Actualités :: Fidèle Kientéga : "Oui, nous quittons la CPS de Nongma"

C’est un secret de polichinelle, la Convention panafricaine sankariste (CPS) traverse une zone de turbulences. En attestent les multiples déclarations dans les organes de presse. Aujourd’hui, à la CPS de Nongma Ernest Ouédraogo, deux tendances se dessinent. La tendance Nongma et celle de ses lieutenants avec comme tête de proue, M. Fidèle Kientéga. Mais le divorce semble consommé puisque ces derniers ont décidé de la création d’un nouveau parti, dont le congrès constitutif doit se tenir ce week-end. Nous avons rencontré M. Fidèle Kientéga, ce joueur invétéré de mots croisés et écrivain, dans son appartement de la Cite An III.

Selon vous, Nongma Ernest Ouédraogo est-il habilité à réunir un congrès ?

• Si. Les textes disposent que c’est le président, en accord avec sa direction politique, qui convoque le Congrès, après avoir convenu collégialement de son contenu, de sa forme et de ses date et lieu.

Peut-on donc conclure qu’entre vous et la CPS, la rupture est désormais consommée ?

• Oui. Nous avons interpellé Nongma à plusieurs reprises quant à sa manière unilatérale et autocratique de diriger le parti. Mais il n’en avait cure et n’en faisait qu’à sa tête. Par conséquent, nous avons pensé que nous pouvions convoqué un congrès constitutif pour la création d’un nouveau parti.

Qu’est-ce que vous reprochez concrètement à M. Nongma ?

• Evidemment, il est facile d’égrener les insuffisances des autres. Nous en avons aussi. La direction d’un parti, quelle que soit l’organisation, doit être collégiale. Mais cette direction est très souvent le reflet du chef. C’est lui qui imprime la marche et la démarche, et c’est par lui que tout doit passer. Que ce soit bien ou mauvais, il faut en assumer la responsabilité. Et c’est M. Nongma qui doit assumer cette responsabilité. Ce n’est pas à nous de dire ce que nous reprochons à Nongma... Nous en laissons le soin à tous les sankaristes, au peuple du Burkina qui doit tirer les conséquences la gestion par ce dernier du BSB et de la CPS.

Dans une récente déclaration (cf. l’Observateur paalga du mercredi 16) vous avez écrit que c’est possible qu’il organise son congrès dans son salon. Que vouliez-vous dire ?

• Vous avez en tant qu’observateur reçu la circulaire convoquant le congrès du parti. Vous aurez remarqué qu’il a mis de façon insidieuse que le congrès a lieu à Ouagadougou, sans préciser dans quelle salle !

Vous voulez dire que ce serait une manière d’empêcher votre participation ?

• D’abord, il nous a fait parvenir la circulaire par les soins d’un huissier. Ensuite, il a listé nos noms sans dire les postes que nous occupons, alors que nous sommes tous membres de la direction politique. Cela peut signifier qu’il nous invite en tant que citoyens. Il a décidé aussi seul de la date, du lieu et du contenu du congrès. Comme on le dit en mooré, c’est une manière d’enlever la plume et de la mettre sur la gueule du chat pour conclure qu’il a mangé la poule.

Comment avez-vous interprété la convocation par voie d’huissier ?

• Il n’y a pas à interpréter. Il suffit de lire la réalité des choses : la rupture est consommée. Nous l’avons dit dans notre déclaration : que peut-on penser du responsable d’un parti, qui se trouve réduit à envoyer les convocations par voie d’huissier ? Et aux membres du bureau politique encore ! Cela signifie qu’il ne privilégie pas la concertation, le contact, la discussion pour faire jaillir la lumière. Etant notre aîné à tous, il devrait avoir le dernier geste qui rassemble, qui unisse et qui redonne confiance.

Le président de la CPS a-t-il l’habitude de vous envoyer les convocations par l’intermédiaire d’un huissier ?

• C’est la 2e fois que nous recevons ce genre de papier par voie d’huissier. La première fois, il nous avait adressé une lettre pour nous dire que nous avons mis dans la rue un débat qui n’aurait pas dû quitter les instances du parti. Par conséquent, il nous invitait à produire notre autocritique. Nous lui avons répondu qu’il devrait commencer par s’appliquer ce principe, car il a été le premier à agir de la sorte.

L’aboutissement de tout cela, c’est donc que vous créez un nouveau parti.

• Bien sûr ! Nous sommes sur le point de créer ce parti. Mais nous savons ce que nous valons et nous savons ce qui tient à cœur à Ernest Nongma Ouédraogo : le récépissé du parti. Sinon, la base des militants du parti voudrait qu’il abandonne les rênes, afin que ce parti puisse prendre de l’envergure, s’implanter et s’étendre. C’est un président de parti, qui ne vit que pour et par les déclarations et les lettres, qui n’est pas connu et ne va pas au contact des masses.

Peut-on avoir des détails sur le nouveau parti que vous voulez créer, en commençant par son nom ?

