Actualités :: Politique nationale : Vous avez dit "Compaorose" ?
L. Ouali

La IVe République au Burkina vit sa troisième législature. Une élection présidentielle - également le 3e du genre - sera organisée en 2005. Pour un pays jadis réputé pour son instabilité politique, ces élections régulières et le bon fonctionnement des institutions sont un signe de progrès démocratique qu’il faut souligner.

Néanmoins le récent projet avorté de coup d’Etat indique qu’en la matière, rien n’est jamais définitivement acquis. En effet pour un Etat comme le Burkina, conjuguer stabilité démocratique, paix sociale et croissance économique est une prouesse dans l’Afrique d’aujourd’hui. La personnalité du président Blaise Compaoré n’est pas étrangère à cette performance.

Et pourtant, pour certains milieux proches de l’opposition dont le capitaine putschiste, Ouali Diapagri, s’est fait l’écho lors de son procès, au pays des Hommes intègres règnerait une mal gouvernance qualifiée de « Compaorose ». Analyse.

D’emblée, il faut dire que ce néologisme est péjoratif. Qu’il sorte de la bouche d’un militaire aux velléités putschistes est assez révélateur du sens qu’on pourrait lui donner. Le capitaine Ouali Diapagri par cette trouvaille a voulu se présenter en homme de bien appelé à conduire une mission de salut public contre « le mal fait système ». Feu général Robert Guéï avait dit être "venu balayer la maison Côte d’Ivoire". On connaît la suite.

Les clichés ne suffiront jamais pour diriger un Etat ni pour réparer les injustices sociales. Il en est ainsi du Burkina comme dans tant d’autres pays. Et pour cause !

De la "relativité démocratique"

La démocratie n’a pas tout apporté aux citoyens burkinabè. En cela, elle est quelque peu à l’image des autres démocraties de par le monde. De fait, l’une des questions récurrentes que se posent les analystes politiques est la suivante : existe-t-il une démocratie ou des démocraties ? C’est la problématique de l’universalité de certains principes démocratiques qui est ainsi posée.

En effet, il existe un minimum de pratiques qui confèrent à tout Etat le label de démocratie en construction. Le Burkina d’aujourd’hui peut se prévaloir de ce label à plus d’un titre : liberté d’opinion et d’association, liberté de la presse, multipartisme, élections libres, transparentes et régulières, etc. Néanmoins, la perfection ici comme ailleurs demeure l’idéal à poursuivre en fonction des circonstances de temps et de lieux. A ce propos le professeur Gil Delannoi a pu écrire sur la démocratisation qu’"il faut conclure en faveur de la (sa) relativité. Aucune époque ne présente tous les critères de démocratie.

En retenant la démocratisation comme critère, la Grèce (antique), à cause de l’exclusion des femmes, des métèques, des esclaves, est beaucoup moins démocratique que les démocraties modernes. Mais en retenant la démocratie politique (participation directe des populations) ce sont les démocraties actuelles qui sont moins démocratiques… Aujourd’hui nous voyons plutôt des oligarchies à légitimités démocratiques".

Plus loin, Delannoi soutient sérieusement que "Comparée à la démocratie radicale athénienne, la France de 1997 fait figure de monarchie élective, de bureaucratie céleste tempérée par des élections périodiques". Au-delà de la France, ce sont en fait les vieilles démocraties du Nord qui sont ainsi épinglées par le chercheur pour justifier sa théorie de la "relativité démocratique".

Mais personne en France, ni ailleurs en Europe n’a à rougir d’un tel diagnostic parce que le minimum démocratique : la liberté de participation et de décision des citoyens, la séparation et le contrôle des pouvoirs, l’affirmation des droits et devoirs égaux pour tous, sont largement atteints dans ces pays. Toute proportion gardée, il en va de même pour le Burkina d’aujourd’hui. Certains autres aspects, en fait les tares du libéralisme économique qui accompagnent la démocratie, aujourd’hui très visibles partout en Europe, en Amérique comme en Afrique : corruption, chômage, faillite des entreprises, pauvreté… peuvent être considérés comme des effets collatéraux des imperfections en soi du système. Que ces imperfections soient plus visibles à un moment qu’à un autre, n’enlève en rien à la pertinence globale du système.

