Actualités :: Présidentielle 2005 : Si j’étais Blaise Compaoré !

Témoignage singulier, marrant, mais plein d’enseignements que celui de M. Roland W. Zongo résidant à Valancia, en Espagne. Celui-ci ne propose ni plus, ni moins qu’une stratégie politique à la Toumani ou à la Kérékou au président actuel des Burkinabè, Blaise Compaoré.

Laisser le fauteuil pour 10 ans, quitte à revenir après cette décennie, bien sûr, en spéculant, entre autres, sur le mécontentement populaire. En quelque sorte une variante du faux départ du Mogho Naba.

Ainsi, la polémique sur la prochaine élection présidentielle qui ne finit pas de remplir les colonnes des journaux burkinabè a retenu particulièrement mon attention. Je ne vais pas m’aventurer à dire si « Blaise peut » ou « Blaise ne peut pas », car je ne connais pas grand-chose en droit constitutionnel. Le Dr Pierre Bidima l’a si bien illustré en disant dans l’interview que votre quotidien dans son numéro 6128 du vendredi 23 au dimanche 25 avril 2004 lui a accordé : « La physique aux physiens, le droit aux juristes… » en s’adressant à ce pauvre député du CDP, physicien de formation, qui veut s’exercer au droit à ses heures perdues. Quelle grandiloquence pour un intellectuel qui ne sait pas faire la part des choses.

Pour ma part, j’ai trois raisons qui m’amèment à participer aux échanges : d’abord je suis Burkinabè, ensuite je m’intéresse particulièrement à la politique de mon pays et enfin tout simplement, je suis de ceux-là qui pensent qu’il est temps pour Monsieur Blaise Compaoré de laisser sereinement le pouvoir à un autre politique burkinabè ; quel que soit son bord (opposition, opposition modérée, parti présidentiel ou mouvance présidentielle).

Je ne peux pas donner des leçons au président ; j’imagine qu’il est politiquement plus mûr que moi. D’ailleurs, il doit se rendre compte que ses conseillers lui cachent la vérité de peur d’être « naréfiés ». Par ailleurs, il sait que toutes ces associations bidons à savoir : Amis de Blaise Compaoré (ABC) Action des Jeunes pour le soutien à la candidature de Blaise Compaoré (AJSCBC), Front des jeunes inconditionnels de Compaoré (FJIC) ne l’arrangent pas du tout.

Pire, ce sont des milices dormantes. Les exemples de la Côte d’Ivoire, de Haïti et d’autres pays le démontrent : ils veulent seulement s’approcher de la marmite de soupe qu’il aura à servir à un moment ou un autre au risque de la vie de ceux qui s’opposent à lui. Que Monsieur Blaise Compaoré se rappelle 1991 : les Patrols et autres avantages distribués n’ont pas fait d’effet ; on peut dire qu’au moins certains de leurs bénéficiaires n’ont pas fait leur boulot : ou bien il n’ont pas su convaincre les électeurs de sortir voter pour Blaise Compaoré, ou bien eux-même n’ont pas voté tout simplement. Résultat : le taux de participation était on ne peut plus faible. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (in Le Cid).

Pendant la révolution ou même peu avant, qui n’admirait pas Blaise Compaoré ? sa sobriété, son courage et sa détermination ? Pour moi comme pour des centaines de milliers de Burkinabè, c’était l’homme de la révolution, le héros. Plus que feu le président Thomas Sankara. Mais les années sont passées ; beaucoup de sang a coulé sous son régime. La « mort naturelle… ou accidentelle » a commencé par ses trois frères d’armes (Thomas, Henri, Lingani) et depuis, les têtes sont tombées… par centaines.

Nous ne disons pas que Blaise n’aime pas son pays ou qu’il est contre son développement, loin de là. Mais nous disons qu’il y a eu des failles, des manquements tellement graves durant son régime que nous pouvons parler de mal gouvernance. Le dernier événement qui vient appuyer cette affirmation, ce sont les révélations de quatres « putschistes » …solitaires lors de leur procès.

