Actualités :: Me Benoît Sawadogo : "Les coups d’Etat chassent les investisseurs"

Me Benoît Sawadogo, ancien bâtonnier du Burkina fait partie du collectif des avocats de la partie civile (qui comprend en outre maîtres Antoinette Ouédraogo et Anicet Somé) à ce procès des présumés putschistes, qui est entré ce matin dans sa 9e journée.

Dans cet entretien, il donne ses impressions partielles sur le déroulement du procès, évoque "l’incident du 10 avril", et estime que l’Etat doit de plus en plus être défendu, car c’est finalement les citoyens qui payent pour les préjudices qu’on lui causent, d’où l’aversion affichée par l’interviewé pour les putschs.

Me Benoît Sawadogo, vous faites partie du collectif des avocats de la partie civile dans ce procès ; 9 jours après le début du jugement, quelle lecture en faites-vous ?

• Je vous remercie de me donner l’occasion de donner mon sentiment sur le déroulement de ce procès. D’abord, il faut dire que c’est une première au Burkina Faso de voir que les coups de force au lieu de se régler dans l’enceinte des camps militaires, se règlent au niveau de la justice. C’est un grand pas. Les débats se déroulent assez normalement, je dis cela parce qu’il y a eu des incidents.

On en note d’ailleurs à l’occasion des procès de même nature. Je suis très satisfait parce qu’on voit que les accusés sont défendus par des avocats. Les accusés ont également la parole, ils s’expriment librement, mais uniquement dans le cadre de ce que prévoient les règles de procédure pénale.

Dans ce code de procédure pénale, il est dit que l’accusé a toute latitude pour s’exprimer, pour informer le tribunal des faits pour lesquels il comparait devant le tribunal. Je dois dire aussi qu’il y a un grand principe qui dit que l’accusé ne prête pas serment. Il peut dire ce qu’il veut, y compris mentir ; c’est même un droit pour lui de mentir. Seuls les témoins ont l’obligation de dire la vérité, toute la vérité, faute de quoi ils feront l’objet de poursuites pour faux témoignage ou parjure, et on sait que le parjure, dans le droit canonique, est synonyme de péché.

A l’ouverture du procès, on a vu que la défense a perdu la bataille des exceptions. Votre commentaire.

• Oui, sur ce point-là, il faut s’accrocher à la bible de la procédure, c’est-à-dire au code de procédure pénale. Son article 218 spécifie bien que toutes les exceptions liées à la procédure antérieure et en tout cas après l’arrêt de renvoi ne peuvent pas être soumises à l’appréciation du tribunal. Mais à la Chambre judiciaire de la Cour de cassation, seule compétente pour connaître de ces exceptions-là. Et lorsqu’on découvre des exceptions à l’occasion des débats, le tribunal ne peut pas se prononcer sur celles-là, car elle n’est pas compétente pour en connaître.

C’est à l’occasion du jugement du tribunal que les parties qui soulèvent ces exceptions peuvent former un pourvoi sur ces points ; dans ce cas, le jugement est rendu, et les exceptions qui dénoncées à l’occasion de procès font l’objet d’une saisine de la Chambre judiciaire de la Cour de cassation. Pourquoi ? Pour éviter que d’exception en exception, on n’évite d’aller au fond des débats, car les exceptions sont des violations des règles de procédure. Mais si tel est le cas, c’est au juge des jugements, au juge des arrêts, d’apprécier la pertinence de ces exceptions.

Le 10 avril dernier, des avocats de la défense ont quitté le procès pour protester contre la façon dont le jugement se déroulait. Quelle analyse faites-vous de cet incident de parcours ?

• Vous le savez, dans bon nombre de procès, ces genres d’incidents sont légion. Vous avez des procès où toute la défense refuse même de comparaître, encore moins de prendre part au procès parce qu’ils estiment que les dés sont pipés. Ici, ce n’est pas le cas puisque tout se passait normalement.

