Actualités :: Norbert Zongo et le mouvement "Trop, c’est trop"

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C’est un peu l’illustration de la situation que vit le Collectif des organisations de masse et de partis politiques, ce regroupement populaire qui trouve sa source dans la boucherie de Sapouy mais aussi dans les idées que Norbert Zongo a défendues de son vivant. Il faut le dire et le redire, pour combattre l’application avec laquelle, après s’être efforcé d’éliminer de la conscience populaire le rôle primordial de Norbert Zongo dans la naissance du Collectif, on laisse le mouvement dans la confusion totale ou pour ainsi dire, mourir de sa belle mort.

Norbert Zongo, parrain du G 14

C’est Norbert Zongo qui, après les élections extravagantes et insultantes de 1997, a appelé à la constitution d’un front démocratique et républicain pour soulager le peuple du régime Compaoré. C’est lui qui a encouragé les politiques, Me Yaméogo, Issa Tiendrbébéogo, Norbert Tiendrébéogo, Me Sankara…. à entrer en contact avec Halidou Ouédraogo du MBDHP, Tolé Sagnon de la CGTB, Kam Eric de la Ligue pour la Défense de la Liberté de la Presse, bref avec la société civile dans le sens le plus large, pour constituer le vaste front qui se donnerait pour objectif de restituer au peuple sa souveraineté afin de reprendre le travail de construction démocratique et d’éradication de l’impunité. La source première de la mobilisation contre l’impunité, les violations des libertés publiques et démocratiques, les ingérences à l’extérieur, la corruption, les violations de la Constitution et particulièrement de la pérennisation de Blaise Compaoré au pouvoir par la manipulation de l’article 37 en 1997, c’est, il ne faut jamais l’oublier, Norbert Zongo.

Il encouragea donc Me Yaméogo et Issa Tiendrébéogo à prendre attache avec Halidou Ouédraogo et Tolé Sagnon dans la perspective de lancer ce front, ce qu’ils firent. Cela aboutit à la tenue d’une journée de réflexion dans la salle du Liptako Gourma en janvier 1998, organisée par Kam Eric et qui visait la constitution d’un Front républicain et démocratique. C’était la première fois que tous ensemble, des membres de la société politique et de la société civile se retrouvaient pour parler de l’impossibilité de fonder la démocratie avec B. Compaoré, de l’urgence de lutter collectivement pour éradiquer l’impunité, et qu’il fut reconnu par tous la nécessité du sursaut unitaire trans-idéologique, trans-sectoriel. Ainsi donc, avant l’heure, était conçu le Collectif.

Mais la joie sera de courte durée car la société civile ne donna pas suite aux conclusions de la conférence ; l’union des structures sociales avec les structures politiques fut considérée comme un acte visant à faire la courte échelle à Me Yaméogo pour la conquête du pouvoir. La première tentative de Norbert fut ainsi contrecarrée. Il eut alors cette recommandation d’une prophétie dramatique à l’endroit des responsables politiques qui partageaient depuis quelque temps de façon régulière, le petit déjeuner avec lui : " Retrouvez-vous entre politiques, faites la paix, constituez un front. Tôt ou tard, la société civile, qui fait de la résistance, vous rejoindra ". Il prit l’engagement d’encourager pour sa part par la plume et la parole la constitution de ce front politique. Ainsi fut créé nuitamment, après de nombreuses rencontres préparatoires au domicile d’Issa Tiendrébéogo, entre l’ADF, le MTP, le PAI, le GDP, le regroupement souhaité de l’opposition auquel le professeur Ki Zerbo proposera ultérieurement comme nom le G 14 en référence non pas au nombre des partis mais à la date de naissance : le 14 Février 1998. Le combat commença alors petit à petit.

L’électrochoc de Sapouy

Et c’est là que, de la façon la plus ignominieuse, la plus bestiale, on procèdera à l’ " autodafé " de l’homme de bien et de ses compagnons un certain 13 Décembre sur une morne voie à Sapouy. Il faut le dire et le redire car il y a eu trop d’impasses volontaires, de plagiats, d’escroqueries intellectuelles, de trahisons sur le rôle clé de Norbert Zongo dans l’éveil de la conscience populaire.

