Actualités :: "Le pouvoir nous en a trop fait voir, je demande pitié à l’opposition (...)

"Mettre le régime Compaoré hors d’état de continuer à nuire", c’est le but que doit viser, selon Fabrice Baguira, "l’opposition vraie" lors de la présidentielle de 2005. A travers cet écrit, il dénonce les dérives de ce régime et propose à ladite opposition sa stratégie : une unité sans faille. Il estime qu’Hermann Yaméogo et Joseph Ki-Zerbo doivent faire front commun.

Je prends aujourd’hui mon stylo pour écrire au nom de ces millions de Burkinabè qui sont fatigués du pouvoir en place. Comme eux, je subis et le hold-up sur la démocratie et le hold-up sur l’économie, avec en prime le dédain. Mais je commence à reprendre un peu d’espoir en voyant que l’opposition vraie, comme on l’appelle (l’opposition « à » Blaise Compaoré), semble décidée à lutter.

Alors, je voudrais demander pitié, pitié à l’opposition pour qu’elle s’accroche, pitié pour qu’elle oublie ses différences, pitié pour qu’elle mène le combat unitaire. Elle aura alors au moins 90 % du peuple derrière elle. Les campagnes médiatiques peuvent beaucoup, c’est vrai, mais elles ne peuvent effacer d’un trait tout le mal que ce régime a fait et continue de faire.

Le pouvoir a beau payer de grosses « pointures » pour embellir son image à la télé, à la radio, à Sidwaya..., le « petit Burkinabè » ne se laisse pas prendre aux vantardises, il voit tout, comprend tout, il sait qu’il n’a pas de destin avec le régime Compaoré. Il est informé des crimes économiques, des sociétés mises à genou (et que des prête-noms ont rachetées pour une bouchée de pain), laissant des familles dans le dénuement. Familles dont les membres sont réduits à la délinquance, livrés à la drogue, à la prostitution. Comment pourrait-il continuer, ce petit Burkinabè, à accepter de se faire gouverner par ces gens, laisser dire que personne à part Blaise Compaoré ne peut gouverner le pays, qu’on n’a pas de "pétrole, mais Dieu merci, on a Blaise Compaoré" ? Non, mais ça ne va pas ? Que fait-on des centaines de victimes dont le pays réel tenait jusqu’à ces temps-ci un compte d’apothicaire ? A-t-on le droit de laisser notre mémoire foutre le camp, d’oublier comme cela Norbert Zongo et ses compagnons, canardés et brûlés à l’essence, les Sankara, les Lingani et Zongo, les Oumarou Clément Ouédraogo, les Guillaume Sessouma et Dabo Boukary, pour ne citer que ceux-là ? Quand un pouvoir est comptable de tant de crimes, il se discrédite à tout jamais et celui qui est amené à voter pour lui, par peur, pour l’argent, n’est pas quelqu’un qui s’honore. On ne peut accepter que des gouvernants aient à ce point fauté ; les Burkinabè méritent mieux que cela. Je pense que Dieu, Allah, ne peut pardonner ces fautes, ces crimes. Monseigneur Compaoré, qui s’est lancé dans une telle campagne en faveur de Blaise Compaoré répondra certainement au jugement dernier de ses propos choquants pour un homme de Dieu.

Y en a marre

Si au moins ce pouvoir gouvernait correctement le pays ! Qui des partenaires se lèvera pour, à défaut de dire non, dire attention ? Malgré tout l’argent reçu des bailleurs, on se fait zigouiller comme jamais, au Pays des hommes intègres, on ne l’a été. Pas étonnant finalement avec tous ces rebelles qu’on a laissés s’installer petit à petit dans le pays et qui ont ramené argent et armes, sans compter ceux qu’on a envoyés au casse-pipe et qui sont revenus sans un radis, mais avec le cœur aigre ! La santé ? C’est un domaine dans lequel un audit ferait ressortir les détournements les plus importants commis au détriment du peuple par ce régime. Et le Sida, s’il n’existait pas, le pouvoir aurait voulu l’inventer tant c’est un moyen de plus pour avoir de l’argent, le détourner et n’aider que les petits amis contaminés par le VIH. La ministre de l’Action sociale, dont l’Indépendant relatait les frasques, sera-t-elle inquiétée ? Vous n’y pensez pas ! L’école ? On veut coûte que coûte gonfler, même artificiellement, le taux d’alphabétisation pour avoir les félicitations des partenaires (et pour qu’ils casquent encore !), mais ces enfants scolarisés ne pourront, dans leur immense majorité, accéder au secondaire et leurs connaissances vont s’étioler en moins de temps qu’il ne leur aura fallu pour les acquérir. Sur les 18 000 étudiants, combien entreront dans la vie active avec ce pouvoir incapable de prévoir leur avenir ? Les commerçants de Rood Woko ? Après avoir permis tous les passe-droits pour ses petits amis jusqu’à ce que le marché explose littéralement, après avoir refusé l’enquête parlementaire pour situer les responsabilités, après avoir gazé les commerçants, le pouvoir n’entend pas les faire revenir à Rood Woko, sinon comment comprendre que les seules études de réhabilitation prennent tant de temps ? A ce rythme, il faudra 20 ans pour reconstruire Rood Woko. Quant au CSI, qui s’ingénie à dire qu’il y a la liberté de presse au Burkina, il ne peut en convaincre personne. On voit chaque jour comment le pouvoir monopolise la presse, surtout au niveau des médias d’Etat ; on nous a supprimé notre émission fétiche, « Presse Dimanche », parce que le CDP avait peur de la vérité. On nous refile à longueur de journée des Mme Compaoré, des Salif Diallo... dodus, scintillants et heureux de dispenser des miettes au peuple. On veut nous prendre pour des imbéciles, mais y en a marre ! Il y a tant à dire sur les méfaits de ce pouvoir : cette opposition qu’il a fabriquée sur mesure, après des putschs dans des partis, au mépris flagrant du droit comme le dernier putsch à l’ADF-RDA, qui a choqué tout le monde (seul le président de l’époque, Hermann Yaméogo, pouvait convoquer le congrès en vertu des statuts ; ce qu’il ne refusa pas de faire ; et pourtant, on remit le récépissé aux autres en deux ou trois jours !), cette tentative de putsch préparée sur 4 ans qui n’a pas convaincu hier, qui ne convainc pas aujourd’hui, et qui ne convaincra pas demain. Voilà en gros le type de gouvernement de la cité qu’on nous impose et qu’on voudrait toujours nous imposer en rabâchant à longueur de journée que la loi sur le mandat présidentiel n’est pas rétroactive, que le code électoral avait besoin d’un toilettage, que l’opposition n’a pas d’alternative, comme si la seule cessation de cette situation d’exploitation intolérable n’était pas déjà en soi une délivrance, une alternative.

