Actualités :: Mgr Jean-Marie Compaoré : La démocratie en cours d’approfondissement

Les propos de "l’Invité de la rédaction", Monseigneur Jean-Marie Compaoré, paru dans Sidwaya du 27 mai continuent de faire des vagues. Ainsi après le Cercle d’éveil (CEDEV) dont nous avons déjà parlé, il y a eu El Hadj Mamadou Kabré, dont les positions ont été publiées par L’Observateur paalga du 10/06/04, le "chat noir" du Nayala, Emile Paré, à l’occasion de la clôture de la conférence des femmes du Mouvement du peuple pour le socialisme/Parti fédéral (MPS/PF), Michel Ouédraogo, directeur général des Editions Sidwaya dans l’éditorial paru dès le 7 juin 2004 dans Sidwaya et certainement des personnes plus anonymes, qui n’ont pas choisi la voie de presse pour s’exprimer.

En dépit des aspects quelquefois polémiques et passionnés des discours, ils participent tous à l’approfondissement de la démocratie et sous-tendent la place et le rôle de chacun dans la cité. C’est dans cette optique que nous aussi, nous voulons apporter notre part de modeste contribution à l’animation des débats.

"A n’en pas douter, Untaani Jean-Marie Compaoré a eu des prises de positions osées dans un pays où même ceux qui ont un niveau d’étude élevé ou une connaissance large du monde font difficilement le distinguo entre l’individu et l’institution qu’il représente malgré les précautions adoptées et les précisions apportées". C’est là un extrait de notre précédente chronique sur le sujet alors que nous n’avions connaissance que de la seule réaction du CEDEV.

Nous ne nous étions pas étendu sur cet aspect des choses, estimant que ce qui importait, c’était de défendre d’abord le droit à la libre expression du prélat face à une association, qui devait tout aussi le défendre (en tout cas s’abstenir de vouloir lui en priver) en tant qu’ONG de défense, de protection et de promotion des droits humains. Aujourd’hui que la question est encore à l’ordre du jour, il nous semble indiqué de revenir sur ce que nous avions écrit pour mieux essayer de nous faire comprendre avant de donner notre point de vue sur les nouveaux développements du débat.

En disant que les positions de l’archevêque étaient osées, nous insinuions, par euphémisme, qu’il n’aurait pas dû les tenir ou qu’il aurait dû en soigner davantage la forme à travers des figures de style moins choquantes pour une fraction non négligeable des Burkinabè.

Mais ça c’est notre point de vue, qu’il serait impertinent de vouloir imposer à Jean-Marie Compaoré. Même certains proches du pouvoir se sont dit gênés par ces déclarations. Au sein de l’Eglise, le père Frans Balemans qu’on ne présente plus n’est pas passé par quatre (4) chemins pour dire que les propos de Mgr Jean-Marie Compaoré, relatifs à la présidentielle et à Blaise Compaoré, sont "ridicules", dans L’Evénement du 25 juin 2004.

Les différents types de réaction et leurs motivations

A partir de ces prises de positions, il y a une classification à faire : d’abord, les appréciations politiques faites sur les bases de l’appartenance politique des intéressés. Dans ce registre, il faut relever qu’Emile Paré du MPS/PF et El hadj Mamadou Kabré (de l’UNIR/MS sauf erreur de notre part) se sont exprimés en tant que citoyen certes, mais aussi en tant que militants et leaders de l’opposition politique. Ce qui, de notre point de vue, n’est pas une mauvaise chose.

En effet, nulle appréciation de la vie ici-bas ne peut se prétendre absolue. Même les Saintes Ecritures, considérées comme des dogmes, subissent parfois des réaménagements dans leur application, car il n’est pas toujours aisé pour les êtres imparfaits que sont les humains de traduire en fait des vérités absolues.

Cette volée de bois vert peut aussi se comprendre eu égard à la survivance des actes propres à l’Etat d’exception révolutionnaire vu qu’il est difficile, voire impossible, de passer d’un système politique à un autre sans traîner avec soi pendant quelque temps les tares du premier. Enfin, en tant qu’opposants, il serait politiquement inacceptable de se clouer le bec au moment où une autorité religieuse, bien qu’elle parlât en son nom, fait une déclaration qui arrange le pouvoir et notamment son chef.