Norbert Zongo et ses compagnons, lâchement massacrés et soumis après leur mort à des actes de barbarie, réduits en tas de cendres, ont créé les condition du sursaut. Mais nous n’en sommes pas encore là. Halidou Ouédraogo était absent du territoire national le 13 Décembre, ignorant de ce qui se jouait ce jour-là à Sapouy. C’est tout naturellement (ceux avec lesquels l’illustre disparu travaillait) Issa Tiendrébéogo, Hermann Yaméogo, Ernest Nongma Ouédraogo, Me Benewende Sankara, Eric Kam… qui courront à son domicile et qui se rendront à Sapouy pour constater et prendre les dispositions utiles. Après eux, la presse arrivera, Nama Germain puis les officiels, le Procureur du Faso, Yaméogo Dramane, la foule des parents et des amis. La colère allait crescendo. L’heure du ralliement avait sonné et sur les lieux, le serment de créer ce vaste front unitaire fut scellé.

Mais il fallait d’abord faire connaître l’infamie au monde et par conséquent, éviter qu’on ne les inhume sur le bas côté de la voie de Sapouy, sous prétexte de satisfaire à une coutume qui veut que, pour de telles morts violentes, on ne déplace jamais les corps.

Norbert Zongo et ses compagnons devaient être ramenés à Ouagadougou, ce qu’obtinrent ses compagnons de lutte qui veillaient sur leurs restes. Ramenés en pleine nuit à la morgue, il fallait éviter un enterrement à la sauvette, sans autopsie, sans que l’opinion internationale ait pu être saisie, comme le voulait le pouvoir qui tenait à ce que tout fut " emballé " le 14 Décembre. Ceux qui s’y opposèrent farouchement, ce sont encore ses compagnons de lutte, Me Yaméogo, Norbert Tiendrébéogo, Me Sankara.. Une délégation de vieux, rameutée, viendra de Koudougou pour exiger qu’on reporte l’enterrement afin que soient effectués certains rites ; après une menace de boycott des obsèques par les vieux, l’enterrement fut finalement reporté au 16 Décembre.

Ce jour, ce sont les mêmes compagnons de route qui ont préparé l’hommage aux martyrs par une intense agitation : confection en catastrophe de tee-shirts à l’effigie de grand disparu, rédaction de convocations pour la procession funéraire par le FFS, appels à dénoncer les crimes politiques en série rédigés par l’ADF-RDA qui a lancé à l’occasion le slogan " Trop c’est trop ". Tous prirent la tête d’une procession inégalée à ce jour de la morgue jusqu’au cimetière. C’est chemin faisant, bien après le pont de Baskuy, que les pourparlers s’engagent. Une mission du G 14 avait été envoyée auprès de la société civile toujours au sujet de la création du front. Qu’en est-il ? Tolé Sagnon convient de sa nécessité et on arrête de se retrouver le soir même, au domicile de la veuve, pour en parler. A la nuit tombante, c’est une cérémonie semblable au fameux Serment du Jeu de Paume qui se tient à la maison mortuaire et on prend rendez-vous pour demain à la Bourse du travail

Le pouvoir n’était pas ignorant de ce qui allait se produire, lui qui fit arrêter le soir même le président de l’ADF-RDA au motif qu’il aurait tenté pendant la marche, de provoquer une insurrection. Mais le mouvement Trop c’est Trop, cette fois-ci, était résolument né sur les restes ardents de Norbert Zongo et de ses compagnons.

Le mauvais départ du Collectif

Personne en ce moment ne doutait des raisons de la mort de Norbert Zongo et de ses compagnons ; personne ne se posait des questions pour identifier ceux qui avaient lutté pour empêcher qu’on les enterre comme des chiens ; personne ne pouvait douter que la lutte qui s’engageait serait d’envergure nationale et internationale et qu’elle porterait sur la satisfaction des deux préoccupations chères à Norbert Zongo, la démocratie et l’éradication de l’impunité.

