Actualités :: Dr Joseph André Tiendrébéogo : “90% des associations de lutte contre le Sida (...)
Dr Joseph André Tiendrébéogo

La communauté internationale commémore, chaque 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le Sida (JMS). Cette journée, placée sous le thème “Stop Sida” et a pour slogan “Tenons notre promesse ” a été commémorée à Dori, chef lieu de la région du Sahel. Sidwaya publie un entretien du Dr Joseph André Tiendrebéogo, secrétaire Permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les Infections sexuellement transmissibles.

Sidwaya (S.) : Le Cadre stratégique de lutte contre le Sida 2001-2005 est à son terme, quel bilan pouvez-vous dresser ?

Joseph André Tiendrebéogo (J.A.T) : Il convient de rappeler que le Cadre stratégique 2001-2005 avait identifié cinq secteurs d’intervention : le secteur ministériel, le secteur décentralisé qui concerne les provinces, le secteur communautaire, le secteur privé et des entreprises et enfin, le secteur de la coordination représenté au niveau central par le Secrétariat permanent.
Au niveau des ministères, il y a eu la mise en place des comités ministériels de lutte contre le Sida, près de 22 ministères ont des comités ministériels qui ont pu mettre en œuvre des actions de lutte contre le Sida.
Au niveau du secteur décentralisé, les 45 provinces ont été dotées de comités provinciaux de lutte contre le Sida, présidé par la plus haute autorité de la province, le haut-commissaire.

Il y a par ailleurs, 350 comités départementaux de lutte contre le Sida présidés par les préfets et près de 5 000 comités villageois de lutte contre le Sida et dans l’ensemble des communes et secteurs, il y a des comités de lutte contre le Sida.

Quant au secteur communautaire, nous avons appuyé la mise en place des structures de coordination qui coiffent les associations de base notamment au niveau des communautés coutumières et religieuses. Ainsi par exemple, les catholiques ont un Comité national catholique de lutte contre le SIDA (CNCLS) qui comporte des comités diocésains et des comités paroissiaux.

Au niveau des évangéliques, il y a le Comité national des évangéliques pour la lutte contre le SIDA (CNELS) qui a également des structures tant au niveau provincial que régional.

Les musulmans ont pu avec notre appui, mettre en place la coordination islamique des actions de lutte contre le Sida (CIALIS). Cette coordination comporte des démembrements à travers l’ensemble du pays et enfin, au niveau des autorités coutumières et traditionnelles, le Comité national des chefs coutumiers et traditionnels de lutte contre le Sida qui s’est aussi structuré au niveau provincial.

Des réseaux d’associations dont ceux des jeunes et des PVVIH ainsi que des associations de base ont été appuyés pour la mise en œuvre d’activités de lutte contre le Sida, y compris la prise en charge médicale.
Voilà ce qui a été fait au niveau de la société civile pour “ booster ” les actions prévues dans le cadre stratégique de lutte contre le SIDA 2001-2005.
Il y a ensuite le secteur privé et des entreprises publiques ou semi-publiques, soit près d’une quarantaine de sociétés qui ont mis en place des comités d’entreprises de lutte contre le SIDA.

Dans cette dynamique, des sociétés ont pu comprendre la nécessité de sauvegarder les ressources humaines, la substance du capital d’une entreprise. Ainsi, elles ont non seulement mené des actions de communication pour le changement de comportement, mais ont assuré la prise en charge médicale des employés infectés ainsi que leur famille. Il y a présentement 3 ou 4 sociétés, qui assurent la prise en charge jusqu’aux antirétroviraux (ARV), ce qui n’est pas négligeable, mais nous pensons que d’ici à la fin des 5 prochaines années, beaucoup d’autres entreprises et sociétés vont s’engager sur cette voie.

