Actualités :: Laurent Bado : un intellectuel égaré en politique

Le plateau était pourtant prometteur - Laurent Bado qu’on ne présente plus ; universitaire au verbe haut et fort qui est entré en politique un peu comme on entre en religion, même si l’espace de quelques années il y a eu le temps de perdre toutes ses illusions ; président du Parti de la renaissance nationale - tout un programme - et vice-président de l’Opposition burkinabè (O.B.U.) qu’il a créée avec Emile Pargui Paré.

Me Bénéwendé Stanislas Sankara, leader de l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), qu’une certaine opinion considère volontiers comme le Vergès burkinabè (le trou dans le CV en moins) pour aimer les grandes affaires politico-médiatico-judiciaires tels les dossiers David Ouédraogo, Thomas Sankara, Norbert Zongo...

Achille Tapsoba, philosophe de son état, qu’on présente comme l’un des idéologues du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui s’est rarement dérobé à un débat, contrairement à nombre de ses camarades du CDP, qui ne sont jamais bons que tant qu’ils se taisent ; et qui a récemment porté, avec trois autres élus du parti majoritaire, la proposition de loi sur la révision du code électoral, décriée par l’opposition, mais finalement votée par le CDP et ses convives.

Enfin Ousséini Tamboura, juriste lui aussi, secrétaire national aux Affaires politiques de l’ADF/RDA, qui était, de tous, le petit poucet du panel. Mais si son nom et son visage ne sont pas encore très bien connus du grand public, il n’en est pas moins l’un des fidèles lieutenants de Me Gilbert Ouédraogo, récemment promu chef de file de l’opposition. Accentuant du même coup la fracture entre lui et le reste des anti-Blaise, qui ne lui avaient déjà pas pardonné le débarquement de Me Hermann Yaméogo avec, croient-ils savoir, la bénédiction voire le soutien actif du pouvoir.

Quatre bonshommes donc qui ne s’en laissent pas compter et qui avaient, à des degrés divers, des raisons d’en découdre. Si fait que les débats, même diffusés pendant le match Etalons # Black Stars du samedi 5 juin 2004 après quelques bandes annonces les jours précédents, ont fait bondir le temps d’une soirée l’Audimat de Canal 3. L’émission promettait d’être houleuse, elle le fut effectivement, cela d’autant plus que les sujets qui fâchent ne manquaient pas : probable candidature de Blaise à la présidentielle de 2005, introuvable candidat unique de l’opposition, etc.

Hélas ! Mille fois hélas ! Si le Show télévisé rediffusé le dimanche 6 à 13 h a connu un succès franc, ce ne fut pas à cause des envolées politico-juridiques auxquelles on était en droit de s’attendre de la part des débatteurs. En lieu et place du débat civilisé, courtois et solidement argumenté, on a en effet assisté à une passe d’armes pitoyable entre le truculent rhéteur de Zoula et le moustachu de Toessin. Quand on pense qu’ils font partie du même groupe parlementaire, "Justice et démocratie", on imagine l’ambiance prédivorce qui doit y régner.

Bado et Sankara avaient des comptes à régler et ils ne s’en sont pas privés. Le premier, on le sait, avait dit, lors d’une conférence de presse, que s’il était le chef du gouvernement, il aurait fait fouetter les leaders de l’opposition qui se sont fait refouler le 26 avril 2004 à la primature où ils étaient allés remettre un mémorandum sur la modification du code électoral. "L’opposition vraie", dont fait partie le second, avait répliqué quelques jours plus tard lors d’un meeting où il était question "d’opposition formelle", "d’opposants gâteaux", etc. : "Quand vous êtes les premiers à attaquer les autres et qu’il y a une réaction, il faudra aussi goûter voir si c’est bien" , estime Me Sankara, qui a parlé de légitime défense. Mais si la querelle fratricide a dégénéré sur Canal 3, on le doit surtout, disons-le comme on le pense, à Laurent Bado, qui a vraiment dérapé.