A ce propos, W. Churchill, le Premier ministre britannique déclarait en 1947 que "la démocratie est imparfaite. C’est la pire des formes de gouvernement à l’exception de toutes les autres".

Autant dire que c’est la meilleure après tout.

Au Burkina, la jeunesse de notre expérience démocratique nous interpelle à considérer les quelques imperfections avec plus de philosophie au lieu de les instrumentaliser sous des vocables du genre "Compaorose".

C’est de bonne guerre pour un opposant politique de surcroît un militaire qui voudrait faire un coup d’Etat de diaboliser le pouvoir qu’il exècre au point de croire que ses ressentiments et frustrations personnels sont vécus collectivement par la majorité des citoyens. Le capitaine Ouali Diapagri et bien d’autres Burkinabè confondent consciemment ou non, des insuffisances, "tares en soi du libéralisme économique" à une faillite généralisée du gouvernement ou de l’Etat burkinabè.

Système, régime ou méthode ?

En parlant des pays africains et plus généralement de ceux de l’hémisphère Sud, du Proche et Moyen-Orient, on rencontre fréquemment les termes du genre "le régime d’un tel", "le pouvoir en place dans telle capitale", " le N°1 par-ci" ,le "N°2 par-là". On ne dira jamais par exemple le "régime Jacques Chirac", "le pouvoir en place à Washington", "le N°1 britannique". On dit toujours "le gouvernement français", "l’administration Bush", "le Premier ministre britannique"... Les mots ne sont jamais neutres en matière d’analyse politique. Selon que l’on veuille désigner objectivement et positivement ou que l’on veuille caractériser subjectivement et négativement, pour la même réalité, on emploiera des termes différents. Systèmes et/ou régimes renvoient à l’existence d’une particularité doctrinale, idéologique avec une tendance à la gestion non démocratique du pouvoir. C’est dire qu’en les employant à propos des gouvernements africains et d’ailleurs, certains analystes ont des a priori négatifs sur ces dirigeants. Il en va de même que ceux qui, au Burkina et ailleurs parlent de "système Compaoré" et plus récemment de "Compaorose".

En vérité, malgré ses 16 ans révolus au pouvoir, il n’y a pas un système Blaise Compaoré au Burkina. Il y a plutôt une méthode de gouvernement au service d’objectifs stratégiques. Depuis 1987, ses objectifs peuvent se résumer à l’ouverture démocratique, à l’unité et à la réconciliation nationale, au développement et à la solidarité.

Pour la méthode c’est un dosange réussi par le président du Faso qui fait appel aux enseignements de l’histoire, aux urgences du présent, au courage de prendre des risques avec prudence et modération. Et si Blaise Compaoré est un homme de conviction, démocrate progressiste, il ne s’est jamais enfermé dans une idéologie réductrice. Au contraire, il sait rester à l’écoute des objections et des critiques constructives d’où qu’elles viennent. Dans cette logique, il a déjà déclaré que le Collectif des organisations démocratiques de masse, l’opposition radicale ne mesure pas à sa juste valeur sa contribution à l’avancée de la démocratie au Burkina. Dans le même registre, M. Touré Soumane du PAI a déclaré voilà une dizaine d’années que ce qui le fascine chez l’homme Blaise Compaoré, c’est sa capacité de vite apprendre à être un homme d’Etat.

De fait pour conduire le Burkina d’une Révolution qui se voulait d’inspiration marxiste à une démocratie pluraliste et libérale, il fallut beaucoup de doigté. Un doigté qui ne fait pas toujours l’unanimité notamment parmi ceux qui dénoncent aujourd’hui au Burkina la Comparose au point de solliciter sans sourciller une commission d’enquête internationale pour ce faire. Les comparaisons ne sont pas toujours heureuses, pourtant on peut se risquer à dire que Blaise Compaoré est pour le Burkina ce que Gorbatchev, Eltsine et Poutine sont ou ont été pour la Russie.

Djibril TOURE
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