Dans ce chapitre des réactions politiques, il faut compter celle d’Achille Tapsoba du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui, bien entendu, ne pouvait contredire le prélat Jean-Marie Compaoré et a pris soin d’aborder de façon très intellectuelle la question.

Dans la logique de la classification des réactions, il y a ensuite celle de la société non politique : le Cercle d’éveil (CEDEV), les réseaux Justice et Paix des Pères blancs et Justice et Paix des instituts religieux du Burkina. Ayant déjà parlé du CEDEV, nous n’aborderons que les points qui concernent les deux réseaux catholiques, dirigés par le père F. Balemans. A priori, les critiques formulées à l’encontre de l’Eglise catholique burkinabè et à l’endroit de Mgr Jean-Marie Compaoré par le père F. Balemans peuvent laisser penser qu’au sein de ce clergé, il y a une cacophonie et des contradictions aiguës.

Mais à bien y réfléchir on s’aperçoit qu’en mettant ces structures sur pied, l’Eglise a voulu se donner les moyens de s’éclairer et d’éclairer l’opinion au sujet des questions sensibles, telles que la paix et la justice. Et pour que ces entités atteignent l’objectif qui est le leur, le père Balemans était certainement une des personnes les mieux indiquées pour les diriger. C’est aussi l’expression d’une certaine démocratie au sein de l’Eglise, car ces réseaux n’ont probablement pas toujours la même appréciation que leur hiérarchie de la vie de la cité.

Les propos du père Balemans sont suffisamment illustratifs. Ces différences, voire ces contradictions au sein de l’Eglise catholique ne sont pas nouvelles et sont quasi quotidiennes. Il n’y a qu’à entreprendre d’écouter les messes dites à Ouagadougou, à Koupéla, à Bobo-Dioulasso, à Dédougou et à Diébougou pour savoir que ce n’est pas la pensée unique qui gouverne ce milieu. Heureusement.

Cela se comprend aisément, car après avoir été pendant longtemps du côté des puissants du jour (ou tout simplement les puissants du jour), les hommes d’Eglise font aujourd’hui l’effort pour être du côté des plus faibles. C’est pourquoi Jean-Marie Compaoré a pris position contre la révision du code électoral et pour une justice urgente au sein de l’armée. Malheureusement ces points sont passés inaperçus. C’est dire si l’Eglise catholique en son sein crée son propre contre-pouvoir afin de corriger ou de prévenir les gaffes, les excès ou les quiproquos (c’est selon) de ses principaux dirigeants.

N’en surestimons pas la portée !

Certains regretteront ou condamneront toujours les propos du chef de l’Eglise catholique de l’archidiocèse de Ouagadougou pour "son appel à peine voilé à soutenir Blaise Compaoré". Pour nous, ce genre d’intervention (pour ou contre le pouvoir) est à encourager et à susciter pour une raison très simple : le tolé qu’il soulève est nourricier pour la démocratie parce qu’il offre matière à débat, à discussion. Tant et si bien qu’au bout du compte, chacun dispose des éléments nécessaires pour se faire une opinion.

Ainsi, les points de vue de Mgr Jean-Marie Compaoré et d’Achille Tapsoba d’un côté et du père F. Balemans, d’El hadj Mamadou Kabré, d’Emile Paré et du CEDEV de l’autre participent à l’enrichissement du débat démocratique. Il serait donc impertinent de diaboliser les uns et de déifier les autres. En outre, il convient de relativiser l’impact des propos de Mgr Jean-Marie Compaoré sur les fidèles catholiques.

Effectivement, autant ils ont du respect pour ce chef de l’Eglise, autant en politique chacun agit selon sa propre conscience, ou en tout cas pas systématiquement selon ce que lui recommande son abbé, pas plus qu’un musulman selon ce que lui recommande son imam, ou un protestant selon ce qui lui conseille son pasteur.

Exemples : en 1991, une bonne partie des chefs de l’Eglise catholique était contre le régime en place ; cela n’a pas empêché des catholiques d’aller voter Blaise Compaoré et l’ODP/MT ; au Sénégal, le Parti socialiste et ses imams n’ont pu empêcher les fidèles musulmans d’élire l’apôtre du "sopi", Abdoulaye Wade.

En la matière, l’Eglise est comme les médias. Chaque citoyen veut connaître son point de vue sur tel ou tel aspect de la vie de la nation, mais cela ne signifie pas qu’il partage nécessairement ce point de vue ou qu’il est disposé à changer le sien au profit de ce dernier.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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