Pour donner le maximum de réussite à la lutte, et pour ne pas courir le risque de s’écarter des objectifs stratégiques, au sein du G14, s’engagea un débat : quelle direction faut-il donner à ce mouvement ? Il fut proposé une direction bicéphale, une co-présidence tournante confiée à la partie politique (le G 14) et une co-présidence également tournante confiée à la société civile venue sur le tard à ce front voulu par Norbert Zongo. Mais voilà, il y a effectivement, comme l’a dit l’autre, ceux qui font les révolutions et ceux qui en profitent. Au moment de l’appareillage, Halidou Ouédraogo se proposa pour en être le président. Personne n’eut l’intuition ni le courage de trouver à redire et c’est ainsi que le sort de la direction et du Collectif fut scellé. On continua certes à bougonner au G 14 mais certains recommandèrent de ne pas trop tirer sur la corde promettant qu’il n’y aurait pas de débordements et que le rôle du G 14 ne serait pas minimisé. Ce n’était pas le point de vue de Me Yaméogo, de Somé Valère, de Dongo Longo, de Ernest Nongma Ouédraogo.. qui continuaient à demander la restructuration du Collectif et le recentrage de ses actions autour de deux axes : la démocratie, l’impunité. Mais malheureusement, le combat de positionnement et de leadership avait déjà pris ses marques, et avec lui, la puérile querelle sémantique : fallait-il prioritairement atteindre la démocratie pour éradiquer l’impunité ou inversement ?

De grands hommes politiques, de grands intellectuels malmenés par l’histoire politique s’empoignèrent pour trouver réponse à cette question sans se dire qu’on pouvait avoir deux fers au feu. Ce qui devait arriver, arriva. Ceux qui craignaient que leurs ambitions politiques se dissolvent dans le magma d’une lutte contre l’impunité qui risquait de se muer en un combat de Sisyphe avec un président du pays réel envahissant, se donnèrent les moyens de prendre leurs responsabilités. A défaut de n’avoir pu obtenir, comme le demandaient l’ADF et le FFS, au plus fort de la crise, que la rue impose le départ du régime Compaoré, il fallait travailler pour obtenir par les réformes politiques et institutionnelles, les conditions de la restauration de la démocratie et de l’alternance par la voie démocratique.

L’ADF-RDA, la CPS, l’UDPI.. . empruntèrent une autre voie. Le temps ne leur donnera pas tort car, même si ceux qui sont restés au Collectif n’ont jamais voulu le reconnaître, la mobilisation s’était amenuisée comme une peau de chagrin au fil du temps. La lutte contre l’impunité montrait ses limites en même temps qu’elle tournait vers un " one man show " du président du Collectif sans contrepartie. On sentait déjà que le sacrifice de Norbert Zongo, parce que le combat était parti du mauvais pied, était condamné à terme. La preuve que les compagnons de lutte de Norbert Zongo n’ont pas eu les bonnes perceptions ni les bonnes stratégies : c’est que ceux qui, entre les politiques avaient attelé les revendications politiques à la lutte pour l’éradication de l’impunité, avaient fini par rejoindre, même par le chemin des écoliers, les négociations engagées pour les réformes politiques et institutionnelles. La bonne preuve que la lutte pour la défense de la mémoire et des idéaux de Norbert s’est dévoyée, et qu’on a fait un " mauvais usage " de son sacrifice, c’est que des clivages sont apparus et se sont renforcés au sein du Collectif entre les branches politiques et de la société civile, le tout en arrivant au stade où le président du pays réel s’est refusé à donner un mot d’ordre de vote du Collectif en faveur du G 14 aux dernières législatives.

Il est cependant à relever que, malgré ce refus, il y a eu (grâce aux réformes politiques et institutionnelles) une recomposition historique du jeu politique avec une entrée en force de l’opposition au parlement. C’est, il faut le dire, bien que le président du pays réel s’en attribue régulièrement le mérite exclusif, essentiellement le fruit de ceux qui ont toujours demandé de mener de front le combat pour la démocratie et l’impunité et qui ont toujours été taxés de traîtres.
Il aurait vraiment fallu, après les élections, un nouvel accord, un " aggiornamento " de la classe politique, du Collectif mais au Burkina Faso, on peut toujours courir pour de telles décisions. Chez nous, on ne se défie de rien autant que de ces thérapies collectives, on préfère toujours faire comme si… On succombe toujours à la septicémie parce qu’on ne veut pas couper les bras gangrenés.

