Actualités :: Pr Yamba Elie Ouédraogo : « ...ce ne sont pas les mystiques qui prennent les (...)
Pr Yamba Elie Ouédraogo

La section africaine du Mouvement d’inspiration religieuse pour la paix, le règlement des conflits et des initiatives pour la justice dans le monde (URI) a été installée à Kampala en Ouganda, en avril 2007. Le Professeur Yamba Elie Ouédraogo, directeur de l’Institut d’application et de vulgarisation en sciences du Burkina, y a assisté... Il revient sur les objectifs de ce mouvement et ses ambitions pour la paix et la justice...

Sidwaya (S) : Pourquoi le philosophe burkinabè que vous êtes a-t-il participé à Kampala en Ouganda, à la première rencontre interafricaine de l’ONG « United Religions Initiative » (URI) en avril 2007 ?

Professeur Yamba Elie Ouédraogo (Y.E.O.) : Cette ONG, qui est une initiative interreligieuse, intéresse aujourd’hui, 1 400 000 personnes de 120 expressions culturelles traditionnelles différentes, pratiquées par 320 communautés résidant dans 60 pays.

URI est très active dans les pays anglophones. L’histoire : en 1995, le Révérend Bill Swing, évêque épiscopalien de Californie aux Etats-Unis, avait été approché par des personnes ressources onusiennes qui lui ont demandé de proposer des axes de réflexions et d’actions sur la question suivante : « Comment les religions peuvent - elles éteindre, par leurs propres moyens et ressources, les foyers de tensions qu’elles provoquent ? ». A défaut de prendre des initiatives sur la base présumée d’une « unité des religions », le Révérend Bill et ses conseillers ont choisi de programmer des actions interreligieuses pour la paix et le bien-être moral des nations, à partir de la mise à contribution des religions et traditions culturelles de tous les pays. Tels étaient les premiers pas d’URI, que des groupes interreligieux, formés particulièrement de musulmans, de juifs et de chrétiens résidant aux Etats-Unis, ont expérimentés entre 1995 et 2000. Les résultats ne furent pas seulement concluants, ils furent édifiants, surtout entre juifs et musulmans américains. A partir de 2000 a commencé la diffusion de l’idéal URI dans le monde entier au-delà des frontières des Etats-Unis.

S : Quels sont les objectifs que vise ce mouvement ?

Y.E.O : Quant aux objectifs fondamentaux de cette initiative interreligieuse, ils sont, je crois, au nombre de trois, tous regroupés autour de la raison motrice de cette ONG qui est la promotion d’une culture de paix et de justice, par la formation des communautés de dialogue et de partage interreligieuses. A URI, on pense que chaque pratiquant devrait apprendre, avec bienveillance, par la lecture et le dialogue, l’essentiel des textes sacrés de la religion de son prochain. Offrir également l’opportunité à chacun de ses membres d’approfondir corrélativement son identité et celle de ses proches, afin de mieux comprendre les différences. Pas seulement l’évaluation sociologique de ces différences, mais surtout leur compréhension spirituelle.

S : La culture de l’identité, en matière de religion, n’exclut-elle pas la prise en compte de la différence ? Votre ONG ne risque-t-elle pas alors, de favoriser le fanatisme en lieu et place de la paix ?

Yamba Elie Ouédraogo : Mais que non ! Mais que non ! URI veut offrir l’opportunité à ses membres de travailler main dans la main pour le développement, tout en se cultivant ensemble pour se comprendre mutuellement. C’est ainsi qu’ils peuvent être des agents conséquents des idéaux de paix et de justice. Quand on ne se comprend pas du tout, on s’expose à ne pas comprendre l’autre. En termes de pratiques religieuses, et pour prendre un exemple exceptionnel, c’est toute la distance qui sépare le fanatique du mystique : le premier comprend très mal son identité, il ne peut honorer la différence, d’où qu’elle vienne ; le second est parvenu par la contemplation à résider dans le Tout-Autre et peut alors ramener les identités cuirassées à leurs sources de régénérescence.