Enfin, le secteur de la coordination qu’est le Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le SIDA et les IST (CNLS-IST) est présentement bien structuré. Ce qui n’était pas le cas en 2001. Aujourd’hui, il y a le Secrétaire permanent qui a rang de Secrétaire Général de ministère. Le Secrétariat est organisé un peu à l’image des départements ministériels avec 3 départements transversaux que sont : le département de la planification, du suivi-évaluation (DPSE), le Département chargé de l’administration et des finances (DAF) et le Département chargé de la communication et des relations publiques (DCRP).

Viennent ensuite les 4 départements techniques qui sont : le département chargé des ministères autres que celui de la santé et des entreprises (DME), le Département chargé du secteur santé (DSS), le département chargé de l’étude des dossiers soumis au Fonds de solidarité envers les malades et orphelins du SIDA (DED/FSMOS) et enfin, le département chargé des communautés coutumières et religieuses, des ONG et OBC (DCCRO).
Il est à noter la création de l’Unité de Gestion Financière (UGF) au sein du Secrétariat Permanent en avril 2005.Voilà donc sur le plan organisationnel, ce qu’on peut tirer comme bilan.

Quant à la mobilisation des ressources, le nerf de la guerre, il faut souligner que le cadre stratégique 2001-2005 prévoyait initialement un besoin de financement d’environ 78 milliards de F CFA. Mais au cours de la table ronde des bailleurs de fonds organisée en juin 2001, nous avons réajusté ce besoin de financement autour de 71 milliards.

Cela ne signifie pas que nous avons diminué le montant prévu ; nous avons convenu de façon consensuelle, qu’étant donné qu’il y avait déjà 6 mois de service accompli, les besoins prévus au titre de l’année en cours pouvaient être divisés par deux (2). De ce fait, le financement a été ramené à environ 71 milliards de F CFA et nous avons pu mobiliser à peu près 64 milliards et exécuté 60 milliards, ce qui constitue, à mon avis, une bonne performance.

S. : Les objectifs visés ont-ils été atteints ?

J.A.T : A partir des objectifs globaux qui étaient de réduire la prévalence du VIH/SIDA, je pense que nous avons atteint ces objectifs. Puisque la prévalence est passée de 7,17 % en 1997 à 2,3 % en fin d’année 2005. En outre, l’enquête démographique et de santé 2003, en son volet VIH/SIDA, nous a donné une séroprévalence de 1,8 % en population générale.

Certes, ces chiffres ne sont pas à confondre car le taux de 1,8 % concerne la population générale alors que les 2,3 % proviennent de la surveillance à partir des sites-sentinelles.
Au-delà des secteurs d’intervention énumérés, les actions ont été menées conformément aux axes stratégiques au nombre de quatre (4), comportant chacun des domaines d’actions prioritaires au nombre de 24.

Le premier axe concerne le renforcement des mesures de prévention de la transmission du VIH/SIDA avec 6 domaines d’action prioritaires dans lesquels sont développées les activités. Par exemple, l’un de ces domaines d’action concerne le renforcement des comportements à moindre risque. Ce qui a entraîné les grandes campagnes d’information, d’éducation, de communication pour le changement de comportement menées par des associations et des projets tels que : le Réseau des jeunes contre le SIDA à travers la campagne “ l’amour sans risque, c’est plus...”, le Projet de marketing social des condoms (PROMACO) avec la grande campagne “ C’est ma vie ” qui a impliqué les plus hautes autorités de l’Etat ainsi que les premiers responsables coutumiers et religieux. Du reste, ces campagnes se poursuivent toujours à travers des messages de sensibilisation sur des antennes de télé et de radiodiffusion, pour amener la population à adopter les comportements à moindre risque.

Il faut aussi noter la promotion des préservatifs et la sécurisation des poches de sang transfusées. Ainsi, des millions de préservatifs ont été vendus depuis 2001. Le marketing social des condoms a permis d’amener le préservatif jusqu’au niveau des villages les plus reculés du Burkina pour permettre aux uns et aux autres de se protéger quand ils ne peuvent pas s’abstenir ou rester fidèles à leurs conjointes. Par ailleurs, il faut ajouter qu’en 2003, nous avons lancé le préservatif féminin. Là aussi, il y a un marketing social pour rendre plus accessible ce produit.

