Actualités :: Stratégies d’accélération de l’éducation des filles : La pérennisation des (...)

Comment pérenniser les acquis et généraliser les actions pour mieux comptabiliser les résultats escomptés des efforts de promotion de l’éducation des filles au Burkina Faso ? C’est l’objectif d’une étude réalisée par le cabinet CERFODES et le FASAF sur l’« Identification des obstacles persistants à l’accès, au maintien et à la réussite des filles à l’école : l’impact des AME, APE, COGES, des écoles coraniques, des medersa et des écoles franco-arabes sur l’éducation des filles et les limites des stratégies actuelles ».

La restitution des résultats de cette étude a eu lieu au Centre d’enseignement à distance de Ouagadougou (CEDO), le 19 juillet dernier.

Dans l’objectif de l’accroissement du taux de scolarisation de l’éducation, au regard des engagements pris à Dakar en 2000, le gouvernement burkinabé s’est doté d’un document cadre d’orientation des actions en faveur du développement de l’éducation.

Il s’agit notamment du Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) dont l’objectif est d’atteindre le taux brut de scolarisation (TBS) de 70 % et 60 % celui de l’alphabétisation d’ici à 2010.

Il y a certes des avancées considérables (le TBS en 2006 est d’environ 60 % et 44 % pour l’alphabétisation ; de 2002 à 2005, ce sont au total 26 444 classes qui ont été construites) dans l’atteinte de ces résultats mais, force est de constater que des obstacles (des pesanteurs socioculturelles et économiques) persistent toujours. C’est dans ce contexte que le gouvernement du Burkina et l’UNICEF ont commandité une étude sur l’ « Identification des obstacles persistants à l’accès, au maintien et à la réussite des filles à l’école : l’impact des AME, APE, COGES, des écoles coraniques, des medersa et des écoles franco-arabes sur l’éducation des filles et les limites des stratégies actuelles ». Les résultats acquis jusque-là obtenus sont également le fruit des actions des Associations de mères éducatrices (AME), des Parents d’élèves (APE) et des Comités de gestion scolaire (COGES). Les actions de mobilisation sociale engagées par la direction de la promotion de l’éducation des filles (DPEF) ont, elles aussi, conduit à ces résultats. Cependant, les plus-values créées par les écoles franco-arabes, les medersas et autres écoles coraniques en terme d’accès et d’éveil de conscience qui nécessitent, du reste une réorganisation selon les normes de l’école classique, doivent être capitalisées.

Inventaire des difficultés et des contraintes rencontrées

Les difficultés majeures qui ont été évoquées sont d’ordre institutionnel et organisationnel, communautaire et familial.

Au plan institutionnel et organisationnel on distingue :
- l’absence d’une politique prospective dans les actions entreprises. Le cas de la prise en charge des frais scolaires des petites filles pour les cotisations APE ne se limite qu’à la première année d’inscription.

La non prise en compte des frais scolaires au niveau des autres classes peut engendrer des déperditions scolaires ;
- la faiblesse,, voire l’inexistence de concertation ou de coordination, entre partenaires au développement, dans les actions visant les mêmes cibles. Ainsi en matière de scolarisation des filles, les résultats sont peu visibles, car de nombreuses expériences sont menées ou conduites de façon individuelle par certains partenaires. En outre, quelques expériences sont plutôt des actions non pérennes au regard de leur mise en œuvre par certains partenaires au développement. En somme, les approches ne sont pas holistiques ;
- le manque de suivi et d’évaluation des actions menées pose le problème de leur efficacité et de leur reproduction à grande échelle. En effet, peu de projets en faveur de l’éducation des filles ont été évalués, afin de tirer des enseignements sur les succès et les faiblesses de telles stratégies.