Qui a bu boira

Mais le plus grave de tout, c’est que le pouvoir de Blaise Compaoré a sali l’image de notre pays en s’impliquant d’une façon horrible dans des conflits qui ont fait tant de morts. Et c’est vrai : qu’est-ce qu’on est allé foutre au Libéria ? en Sierra Leone ? Il y a eu plus de 50 000 victimes par la faute de Taylor et aussi par celle du régime Compaoré qui l’a aidé de plusieurs façons. Le peuple n’a pas dit à nos gouvernants, tous coresponsables, d’aller aider les Taylor et autres à tuer, violer, couper les bras, les mains de personnes innocentes. Pourquoi toutes ces ingérences dans les conflits ? Pour amasser de l’argent, encore et toujours. Qui a bu boira. Tout cet argent, volé à d’autres peuples, c’est pour être d’abord bien dans le « féfé », ouvrir des comptes douillets dans des paradis fiscaux et acheter des hommes politiques, des religieux (qu’on a détournés du service de Dieu et initiés aux joies et délices de la vie sur terre), des chefs coutumiers, des leaders syndicaux, des mouvements de droits de l’homme, comme du monde médiatique... pour pouvoir rester "ad vitam aeternam" au pouvoir. Le président avait juré, quand c’était chaud, qu’il ne se mêlerait plus d’autres guerres. Mais c’est une seconde nature chez lui, regardez la Côte d’Ivoire. Non, Blaise Compaoré répond au tableau désormais historique que Marie-Roger Biloa, dans un éditorial d’Africa international, « Blaise comme le sang », a brossé de lui. Son souci, ce n’est pas le sort de nos compatriotes, c’est le coton, le cacao... La preuve, le pouvoir a commencé à s’indigner des exactions là-bas quand on a touché au portefeuille de Madame, entendez la présidente, qui avait entre autres une maison à Abidjan, pleine de climatiseurs, qui ont été volés. Le peuple sait que le régime de Blaise Compaoré a non seulement sa main mais tout son bras immergé dans la guerre qui fait tant de mal à la Côte d’Ivoire, mais aussi à nous-mêmes puisque nous sommes liés économiquement parlant. Le régime, on le voit bien, est totalement et plus que jamais disqualifié pour continuer à gérer le pays. Il se fout de nous. Pendant que les ministres, les présidents d’institution, le Premier ministre, le président du Faso, leurs familles, leurs amis, leurs prête-noms se développent au détriment du peuple qui croupit dans la misère, nous, on va dire à Blaise Compaoré : vous êtes gentil, vous n’avez pas votre « Deux », on va voter pour vous jusqu’à notre mort ! Sommes-nous à ce point masochistes pour en redemander, encore et toujours, malgré ce qu’on subit ? Alors vous de l’opposition vraie, vous devez savoir que le peuple, qui souffre, veut le changement et ne demande qu’à être derrière vous. C’est pour cela que je vous supplie d’aller vite en besogne. Les choses ne sont pas compliquées. Pour moi, il suffit d’avoir le courage de se défaire des espions qui restent encore dans vos rangs. Il vous faut aussi rapidement situer l’opinion sur vos trois candidats, en tenant compte des potentialités de chacun, et proposer au peuple un gouvernement commun de l’opposition. Et qu’on n’aille pas encore faire le jeu du pouvoir en remettant sur le tapis les histoires du type « Maurice et Ki-Zerbo se détestaient ». Aujourd’hui, l’heure est grave : si Ki-Zerbo veut le changement pour le peuple, il doit s’entendre avec tout le monde, même avec Hermann ; si de son côté Hermann veut le changement, il doit s’entendre avec tout le monde, même avec le professeur, qui pourrait être son père. Le programme de gouvernement commun va rapprocher tous les partis d’opposition puisqu’il déterminera ce que chaque parti aura et fera. Le but est avant tout de mettre le régime Compaoré hors d’état de continuer à nuire. Et les Sankaristes, eux, ont encore plus de raisons de se joindre au mouvement pour la renaissance du pays, car ils connaissent mieux que personne Blaise Compaoré.

Fabrice Baguira
Ouagadougou, le 2 juin 2004

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