• Malheureusement, je ne pourrai vous en donner. Nous avons des propositions et ils appartiendra aux congressistes de décider et de proposer quelque chose. Si nous nous avançons, ce serait précéder l’iguane dans l’eau. Ce que je peux affirmer, c’est qu’il sera d’obédience sankariste bien entendu.

L’unité des sankaristes sera-t-elle donc une éternelle chimère ?

• Nous avons la conviction intime que l’union des sankaristes se fera. Mais rien ne peut se faire tant que son jour n’est pas arrivé, malheureusement. Tous ceux qui veulent forcer le destin l’apprennent à leurs dépens. Tout ce que nous avons traversé comme tribulations va provoquer la décantation et un jour l’émergence d’un parti unitaire sankariste qui ne pourrait qu’être très fort.

Ce manque d’unité est-il dû à un problème de personnes ou de ligne politique ?

• C’est tout à la fois. Thomas Sankara était un homme éclairé pour savoir que l’héritage qu’il nous a légué est un héritage lourd qu’une seule personne ne peut porter ou incarner. Toute la difficulté est là. Ce qui unit les uns peut être un idéal. Ce qui unit les autres peut être un jeu d’intérêts. Tout idéal est difficile à définir, à baliser et à défendre. Il y a des gens qui pensent en toute bonne foi qu’ils peuvent incarner un idéal. C’est là tout le problème.

Nous pensons qu’il faut mettre sur pied un projet au sein duquel des jeunes, qui croient à la valeur du travail, à la probité morale et intellectuelle, à la justice sociale, se retrouvent pour travailler. Ce serait ça la victoire de l’unité sankariste. Ce n’est pas simplement un Fidèle Kientéga ou un Ernest Nongma qui peuvent s’asseoir comme des reliques, pensant être les seuls dépositaires de l’idéal sankariste, et amener l’unité.

Vous avez d’abord été au FFS avec Norbert Tiendrébéogo, ensuite vous êtes allé à la CPS. Aujourd’hui, vous cherchez à créer un parti. Pourquoi cette inconstance ?

• Il faut restituer les choses. Lorsque nous partions du FFS pour la CPS, c’était un parti qui devrait regrouper le FFS, le BSB et l’UDPI. D’aucuns ont pensé que nous allions vite en besogne. Nous sommes partis avec une fraction du FFS pour fonder la CPS. Ce n’était pas un parti nouveau que nous avions créé pour ajouter à la kyrielle des partis sankaristes. C’était un creuset unitaire.

Aujourd’hui, l’idéal a été dévoyé. Nous estimons que cela ne peut pas continuer. Nous estimons également que comme c’est le sigle qui intéresse le président, nous le lui laissons. Nous créerons quelque chose d’autre et nous nous verrons sur le terrain, dans le cadre de l’implantation et de la défense de l’idéal, de la défense de l’idéal, de la défense de l’unité. Vous venez de voir Me Bénéwendé Sankara (Nldr : Nous avons trouvé effectivement le leader de l’UNIR/MS chez Fidèle Kientéga à notre arrivée). Nous voulons jeter des bases solides pour une vraie unité.

Vous prévoyez donc une union avec l’UNIR/MS ?

• Pas seulement avec l’UNIR/MS, mais aussi le FFS et bien d’autres partis sankaristes. Des camarades qui sont restés avec Nongma s’apercevront de ce que vaut chacun et ne pourront que nous rejoindre...

Donc une union avec la CPS n’est pas envisageable ?

• Pourquoi pas ! Pourquoi pas. Nous pensons qu’il faut éviter de se focaliser sur des questions de personnes ! Au-delà de la personne de Nongma ou de Fidèle, si nous devions nous écarter pour l’union sankariste nous ne devions pas hésiter ! Je l’ai déjà fait quand j’étais président du FFS. C’était sur ma proposition personnelle à l’époque. J’avais estimé que j’avais un certain nombre de défauts et je n’avais pas été à la hauteur de ma tâche.

Pouvez-vous nous donner des détails sur ces défauts ?

• Avec le recul, nous nous sommes rendu compte que nous n’avons pas été suffisamment présents. Cela était une lacune pour un parti qui voulait s’implanter. C’était suffisant pour que nous laissions la place à quelqu’un d’autre.

Vous allez créer un parti. Avez-vous élaboré des stratégies pour que ce dernier ne soit pas un parti de salon, ou réduit aux seuls membres de la famille ?

• Bien sûr. Surtout que ce sont les mêmes reproches que nous faisons au président Ernest Nongma. Si nous allons rééditer ces défauts ce ne serait pas la peine ! Ce risque est absolument à écarter. Nous avons passé tout le temps à clamer ce qu’il faut éviter : la sclérose, la gestion unilatérale, autocratique. Même dans votre propre entreprise, si vous ne tenez pas compte de certains critères, vous n’irez pas loin. Certes, j’ai des défauts, mais tout le monde reconnaît ma capacité d’écoute et de concession. Nul n’a jamais raison, ou tort à 100%. A la décharge de Nongma, il n’a pas tort à 100%. Nous avons notre part de tort. Son tort c’est d’être président et de refuser de prendre en compte les desiderata d’un certain nombre de camarades.

