Actualités :: Mariage traditionnel au Tchad : Des coups de fouet comme cadeaux de (...)

La semaine qui suit leur mariage, les jeunes mariées de l’Est du Tchad sont quotidiennement fouettées par les proches de leur mari. Certaines en meurent. Une tradition d’une extrême violence comme tout ce qu’endurent les femmes de cette région. Reportage.

Quand Myriam, une jeune journaliste d’Abéché, ville à l’Est du Tchad, m’invite au mariage de son frère, elle me prévient : "II n’est pas très éduqué. Il respecte la tradition." Des journalistes de la radio où elle travaille tentent aussi de me dissuader de me rendre à la cérémonie. "II y a beaucoup de gens en armes en ce moment à Abéché et sortir le soir est dangereux", insistent-ils.

"La semaine passée, une dizaine d’hommes en uniforme ont fait irruption dans une cérémonie de mariage et ont pris les invités en joue. Ils voulaient enlever les femmes pour les violer, mais d’autres militaires sont arrivés et les intrus se sont enfuis en sautant par-dessus la clôture. Une personne est morte", précise l’un d’eux, présent à la cérémonie. Je décide donc d’arriver tôt au mariage du frère de Myriam et d’en repartir avant la tombée de la nuit.

La cérémonie a lieu dans un quartier populaire d’Abéché où toutes les maisons et les boutiques sont en torchis. À quatre heures de l’après-midi, une soixantaine de femmes sont déjà là, voilées, assises sur des nattes, à ras du sol, sous une toile de tente colorée. De l’autre côté de l’enclos qui sert de salle de fête, les hommes arrivent par petits groupes. Pour eux, des sièges en plastique ont été installés en demi-cercle face aux femmes, sous des bâches. Une façon de montrer sans ambiguïté l’infériorité de celles-ci.

Mariées de force à 13 ans

Deux larges fauteuils, placés sur une estrade, attendent les mariés. Le jeune mari arrive une heure plus tard, porté par ses amis qui le déposent sur l’un des sièges. Il brandit un long fouet en peau d’hippopotame. Ces fouets sont interdits au Tchad, non seulement parce que les hippopotames deviennent rares, mais parce que leurs lanières rugueuses blessent cruellement les chairs. La jeune mariée arrive ensuite, discrète, et s’assied à côté de son mari qui tient toujours son fouet. Les invités commencent à danser. D’abord les femmes, puis les hommes. Les uns et les autres s’observent sans se parler. À la porte de l’enclos, deux policiers montent la garde. Ils ont des bâtons dont ils se servent pour repousser brutalement les enfants et les adolescents qui tentent de se joindre à la cérémonie sans invitation.

En quittant les lieux, je demande à Hassan, un journaliste d’Abéché qui m’accompagne, combien de coups de fouet recevra la mariée. "Elle sera fouettée toute la semaine", me répond-il avec sérieux. Intrigué et choqué, je décide d’en savoir p !us. Je me rends ensuite à Goz Beida, 400 km plus au Sud, un grand village, aux chemins de terre. Comme partout dans l’Est du Tchad, les femmes y vivent dans la terreur que leur inspirent les hommes dès leur plus jeune âge. Toutes ont été excisées, sans anesthésie, entre six et huit ans. Nombre d’entre elles ont été mariées de force dès l’âge de 13 ans, l’âge minimum requis par la loi.

Bien souvent, elles épousent des hommes de plus de 40 ans, qui ont déjà une ou deux épouses. Tout comme au Darfour voisin.
C’est le cas d’Housna que me présente Azene, un ami qui travaille dans l’humanitaire. Cette jeune réfugiée soudanaise de 20 ans avait commencé ses études universitaires au Darfour avant d’être vendue à 18 ans par son père à un forgeron de 55 ans, qui en a fait sa troisième femme. Elle a déjà deux enfants qu’elle porte sur son dos tout en travaillant dans une ONG internationale

"Moi, je préfère frapper fort".

Je demande à Azene s’il est au courant de cette pratique qui consiste à fouetter les jeunes mariées "Moi aussi, j’ai fait cela. Tous les Arabes font cela, ainsi que des tribus non arabes, me répond-il. La nuit de noces, on conduit la femme dans la maison du mari. Le plus souvent, elle refuse de s’y rendre. Si elle n’agit pas ainsi, les vieilles femmes se moqueront d’elle. Donc, on l’amène par la force Si la femme refuse d’aller chez son mari, son père, ses frères, ses oncles, ses cousins la fouettent.
On la tape, on la ligote, on lui fait n’importe quoi. Son mari l’attend. Parfois, elle meurt en route des suites de ses blessures ou de déshydratation, attachée sur le dos d’un chameau."

Après la cérémonie de mariage, poursuit Azene, on conduit l’épouse dans une pièce où se trouvent des amies. Elle doit rester voilée et n’a pas le droit de sortir pendant une semaine. C’est le moment du fouet. Tous les hommes, le plus souvent des proches du marié, sont alors autorisés à entrer dans la chambre et à lui donner deux, trois coups de fouet Parfois violemment, parfois doucement. "Moi, je préfère frapper fort, pour ne pas paraître une mauviette", conclut Azene.

De retour à Abéché, je constate que les femmes, comme à Goz Beida, ont généralement l’air épuisé et abattu, un peu comme les ânes qui les transportent. La violence exercée par les hommes sur les femmes et les enfants est ici systématique. Le jour de mon départ, je demande à mon chauffeur. "Avez-vous un fouet chez vous ?"."Out", répond-il. "L’utilisez-vous pour frapper votre femme ?" "Quand elle proteste, je la fouette. C’est normal ".

Claude Adrien de Mun
(Syfia International)

Sidwaya

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