Alors si j’étais Blaise Compaoré :
je me dirais qu’à quelque chose, malheur est bon, que maintenant, je suis au courant des coups bas dans mon entourage même, que je sais aussi que rien ne va dans l’armée et que des soldats sont en colère et qu’il y en a d’autres qui sont brimés, je penserais à ce qui a provoqué la rébellion en Côte d’Ivoire.

Si j’étais Blaise Compaoré :
je me dirais que si d’illustres juristes confirmés (peu importe leur bord politique, car ils disent le droit) disent que je ne peux pas me présenter à la prochaine présidentielle, cela mérite réflexion. Alors je demanderais une consultation externe d’un autre expert en droit constitutionnel, mais étranger bien sûr.

Occupez-vous d’abord des vos "amis"

Si j’étais Blaise Compaoré :
je me demanderais pourquoi d’autres dignitaires de mon parti ne se proposent pas d’être président de la république. Il faut être con pour laisser seulement une personne du même parti diriger un pays démocratique, de 1991 à 2010. Alors je me dirais qu’ils ont peur de moi et qu’ils n’osent pas me dire la vérité. Et je me dirais que ce sont de petits larbins, qui veulent seulement profiter de moi, car un vrai démocrate de mon parti aurait proposé un changement d’homme ne serait-ce que « pour voir ».

Je m’inspirerais donc de cette illustration : deux personnes ayant toutes deux le permis de conduire et devant parcourir une distance de 1000 km sans repos ; si après plus de 500 km le premier conducteur ne donne pas le volant à son ami, l’ami va le lui demander. Cela pour éviter un accident mortel que pourrait provoquer son têtu ami à cause de sa somnolence.

Alors si j’étais Blaise Compaoré :
je me dirais que tout de même la remarque d’un certain Dr Pierre Bidima, parue dans l’Observateur un jour (car je ne raterais pas un seul numéro de tous les journaux du pays) est pertinente : tous les pays instables et troublés aujourd’hui par des guerres civiles ou des rébellions armées ont été dirigés pendant plus de 25 ans par un seul homme. Donc je méditerais sur ce constat afin d’épargner à mon peuple cette folie humaine.

Si j’étais Blaise Compaoré :
je comprendrais que l’assassinat sauvage de Norbert Zongo et des ses infortunés compagnons a terni mon régime pour de bon. Ma garde rapprochée ainsi que le nom de mon petit frère ont été plusieurs fois cités.

Je pars... mais je reviendrai

Enfin si j’étais Blaise Compaoré :
je me dirais qu’il n’est jamais tard pour bien faire. Alors je commencerais à déclarer à mon peuple que je ne vais pas me présenter à la prochaine élection présidentielle, et je présenterais mon « dauphin », qui n’a pas eu les couilles pour m’en demander. Ensuite, j’attendrais quelques mois puis j’accorderais la grâce présidentielle aux pauvres putschistes emprisonnés.

Et l’Etat demanderait pardon à ceux qui ont été relaxés. Et comme je suis calculateur, je serais convaincu que cela toucherait tous les cœurs, car parmi les interpellés, il y avait des militaires, un civil politicien de l’opposition et enfin… un homme de Dieu. Mais si les têtus de l’opposition ou de la société civile me poursuivaient après ? Ah, j’ai trouvé la solution : je prendrais le soin de demander une amnistie générale des crimes impunis depuis l’indépendance jusqu’à nos jours.

C’est sûr qu’ils ne me refuserait pas ça ! De toute façon, je suis encore jeune et comme j’aime le pouvoir, si après moi tout continue d’aller mal, j’attendrais deux mandats et je me présenterais de nouveau comme président en prenant soin de redorer mon image durant ces dix ans en marge du pouvoir. Cette idée, je l’aurais eue en lisant un jour dans l’Observateur paalga un écrit d’une des militantes de mon parti. Mon parti serait fier de moi, et tout le peuple burkinabè aussi.

Hélas, je ne suis pas Blaise Compaoré et je ne serais pas fier de l’être en ce moment ! Le chien aboit, la caravane passe. Mais un jour elle peut se retrouver dans un ravin, n’ayant pas su tôt que le chien l’avertissait du danger !

Roland W. ZONGO, Valencia (Espagne)
e-mail : rolyzongo@yahoo.fr

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