Enfin, il y a la prévention de la transmission mère-enfant du VIH où nous sommes passés de deux ou trois districts-pilotes en 2002 à près de 37 structures sur les 55 qui assurent la prévention de la transmission mère-enfant ; 140 et 150 sites exécutent les activités de PTME répartis dans les 37 districts sanitaires. Durant les années à venir, nous espérons pourvoir tous les 55 districts sanitaires de sites.

Il existe d’autres interventions et non des moindres notamment le renforcement du dépistage, le traitement des Infections sexuellement transmissibles (IST) qui constituent des portes d’entrée pour le VIH. Dans cette optique, le nombre de centres de dépistage volontaire qui étaient de 5 ou 6 en 2001 est passé à 93. Une bonne partie de ces sites est gérée par le monde associatif et communautaire et l’autre partie intégrée dans les formations sanitaires.

Les grandes campagnes menées, ces dernières années sur le dépistage surtout en milieu scolaire et universitaire, ont entraîné de très bons résultats avec environ 190 000 personnes ayant pu bénéficier du dépistage en 2005 alors qu’en 2001, ce chiffre ne dépassait guère 6 000 personnes.
L’ensemble de ces interventions a certainement contribué à la réduction du taux de prévalence du VIH/SIDA.

Le deuxième axe du cadre stratégique concerne le renforcement de la surveillance de l’épidémie. Il y est prévu 3 domaines d’action prioritaires dont la notification du nombre de cas de Sida ou d’infections sexuellement transmissibles à partir des formations sanitaires. Ensuite, il y a l’organisation de la surveillance de l’épidémie même au niveau des sites-sentinelles qui sont des endroits choisis pour le prélèvement de sang sur les femmes qui se présentent en consultation prénatale.

Compte tenu du fait que la transmission du VIH passe essentiellement par la voie sexuelle, l’ONUSIDA et l’OMS considèrent que les personnes sexuellement actives sont les mieux indiquées pour suivre régulièrement l’évolution de la pandémie, d’où le choix des femmes enceintes dans notre pays.

En 2001, il n’y avait que 5 sites-sentinelles situés dans 5 régions. A partir de 2002, ce nombre est passé à 10 sites puis treize en 2004, aujourd’hui, nous avons un site- sentinelle par région administrative. Ce qui permet d’avoir une prévalence par région, l’ambition est d’avoir des sites provinciaux pour des informations encore plus précises.

Les enquêtes constituent le 3e domaine d’action prioritaire en matière de surveillance ; ainsi des projets ont mené des enquêtes comportementales et autres, dont la plus importante est l’Enquête démographique et de santé (EDS) dont j’ai parlé plus haut.

Le troisième axe du CSLS 2001-2005 est l’amélioration de la qualité de la prise en charge globale des personnes infectées et affectées. A ce niveau, il fallait organiser le soutien psychosocial et économique des personnes infectées et affectées, une tâche confiée au ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale au plan institutionnel.

La grosse part a été réalisée par les ONG et les associations qui sont sur le terrain. Notamment les visites à domicile, les visites à l’hôpital, la prise en charge psychosociale et économique, l’accompagnement en fin de vie, les activités génératrices de revenus etc.
Quant à la prise en charge médicale particulièrement par les ARV sous la responsabilité du ministère de la Santé, nous sommes à la fin 2005, à une quarantaine de centres qui assurent cette tâche alors, qu’en 2001, c’était essentiellement les deux hôpitaux nationaux à savoir Yalgado Ouédraogo à Ouagadougou et Sourou Sanou à Bobo-Dioulasso.