Dans l’histoire des religions, ce ne sont pas les mystiques qui prennent les armes les uns contre les autres, mais bien les fanatiques auxquels il arrive de faire allégeance aux idéologies du moment.
Mais revenons à URI... Le troisième objectif, c’est de susciter, dans la société civile, une dynamique réelle et durable pour une culture de paix et de justice à travers une valorisation interreligieuse et interculturelle des valeurs humaines et citoyennes. URI dit, le plus simplement du monde et à la limite de la naïveté : cherchons ensemble la paix qui n’existe pas et ce faisant, la paix existera. La paix n’existe que pour être cherchée. Cela dit, bien sûr, par conviction.

S : Que s’est-il passé, concrètement, à Kampala ? Les Africains s’enthousiasment -t-ils de l’idéal d’URI comme les Américains ?

Yamba Elie Ouédraogo : A Kampala, nous avons essentiellement fait l’état des lieux de l’ONG URI en Afrique, décrit les réalités que vit ce mouvement dans les pays où il est implanté et envisagé des actions en vue de le rendre plus visible dans nos pays. C’est l’Ethiopie qui est, en ce moment, le pays le plus avancé dans les activités de l’Inter. Ce qui explique que le leadership de URI/Afrique soit aujourd’hui assuré par son Excellence Mussie Hailu, vice-président de la République d’Ethiopie. Cet homme croit admirablement aux principes et idéaux d’URI et se dépense sans compter pour l’aboutissement de ses objectifs. Pour ses activités dans le domaine des règlements de conflits au Darfour en Somalie, en Ouganda et en Ethiopie, URI/Afrique, section Ethiopie, a été distingué par des réseaux d’associations à vocation humanitaire.

Cela a encouragé les participants à la rencontre de Kampala à redoubler d’effort pour une présence beaucoup plus affirmée de l’Inter dans toute l’Afrique. Mais je dois dire que le choix de Kampala pour abriter la réunion avait été motivé par le fait que l’Ouganda offre, en ce moment même, l’exemple d’un pays qui se déchire avec l’alibi d’une certaine foi au « Seigneur ». En marge de la rencontre-débat, il y eut donc des concertations en vue d’initier des démarches de médiation entre les belligérants.

S : où se situe le Burkina dans URI/Afrique ?

Yamba Elie Ouédraogo : Le Burkina vient d’entrer très modestement dans URI, avec l’invitation que le coordonnateur de la région Afrique m’a adressée. Tant bien que mal, je pense avoir réussi à faire comprendre à mes amis qui étaient tous anglophones, quelle place pourrait occuper URI dans notre sous-région ouest africaine, une sous-région où toutes les paix ne sont pas paisibles. Comme le Burkina, m’a-t-on dit lors de la réunion de Kampala, les pays francophones d’Afrique se sont jusque-là tenus à l’écart du mouvement URI. Les années qui viennent nous en diront sur la participation de ces ouvriers de la 25è heure à la vulgarisation des idéaux de l’Interreligieux.

S : Il y a beaucoup de ressemblances entre URI que vous présentez ici et la Fédération interreligieuse et internationale pour la paix dans le monde (IIFWP). Vous êtes déjà membre de la seconde, vous venez de participer aux assises de la première, comment coordonner tout cela ?

Y.E.O : Je voudrais que les uns et les autres sachent d’abord, que le contenu des deux ONG est effectivement le même : il s’agit de susciter une culture de la paix et de la justice dans le monde en s’appuyant sur les valeurs reconnues des cultures vivantes. Son Excellence Mussie Haïlu nous a donné un bel exemple là-dessus. Au terme d’une longue recherche dans un centre approprié à Addis-Abéba, il a établi, avec son équipe, que l’expression bien connue : « Ne fais à personne ce que tu n’aimerais qu’on te fasse » se trouve textus dans tous les livres saints et dans toutes les sagesses connues du monde.
Si vous prenez l’exemple du mooré, langue que je parle, on dit : « Fo sâ n pa na n ning wèdg n di, bi f ra ning n kô f to ye » (Traduisons : Si tu ne veux pas que ton repas te soit servi dans un plat ébréché, ne le fais pas pour autrui).

C’est ce précepte que URI se donne pour "règle d’or". Cette communauté de vision entre religions et cultures, premièrement, et, deuxièmement, entre les différents mouvements interreligieux et interculturels est de souveraine importance, nous ne devrions pas la perdre de vue.

