En un quart de siècle, le sida a tué 25 millions de personnes pendant que 38,6 millions sont infectées par le virus. Pour l’Onusida qui entend mettre un terme à cette maladie d’ici 2031, la victoire passe par la prévention
Sous le thème « Passons aux actes », près de 30 000 participants, experts, représentants de laboratoires, militants associatifs, hommes politiques ont pris part à la 16e conférence internationale sur le Sida qui s’est tenue du 13 au 18 août 2006 à Toronto, au Canada. Une mobilisation exceptionnelle qui traduit la gravité de la situation de l’épidémie dans le monde depuis son apparition il y a un quart de siècle. Selon les chiffres de l’Onusida, au 1er décembre 2005, la planète comptait 38,6 millions de séropositifs dont 17,5 millions de femmes. Durant la seule année 2005, le nombre de contaminations par le VIH s’élève à 4,1 millions pendant que 2,8 millions de malades sont mortes du sida.
Tous les continents sont touchés mais à des degrés divers. Une fois de plus, l’Afrique est le continent le plus touché par le fléau. Alors que l’Asie compte 8,3 millions de séropositifs, l’Europe orientale et l’Asie centrale 1,5 millions, le continent noir totalise 23,8 millions de séropositifs dont 3,2 millions de personnes infectées au cours de l’année 2005, les décès dus à l’infection s’élevant à 2,4 millions.
La prévention, priorité préconisée depuis des années a été à nouveau recommandée par la majorité des conférenciers alors que certains voulaient que l’accent soit mis sur l’accès aux traitements. « Nous devons faire mieux sur la prévention » a déclaré Bill Gates, le patron de Microsoft également à l’initiative, avec son épouse Melinda, de la création d’une Fondation éponyme dont le but est d’aider au financement de la lutte contre la pandémie. Certes, entre 2003 et 2005 de plus en plus de séropositifs de tous les continents, y compris les pays en voie de développement, ont eu accès aux traitements, en moyenne 450 000 par an.
Mieux, et contrairement aux prédictions farfelues de certains selon lesquelles, les Africains éprouveraient des difficultés à bien suivre le traitement , ces derniers se révèlent être de consciencieux patients. D’après le Professeur Edward Mills de l’université de Californie, aux Etas-unis, moins d’un Américain séropositif sur deux suivrait correctement son traitement contre 77% d’Africains dans ce même cas. En Zambie, sur 25 000 malades traités depuis 2004 dans 18 cliniques, le taux de mortalité est tombée à 5%.
En Afrique noire, 1 million de personnes étaient sous traitement en 2005, c’est à dire, dix fois plus qu’en 2003. En dépit de tout cela, Bill Gates n’a pas manqué de souligner que « pendant la même période, le nombre de personnes infectées peut être évalué à 4,6 millions par an. En d’autres termes, pour chaque personne mise sous traitement, plus de 10 sont contaminées ». Selon le milliardaire philanthrope, au moins 40 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. Le coût annuel du traitement de base est de 130 dollars, à quoi il faut ajouter 200 dollars de frais de laboratoire et de personnel. Pour un accès universel, cela nécessite 13 milliards de dollars par an jusqu’en 2010.
Même en obtenant une baisse sensible du prix des médicaments, il sera impossible de traiter chaque malade dans les années à venir si dans le même temps le taux d’infection ne baisse pas. A en croire le directeur de l’Onusida, peu de progrès ont été réalisé en matière de prévention. Pis, dans certains pays, elle n’est même plus une priorité. Au Maroc, dans la région d’Agadir, où le taux de prévalence était très faible il y a quelques années, les associations de lutte contre le sida ont constaté une augmentation sensible des personnes infectées, à cause principalement de la prostitution « populaire et bon marché ».
De l’avis des experts, en combinant traitement et prévention, le continent noir pourrait ainsi éviter 29 millions de nouveaux cas d’infection d’ici 2020 quand le seul traitement n’en épargnerait que 9 millions.
Pour la Fondation, qui a promis de verser 500 millions de dollars en cinq ans au Fonds mondial, une instance créée par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) Kofi Annan dans le but de susciter des financements au profit de la lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose, la prévention doit surtout se focaliser sur les femmes. Souvent en situation de dépendance économique vis-à-vis de leurs maris, elles ne peuvent pas refuser les rapports sexuels non protégés avec ces derniers. D’où l’urgence de leur trouver des « moyens qui leur permette de se protéger ».
En l’état actuel de la recherche et hors mis le préservatif, l’espoir réside sur ce qu’on appelle les microbicides, sorte de gels vaginaux à base d’algues marines qui bloqueraient certaines transmissions du VIH par voie sexuelle. Beaucoup d’experts restent cependant réservés sur ces microbicides, estimant que son efficacité ne devrait pas dépasser 40%. Mais au dessus de 30%, croit-on savoir, ces produits auraient un effet considérable sur la propagation de la maladie.
A l’évidence, en Afrique où il y a un manque cruel de moyens financiers et humains, tous les efforts doivent être concentrés sur la prévention en encouragement, non la circoncision ou l’abstinence, mais l’usage permanent
du préservatif. Pour espérer être au rendez-vous de 2031.
Par Joachim Vokouma
Lefaso.net
