Actualités :: Voyage aux sources de la Tidjiania : Montrer le vrai visage de (...)

Du 23 au 28 novembre derniers, l’Algérie a accueilli une grande rencontre scientifique et spirituelle de la Tidjania. Un colloque, des visites et des prières ont meublé ce voyage dans le berceau de l’ordre spirituel, religieux et politique fondé par Cheikh Sidi Ahmed Tidjani il y a 224 ans.

Les adeptes de la Tidjania qui n’ont pour seule référence que le Maroc, pays où le fondateur de la tariqa (voie) s’exila en 1799 et où il mourut en 1815, devraient aussi visiter l’Agérie. A l’issue du séjour que beaucoup d’entre eux ont effectué dans le sud et d’autres régions de l’Algérie, à l’invitation du ministère des Affaires religieuses et des waqfs, il est évident que l’Algérie n’est pas seulement le berceau mais aussi un foyer intense de la Tidjania, à travers les zaouias, ces institutions qui réunissent en leur sein spiritualité, enseignement et oeuvres caritatives.

Au cours du colloque, tenu du 23 au 25 novembre à l’université de Laghouat, dans le sud, à 400 km d’Alger, presque tout a été dit sur l’histoire et le devenir de cette confrérie née dans le désert algérien et qui rayonne aujourd’hui au quatre coins du monde. On prête à la Tidjania quelque 200 millions de membres, et il suffit de voir la diversité des nationalités présentes aux rencontres de Laghouat pour comprendre sa dimension universelle.

Les participants, venus d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Amérique, ont d’ailleurs évoqué cette Tidjania qui a "réussi à réunir autour d’un même idéal des hommes évoluant dans des civilisations différentes, parlant des langues ou idiomes différents, affichant des niveaux intellectuels disparates allant du bédouin analphabète à l’universitaire européen ou américain".

Et comme l’a rappelé le président algérien dans un message adressé aux conférenciers, "le secret de l’expansion de cette confrérie réside, en premier lieu, dans l’authenticité de son patrimoine spirituel puisé dans la tradition du Prophète".

"Les musulmans ont protégé les chrétiens et les juifs"

Paix et tolérance sont les vertus essentielles véhiculées par la Tidjania. Dans le contexte algérien où l’intégrisme a conduit à une guerre civile, ces valeurs ont une portée particulière. Le président Bouteflika n’a pas manqué de le souligner : "L’Islam rejette l’intégrisme et la contrainte, et combat l’extrémisme et la violence sous toutes leurs formes".

Même discours du Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, qui a fait le déplacement pour présider la cérémonie d’ouverture du colloque. "Les musulmans ont toujours fait preuve de tolérance et ont protégé les chrétiens et les juifs après la chute de Grenade", a-t-il indiqué.

La conférence avait donc pour objectifs, entre autres, de mieux faire connaître l’Islam et son caractère pacifique. Le ministre des Affaires religieuses et des waqfs, Bouabdellah Ghlamallah, l’a relevé tant dans son discours inaugural qu’au cours d’une conférence de presse. Il a insisté sur le fait que "l’Islam est la paix, la tolérance, même si on lui attribue le terrorisme comme une nature".

La mondialisation et son impact sur les musulmans était donc au coeur des discussions. Pour mieux s’accomplir dans "une époque marquée par des contradictions et par les tentatives d’aliénation des valeurs saines de l’Islam", selon les mots du président Bouteflika, les musulmans doivent "mettre en relief les valeurs spirituelles, humaines et esthétiques de leur religion afin de la présenter dans sa véritable image et son authentique essence".

Les tidjanes ont compris le message, et les recommandations du colloque insistent largement sur la nécessité de montrer le vrai visage de cette religion en corrigeant les clichés et fausses idées véhiculées sur elle. Il a été recommandé aussi l’institution de ce type de colloque, le renforcement des zaouias, l’amélioration de la recherche et des études sur le soufisme, la création d’une banque de données sur la Tidjania et la généralisation de l’éducation spirituelle pour protéger les musulmans des effets pervers de la mondialisation.