Cette prise en charge est assurée au niveau de tous les centres hospitalisés régionaux, de dix centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) au niveau urbain et rural, de dix autres centres médicaux publics, privés et conventionnels ainsi que de huit formations sanitaires gérées par des associations. Cette extension de sites de prise en charge a permis de façon globale à la fin de l’année 2005, de mettre 8 136 personnes sous ARV qui sont régulièrement suivies contre 2 500 en 2002.

Dans ce domaine, nous pouvons nous féliciter d’avoir pu instituer un diplôme interuniversitaire pour la formation du personnel médical, paramédical et non médical. Cette formation qui est déjà à sa 3è édition regroupe à l’Université de Ouagadougou, des auditeurs venant de plusieurs pays d’Afrique du Centre et de l’Ouest.
Il y a aussi le développement du réseau d’approvisionnement en médicaments essentiels au sein des structures de santé à travers la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques (CAMEG) qui a joué pleinement son rôle.

Le quatrième axe est l’élargissement de la réponse de la promotion du partenariat et de la coopération nationale et internationale : quand on considère l’accroissement des partenaires techniques et financiers entre 2001 et 2005, on peut dire qu’il y a eu des pas qualitatifs car le nombre a plus que doublé. L’organisation du secrétariat permanent a, sans doute ,contribué à ce résultat car la coordination des interventions est assurée au niveau central et, bien sûr, au niveau des structures de coordination décentralisées.

Nous avons développé le plaidoyer pour impliquer le maximum de partenaires dans le financement en faveur de la lutte contre le Sida. Au moment où nous organisions la table ronde pour le financement du cadre stratégique 2001-2005, plusieurs sources de financement n’existaient pas. Il s’agit par exemple, du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Par ailleurs, la Banque africaine de développement (BAD) et divers autres bilatéraux n’intervenaient pas dans la lutte contre le SIDA et le font aujourd’hui. Le plaidoyer pour la mobilisation de ressources ne s’est pas seulement limité au Burkina Faso, mais aussi au niveau international.

S. : Avez-vous rencontré des difficultés majeures lors de la mise en œuvre du CSLS 2001-2005 ?

JAT : Comme toute œuvre humaine, il y a eu des succès, mais aussi des difficultés. Ainsi, nous avons connu des problèmes au niveau de l’organisation, notamment par rapport à l’application de certains textes. Les arrêtés pour la mise en place des comités ministériels et provinciaux ont été signés en 2002, mais il a fallu du temps pour identifier les ressources humaines compétentes et les former avant de passer à l’action en fin 2004. En plus, après la mise en place des structures, nous n’avons pas toujours disposé de moyens pour leur permettre de fonctionner. Et cela est inhérent à l’écart entre l’engagement à financer et le financement effectif.

Ce qui a engendré des problèmes d’absorption de ressources, aggravés par les procédures de certains bailleurs qui ne facilitent pas toujours l’exécution des actions prévues.
Il y a aussi la mobilité du personnel qui n’a pas permis parfois la mise en œuvre efficiente des activités précisément au niveau des comités provinciaux et départementaux où on a identifié des gens qui, par la suite, ont été affectés avant que les moyens soient mis à leur disposition..

Il y a 8 136 malades sous ARV mais on estime au bas mot à 27 000 personnes qui en ont besoin, on peut dire alors qu’il y a toujours de gros efforts à fournir surtout dans ce contexte où notre pays est toujours en situation d’épidémie généralisée.

S. : Certaines personnes voient dans la lutte contre le sida un bon “ moyen de bien manger ”. Quelle est votre appréciation ?

JAT : (Rires) Si cette expression “ bien manger ” s’adresse à un malade, je crois que c’est une bonne chose. Si une personne infectée ou un malade du SIDA trouve de l’argent pour bien manger, c’est excellent. Mais j’imagine que l’idée qui est derrière cette expression veut dire que des gens s’enrichissent sur le dos des malades du SIDA. Ce qui me paraît extrêmement faux.

