Actualités :: UNDD : Pour un forum national sur l’armée

Les commentaires sur le verdict de la tentative de coup d’Etat ne
sont pas prêts de s’estomper. Salif Ouédraogo, Secrétaire
général de l’Union nationale pour la démocratie et le
développement (UNDD) donne son point de vue sur la question.
Il propose notamment de diagnostiquer les maux qui minent
l’armée.

"Dans un Appel du 14 avril 2004, 19 partis d’opposition (15 + 4
regroupés dans l’OBU) ont donné leur point de vue sur ce
procès et l’ont fait suivre d’une demande portant sur la création
d’une commission d’enquête internationale sur les ingérences
et les crimes impunis du régime Compaoré. L’UNDD
évidemment est solidaire de cette déclaration qu’elle a signée.
Cependant, j’insisterais sur certains aspects qui tiennent
particulièrement à cœur notre parti.

Dès le stade de l’enquête préliminaire à la Gendarmerie, des
événements se sont produits qui nous amènent à nous engager
dans un combat pour que les droits de la défense soient mieux
garantis à ce niveau. Pendant cette période très délicate, où les
détenus sont pour ainsi dire livrés à la police judiciaire sans
possibilité de communication, sans assistance de conseil,
beaucoup de choses peuvent se passer et qui conditionnent
négativement le cours de l’instruction et du procès.

C’est ainsi qu’il y a eu un mort plus que suspect et jusqu’au
jour d’aujourd’hui, on n’a pas pu situer l’opinion sur les
conditions réelles de cette mort.
Pendant cette période de garde à vue, particulièrement longue,
on a vu l’immixion intolérable du Régiment de la Sécurité
Présidentielle, ce qui a abouti à des aveux forcés. Cela n’est pas
fait pour crédibiliser l’enquête préliminaire.

Pendant l’instruction, les commissions d’office n’ont pas
fonctionné pleinement de sorte que des prévenus n’ont pas pu
être en mesure d’assurer correctement leur défense et d’éviter
certains pièges de procédure.

Quant au procès lui-même, à proprement parler, nous avons pu
être édifié par plusieurs choses. D’abord, il n’a pas pu être
démontré à l’instruction à la barre, que les faits qui étaient
reprochés aux prévenus, étaient réellement caractérisés.
L’impression première, faite de doute, de suspicion voire
d’extrême réserve qui a accompagné l’annonce de la tentative
du coup d’Etat, s’est même renforcée. Si le capitaine Ouali et le
sergent Naon n’ont pas fait mystère de leur intention d’en finir
avec le régime en place, rien n’a pu être rapporté attestant qu’ils
avaient effectivement mis en œuvre, à travers une résolution
claire et nette, une dynamique devant aboutir, avec des moyens
appropriés, à renverser le régime.

"Mettre en oeuvre les recommandations du Collège de sages"

Quant à l’ingérence extérieure, elle était vraiment tirée par les
cheveux. 50 millions remis à un quidam, dont on n’a même pas
cherché à connaître l’identité, pour le compte de l’aide de camp
du président ivoirien au capitaine Ouali, cela ne suffit pas à
constituer ce crime d’intelligence avec une puissance étrangère.

Si pour nous, le procès a montré la légèreté des charges, il a
aussi montré qu’au Burkina Faso, on pouvait arrêter un citoyen
pour rien, sans bases légales, le faire moisir en détention,
mettre sa vie en péril (vie privée, carrière professionnelle et
activités politiques). C’est ce qui a été notamment fait à Norbert
Tiendrébéogo.

En pareille circonstance lorsque l’innocence de l’accusé a été
prouvée, la justice devrait prévoir une certaine compensation
pour les dommages moraux et financiers subis par la personne
en question. En effet, passer près de six mois (6) en détention
pour des faits non avérés mérite réparation.
Mais contre toute attente, l’intérêt de ce procès (qui tel qu’il a été
bidouillé devait convaincre l’opinion du sérieux des charges,
montrer qu’il y a une vraie justice au Burkina Faso et du même
coup rehausser l’image du pouvoir), s’est déporté sur tout autre
chose : la mise en exergue des dérives du régime et le malaise
latent qui perdure dans notre armée.

Au niveau de notre parti, nous avons en quelque sorte vu ce
procès valider des positions que nous avons toujours eues.
C’est le cas par exemple pour l’armée. Notre position a toujours
été qu’il fallait mettre en œuvre les recommandations du
Collège de sages concernant l’armée. De façon plus précise, le
président de notre parti a toujours souligné la nécessité de
procéder à une sorte de forum national sur l’armée pour en
diagnostiquer les maux et proposer des médications, l’armée,
pour nous, s’étant délitée en raison de nombreux
dysfonctionnements et de son affectation à des missions non
républicaines, toutes choses qui en faisaient une armée plus
clanique.

Des officiers et des sous-officiers ont argumenté, avec
preuves à l’appui, cet état de crise au sein de l’armée. On ne
pourra plus, à partir de ce procès, nier qu’il y a un problème
dans la grande Muette qui réagit sur les institutions et sur le
fonctionnement de la démocratie. Il faut donc, à partir du constat
fait au niveau de l’armée, avoir le courage politique de la
réformer pour mieux l’organiser afin qu’elle redevienne plus
républicaine.

"Le tribunal aurait dû ne pas condamner les inculpés"

Le procès a aussi commencé à dévoiler les ingérences
inadmissibles dans des zones de conflits par l’envoi de
militaires burkinabé ; il a en outre montré que l’alternance tant
souhaitée, ainsi que cela ressort de l’Appel des 19 partis
d’opposition, rencontrera toujours une farouche opposition de la
part du pouvoir en place car, ainsi que l’ont dit en substance les
présumés putschistes, le président sortant ne supporte pas ce
mot.

Si on a voulu par ailleurs, montrer qu’un procès pouvait se tenir
dans la transparence et dans le respect de l’équité, beaucoup
auront observé, comme le mentionne d’ailleurs déjà l’Appel des
partis d’opposition, qu’on n’a pas souvent encouragé la
manifestation de la vérité et respecté les droits de la défense, ce
qui a motivé la colère du Collectif des avocats qui est allé
jusqu’à claquer la porte du tribunal, justement parce qu’on a
empêché les prévenus de s’exprimer sur leurs mobiles.

Ce que nous retenons, c’est que le procès qui a abouti à 4
emprisonnements fermes, 3 avec sursis et 6 acquittements,
pose plus de problèmes qu’il n’en résout.
Le fait que le Tribunal n’ait pas suivi le commissaire du
gouvernement dans ses réquisitions et qu’il ait statué
en-dessous, ne justifie pas qu’on s’appesantisse autant sur la
clémence du tribunal ; il aurait dû, au contraire, compte tenu de
l’inconsistance des charges, ne pas condamner les inculpés.

Par ailleurs, maintenant que la preuve est faite que ça ne va pas
dans l’armée, qu’il a été proposé de faire des révélations sur les
commanditaires et auteurs des assassinats de Sapouy, que
l’opinion attend qu’il soit donné des éclaircissements sur toutes
ces questions, on comprend la portée de la demande de la
commission d’enquête internationale. C’est à ce prix-là
peut-être qu’on pourra dire qu’à quelque chose, malheur est
bon. Même si le procès n’a pas été convaincant, il pourra jouer
le rôle d’un détonateur qui amènera à s’attaquer aux vrais
problèmes du pays."

Le Secrétaire général de l’UNDD, Salif Ouédraogo

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