Bien que des voix de plus en plus pesantes se font entendre autour de l’existence ou non du Collectif à ce jour, que le doute se fait persistant au fur et à mesure que de nouveaux cadres de lutte politique se mettent en place en parallèle au Collectif (COB, partis d’opposition signataires du Mémorandum sur les élections) et que le combat semble se mener exclusivement à ce niveau, on ne se résout toujours pas à faire la pause-bilan ou la pause-enterrement. Oui, on continue à faire comme si, et ce malgré les dernières sorties du président du pays réel dont l’effroi causé au sein des militants du changement est inversement proportionnel à la joie ressentie par les tenants du pouvoir. Des sorties donnant quitus à Blaise Compaoré pour sa candidature en 2005, lui dont hier le Collectif dénonçait la tentative de pérennisation au pouvoir.

La descente aux enfers

En effet, alors que depuis le déclenchement du mouvement, et à travers moult déclarations, les responsables du Collectif n’ont eu de cesse de s’en prendre au régime, dénonçant la corruption, l’impunité, la violation des libertés publiques et démocratiques, demandant au vu de toutes ces dérives, notamment des ingérences dans les conflits extérieurs, une commission d’enquête internationale et la démission de Blaise Compaoré, le président du Collectif, président du MBDHP, de l’IUDH, Halidou Ouédraogo, cueille à froid ses partenaires du Collectif, et l’opposition d’une manière générale, en déclarant que Blaise Compaoré peut se présenter parce que la loi n’est pas rétroactive.

Car tout le monde comprend que si Halidou dit que Blaise peut se représenter en 2005, c’est qu’il cautionne sa présidence à vie, la preuve ayant été apportée que s’il peut se présenter en 2005, ça signifie que lui-même ou tout autre président élu, après un premier mandat, peut au cours du deuxième mandat en 2010, réviser encore une fois la Constitution pour instaurer un mandat de 4 ou de 6 ans par exemple, au motif que la loi n’est pas rétroactive et donc se présenter éternellement.

Il résulte de tout cela que beaucoup reprennent à leur compte le fond de l’éditorial de l’Evénement du 25 Mai 2004, n° 44 qui soulignait "En déclarant que Blaise Compaoré peut se représenter s’il le veut à la magistrature suprême et que la Constitution ne le lui interdit pas, Halidou Ouédraogo, président du Collectif sait qu’il tend une perche à Blaise qui n’en espérait pas tant. Ce qui est navrant dans cette position, c’est cette invocation de la Constitution que Blaise avait justement fait modifier afin de pouvoir briguer plus de deux mandats… Halidou doit savoir que ses propos jettent la confusion, pour ne pas dire le désarroi au sein d’une opinion publique démocratique qui attendait à tout le moins du président du Mouvement ’Trop c’est trop’, le silence … ".

C’est vrai, même si le président du mouvement Trop c’est Trop a le droit d’avoir des opinions personnelles, il n’en demeure pas moins tenu, sinon à une obligation de solidarité, à une obligation de réserve. Il est président du Collectif qui a fait siennes les demandes politiques et sociales des Burkinabé, et dont tout le combat s’est identifié à un changement structurel dans le pays. Il est président du mouvement de défense des droits humains qui a toujours montré sa défiance vis-à-vis de la politique du régime Compaoré comme des tendances de l’homme lui-même à se pérenniser au pouvoir. En raison de tout cela, il devait savoir tout au moins, neutralité garder. S’il ne l’a pas su, c’est qu’il y a peut-être eu contrainte ou alors volonté de nuire.

Les perspectives

Pendant qu’encore une fois, ceux d’en face se réjouissent de ce coup de main inespéré, de cet hommage de la vertu au vice, on peut se demander cette fois-ci, avec plus d’insistance, s’il ne faut pas réellement faire la pause pour chercher à comprendre, pour voir si l’aventure vaut la peine oui ou non de se poursuivre, s’il n’est pas temps à défaut de redimensionner le Collectif (de le mettre sur les rails en apportant les corrections qu’on n’a jamais pu ou voulu apporter dès le départ) de procéder à son enterrement pour permettre aux uns, de se conformer à leurs nouvelles positions, et aux autres, de continuer la lutte sous d’autres bannières.

Il faudra quand même un jour, pour nous-mêmes, pour l’Histoire mais surtout pour Norbert ZONGO, qui doit se retourner dans sa tombe, situer les vrais responsabilités. Comment a-t-on pu faire une telle utilisation du sacrifice le plus grand, le plus total qu’un homme ait pu faire pour servir ses semblables ? Comment a-t-on pu en arriver à une telle trahison et continuer pourtant de se regarder dans le miroir, continuer à faire comme si, comme si ?

V.T
San Finna

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