Actualités :: <I>La nouvelle du vendredi</I> : Le coeur dans la main

Progressivement, le soleil avait décliné. A sa place trônait à présent une jolie lune, toute ronde. Tout près, une splendide étoile lui servait de confidente.

Surprise par le crépuscule, une colonne d’oiseaux se dépêchait de rentrer. De la terre, ces oiseaux semblaient passer au travers de la lune. Sur terre. Le vent las d’explorer les pagnes des dames, les minijupes des demoiselles avait observe une trêve. Moins fougueux maintenant le vent venait, vous caressait le visage, la main et les pieds.. .le corps. Ensuite, il s’en allait son chemin. Devant, il faisait escale dans telle ou telle cour, en prenait le pouls. Puis, alors que vous ne l’espérez pas, il revenait vous bercer à nouveau. Mais cette fois, sous la forme d’une brise.

Le temps était superbe ! Les lieux publics grouillaient de monde. Chacun avait fui la solitude de ces quatre murs. Là-bas, à l’angle de la rue, un homme, un anonyme. Assis seul au milieu de cette foule, il observait les hommes agir. Personne ne lui prêtait attention... Sur la Nationale l, de jeunes couples.

Comme s’ ils étaient seuls au monde, allaient, venaient à l’image du vent. C’étaient les cents pas ! Dans les maquis qui avaient poussé ici et là à la faveur de la nuit, des tontons, des tanties. L’alcool, la grillade dégageaient les cordes vocales. Et loin des oreilles indiscrètes des enfants, on les surprenait parler d’amour, de sexualité. Pourtant à la maison ils donnaient l’impression de transcender ces choses-là. Ne parlant que de sujets sérieux. Entre deux bières, l’on parlait également du système politique. Il n’avait de démocratique que la façade, disait-on. L’on s’en prenait à Dieu, à son supérieur qui bloquait une promotion que l’on attendait depuis. Ainsi ces grandes personnes passaient leur temps ce soir.

Ailleurs, l’heure était au recueillement. Des fidèles musulmans groupés derrière l’imam s’ingéniaient à plaire à Dieu tout-puissant. C’était la cinquième et dernière prière du jour. La mosquée était saturée. Certains fidèles priaient à même le ciment. Malgré tout, c’était à qui se courberait le mieux, se relèverait le mieux. Le Très-Haut, du haut de son trône les regardait faire. Etait-il seulement satisfait de sa création ? Lui seul savait !

*****

Ici, M. Kuz, professeur certifié des collèges de son état avait été pris en "otage" par une pile de copies. Jouir de ce beau temps comme tous ses concitoyens, il aurait voulu. Seulement ses mignons élèves l’attendaient. Il leur avait promis les copies pour le lendemain. Il entendait tenir sa parole. Il comptait exploiter la quiétude de l’heure. Mais avait-il à peine corrigé quatre copies qu’il laissa échapper : "Ah les élèves ! ". C’était en vocabulaire. Entre autres questions, le professeur avait demandé aux élèves un mot de la même famille que le verbe décaler. Comme réponse, il lui avait été proposé : "décalement" en lieu et place de décalage.

L’enseignant se trouvait désarmé. Décidément le nouveau concept musical baptisé "coupé-décalé", après avoir envahi la télé et la radio faisait malheur jusque dans les écoles. De jeunes collégiens venaient ainsi d’être abusés. Comment savoir à leur jeune âge que "décalement" n’est qu’une mauvaise blague de chanteurs. Fallait-il les

sanctionner ?

Fallait-il les comprendre ces enfants ?

Le professeur s’interrogeait, tourmenté. Insensible à ses angoisses, l’aiguille de sa montre tournait, tournait, tournait en rond. N’était-ce pas là son destin ? Laisser cela et se mêler de correction.. .de copies qui ne vous concernaient pas, c’était pécher, pensait l’aiguille.

Abattu, M. Kuz se laissa aller à ses vieux souvenirs. Ces instants de sa vie à jamais enfouis dans le passé. Ses premières années d’école. Son école primaire. Son maître du cours moyen. Celui-là, l’avait tant marqué. Il lui devait même sa vocation actuelle. Il se rappelait ce soir ces propos du maître qui l’avaient captivé jadis : De tous les métiers que l’on peut exercer, celui d’enseigner est de loin le meilleur et des plus nobles. Il vous revient de former les hommes de demain. Le maître disait que chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.

