Actualités :: Procès : Il n’y a pas que les condamnés qui ont trinqué

A cause du procès des 13 présumés putschistes à la Justice militaire, les riverains qui ceinturent cette institution étaient obligés de fermer boutique pour raison de sécurité. Durant tout le temps qu’a duré ce jugement (2 semaines), beaucoup de gens oubliaient à juste titre, actualité chaude oblige, l’impatience qu’avaient ces prestateurs de services de voir ce procès prendre fin.

Pas seulement pour en connaître le verdict, mais surtout pour recommencer à engranger leurs recettes journalières. Nous y sommes retournés recueillir leurs impressions, après la levée du siège, et pour savoir comment ces commerçants ont géré leur chômage technique.

Au côté est du mur de la Justice militaire se trouve l’entrée secondaire. Entrée qui, lors du procès, était l’objet de mesures de sécurité drastiques. Pour cause, c’était la porte d’entrée du car transportant les inculpés, entouré par un cortège impressionnant de voitures d’escorte, de motards et de gendarmes portant des gilets pare-balles, armés jusqu’aux dents, le doigt sur la gâchette.

Par cette porte également, passaient témoins à charge et à décharge, et... journalistes. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que le petit espace au niveau de cette entrée, rarement utilisée, sert de gagne-pain à certains citoyens et par ricochet à toute leur famille. Fait partie de ceux-là Jacques Compaoré, charretier.

Le mardi 20 avril, dans la matinée, il était assis sur son instrument de travail. Certains de ses collègues étaient couchés à même le sol, à côté de leurs "véhicules", attendant un hypothétique client. C’est vrai que les affaires reprennent très lentement. La spécialité de ces "borom sarret" pour reprendre le titre d’un film de Sembène Ousmane, c’est la livraison de marchandises (poisson sec, balles de friperie...) après que ces marchandises eurent été vidées des gros camions. La veille du procès, Jacques et compagnie avaient libéré les lieux, avec leurs carrioles : "Nous avons déplacé nos pousse-pousse en face du grand marché, côté nord, près de la Société Barro (SOBA)".

Ce déménagement a eu certainement des désagréments, "Les clients ne savaient plus où nous étions", expliquera notre interlocuteur avec regret. Leur métier, physique à plus d’un titre, où le cœur du pousseur ou du tireur (cela dépend) joue le rôle de piston, permet à ceux qui l’exercent de gagner leur pain quotidien : "Pour ceux qui ne sont pas propriétaires de la charrette, la location est de 250 francs jour. Mais cela ne nous empêche pas d’avoir une recette moyenne de 2 500 FCFA/jour. Donc vous imaginez les conséquences après deux semaines de non-activité".

"On nous avait dit qu’on ne fermerait pas"

Non loin de là, se trouve le maquis l’Ozone, qui longe le mur nord de la Justice militaire. Réputé pour sa cuisine délicieuse, ce jardin bien connu des fins gourmets est surtout fréquenté par les hommes de tenue, particulièrement les militaires. La proximité du bistrot avec la Justice militaire, l’état-major général des armées et, dans une moindre mesure, le camp Guillaume y est certainement pour quelque chose. En plus des boissons, on y trouve du riz, du couscous arabe, de la soupe de boyaux, de la langue de bœuf.

La spécialité maison est le steak-frites, qui coûte 1 200 francs. M. Jean-Baptiste, le responsable de la cuisine, pense qu’il y a eu certainement incompréhension entre eux et les services de sécurité. "Au début, il nous avait été dit que nous n’allions pas fermer. Le directeur de la Justice militaire nous avait même dit de nous préparer en conséquence pour qu’il y ait assez de boissons et de quoi manger. Nous avons donc fait le double de nos provisions habituelles". Hélas, le lundi 5 avril à 21 heures, dira M. Fulbert Afoulabou, gérant de l’Ozone, "deux éléments de la police sont venus nous dire de fermer". Cette décision brusque n’a pas été sans créer des désagréments pour qui connaît les difficultés de conservation de la viande, et de bien d’autres produits rapidement périssables.

Aperçu de la situation avec le responsable des Fourneaux à l’Ozone : "Vous savez que nous sommes en période de chaleur, donc la conservation de la viande est très difficile". La soudaineté de la décision a donc embarrassé les animateurs de ce lieu. Mais qu’ont-ils fait alors de ces jours qui leur ont paru interminables ? "On n’avait pas le choix. Tout le monde est resté à la maison. Chacun est allé se débrouiller chez lui", ajoutera le gérant, d’un air impuissant.

