Actualités :: Tentative de putsch : Deux procès pour le prix d’un ?

De mémoire de journaliste, rarement un coup de fil aura été aussi sibyllin.
En effet, il était 18 heures passées ce lundi 6 octobre 2003 lorsqu’un coup de fil du ministère de l’Information nous apprit qu’il y aurait "quelques chose" le lendemain à 9 h 30 au tribunal militaire. Et en dépit de nos multiples questions pour en savoir davantage, rien n’y fit, du moins ce jour.

C’est ainsi que le mardi 07 octobre, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Abdoulaye Barry, révéla à la surprise quasi générale qu’une tentative de coup d’Etat contre le régime du président Blaise Compaoré avait été étouffée dans l’œuf et qu’une douzaine de personnes dont un civil étaient entre les mains de la gendarmerie.

Selon toujours Abdoulaye Barry, les cerveaux présumés de cette affaire seraient les capitaines Ouali Luther Diapagri (en détachement au ministère du Commerce) et Bayoulou Bouledié (à la Direction régionale de l’intendance militaire de Bobo). L’opération aurait été conçue depuis 2000-2001, mais aurait entre-temps été mise en veilleuse "dans l’attente de moyens". Et ce n’est qu’en septembre 2003 que le projet aurait été réactivé avec le recrutement de militaires à Ouagadougou, Bobo, Ouahigouya et Fada.

Au nombre de 12 militaires impliqués au début de l’affaire, 10 relevant du régiment de sécurité présidentielle, le tristement célèbre RSP, estimaient avoir été utilisés et exploités à certains moments avant d’être abandonnés à leur... triste sort.

Le premier civil cité dans l’affaire était tout sauf un homme qui passe pour un loup gris du sérail politique. Il se nomme Pascal Paré Israël et est pasteur de l’Eglise de l’Union internationale des chrétiens, et instituteur de profession.

Le présumé putsch serait donc l’œuvre d’un pasteur et de ses douze apôtres, et voilà l’opinion publique engluée dans une affaire où le doute était la chose la mieux partagée. En effet, si pour certains leur religion est faite sur la véracité de ce "coup de force", d’autres par contre, et ils sont nombreux, baignent dans un certain scepticisme, voire un scepticisme certain. Ce scepticisme ambiant était d’autant plus évident que le procureur Barry au fil des points de presse semblait de moins en moins avoir des éléments pertinents en sa possession pour convaincre ses interlocuteurs.

Ainsi, face aux questions des journalistes, ses réponses se résumaient à quelques bribes d’informations ou alors il se refusait de faire, dit-il, un déballage "au stade actuel des enquêtes". Bref, Abdoulaye Barry communiquait comme il pouvait et laissait libre choix à chacun de se faire sa religion. Autre facteur déterminant qui renforce cette incrédulité quasi générale, c’est la personnalité des présumés comploteurs dont certaines têtes d’affiche sont taxées de "marginaux".

Mais le scepticisme ambiant était d’autant plus grand que cette affaire avait été rendue publique au moment où le front intérieur, chauffé à blanc depuis l’affaire Norbert Zongo, s’était stabilisé, voire apaisé, permettant ainsi à Blaise Compaoré de rebondir et mieux, de prendre des initiatives à l’échelle sous-régionale. Mais cette tentative présumée de putsch connaîtra bien de péripéties notamment avec la mort du sergent Moussa Kaboré, un des détenus, retrouvé, dit-on, pendu dans sa cellule. "Une pendaison qui en rajoute au doute", avions-nous alors titré. Plus que les capitaines Ouali et Bayoulou, l’autre gros poisson pris dans les filets des enquêteurs fut Bernardin Pooda, un intendant à la comptabilité générale de l’armée.

Et les rumeurs, les plus folles, ont couru sur l’implication éventuelle du général Kwamé Lougué, à l’époque des faits ministre de la Défense. Et à dire vrai, même si contrairement aux autres, le général Lougué n’a pas été inquiété outre mesure, pour certains analystes de la scène politique nationale, il n’était ni plus ni moins qu’un suspect en liberté et cette affaire ne semble aucunement étrangère à son éviction du gouvernement à la faveur d’un léger réaménagement ministériel. Hormis le pasteur Paré, Norbert Tiendrébéogo est le 2e civil et la 17e personne appréhendés dans cette tentative présumée de putsch.

Entre-temps, quatre soldats dont trois du RSP et un de la garnison de Pô, ont bénéficié d’un non-lieu à la fin de l’instruction conduite, rappelons-le, par le juge militaire Somda Francis. C’est donc 13 présumés comploteurs qui, sauf report de dernière minute, seront demain matin à la barre. Et nul doute qu’à travers les débats contradictoires, chaque observateur pourrait savoir si ce putsch éventé était une réalité ou une simple vue de l’esprit, et mesurer le degré d’implication des 13 présumés coupables.

Et de la "propreté" de ce jugement dépendra la crédibilité de notre démocratie. Reste maintenant à savoir si cette voie judiciaire qui a été choisie à la satisfaction de tous n’aura pas un effet boomerang sur le régime, dans la mesure où le procès des putschistes du dimanche pourrait, très facilement, virer au procès de la IVe République ; ce qui ne serait pas pour déplaire à l’opposition et à une partie de l’opinion.

Qu’on se rappelle en effet "les révélations du sergent Naon Babou", ce sergent qui peut faire sauter la République dans la mesure où, ancien du RSP, il en saurait un bout sur certaines pratiques, encore récentes du système Compaoré.

Dans un réquisitoire en règle contre Blaise Compaoré et son régime, Reporter sans frontières avait en effet rapporté des propos que le sergent Naon aurait tenus devant le juge instructeur et qui tendaient à administrer la preuve de l’implication du pouvoir, particulièrement de François Compaoré, dans l’assassinat de Norbert Zongo.

Alors, est-ce le procès des présumés putschistes qui va s’ouvrir dans 24 heures ou au contraire celui d’un clan ? On ne le sait trop.

Quoi qu’il en soit, ceux qui caressent le secret espoir de faire du prétoire du tribunal militaire une tribune pour vitupérer Blaise et ses disciples auraient tort de se réjouir trop tôt, car, ne l’oublions pas, c’est le tribunal et son président qui dirigent les débats.

Et s’ils ne veulent pas que ces débats aillent sur un terrain précis, ce ne sont pas les ressources qui leur manqueront pour ce faire. On l’a vu au procès Elf en France où les magistrats ont soigneusement évité de mêler les hommes politiques français comme africains, notamment les présidents Bongo, Dos Santos, Sassan Nguesso et autres dont les noms revenaient pourtant régulièrement dans la bouche de certains accusés ou témoins.

L’Observateur

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