L’expérience sur le terrain prouve que la plupart de ceux ou celles qui tiennent ce langage ne sont pas des acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA. Parce qu’un vrai acteur de la lutte contre le SIDA, qu’il soit du secteur public ou d’une association, ne dira pas cela. Souvent, ce sont des gens très éloignés de la lutte qui tiennent ces propos. Car dès que certains voient par exemple qu’on a alloué des millions de francs à une association pour se doter d’un local ou renouveler la peinture, l’équiper pour une meilleure prise en charge des malades fréquentant cette structure, ils imaginent des détournements.

Ou alors si cette association dispose du jour au lendemain, d’une Yamaha dame pour se déplacer et rendre visite aux malades à domicile ou à l’hôpital, avec téléphone pour mieux communiquer avec les personnes infectées ou des orphelins et enfants vulnérables, l’on pense aussitôt au bien-être des animateurs de cette association. Mais si ces associations bénéficiaires de financement vous détaillent tout ce qui doit être fait avec la somme allouée, vous direz que c’est même insuffisant.

Je pense que la plupart de ceux qui sont dans la lutte ne sont pas d’accord avec ces propos ainsi que les malades pris en charge par les associations ne vous diront pas que leurs actions visent à “ bien manger ”.
Par ailleurs, il faut comprendre que les milliards dont on parle ne sont même pas dans nos caisses. Du reste, si les milliards que nous avons mobilisés depuis 2001 avaient servi à des gens, à bien manger, je ne pense pas que les résultats atteints sur le terrain aujourd’hui, seraient là. Je crois que ces propos relèvent de l’esprit typiquement burkinabè.

Bien sûr, il y a çà et là des brebis galeuses, mais au stade où nous sommes, je puis affirmer que 95,% des associations de lutte contre le SIDA font du bon travail et que peut-être, moins de 5 % font du mauvais travail ou s’en sortent moins bien en termes de gestion des ressources.

S. : Comment arrivez-vous à faire face aux énormes sommes qu’exige la lutte contre le Sida dans un pays pauvre comme le Burkina Faso ?

JAT : Dans l’ancien tout comme dans le nouveau Cadre stratégique de lutte contre le SIDA 2006-2010, il est question de plaidoyer pour la mobilisation des ressources. Et chaque fois qu’il y a un partenaire, nous engageons les démarches nécessaires pour lui faire voir la nécessité de financer la lutte contre le Sida qui est, bien sûr, une pathologie majeure, mais qui est surtout un problème de développement comme on le dit souvent. C’est ainsi que des multilatéraux et des bilatéraux ont accepté de s’impliquer dans la lutte contre le SIDA.

Donc c’est essentiellement le plaidoyer qui nous permet de mobiliser les ressources, ce plaidoyer concerne tout le monde, même vous. Mais il va falloir un élan de solidarité pour permettre la prise en charge du SIDA car nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’aide extérieure pour freiner la propagation de cette pandémie d’ici à 2015, l’année butoir de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement. Il nous faut mobiliser des sommes énormes.

Le gouvernement a pris ses responsabilités en créant depuis 1998, le Fonds de solidarité envers les personnes malades et orphelins du SIDA, qu’il alimente chaque année avec la somme de 100 millions, sans compter les ressources qui sont reversées au cadre du PPTE pour permettre d’intervenir et le budget du ministère de la Santé. Parce que le coût est tel qu’il faut un élan de solidarité et de partenariat pour aider les personnes infectées et affectées.

S. : Le CSLS 2006-2010 demande 120 milliards pour sa bonne exécution, cette somme a-t-elle déjà été acquise ? Sinon, comment allez-vous faire pour la boucler ?

JAT : Il faut dire que la table ronde des bailleurs de fonds que le gouvernement a organisée le 3 juillet dernier a fait le point de la mobilisation des ressources et des besoins de financement. Au moment où nous allions à cette table ronde, nous avions environ 65 milliards d’acquis. Il faut dire que ces 65 milliards de F CFA, ne constituent pas un chèque qu’on donne au secrétariat permanent.
Il s’agit en fait de la compilation des différents projets en cours d’exécution et des engagements de financement enregistrés.