Ces messieurs de l’Ozone pensaient pourtant qu’avec la reconstruction du grand mur mitoyen qui les sépare de la Justice militaire et qui fait écran face aux regards des curieux, ils allaient profiter de ce procès pour faire de grosses affaires. Que nenni, semble dire le responsable cuisine : "Durant le procès, certains de nos clients venaient et se rendaient compte que c’était fermé.

Nous en avons qui nous sont fidèles. Chacun aime où il trouve du plaisir à boire et à manger. D’autant plus que nous, ici, nous avons une cuisine particulière". Le risque maintenant est que même les habitués ne reviennent pas parce qu’ils auraient trouvé, entre-temps, un autre point de chute.

En tout cas en cette matinée du mardi 20 avril, il n’y avait pas foule en ces lieux : "Vous même, vous voyez que cela a joué sur l’affluence. Ce n’est qu’hier lundi que nous avons rouvert. Il n’y a pas grand monde", nous dira la propriétaire des lieux. Mais le manque à gagner véritable dans cette interruption, nous ne le saurons pas.

Les commerçants, c’est connu, n’aiment pas parler argent. Il suffit d’écouter la réponse évasive du gérant Fulbert Afoulabou pour s’en convaincre : "Cela dépend des jours. Parfois, on peut vendre beaucoup, d’autres jours pas grand chose. A titre d’exemple, aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup de clients. On n’a pas de montant exact.

Parfois, nous vendons 10 cageots, souvent moins". De mémoire de gargotier, pareille chose ne leur est d’ailleurs arrivée qu’une seule fois : lors du procès David Ouédraogo, "mais cela n’avait pris que 3 jours. Cette fois-ci nous en avons pris pour 2 semaines". Voici des gens qui ne voudraient plus entendre parler de procès où seront impliqués des militaires.

"Nous avons pu maintenir le contact avec nos clients"

Autres lieux, autres perceptions des choses, la maison multi-services Delwendé, une dépendance de la cour du Centre multimédia municipal. Cet établissement a une ouverture qui donne sur l’une des principales voies barrées dès le 6 avril. C’est une maison de services où l’on fait de la photocopie, le tirage de plans, le téléphone public, la reproduction de clefs et la confection de cachets. Le propriétaire de ces lieux, quant à lui, prend ce qui lui est arrivé avec philosophie. Certes, il reconnaît avoir été prévenu seulement la veille qu’ils devaient fermer pour des raisons de sécurité,"mais la vie est ainsi faite".

C’est vrai que la vie est ainsi faite, mais les lois du commerce sont implacables. Et il reconnaîtra que cela n’a pas été sans influence sur sa clientèle avant d’ajouter : "Telle n’est pas la préoccupation essentielle. Nous remercions Dieu beaucoup, du fait que le procès s’est tenu et s’est terminé dans de bonnes conditions. Pour moi le reste n’est pas important".

Naturellement donc, et suivant sa logique, on ne peut parler dans cette affaire de manque à gagner dû au procès. "Ce n’est pas le plus important", dit-il en nous reconduisant. C’est un peu le même son de cloche du côté du gérant d’une maison de prêts-à-porter, pour qui, grâce aux progrès de la science, il a pu "manager" ses clients : "Comme il y a aujourd’hui la technologie et les portables, nous avons pu maintenir le contact avec nos clients".

Comme déjà vu, Jean-Baptiste le charretier et Fulbert de l’Ozone sont loin de partager ce positivisme. "Ça s’est répercuté sur nous. On ressent cela toujours. Avec le temps, peut-être qu’ils peuvent voir notre cas, pour ne pas nous pénaliser".

A des degrés divers donc, ceux dont les commerces ont été pris en tenaille par le périmètre de sécurité ont trinqué en même temps que les condamnés, car jusqu’à ce que nous bouclions cette petite enquête, aucune information ne faisait état de ce qu’ils seraient dédommagés, d’une manière ou d’une autre.

Cela dit, ces désagréments reposent le problème de la proximité des bistrots, échoppes, bazars et autres lieux de commerce et de lucre avec des sites spécifiques comme les lieux de culte (mosquées, églises, temples), les palais de justice, les camps militaires ou certaines administrations de souveraineté.

En effet, pareille promiscuité est, en règle générale, interdite, notamment dans des législations de tradition francophone comme la nôtre. Mais ces dispositions sont rarement respectées, soit par ignorance des administrés, soit par laxisme de l’Administration, qui ferme les yeux ou autorise carrément ce genre de situations.

Dans ces conditions, à qui faut-il s’en prendre quand, pour les besoins de la cause, la force publique décide de boucler, au grand dam de ses occupants habituels, une zone qui ne devait déjà pas être... occupée ?

L’Observateur

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