Actualités :: Code électoral : Quand ambitions riment avec gaffes politiques

De quelle maladie souffre aujourd’hui le pays des Hommes intègres en matière de démocratie et de gouvernance ? Ces hommes qui, à un moment donné, ont fait preuve de clairvoyance politique, semblent vouloir quitter leur piédestal de phare sous-régional pour s’accroupir dans les méandres d’un retour à l’authenticité négative. Les derniers événements qui ont servi de support à l’actualité politique, donnent à réfléchir. Il fallait, certes, s’y attendre, mais la réalité a dépassé les prévisions.

Le premier événement qui peut s’apparenter à une gaffe politique est très certainement ce rendez-vous manqué entre Paramanga Ernest Yonli et cette très grosse portion de l’opposition refoulée le jeudi 22 avril 2004 à 16 heures. Qu’est-ce qui se passe au Faso ? Des représentants de l’opposition se rendant au Premier ministère pour remettre un mémorandum sur la proposition portant modification du Code électoral sont refoulés. Pourquoi ?

Des correspondances ont cependant été échangées les 19 et 22 avril. La première correspondance vient des auteurs du mémorandum qui ne demandent ni plus ni moins à Yonli que d’accepter de recevoir un courrier le 22 avril 2004. Réponse du Premier ministre : "...Par lettre en date du 19 avril 2004 parvenue à mon cabinet le même jour, vous m’avez sollicité une audience le 22 avril 2004 à 16 h. Mes contraintes de calendrier ne me permettant de vous recevoir, j’ai l’honneur de vous informer de la programmation de l’audience au vendredi 30 avril 2004 à 17 heures à mon cabinet." Combien de cahiers de doléances du 1er mai sont restés sans réponse ? Au moins, on les a reçus.

Un groupe d’opposants, pour respecter quelque part le droit politique, prévient 72 heures avant qu’il vient remettre un mémorandum au chef du gouvernement et se retrouve avec une audience sur les bras. Une audience rejetée à 8 jours. Qui lit le courrier du Premier ministre ? Pour des questions aussi politiques, c’est probablement lui-même. L’autorité s’exerce, a-t-on coutume de dire, elle ne défère point. Elle seule discute son droit, limite son domaine et décide son action. Le chef du gouvernement a donc décidé de ne point recevoir le mémorandum. Il a préféré, si l’on relit bien la réponse entre les lignes, accorder une audience le 30 avril. Dommage, le président du Faso était encore absent comme à l’ouverture du procès des présumés putschistes.

A première vue, la puissance de l’opposition burkinabè au jour d’aujourd’hui n’est pas si effrayante. Est-ce parce que la proposition de loi portant modification du Code électoral a pour auteur le CDP que le chef du gouvernement a des difficultés à expliquer ? Le courrier accepté par les forces de l’ordre a été retourné aux expéditeurs. Beaucoup de personnes averties s’empresseront d’accuser Che Yonli. Elles diront de lui qu’il est un casseur de dialogues démocratiques. Nous pensons qu’il n’en est rien.

Le Premier ministre est probablement une bonne victime. Victime du gros rouleau compresseur qu’est le Congrès pour la démocratie et le progrès et soldat politique du chef de l’Etat. C’est ainsi qu’on "dégomme" les chefs de gouvernement. Paramanga Ernest Yonli vient ainsi d’entamer son chemin de croix. Le traitement cavalier dont les patrons de l’opposition ont été l’objet donne deux leçons à l’opinion nationale et internationale.

La première est la pauvreté encore visible du débat démocratique dans le pays. Quand on refuse de discuter avec quelqu’un, on peut au moins recevoir sa lettre, en prendre connaissance avant de lui donner un rendez-vous pour échanger. La deuxième leçon touche à la proposition de relecture du Code électoral même. Elle effraie visiblement tant les auteurs que les autres. Du coup, le commun des Burkinabè se demande ce qu’on lui fait derrière le dos. C’est dans les grands dangers qu’on voit un grand courage. Cette histoire de Code électoral présente un danger et, de courage politique pour en discuter, on n’en voit rien. Ne prépare-t-on pas encore le pays aux déchirements de l’ambition ?

Beaucoup d’hommes gagnent à mélanger les cartes du jeu démocratique à l’approche des scrutins afin de rester accrochés au fauteuil du boss sans lequel ils ne sont rien. Par ailleurs, l’Assemblée nationale, ayant perdu son caractère monolithique, a ouvert les yeux de l’entourage "sangsue" du président du Faso. "Dans les conditions normales et de pression..." se diront ces hommes du chef de l’Etat, l’opposition pourrait gagner. On ne prend donc pas de risques.

Ce n’est du reste pas pour rien que la pré-campagne électorale déclenchée depuis quelques mois s’apparente beaucoup plus à une campagne électorale. Les lancements de travaux d’infrastructures socio-économiques jadis annoncés attendent seulement d’être effectués ces dernières semaines. Des populations qui attendaient depuis 4 à 5 ans des forages se réveillent un matin avec le bruit des engins venus réaliser le projet auquel elles ne croyaient plus. Les discours des hommes politiques qui accompagnent ces réalisations sont bien emballés mais personne ne s’y trompe. A l’occasion, l’opposition ne manque pas non plus de se présenter devant le pauvre électorat. Le tour des régions a effectivement déjà commencé.

Au niveau du pouvoir, et c’est le deuxième événement, on prépare déjà les "chairs à canon". Les structures de soutien au candidat non déclaré voient le jour. Ailleurs, on a vu des comités nationaux des griots pour le soutien à l’action du chef de l’Etat, des associations de soutien à la politique économique du président de la République, des cercles des menuisiers et des forgeurs pour le soutien à l’action salvatrice du premier magistrat. On en riait avant. La technique est adoptée au Burkina. Il faut bien manger quelque part, n’est-ce pas ?

Tout cela se passe dans une période de tension socio-politique visible. Au moment où une certaine opinion internationale rouvre des plaies en réclamant la justice pour Thomas Sankara et après un procès de présumés putschistes qui a laissé un goût d’inachevé dans la bouche de l’observateur, on repart avec les gaffes politiques nées de besoins myopes de protéger des ambitions.

On a oublié les casses du temps de la Convention des forces démocratiques. On refuse de revenir sur les manifs et contre-manifs. Mais il est évident que pour conserver des acquis non mérités auprès de qui on sait, les forces politiques les plus en vue dans le pays sont prêtes à oublier la voie de la sagesse pour emprunter celle de la stagnation démocratique, source d’éventuelles dérives.

Puisse l’esprit de sagesse nous guider pour nous préserver des innombrables dangers dont la route électorale est semée.

M. J. Mimtiiri
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