Vous avez par exemple, les projets de la Banque mondiale à travers le Projet d’appui au plan national multisectoriel de lutte contre le SIDA (PA/PMLS) et le Programme de traitement accéléré (TAP) qui sont en cours d’exécution. Il y a aussi le projet d’appui à la lutte financé par la BAD, les différents projets et programmes financés par les agences du système des Nations unies, les ONG internationales, les partenaires bilatéraux et enfin, le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. C’est donc la compilation de tous ces projets et programmes en cours d’exécution ou qui vont démarrer dans la période de mise en œuvre de ce cadre stratégique qui ont permis d’estimer la disponibilité des 65 milliards.

La table ronde a permis d’enregistrer les annonces de contribution de tous les partenaires, y compris du gouvernement. L’ensemble des annonces enregistrées lors de cette table ronde faisait à peu près 25 milliards. Ainsi sur les 120 milliards de besoin de financement, nous avons mobilisé 90 milliards. La récente acceptation de notre requête par le Fonds mondial au 6è round de soumission, d’un montant d’environ 30 milliards, nous permet de dire que le déficit initial sera comblé.

Voilà la situation du financement du cadre stratégique 2006-2010, les acquis et les recherches.
Mais comme je l’ai dit, ces acquis ou ces financements ne sont que des protocoles et des conventions qu’on signe, et le décaissement de l’argent ne se fait pas en un seul bloc. Donc les montants indiqués ne sont pas à la disposition du gouvernement du Burkina car le cadre stratégique s’étale sur 5 ans. Les décaissements sont périodiques. Certains bailleurs font des décaissements trimestriels, d’autres optent pour des échéances de quatre mois et vous avez ceux qui sont pour des décaissements semestriels. Il faut souligner que pour accéder à la tranche suivante, il est exigé de montrer patte blanche. Voilà comment on travaille.

Le financement de la lutte contre le SIDA est l’un des plus suivis. Parce que si on vous décaisse pour un trimestre, vous produisez un rapport et s’il y a des erreurs, vous ne percevez pas la tranche suivante.
Vous comprenez pourquoi je disais plus haut que pour le premier cadre, nous avions prévu 71 milliards de F CFA et mobilisé 64 milliards, le montant consommé est à peu près 60 milliards, c’est une grande performance, même si pour certaines années, la capacité d’absorption a été faible.
Parce que ce n’est pas évident de pouvoir consommer ce que vous avez mobilisé au regard des difficultés liées aux procédures de décaissement.

S. : Vous venez d’aménager dans un nouveau siège que d’aucuns disent avoir été bâti à coût de milliards, quel est son coup exact ?

JAT : Vous, vous pensez à combien de milliards ?
C’est vrai que ce siège a fait couler beaucoup de salive, ce qui est le propre du Burkinabè. Cela n’a pas commencé aujourd’hui, si vous faites un recul, vous verrez qu’il y a bien des infrastructures qui ont été construites depuis les indépendances et les années 80. A l’époque, c’était un tollé, “ on gâte l’argent du contribuable ” dit-on et aujourd’hui ces infrastructures rendent d’énormes services à la nation et aux populations.

Le bâtiment que vous voyez là et dont on dit qu’il est en marbre, est tout simplement revêtu des mêmes carreaux qu’on trouve en ville. Seulement, je crois que c’est l’ingéniosité de l’architecte associée à notre goût qui a donné ces résultats. Parce que nous avons travaillé ensemble avec l’architecte pour le choix des carreaux. Et vous ne pouvez pas vous rendre compte à tel point le travail a été méticuleux, parce que parfois, on est “ planté ” sur le chantier et on prend un carreau, qu’on place sur le mur pour apprécier ce que cela représente.