Il a fallu qu’à l’occasion de la conduite des débats, certains membres de la défense estiment que le président du tribunal menait un peu le débat d’une manière partiale. Ils ont estimé que quand l’arbitre sanctionne des fautes, ou empêche le jeu de se développer selon les règles en la matière, il y a un parti pris ; c’est pour cela qu’ils ont protesté et voulu marquer le coup.

Ils ont aussi estimé que le ministère public, quelquefois, a tendance à considérer la personne des avocats ou disons ce qu’ils représentent, le barreau, comme manquant de probité intellectuelle dans les questions qu’ils posent. Et c’est tout à fait normal qu’en tant qu’ancien bâtonnier, je puisse intervenir (NDLR : Me Benoît Sawadogo a demandé et obtenu alors ce jour-là une suspension pour une concertation) afin que le président du tribunal reste dans son rôle d’arbitre impartial, et que les avocats posent les questions dans le respect des règles de procédure pénale.

Au fait, dès le début du procès, des avocats de la défense ont semblé trouver presqu’inutile la présence de la partie civile à ce procès... Qu’en pensez-vous ?

• Ecoutez, la défense a trouvé que la partie civile et n’intervenant qu’au nom de l’Etat, la mission de celle-là se confond avec celle du commissaire du gouvernement, qui, lui, nous le savons, intervient pour l’action publique, qui est une action pour l’application des peines. Or si nous prenons notre code de procédure pénale, en son article 2, il dit qu’à l’occasion de procès pénal, la partie qui est d’une action civile en réparation de préjudice de toute personne qui a pu souffrir de l’infraction peut intervenir à l’occasion du procès, pour demander la réparation de son préjudice. Moi je pense que l’Etat est une personne morale de droit public, qui a des droits et qui a aussi des obligations.

Et le préjudice que l’Etat subit ici est qu’après chaque coup d’Etat, après chaque remise en cause de l’ordre républicain établi, c’est lui qui répare les préjudices. Exemple : les décisions rendues au niveau des TPR. Il y a eu une procédure générale de révision de ces TPR. Et qui, pensez-vous, devrait payer la réparation des préjudices des personnes victimes des TPR ? C’est vous et moi, ce sont tous les citoyens, avec nos impôts, et en tant qu’administrés, nous avons le droit de dire "Halte, ne continuez pas !". Nous subissons un préjudice qui est réel.

Nous avons vu qu’on a fait des réhabilitations administratives à la suite des violences faites à des fonctionnaires ou même à des personnes en politique. Mais qui paye cela ? Où croyez-vous que le Trésor trouve cette somme ? On donne souvent le montant des sommes décaissées à cet effet. Nous sommes assujettis à l’Administration, et c’est nous qui payons les impôts. Que ce soit le fonctionnaire auquel on retient l’IUTS, ou la personne morale qui paye l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (les BIC)...

L’Etat est une personne morale, qui a des droits et qui subit un préjudice à l’occasion des coups de force. Qui plus est, si on analyse un peu l’évolution de la vie politique au Burkina Faso, on s’aperçoit que depuis la Constitution de 1991 jusqu’à nos jours, il y a eu 13 ans de stabilité ; même s’il y a eu quelquefois des soubresauts, au demeurant compréhensible dans tout Etat démocratique, notre IVe République est l’une des plus stables.

Et si vous prenez ce même laps de temps, 13 ans, en remontant l’histoire, vous vous rendez compte, vous vous apercevez que plusieurs régimes, j’allais dire démocratiques et d’exceptions se sont succédé. Cela veut dire que notre stabilité aujourd’hui est, aux yeux de l’extérieur, écornée par notre tentative de putsch.

L’Etat est une personne morale de droit public au niveau interne, mais c’est aussi un sujet de droit international, qui bénéficie de ce qu’on appelle une image de marque. Si son image est écornée à tout bout de champ, nous serons classé dans l’échelle des pays à risque, à un niveau qui va être préjudiciable à l’intérêt du Burkina, car aucun investisseur n’y viendra.

Interview réalisée par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur

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