Au niveau communautaire et familial il y a :
- les résistances au changement de certains parents et des communautés locales à scolariser les filles, malgré les multiples efforts de sensibilisation en cours. En effet, dans certaines localités il existe encore des poches de résistance qui dénient le droit à la scolarisation des filles aux filles tout intérêt d’être scolarisées. Pour ces parents, l’école n’est pas une priorité pour les filles, car elles sont plus destinées aux travaux domestiques qui leur serviront dans leur vie d’épouses ;
- l’attitude passive, voire attentiste de la population bénéficiaire d’actions éducatives et dont la conséquence est la faible appropriation des retombées des projets et programmes exécutés par les partenaires au développement. Très souvent les communautés s’engagent peu dans les projets qui leur étaient destinés. Cela entraîne souvent une faible capitalisation des acquis de tels projets ;
- le poids des traditions (mariages précoces, mariages forcés...). Dans certaines localités, les filles sont données en mariage dès leur naissance.

Pour tenir leurs engagements vis-à-vis du gendre, des parents déclarent ne « pas prendre de risque » de scolariser leur fille de peur de perdre tout contrôle sur elle ; l’école étant perçue comme un moyen de « leur ouvrir les yeux ». Dans certaines contrées comme celles du Sahel et de l’Est où les mariages précoces et les enlèvements sont des faits séculaires, l’école est assimilée à un moyen de perversion, car elle permet aux filles de se soustraire à certaines normes sociales et à ne pas se soumettre à l’éducation traditionnelle donnée aux femmes. En conséquence, des parents ont continué de faire fi des mesures de promotion scolaire ou d’accélération de l’éducation des filles en mettant en avant leur respect pour des engagements socioculturels ;

- le manque de ressources financières des ménages, ce qui ne permet pas d’allouer des ressources suffisantes aux femmes/filles au regard de leurs nombreux besoins. Très souvent les ménages ont de nombreux enfants à scolariser, alors que les ressources sont limitées. Ce qui amène les ménages à adopter des stratégies de scolarisation défavorables aux filles.
A cela il faut ajouter, une insuffisance au niveau de la loi marquée par l’absence de loi spécifique visant à protéger les filles contre les violences en milieu scolaire et sur la route de l’école ; une insécurité alimentaire et le niveau insuffisant de fonctionnement des cantines endogènes constituent un frein aux efforts, de maintien des filles à l’école ; les problèmes de santé freinent, voire compromettent la scolarisation ou à la réussite scolaire faute de prise en charge médicale, étant donné que la plupart des écoles n’ont pas d’infirmerie ; etc.

Abou OUATTARA
Source : Rapport d’études

Les stratégies à renforcer

Au regard des obstacles persistants identifiés, l’étude recommande pour changer la situation en faveur des filles et des femmes, et lever les obstacles persistants, d’agir sur les stratégies politiques, privées et familiales. L’étude recommande en conséquence :

Aux familles et aux parents
- Encourager l’implication des familles et des parents dans la mobilisation sociale en faveur de l’éducation des filles en utilisant des canaux de communication traditionnels et modernes ;
- encourager l’alphabétisation des mères éducatrices en vue de leur implication dans le suivi et dans le « mentoring » (tutorat) des filles scolarisées ;
- adopter des mesures incitatives pour une implication continue des communautés dans la mobilisation sociale et dans le suivi scolaire des élèves afin d’accroître le rendement ;
- sensibiliser les parents afin de leur inculquer au mieux de meilleures perceptions de la place de la femme en acceptant la scolarisation complète des filles dans le respect de l’équité entre filles et garçons dès l’éducation de base et en considérant l’éducation comme un impératif de développement et de promotion sociale et économique.