On imagine que vous serez président du parti qui sera créé ?

• J’aimerais bien donner la primeur à l’Observateur paalga, qui est un journal que je lis régulièrement et que je respecte. Mais comme je l’ai dit tantôt, ce serait devancer l’iguane dans l’eau.

Certainement que vous avez déjà des lieutenants !

• S’il y a des lieutenants, c’est que je suis capitaine ! (rires). Non. Je dirige un comité de préparation, mais il est possible que telle personne ou telle autre réunissent un certain nombre de conditions, de par leur valeur intrinsèque et leur capacité à conduire les gens. Et c’est avec plaisir que j’apprécierais la désignation d’un tel camarade, qui qu’il soit ! Nous sommes une équipe. C’est en désespoir de cause que nous avons décidé que nous ne pouvions plus être dirigés à l’aveuglette et d’une manière qui ne favorisera pas la montée en puissance nationale du parti. On ne conquiert pas le pouvoir de cette façon.

N’empêche que vous avez de très bons souvenirs de la CPS. Puisque c’est sous cette bannière que vous avez été ministre ?

• Bien sûr ! En toute chose, il n’y a pas que de mauvais souvenirs. Un auteur a dit que même les changements les plus souhaités ont leur part de mélancolie. Quelqu’un d’autre a dit que partir, c’est mourir un peu ! C’est avec regret que nous quittons la CPS. Je le répète. Mais c’est convaincus que nous ne pouvons y avoir aucun avenir. C’est effectivement sous la bannière de ce parti que j’ai été ministre de l’Enseignement de base. Mais c’était dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture, d’un protocole, en accord avec d’autres partis politiques.

Pensez-vous qu’il y aura une candidature unique de l’opposition pour la présidentielle ?

• Pour le moment, il y a effectivement des concertations tous azimuts. Avec l’expérience des élections passées, l’opposition doit jouer un rôle plus important, plus déterminant, plus crédible. Le pouvoir n’a pas de crédibilité avec une opposition larvée, faible, laminée, corvéable et taillable à merci. Nous sommes donc partant pour une concertation pour avoir, à défaut d’une candidature unique, un certain nombre de candidatures accepté de tous. La déclaration unilatérale de Nongma faite dans Sidwaya nous a surpris ! Nous sommes membres du bureau du parti. A aucun moment on n’y a eu un débat autour de cette candidature. Il n’a été accompagné par aucun membre du parti. Nous ne voyons pas ce qui motive cette précipitation. Nous sommes partants pour des candidatures concertées.

Quel commentaire faites-vous de la possible candidature de Blaise Compaoré ?

• Ce n’est pas une possible candidature. C’est une candidature certaine ! Sauf si vous, vous avez des informations qui montrent que c’est une candidature...

Mais vous, qu’est-ce qui vous permet de dire qu’elle est certaine ?

Comme on dit en mooré, ce qui vous gratte l’oreille est sûrement en train de venir à l’œil ! Un certain nombre de choses ont été faites par nos honorables députés. Attitudes qui ont été dénoncées, mais maintenues contre vents et marées, avec opiniâtreté. Il n’y avait pas intérêt à le faire si ce n’était pour permettre à l’actuel chef de l’Etat de se présenter. Cela dit, comme ce n’est pas encore officiel, vous avez raison de parler de sa probable candidature.

Récemment, il y a eu une bataille verbale rangée entre Laurent Bado et Me Bénéwendé Sankara sur Canal 3. Avez-vous suivi l’émission ?

• J’en ai entendu des échos. Mais je trouve qu’une fois de plus, ce sont des dérapages très regrettables. Surtout de la part d’un certain nombre de personnes que personnellement, je portais en estime et que je croyais être au-dessus de ce genre de comportements que je qualifierais de puériles. Je trouve que ça ne les grandit pas. Au contraire, cela ne fait que dévoiler la réalité de ce que chacun peut être, même drapé dans tout ce que vous voulez.

Pour terminer, je voudrais adresser mon dernier mot aux sankaristes d’abord. Leur réaffirmer que contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas pour ajouter à la multiplicité des partis sankaristes que nous créons le nôtre. C’est plutôt pour donner un plus à l’unité, qui ne pourra que se faire un jour ou l’autre.

Nous nous battrons de toute notre énergie pour cela. Qui dit unité dit renoncements à un certain nombre de choses à titre personnel. A l’exemple des Etats qui, pour s’unir doivent perdre une partie de leur souveraineté, nous disons que pour qu’il y ait l’unité, il faut une certaine capacité de renoncement, de dépassement de soi pour aller vers quelque chose de plus noble et de plus grand. Cela réhabiliterait définitivement Thomas Sankara. Nous sommes véritablement pour l’unité. Nous avancerons et nous battrons pour cet objectif.

Entretien réalisé par Issa K. Barry
L’Observateur

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