Ainsi, nous avons pu agencer les couleurs qui font du bâtiment, ce qu’il est. Son coût tourne autour de 550 millions non compris quelques travaux complémentaires en cours ou déjà achevés tels que : l’installation d’un transformateur de courant de haute tension, l’installation de réseaux performants de téléphone et d’Internet, le pavage et l’embellissement et enfin, l’aménagement et l’équipement d’une salle de conférence de près de 140 places.

En tout état de cause, quand le bâtiment sera fini et équipé, il ne devra pas dépasser les 850 millions. Ce n’est donc pas des milliards comme on le dit. Il faut préciser que c’est un financement de la Banque mondiale. Je ne pense pas que les experts de la Banque mondiale auraient accepté d‘investir des milliards pour réaliser une infrastructure à usage de bureaux dans le cadre de la lutte contre le SIDA.

S’ils ont accepté, c’est que c’est raisonnable et nécessaire, parce que tous nos services étaient éparpillés et en location pour pas moins de 8 millions de F CFA par mois non compris les frais de fonctionnement (eau, électricité, téléphone) ; cela revient à près à 140 millions par an, toutes charges confondues.
Je pense par ailleurs, que regrouper des services qui comptent une centaine de personnes pour une meilleure efficacité dans le travail, n’est pas une mauvaise chose.
Du reste, c’est le patrimoine public qui s’est enrichi tout en embellissant la ville et quand nous aurons fini avec le SIDA, ce que je souhaite vivement, ce bâtiment serve à autre chose.

S. : Vous avez un ambitieux projet d’élaboration d’une stratégie nationale de communication en matière de lutte contre le VIH/SIDA., à quel niveau en êtes-vous ?

JAT : Il faut d’abord préciser que cette stratégie nationale de communication a été recommandée par le Conseil national de lutte contre le SIDA et les IST depuis 2002 et ce besoin est pratiquement revenu chaque année. Et depuis ce temps, nous avons engagé des démarches avec les différents partenaires techniques et financiers. Parce que l’élaboration d’un tel document coûte extrêmement cher. De concertation en concertation, nous sommes arrivés à un consensus depuis le 30 mai 2006. Et du 30 mai au 2 juin, il y a eu un atelier ayant permis aux spécialistes de produire les documents de base que nous avons adressés aux différents partenaires pour information. Nous avons également entamé la sélection des bureaux de consultants à même de nous appuyer dans cette tâche.

Pour nous, cette stratégie nationale de communication devra prendre en compte, non seulement la communication institutionnelle relative à ce que le conseil fait à travers son secrétariat permanent, mais aussi la communication pour le changement de comportement, à savoir tout ce qui est mis en œuvre en termes de messages de sensibilisation pour le grand public ainsi que les groupes spécifiques...

C’est-à-dire que nous souhaitons disposer d’une stratégie nationale prenant en compte tous ces éléments. Je pense que le dossier est suffisamment avancé. Même si nous sommes en retard par rapport à nos prévisions, car nous souhaitions pouvoir disposer de cette stratégie pour la prochaine session du conseil en cours de préparation.
Du reste, il y a des partenaires techniques et financiers qui ont déjà écrit pour mettre à notre disposition, les ressources financières pour la poursuite du processus.

S. : Pourquoi êtes-vous inquiet ?

JAT : Tout simplement parce que l’élaboration d’une stratégie nationale de communication demande du temps. Il y a un certain nombre d’étapes obligatoires telles que la procédure de recrutement du bureau de consultants, l’analyse de la situation. Pour tenir compte de ce qui existe en matière de communication sur le VIH/SIDA. Depuis pratiquement les premiers cas de 1986 jusqu’à nos jours, c’est seulement, à l’issue de cela qu’on va proposer ce qu’il faut faire pour mieux communiquer en matière de lutte contre le SIDA.

