour la Réconciliation nationale, Comité national d’éthique, etc.) et montre que le pouvoir de la IVe République et son chef, Blaise Compoaré, n’ont plus de légitimité politique.

II°) De la nécessité de la poursuite des activités du Collectif.

La plate-forme d’actions du Collectif reste plus que jamais d’actualité. La lutte doit donc se poursuivre. En effet, le Rapport 2002 du Comité national d’éthique, adopté le 21 mars 2003, et le rapport 2003 portant sur « Corruption et développement humain » du Groupe national de réflexion sur le Développement humain durable (GNR-DHD) confirment la justesse de la plate-forme d’actions du Collectif :

• Le rapport du Comité national d’éthique fait ressortir dans son diagnostic « cinq problèmes majeurs transversaux que l’on retrouve dans tous les secteurs d’activités de la vie nationale et qui sont : la politisation des structures administratives de l’Etat ; l’impunité ; la corruption ; l’incivisme ; la crise de l’éducation ».

Le rapport note « que l’impunité dépasse la cote d’alerte maximale » au Burkina Faso, « que le chômage et la délinquance de plus en plus accrus, la paupérisation du plus grand nombre de la population et le niveau très bas du pouvoir d’achat des agents de l’Etat ont fortement contribué à la généralisation de la corruption, aux détournements de fonds et de matériels, à l’installation de l’affairisme à tous les niveaux de la vie nationale », « la faillite du système éducatif », « le désengagement de l’Etat du système de santé au profit du privé, sans une garantie de suivi et de contrôle adéquats aggravés par l’insuffisance notoire des structures sanitaires publiques », "une justice non égale pour tous, un système judiciaire non adapté aux réalités du pays et aux attentes des populations, un affairisme sans scrupule de nombreux acteurs de la justice" et « de nombreux dossiers pendants d’une importance capitale », compromettant la paix sociale.

• Le rapport 2003, portant sur « Corruption et développement humain » du Groupe national de réflexion sur le Développement humain Durable (GNR-DHD), note : « Le contexte socio-économique et culturel que l’ampleur de la pauvreté chronique au Burkina Faso rend plus insupportable qu’ailleurs, le gaspillage des ressources financières que les pouvoirs publics ont pu mobiliser, parfois avec l’appui des Partenaires techniques et financiers (PTF) ».

Comme on peut le constater, depuis le rapport de la Commission d’enquête indépendante (CEI) (mai 1999) et la réactualisation de la plate-forme d’actions du Collectif, les structures créées par le pouvoir de la IVe République ont, dans leurs diagnostics des maux du pays et leurs recommandations, confirmé d’une manière ou d’une autre la justesse des analyses du Collectif.

Voilà qui exhorte davantage le Collectif, ses membres, militants et sympathisants du pays réel, à poursuivre avec détermination la lutte pour la satisfaction de la plate-forme d’action du Collectif. Le peuple burkinabé a besoin de justice, de libertés, de démocratie et le Collectif est conscient que seule la lutte, la pression citoyenne peut contribuer à la réalisation de ces aspirations. La Coordination nationale du Collectif créera les conditions pour la convocation de la Ve Assemblée générale nationale en vue de la poursuite de la lutte citoyenne engagée par le Collectif depuis l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons.

Na an laara , an saara !

Ouagadougou, le 12 juillet 2004.

Pour la Coordination nationale, le Bureau

Le président du Collectif Halidou Ouédraogo MBDHP

Vice-président Tolé Sagnon Collectif CGT-B

Vice-président Kader Nacro Groupe du 14-Février

Rapporteurs

Jean-Claude Méda AJB

Bertrand Méda UGEB

Me Bénéwendé Sankara Collectif/avocat

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