Actualités :: Candidature unique de l"opposition : Hermann ? Oui, mais...
Hermann Yaméogo

"Supposons que l’opposition se mette autour de la candidature de Joseph Ki-Zerbo ; il y a de fortes chances qu’elle aille en avant. Mais une telle proposition va être querellée. On va me dire de quoi je me mêle".

Ainsi parlait Halidou Ouédraogo, président du MDBHP, de l’UIDH et du Collectif dans un entretien qu’il a récemment accordé à la publication en ligne lefaso.net et repris par "L’Observateur paalga" dans son édition n°6145 du 19 mai 2004.

Mais pourquoi ne se mêlerait-il pas de ce débat qui agite le vivier politique burkinabè à un peu plus d’un an de la présidentielle et dans lequel chacun a son mot à dire ? Qui plus est quand on est le président du "pays réel", et donc de l’opposition, qu’elle soit "vraie" ou simplement "formelle", selon la perception du citoyen lambda.

Les opposants au "pouvoir de la IVe République" sont, on le sait, confrontés à deux défis majeurs. D’une part "empêcher absolument" Blaise Compaoré de se présenter après les multiples tripatouillages de l’article 37 de la Constitution, qui lui interdiraient toute postulation à la magistrature suprême ; d’autre part se fédérer autour d’une candidature unique pour contrer celui, Blaise ou un autre, que le CDP et ses partis convives au repas du seigneur auront investi.

Il faut reconnaître avec notre ami Halidou qu’au lieu de s’époumoner sur une question dont le dernier mot revient, en définitive, au Conseil constitutionnel - et en l’état actuel de notre processus démocratique on ne voit pas trop comment il invaliderait la candidature du président sortant-, plutôt donc que de se fatiguer sur un sujet au sujet duquel tous les juristes ne sont pas d’accord, l’opposition gagnerait d’ores et déjà à se mettre en ordre de bataille pour trouver les voies et moyens de battre l’enfant terrible de Ziniaré, qui, à l’évidence, n’aura pas l’élégance de se retirer.

Se pose alors le problème, récurrent s’il en est, de l’éparpillement des forces, et donc des voix de l’opposition, ce qui équivaudrait à offrir sur un plateau d’argent la présidence au candidat de la majorité. Mais où trouver cet oiseau rare qui puisse rassembler l’opposition dans un milieu où chacun voit midi à sa porte, les uns et les autres préférant être la tête d’un rat plutôt que la queue d’un lion ?

Au fur et à mesure que l’échéance approche, les ambitions se dévoilent en effet au point qu’on se demande si, pour une fois, l’opposition pourra vaincre son signe indien de la désunion pour aller en rangs serrés à l’élection. Il est vrai que la Constitution reconnait à tout Burkinabè remplissant les conditions prévues par la loi le droit de solliciter les suffrages de ses compatriotes, mais de là à ce que le premier politicard venu fasse œuvre de candidature, il faut veiller à ne pas encourager les candidats fantaisistes, dont le seul but serait d’avoir sa part de subvention pour monter son mur ou s’enliser dans le lucre.

Parmi les prétendants au trône, il y a en fait ceux qui s’agitent beaucoup, mais qui ne représentent rien sur le terrain, autrement dit dans les urnes, même si la presse leur donne souvent l’illusion d’exister politiquement. Le scrutin aurait seulement lieu dans leur propre famille qu’ils seraient battus.

Ernest Nongma Ouédraogo, on le sait, a été le premier à se jeter à l’eau quand il fut l’invité de la rédaction de Sidwaya, mais c’est à se demander si ce n’était pas le canular de la canicule. Pour ses adversaires, il ne doit d’ailleurs sa présence à l’Assemblée nationale (A.N.) qu’à son refus de se battre dans sa région, où il aurait dû mettre sa popularité à l’épreuve, pour se réfugier à la tête de la liste nationale de la Convention panafricaine sankariste (CPS).

Certes, le commissaire de police à la retraite, écrivain talentueux à ses heures, sait avoir la dent dure et le verbe acéré, mais c’est un peu court comme programme politique. Sans oublier que l’enfant de Téma, déjà contesté par une partie du Secrétariat exécutif permanent (S.E.P.) de la CPS, doit d’abord lutter pour conserver la tête de son parti avant de lorgner le fauteuil de Blaise.

Quant à Me Gilbert Ouédraogo, qui a débarqué son confrère Hermann Yaméogo de la présidence de l’ADF-RDA, il a beau se prévaloir du titre de chef de file de l’opposition, il doit sans doute poursuivre son apprentissage surtout qu’il a une marge de progression encore considérable. A 36 ans, 37 l’année prochaine, il a le temps de voir venir ; il a tout son avenir devant lui ; au contraire de ceux qui l’ont derrière eux. A tort ou à raison, ceux qui ont toujours vu la main du pouvoir derrière la crise qui a emporté Hermann dénient du reste au fils de Gérard son statut d’opposant comme s’il fallait nécessairement hurler avec les loups pour s’en prévaloir.

En parcourant notre répertoire des candidats probables de l’opposition, on tombe sur Ram Ouédraogo, qui a donné ses lettres de noblesse à l’écologie politique dans notre pays. Mais il a beau se sentir un destin national, il ne peut objectivement pas prétendre rallier autour de son nom les suffrages de l’opposition pour espérer en être le candidat unique. Emile Paré de l’Opposition burkinabè unie (O.B.U.) s’est certes révélé au grand public lors de son passage à l’A.N. la législature passée, au cours de laquelle il a tenu la dragée haute à la centaine de députés du mégaparti, mais son absence aujourd’hui de l’hémicycle a quelque peu coupé son élan.