Ce n’est pas la rédaction du document qui va prendre du temps, quand bien même je ne suis pas expert en la matière, je sais que cette analyse de la situation et un certain nombre d’outils, de la collecte des données sont incontournables si l’on veut un travail de qualité d’où sortira un document bien ficelé qui puisse résister au temps. Parce qu’il ne s’agit pas de se précipiter, faire un document et qu’il faut changer au bout d’un an ou deux.

Le processus de sélection du bureau de consultants est déjà lancé mais comme le contrat n’est pas encore signé, nous ne pouvons pas encore prévoir la date précise à laquelle nous disposerons du document.

S. : Qu’est-ce qui reste à dire et qui n’a pas pu être abordé au terme de cet entretien ?

JAT : Je voudrais dire que ceux qui disent qu’on a mobilisé des milliards pour la construction du siège, et qui estiment que cette somme ne profite pas aux malades doivent savoir que les financements ne sont pas tous destinés au traitement des malades.

Il y a même des bailleurs qui refusent que leur argent rentre dans le traitement. Quant aux ressources affectées à la prise en charge médicale de ces malades, il faut voir les interventions dans leur ensemble : l’achat des médicaments, réactifs et autres consommables médicaux, le renforcement des plateaux techniques des formations sanitaires, des compétences du personnel médical et du monde associatif, voilà ce qui va aux malades de façon indirecte.

Il ne s’agit donc pas de prendre ces ressources pour les redistribuer aux malades par simple calcul arithmétique comme diviser les 120 milliards par 27 000 malades, ce qui fait environ 4,5 millions de francs CFA par personne pour 5 ans.

Cela suppose que l’on ne fait rien en termes de prévention pour les 97, 7 % du reste de la population non infectée en référence au taux de prévalence estimé à 2,3 %, et que rien non plus, n’est fait pour la prise en charge des orphelins et enfants vulnérables et les personnes affectées.

Maintenant, l’argent qui n’est pas destiné aux malades, ne peut pas aller aux malades, et il faut que nous puissions l’accepter ainsi.
Parce que, si on a demandé l’argent pour acheter un moyen de déplacement pour permettre à un membre de l’association d’effectuer des visites à l’hôpital ou à domicile des malades, cette somme là n’est pas destinée aux malades, cela est clair. On peut donc affirmer que dans les ressources qu’on mobilise, une bonne partie va aux malades, les vrais malades qui fréquentent les centres médicaux publics ou des associations ne posent pas ce problème. Ceux qui posent le problème sont soit des faux malades soit des malades qui n’assument pas leurs responsabilités.

Si vous êtes malade, et vous restez chez vous pour écrire une lettre au président du Conseil national de lutte contre le Sida ou au ministre de la Santé pour dire que vous êtes malade, avec 5 enfants à votre charge et que vous voulez de l’argent pour mener des activités génératrices de revenus, cela me paraît difficile à gérer. Il y a tous les autres malades qui attendent et sans compter qu’il n’y a pas que le SIDA qui préoccupe le gouvernement. Je pense sincèrement qu’il n’est pas indiqué que l’argent qu’on mobilise, soit distribué aux malades directement, parce que je ne suis pas sûr qu’ils vont tous s’occuper de leur santé.

Enfin, je dois ajouter qu’au-delà des résultats dont nous avons parlé, de la disponibilité de traitements et de conseils qui sont prodigués aux malades qui se présentent aux formations sanitaires, la première arme pour vaincre le SIDA, c’est la prévention ; même si certains estiment que beaucoup d’argent va dans la prévention et peu dans le traitement. J’insiste qu’à la date d’aujourd’hui, la seule arme efficace contre le SIDA, c’est la prévention. Il faut éviter de se faire infecté. Et c’est pour cela qu’il faut investir le maximum de moyens dans la prévention afin d’éviter que les gens s’infectent. Dans la mesure où on ne guérit pas encore du SIDA, il faut que tout le monde en prenne conscience et adopte des comportements à moindre risque pour éviter d’être infecté.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO

Sidwaya

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