A l’Etat : Pour le renforcement institutionnel

- Evaluer systématiquement toutes les expérimentations afin de tirer les meilleurs enseignements pour une capitalisation de celles-ci ;
- accélérer la prise en compte des structures d’éducation alternatives comme les medersa et les écoles franco- arabes en tant que cadres d’éducation. Cependant, il est fortement recommandé de veiller à l’encadrement pédagogique effectif des enseignants de ces écoles. D’initier des concertations régulières avec les promoteurs des ces écoles pour une harmonisation de leurs programmes, conformément aux exigences des ministères en charge de l’éducation au Burkina ;
- renforcer les capacités institutionnelles de la DPEF en la dotant de moyens matériels et humains pour qu’elle accomplisse au mieux les tâches qui lui sont assignées au niveau central et déconcentré. Ce renforcement passe par une évaluation des actions de la DPEF sur le terrain ; ceci permettra de mieux cerner les besoins de renforcement qui seront définis à travers un atelier national qui regroupera tous les acteurs de l’éducation ;
- élargir les PIC dans toutes les localités du Burkina et principalement établir des noyaux relais dans les villages qui constituent des poches de résistance à la scolarisation des filles.

Pour les élèves

- Soutenir les cantines scolaires sur une période de cinq ans et continuer la promotion les cantines scolaires endogènes qui seront plus pérennes au regard de l’implication des communautés appelées à fournir des productions locales ;
- favoriser la transition entre le primaire et le secondaire par l’attribution de bourses d’études aux meilleures filles ;
- accroître la capacité d’accueil au secondaire par l’ouverture d’établissements secondaires dans les différents départements du pays. En somme, il faut pour un département de 5000 habitants au moins un collège ;
- créer des maisons de la fille au niveau décentralisé (commune, province, région) sur l’expérience des internats pour accueillir les filles qui arrivent au secondaire pour suppléer le problème de tutorat ou de confiage ;
- construire dans toutes les écoles des latrines séparées filles/garçons pour préserver l’intimité des filles ;
- prendre des dispositions sécuritaires en faveur des filles par l’adoption de stratégies de rapprochement de l’école au village ou au secteur et par la prise de sanctions en l’endroit d’enseignants indélicats dans leurs comportements ;
- adopter une loi spécifique pour protéger les filles et les femmes des violences sexuelles qu’elles peuvent subir à l’école ;
- mettre en pratique les recommandations issues de l’étude commanditées par le MEBA et l’UNICEF sur la mise en place d’un paquet minimum visant l’accélération de l’éducation des filles au Burkina Faso.

Pour les enseignants

- Sensibiliser et former les enseignants sur les questions de genre afin qu’ils évitent les stéréotypes sexistes dans leur pratique pédagogique ;
- améliorer les conditions de travail des enseignants en construisant davantage des salles de classes pour améliorer les ratio enseignants/élèves qui sont très élevés et qui influent sur un bon encadrement des élèves ; doter tous les enseignants de mallette pédagogique qui devra contenir les kits nécessaires à l’issue de leur formation ; prévoir des primes pour les encourager à rester dans les villages qui en ont le plus besoin, en particulier les villages ruraux isolés ; encourager les affectations des enseignantes dans les villages, car elles peuvent servir de modèles pour les filles ; cependant il faut sécuriser les villages pour les y maintenir ;
- encourager l’émulation d’enseignantes modèles pour les petites filles et pour les communautés par des mesures incitatives à l’endroit des meilleures enseignantes des CEB.

Pour les familles et les parents

- Lutter efficacement contre la pauvreté par une facilitation des familles et des mères éducatrices à l’accès aux micro-crédits, en vue de la réalisation d’activités génératrices de revenus ;
- veiller à l’application effective des mesures de gratuité scolaire pour les enfants en âge de scolarisation (6-16 ans) conformément à ce qui est stipulé dans la loi d’orientation de 1996 sur l’Education au Burkina Faso.
Aux partenaires au développement et à la communauté internationale
- renforcer leur appui à l’école burkinabè pour l’atteinte des objectifs du millénaire ;
- encourager l’appui aux cantines scolaires en attendant que les cantines endogènes soient effectives.

A. OUATTARA

Source : Rapport d’études

L’Hebdo

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