A l’évidence le "chat noir du Nayala" doit encore faire ses preuves pour que l’OBU ne soit pas un pétard mouillé s’il s’avisait de prendre le départ de la course. La forte et truculente personnalité de Laurent Bado ne suffira pas non plus, surtout que "l’opposition vraie" lui fait grief des propos durs qu’il a tenus lors de sa dernière conférence de presse. Après seulement moins de deux années d’existence, l’Union pour le renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS) avait, on se rappelle, réussi l’exploit de placer 3 députés au Parlement à l’issue des législatives de mai 2002.

Mais le parti doit poursuivre son implantation nationale avant de prétendre être le porte-étendard de l’opposition. Et si d’avoir souvent traité de dossiers politico-judiciaires comme les affaires David Ouédraogo et Norbert Zongo vaut à son président, Me Bénéwendé Sankara, d’avoir une côte certaine dans le pays réel, l’homme à la moustache légendaire doit, à l’image de son confrère Gilbert, poursuivre son apprentissage.

Disons les choses comme elles sont, la plupart des opposants sont des leaders régionaux, voire provinciaux pour ne pas dire de quartiers, or il faut bien plus que cela pour être le candidat de l’opposition quand bien même la somme de tous les suffrages régionaux peut faire la différence dans une présidentielle. A dire vrai, de toutes les têtes d’affiche de l’opposition, seulement deux à notre sens ont une envergure nationale susceptible d’en faire de bons candidats à la candidature unique si, par extraordinaire, elle devait se réaliser : il s’agit de Joseph Ki-Zerbo et de Me Hermann Yaméogo.

Historien de renom, intellectuel de haut vol, récent lauréat du prix littéraire RFI - Découvertes du monde et figure emblématique de la politique burkinabè servie par une aura internationale, "el professor", du MLN au PDP/PS en passant par la CNPP/PSD a été constant dans son opposition. Même si, paradoxalement, cela constitue en même temps, aux yeux de ses contempteurs, une de ses faiblesses : "l’ignorance" de la gestion des affaires de l’Etat, qui est bien plus autre chose qu’un discours théorique, certes cohérent et séduisant, mais qui ne repose pas sur une certaine expérience.

Mais le plus gros handicap pour le doyen des politiciens toujours en activité, c’est, à n’en pas douter, son âge. A 80 ans c’est plutôt légitime de faire valoir ses droits à la retraite, même en politique. Il ne reste guère plus que Me Hermann Yaméogo, qui a l’avantage de la "jeunesse" (il aura 56 ans le 27 août 2004) et qui n’est pas le dernier venu sur la scène politique national, où il a accumulé une certaine expérience dans la conduite des afffaires de l’Etat.

Incontestablement, ce monsieur-là a la carrure et l’étoffe, pour ne pas dire la tronche d’un présidentiable qui sait arrondir les angles quand c’est nécessaire, ou ruer dans les brancards en cas de besoin, même si ce n’est pas toujours politiquement opportun. Et si la présidentielle devait avoir lieu dans un mois, il serait, de notre point de vue, le meilleur cheval de l’opposition.

On entend déjà la clameur de désapprobation qui monte, et les gens qui crient haro sur le baudet, ou plutôt sur le canard : "Celui-là ? Autant laisser Blaise rempiler tranquillement", entend-on souvent dire, même et surtout dans les cercles de l’opposition, où les retrouvailles circonstantielles avec le fils de monsieur Maurice sont toujours empreintes de méfiance et de suspicions.

On reproche à l’homme du tékré (changement en mooré) son inconstance et ce n’est pas parce qu’il a radicalisé son discours après la vacherie qu’on lui a faite que ça changera quelque chose dans la perception que l’opinion et ses camarades de l’opposition ont de lui.

Pour beaucoup, entre désamour, répudiation et réconciliation avec le régime, celui qui était jadis la deuxième épouse du chef de l’Etat, à qui il avait promis fidélité urbi et orbi sur les conseils de feu son père est tout sauf fiable. Il a beau promettre que plus rien ne sera comme avant, le fil de la confiance semble irrémédiablement rompu. Mais le natif de Koudougou pourra toujours dire : si on excepte Ki-Zerbo et deux ou trois autres personnes tel le Boussouma, qui a jamais été constant dans son opposition à Blaise Compaoré ?

A une de ses amantes qui lui reprochait d’avoir un cœur d’artichaut, un célèbre écrivain français répondit un jour : "Je t’aimais inconstant ; qu’aurais-je fait fidèle ?" Il en va autant en politique et ce ne sont pas ceux qui sont aujourd’hui les adversaires irréductibles de Blaise après avoir été ses affidiés qui peuvent soutenir qu’en politique le péché de l’inconstance est irrémissible. Cela dit, si la candidature unique s’avérait impossible et que l’opposition devait présenter un deuxième candidat, celui qu’il faudrait encourager devrait être sankariste dans la mesure où le nom de Sankara se vend toujours bien.

Tenez, pourquoi pas Norbert Tiendrébéogo, auréolé de son nouveau statut de martyr après le procès pour tentative de putsch dont il a réchappé ? Mais il devrait alors être le poulain de tous les sankaristes, y compris de ceux qui se sont précipités pour annoncer leur candidature.

Observateur Paalga

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