Ferveur religieuse et spirituelle

Une visite de terrain, du 26 au 28 novembre, a permis aux conférenciers de se rendre compte concrètement de la vie de la Tidjania en Algérie. De Aïn Madhi, ville de sa naissance à Boumssemghoun où il fonda la confrérie après une illumination, Cheikh Ahmed Tidjani est bien vivant dans le coeur et la foi des Algériens. Ces deux localités disposent de zaouias qui accueillent des Tidjanes venus du monde entier. A Boumssemghoun, la maison où le maître se retirait pour ses méditations est bien conservée. Ses disciples ne cachent pas leur fierté en ouvrant la petite salle aux visiteurs. A l’intérieur, un petit lit inconfortable et une corde attachée au mur et à laquelle se suspendait le Cheikh quand il était trop épuisé de prier.

Presque partout, en Algérie, sont érigés ces hauts lieux de spiritualité que sont les zaouias. Au cours des différentes visites où les participants au colloque ont reçu un accueil chaleureux, les Algériens eux-mêmes, à la vue de la délégation, ont davantage pris conscience du rayonnement de l’Islam dans le monde. Surtout, ils ont pris la mesure de l’importance de l’héritage de Cheikh Ahmed Tidjani qu’ils ont la charge de perpétuer.


Bilan des participants

Aboubacar Njiassi Njoya, adjoint du sultan du Bamum (Cameroun) : Je suis venu à ce colloque en tant qu’enseignant de l’Islam. J’appartiens à une vieille famille du Cameroun et au royaume Bamum, la dernière région à avoir embrassé l’Islam vers 1895 à la suite d’une guerre civile. Les cavaliers peuls sont venus aider mon grand-père, le roi Njoya, et en une journée, ils ont écrasé les rebelles. Le roi leur a demandé ce qui faisait leur force ; ils ont montré le Coran en disant : c’est Allah. Depuis ce jour, mon grand-père a abandonné la religion traditionnelle pour embrasser l’Islam. Cela fait 15 ans que j’ai été initié à la Tidjania.

Ce colloque a été impressionnant. J’ai acquis des éléments nouveaux. A Aïn Madhi, l’esprit de Cheickh Ahmed Tidjani était là. Pour nous, c’était un peu un pèlerinage. L’émotion était immense à tel point que je me suis inquiété par rapport à certains qui diront que le pèlerinage, c’est le Hadj de la Mecque. Certes. Mais quand vous allez chez votre maître, celui dont vous êtes le disciple, c’est un peu un pèlerinage.

Cheick Moustapha Sonta, Khalif général de la Tidjania en Côte d’Ivoire : La Tidjania se présente en Côte d’Ivoire comme une confrérie normale. Elle était beaucoup isolée. Mais depuis l’an 2000 où j’ai été investi comme Khalif par les petits-fils de Cheickh Ahmed Tidjani, nous avons organisé la Tidjania qui est sortie de l’ombre. Elle a pris de l’ampleur et aujourd’hui, partout en Côte d’Ivoire, on parle de la Tidjania. Dans presque toutes les mosquées, la Tidjania est présente.

Ce colloque de Laghouat est une de ces rencontres où l’on apprend et voit beaucoup. Cela fait du bien, et en tant que Tidjane, cela nous réconforte dans notre position parce que l’on constate que la Tidjania se trouve partout dans le monde. Souvent, on ignore même qu’elle est présente dans certains pays. Il faut encourager ce type de rencontre. En Afrique noire, nous pouvons aussi créer un cadre d’échanges qui ne fera que du bien à l’Islam et à la Tidjania, en particulier. C’est toujours un plaisir pour moi de participer à ce genre de rencontre.

Cheickh Ibrahim Moussa Diallo (Congo-Brazzaville) : J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à participer à ce colloque. Avec les frères de tous les pays, nous avons eu des échanges fructueux. Au Congo d’où je viens, l’Islam se porte bien grâce surtout aux Africains de l’Ouest qui pratiquent assidûment leur religion tout en menant leurs activités de commerce.

Les Congolais commencent à s’intéresser beaucoup à l’Islam et à l’embrasser. Il y a quelques semaines, une quinzaine de personnes se sont converties. Les nouveaux adeptes sont des gradés de l’armée, de la police, etc., de même que des civils. La Tidjania se porte bien. Les plus grandes mosquées appartiennent à la Tidjania, tant à Brazzaville, à Pointe-Noire que dans les autres villes. Nous avons des écoles où des cours sont gratuitement dispensés à nos membres.