S : Parlez-nous des relations entre les deux ONG ?

YEO : Au niveau des sièges du IIFWP et URI, il y a des relations de partenariat très suivies. Ces deux ONG ont grandi dans le même climat libéral américain. La base, à mon sens, devrait faire la même chose que le sommet, cultiver la reconnaissance réciproque et une grande liberté d’esprit entre membres. Ces deux ONG ne sont pas des religions, mais des mouvements laïcs d’inspiration religieuse. L’unité de vision va de paire, ici, avec la diversité des sensibilités. Le succès de l’unité exige le respect de la diversité. Ainsi, au cas où il y aurait un groupe d’hommes et de femmes bien structuré se réclamant de l’idéal d’URI au Burkina, il va sans dire que ce groupe travaillera en synergie d’action et d’inspiration avec les personnes physiques et morales partageant les mêmes mission et vision que lui.

S : Quels sont vos projets d’avenir, au Burkina, pour URI par exemple ?

Y.E.O. : Pour l’instant, il faut constater ceci : des amis m’ont honoré d’une invitation à me rendre à Kampala pour une prise de contact avec les leaders africains d’URI. Cela m’a permis de rencontrer des hommes et des femmes exceptionnel (le) s et de visiter un beau pays, l’Ouganda, le pays où le Nil prend sa source, à partir du Lac Victoria, pour une course de 4000 km. Gandhi a demandé qu’on jette une partie de ses cendres, juste à cet endroit où naît un des fleuves les plus mythiques du monde et de l’histoire ; c’est pourquoi à Jinja, à une soixantaine de kilomètres de Kampala, s’élève cette statue que l’on voit sur nos photos, pour honorer la mémoire et le geste du Mahatma. Je suis content de pouvoir en parler aux lecteurs de votre journal. Ceux-ci sont maintenant informés de l’existence d’URI, je formule le vœu qu’ils ne restent pas insensibles à son idéal de paix et de justice. Quant à promouvoir URI au Burkina, cela incombe à un ou plusieurs groupes et non à une seule personne..

S : Vous vous êtes rendu à Kampala, selon ce que nous avons appris, par Kenya Airways. Vous savez ce qui s’est passé avec cette compagnie une semaine seulement après votre retour au pays. Quelles sont vos impressions ?

Y.E.O : Vous auriez dû me demander quelles sont mes émotions. Un proverbe africain dit que « celui qui n’a pas encore vu des souris faire l’amour sur la peau d’un chat ne sait pas que le sort est ironique. » J’ajoute : et même tragique. Le personnel de Kenya Airways est très remarquable : serviable, attentionné, ponctuel et j’en passe. C’est vraiment un triste coup du sort contre une compagnie émergente. Je voudrais, si vous y consentez, unir ma voix à celle de Sidwaya pour adresser nos condoléances à tous les parents, amis et collègues des disparus, particulièrement à ceux de nos compatriotes. Nous souhaitons également du courage à Kenya Airways pour la suite de ses prestations.

Merci à Sidwaya de prêter attention à l’évolution d’un mouvement : celui d’URI, dans son désir de promouvoir une culture de la paix au sens de Laafi, laafia, que l’on retrouve dans les langues nationales burkinabè et qui rassemble si bien les trois dimensions de la paix en un seul mot. La dimension santé : celui qui a mal à la tête n’a pas de laafi, celui qui a faim, non plus. La dimension sociale : dans une communauté en proie à des conflits et même à l’indifférence, il n’ y a pas de laafi. La dimension morale, celle qui est synonyme de quiétude : l’homme disjoncté de ses propres ressources spirituelles et conscient de cette disjonction n’a pas de laafi.

C’est pourquoi selon les représentations artistiques populaires entre autres, c’est le diable, l’anti-laafi par excellence, qui est l’être le plus belliqueux. La vision d’URI prend en compte ces trois dimensions de la paix - la santé, la convivialité, la quiétude - autant dire que chacun y est appelé à donner le meilleur de lui-même à partir de l’aspect qui lui sied le mieux.

Entretien réalisé par Ibrahiman SAKANDE

Sidwaya

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