Morceaux choisis

"Je tiens à dire à Me Sankara : tu n’es pas plus honnête que moi Laurent Bado ; tu ne l’es pas ; tu as bien compris...".
"On a dit que Laurent Bado a dit de frapper les gens. Quand même, avec toutes les études que tu as faites, tu devais comprendre. J’ai été ton professeur et je suis déçu . Une conférence est un art. Il y a des trucs volontaires que tu sors...".
"Mon fils m’a appelé ce matin à 10 heures pour me demander si dans l’opposition il y a des intellectuels ou pas".

"Je ne vais pas laisser ce type-là (Me Sankara NDLR) tripatouiller la vérité. Soit honnête, ne mens pas ici, tu me fais honte ; je comprends pourquoi tu peux cacher 55 millions de pauvres gars que tu as défendus (allusion aux 33 ex-travailleurs de X9) et que tu as bouffés pendant que tu cries que le pouvoir est corrompu. Tu es malhonnête...".

Bien sûr, le parangon de vertu garde pour lui le beau rôle de celui qui construit le pont chaque fois, et que les autres viennent détruire à tous les coups. Et s’autoproclame, en toute modestie, le plus grand conférencier du Burkina "même si ça fait mal aux gens" . Rémy Djandjiunou a des difficultés pour assurer la police des débats, qui volent vraiment aux ras des pâquerettes alors qu’on s’attendait à ce qu’ils effleurent la cime des montagnes. Et la gêne, teintée d’une satisfaction à peine dissimulée, d’Achille Tapsoba devant ce spectacle affligeant des opposants qui se crèpent le chignon. On en connaît un qui doit boire son petit lait. Le samedi 5 juin 2004, le commerce d’idées ne fut pas vraiment fraternel, pour paraphraser Bado.

Il a donc dérapé, une fois de plus. Comme ce fut le cas courant 2003 quand il avait déclaré urbi et orbi haïr les journalistes (comme SARTHE haïssait les critiques) avant, devant l’effet désastreux de son propos et la levée de boucliers de la presse, de demander humblement pardon si ce qu’il avait dit a pu choquer la confrérie des pisse-copies. Une autre fois, à ces militants qui pensent que le député est une vache à lait qu’il faut traire au moindre souci financier, il prévient, fut-ce en plaisantant, qu’un jour il va frapper quelqu’un devant sa femme. Ou alors c’est d’honorables collègues députés qu’il aurait fait cravacher s’il était Paramanga. Une conférence a beau être un art, il ne fait pas beau tenir de tels langages et Bado aurait tort de piquer la mouche parce qu’on le lui dit, car à ce rythme d’une bourde tous les 3 mois, il va finir par devenir le Berlusconi de l’échiquier politique burkinabè.

En fait, le volubile enseignant de droit s’est comme égaré en politique et peut-être aurait-il dû rester cet universitaire dont les avis faisaient autorité parce que, précisément, il était au-dessus de la mêlée. Or voilà, après de longues années d’hésitation, il a fini par faire le grand saut sans avoir vraiment réussi sa mue. Le pauvre, il veut rester un intellectuel honnête qui dit, avec ses mots à lui, ce qu’il pense et veut, même si ça doit déplaire voire choquer comme c’est souvent le cas. Il ne veut pas se sentir obligé être d’accord avec ses camarades même quand ça heurte ses convictions, c’est-à-dire faire de l’opposition systématique même quand l’opposition a tort ou que la majorité a raison. Et là, ça pose problème dans un environnement où la règle n°1 est de ne pas toujours dire ce qu’on pense, mais plutôt professer tout le contraire du moment que ça accable le vis-à-vis. Bado pourra-t-il faire de vieux os dans ce milieu sans se plier à ses exigences de mauvaise foi et de politique politicienne ? Là est maintenant la question.

L’Observateur Paalga

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