Le bic rouge entre le pouce, le majeur et l’annulaire, M. Kuz semblait bien nostalgique. Le passé lui revenait comme dans un rêve. Mais le temps avait couvert certaines séquences de ce passé de son voile ténébreux. Il finit par se dire que de leur temps les élèves étaient moins distraits. Le symbole et la cravache consacraient le bon usage vaille que vaille ! Des bruits de talons...

*****

Une présence féminine. Le prof descendit du nuage où il était depuis un moment. Il observa venir sa fille aînée..., alla à la copie qui l’avait ainsi envoyé promener. Puis, revint à l’enfant qui était à présent arrivé à son niveau.

Des traces de larmes encore distinctes sur ce visage angélique témoignaient que l’adolescente avait pleuré. Ces yeux étaient rouges, d’un rouge couleur de sang. Le père demanda ce qui n’allait pas. L’enfant partit en explications. Sa relation avec son petit ami s’était détériorée. Elle était sortie pour une réconciliation. Son copain était friand de poèmes. Elle avait le sien pour la circonstance. Le père écoutait toujours. Il ne disait mot. Et la fille avançait dans la narration. Elle était sûre de son coup, disait-elle, n’eût été cette bouleversante découverte... Elle ne s’était pas annoncée. Le devait-elle seulement ? C’était après tout chez son cœur.

Alors c’était sans protocole, pensait-elle dans sa tête de petite fille encore naïve. Mais lorsqu’elle souleva le rideau, entra sa tête, elle comprit un peu tard qu’elle aurait dû s’annoncer. Par Eros que vit-elle ? Son prince charmant et sa meilleure amie bien enlacés, se "bécotant" à l’envie... Elle avala la salive qui s’était rapidement formée dans sa bouche. Son poème lui glissa des doigts. Elle ne le sut pas. Elle marcha dessus. Elle ne le sut pas. Déjà, elle regrettait son investissement. Tous ces efforts pour rien ! S’enfermer dans une chambre. Eteindre la lumière. Allumer une bougie. Trouver l’inspiration. Sculpter ce poème. Pourquoi ? Pour rien !

*****

La flamme jaune d’une bougie
Eclaire mes yeux rougis.

Mon cœur meurtri
En vain te réclame ici.

Ton absence me ronge
Et je ne jetterai pas l’éponge.

Tu manques à mon cœur
A ce bouquet de fleurs
Que tu m’as offert un jour
Comme gage de ton amour
Le printemps de nos amours...

C’était déjà il y a longtemps ?
Mais dis-moi : as-tu toujours
Mes vers, ces vers d’antan ?
Ecrits avec comme encre, du sang.

Le sang de mon cœur.
Ce soir encore
Ce cœur saigne
Ce cœur t’aime
Reviens-lui !

Elle se demandait pourquoi elle n’était pas rentrée ; pourquoi elle n’avait pas fait de scandale. Le choc peut-être... Elle se rappelait qu’elle était restée simplement derrière ce rideau, un instant tout hébétée. Puis comme par magie, elle s’était retrouvée sur le chemin du retour, le cœur gros comme un poing.

Le récit de l’enfant transportait encore le père dans sa propre enfance. Il se souvint que son maître disait que l’amour était le summum de l’injustice et de l’impunité. L’on s’y faisait titiller juste parce que l’on a eu le culot d’aimer. Et le problème disait-il aussi, c’est qu’on aime toujours. M. Kuz revit ses "propres déboires" avec celle qui était aujourd’hui sa femme. Mais c’est cela aussi l’amour, conclut-il pour lui-même.

- C’est quoi l’amour ? l’interrogea sa fille qui avait saisi quelques bribes de sa pensée.

Kuz sur-le-champ ne sut que rétorquer. Il se creusa les méninges... Puis brusquement comme s’il eut eu une révélation, il s’adressa à son enfant : "Tu comprendras un jour !".

- Quand ? s’obstina celle-ci.
- Lorsque tu auras mon âge ma fille, lui suggéra son père.

Le Pays

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