Adam Kalia, responsable à l’organisation de la Fédération des Tidjanes du Bénin : C’est la première fois que nous venons en Algérie. Nous espérons que ce ne sera pas la dernière car je suis très comblé par ce séjour. En plus du colloque, nous avons effectué des visites qui m’ont impressionné, surtout le voyage à Aïn Madhi où le Cheickh est né. Pour un Tidjane, une telle visite rehausse sa foi. Je voudrais dire, au passage, que nous organisons chaque année un voyage à Kaolack pour célébrer le Maouloud. Avec les Tidjanes du Nigeria, nous louons un car pour nous rendre au Sénégal. Je souhaite que les frères burkinabè se joignent à nous pour qu’ensemble nous y allions.

Pr Samba Dieng, université de Dakar : En venant, je m’étais fixé trois objectifs : scientifique, spirituel et politique. Sur le plan de la science, on a beaucoup appris sur la Tidjania et l’Islam. Nous avons visité près d’une vingtaine de sites, dont Aïn Mahdi, le berceau de la Tidjania. Sur le plan religieux, ce colloque a été un très grand moment de spiritualité. Nous étions aux sources vives de la Tidjania. Nous avons pu prier avec tous les saints. Nous avons visité beaucoup de zaouias où on nous a reçus en récitant le Coran et en nous retraçant l’historique des lieux.

Sur le plan politique, je crois que c’est un moment décisif entre nos Etats et l’Etat algérien, qui peut être le point de départ d’une coopération multiforme et multidimensionnelle. Figurez-vous, quand j’étais à Laghouat, j’ai visité la bibliothèque et nous avons pu échanger des documents. Encore une fois, ce colloque a été un moment de très haute spiritualité, de découvertes scientifiques et de contacts fructueux.

Les conditions de travail, il faut le dire, étaient cependant difficiles du fait que nous avons couvert des milliers de kilomètres et que les organisateurs étaient à une phase d’apprentissage. Cela n’enlève en rien au mérite de l’Algérie. Sur le plan de l’accueil, de grands efforts ont été consentis et nous devons féliciter les autorités algériennes, le président algérien en tête. Globalement le bilan est positif.


En bref

* Une délégation burkinabé de 6 membres a pris part au colloque, parmi lesquels Cheikh Mohamed Maïga II, guide spirituel de la Tidjania, Dr Oumarou Doukouré, président de Ihtihad Islami, El Hadj Souleymane Compaoré, secrétaire général de la Fédération des associations islamiques du Burkina et Pr Laya Sawadogo, universitaire, ancien ministre. L’ambassadeur du Burkina Faso en Algérie, Mamadou Sermé, a assisté à la cérémonie d’ouverture.

* L’orthographe qui désigne la Tidjania se décline de mille et une manières selon les langues et les régions. Ces multiples formes d’écritures peuvent dérouter, et certains participants au colloque n’ont pas manqué de souhaiter qu’une harmonisation soit faite pour faciliter notamment les recherches scientifiques sur la confrérie.

* L’arabe était la langue de travail du colloque. Aucune traduction simultanée et très peu de documents en français. Ce qui a posé d’énormes problèmes de compréhension pour les participants exclusivement francophones. L’abondante documentation qui circulait ne leur a donc pas été d’une grande utilité. Il est vrai que l’usage du français est très rare dans le sud de l’Algérie. Même les étudiants ne s’expriment qu’en arabe. Les fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses ont eu le mérite de reconnaître les défaillances qui ont émaillé l’organisation et ont promis d’en tenir compte pour la prochaine édition prévue en principe dans deux ans.

* Le Sénégal avait l’une des plus fortes délégations. Le président Wade a même dépêché un de ses conseillers, Mustapha Sissé, pour prendre part aux travaux. Le Maroc, lui, a décliné l’invitation. Une absence que les organisateurs n’ont pas souhaité commenter. Toujours est-il qu’elle traduit le climat de guerre froide qui existe entre Rabat et Alger. En tout cas, le colloque a tenté de mettre en évidence l’"algérianité" de la Tidjania, ce qui n’aurait sans doute pas fait plaisir à des officiels marocains.

* Qu’est-ce que la Tidjania ? Voici comment la définit la Fondation islamique tidjania des Etats-Unis dans un document distribué au cours du colloque : La Tidjania est une voie soufi vers Allah, basée sur le Coran et les hadiths dont le chef spirituel est Cheikh Ahmed Tidjani (1737-1815).

Par Mahorou KANAZOE Envoyé spécial

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