Actualités :: Eboulement à la mine d’or de Poura : Sur les lieux du drame

C’est probablement le plus grand malheur jamais survenu à la mine d’or de Poura depuis le temps de la Société de recherche minière du Burkina (SOREMIB). Ce jeudi 17 août, la terre s’est refermée sur plusieurs orpailleurs, qui gagnaient ainsi leur vie de manière illégale, puisque l’activité est interdite depuis 1999.

Combien d’hommes y a-t-il sous les décombres ? Personne ne le sait avec exactitude. Et les sapeurs-pompiers s’activent pour secourir les victimes. Même si l’espoir devient de plus en plus mince...

Samedi 19 août 2006. Pour les soldats du feu, cela fait maintenant 2 jours qu’ils tentent de sauver les victimes de l’éboulement. Sur les lieux, on découvre un décor digne des films western. Le relief particulièrement accidenté est fait de montagnes de terre et d’excavations profondes qui rappellent l’activité jadis florissante de la SOREMIB.

Depuis les premières heures de la journée, les sapeurs-pompiers mettent en oeuvre une nouvelle stratégie avec un autre pôle de dégagement. Les orpailleurs mettent la main à la pâte pour aider les pompiers à délivrer leurs compagnons d’infortune. Les rumeurs les plus folles circulent. Au bout d’une heure de travail avec les pioches et les pelles, le doute s’installe. Des orpailleurs, sauvés in extremis, récusent la méthode des sapeurs-pompiers. " Nos camarades ne sont pas dans les fosses que vous essayez d’atteindre. C’est de l’autre côté", peut-on entendre dire.

Un groupe s’en explique même aux policiers et gendarmes chargés de maintenir l’ordre. Finalement, le débat s’ouvre avec le commandant Karambiri et ses hommes. Le ton monte du côté des orpailleurs, les discussions s’enveniment et on arrête de creuser... Ça sent le roussi . On se demande comment progresser sans leur concours. Le commandant Karambiri explique et ré-explique, avec force arguments. Finalement, il utilise le langage de la vérité : "Si vous ne voulez pas nous aider, allez prévenir le préfet et le maire. Ce n’est pas grave, nous allons continuer", martèle-t-il.

En aparté, l’homme nous confie que certains ont des objectifs détournés. S’ils veulent dégager dans une autre direction, c’est pour rechercher de l’or en même temps.

Le pire est évité

Est-ce la fermeté du militaire qui ramène les uns et les autres à la raison ? En tout cas, les choses rentrent dans l’ordre, surtout que les autorités locales n’hésitent pas à se déplacer pour demander aux orpailleurs de faire confiance aux sapeurs- pompiers.

Mais, il est vrai que pendant notre passage dans la mine, le travail n’avance pas beaucoup, et cela contribue à décourager certains. L’explication (voir encadré), c’est que les lieux sont inaccessibles à des machines plus performantes, capables de creuser plus rapidement.

On se dépêche donc lentement. Ailleurs, le téléphone indigène fait recette. Sur le nombre de personnes à rechercher, on annonce 20, 30, 40, 50 victimes. Sur les antennes de la radio FM de Poura, une personne ressource avance le chiffre de 38 après avoir compté les chaussures. Pour tenter d’établir un bilan fiable, les autorités locales ont demandé aux familles de venir déclarer les personnes disparues. Et, pour le moment, 10 orpailleurs ont été recensés nommément.

Le commandant Karambiri, de son côté, pense que, vu le nombre de fosses impliquées, le chiffre de 40 est peut-être excessif. De toutes façons, dans cette affaire, il y a plus d’incertitudes que d’évidences. La ville de Poura, avec ce drame, n’a pas perdu son animation habituelle. Certains orpailleurs continuent tranquillement de broyer de la roche pour avoir de l’or...


Commandant Doumandji Karambiri, directeur des opérations à la BNSP : "Peu de chances de retrouver des survivants"

Un détachement de sapeurs-pompiers venus de Ouagadougou est arrivé à Poura depuis le jeudi 17 août pour organiser les secours. Nous avons rencontré, à ce propos, son patron, le commandant Doumandji Karambiri, directeur des opérations à la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP). Selon lui, l’espoir de retrouver des survivants s’amenuise deux jours après le drame.

"Le Pays" : Comment vous êtes-vous organisés depuis votre arrivée à Poura ?

Commandant Karambiri : Nous sommes venus avec une quarantaine d’hommes pour procéder à l’organisation des secours. Nous les avons répartis en deux groupes pour la recherche des corps ou des survivants.

De quels moyens disposez-vous actuellement ?

Nous disposons de moyens légers (des pelles, des pioches, l’eau de sauvetage et les cordes de sécurité), parce que la zone est inaccessible aux engins lourds. Il faut souligner que les orpailleurs sont mobilisés depuis jeudi et collaborent bien avec nous.

Comment évoluent les secours et quelles sont les chances de retrouver des survivants ?

Depuis notre arrivée, on a enregistré 3 morts et 5 blessés. Les chances de survie des autres sont minces.

Comment expliquez-vous ce drame qui est survenu ?

Je pense que l’éboulement fait suite à un dynamitage de la zone. D’abord, ils ont dû arracher des pierres qui tiennent lieu de point de soutien. Si c’est un point qui supporte les structures porteuses, l’éboulement est systématique.

A quelle profondeur cela s’est produit ?

Probablement à une vingtaine de mètres. Mais il faut approcher les orpailleurs pour savoir à quel niveau ils placent habituellement leurs explosifs.

Peut-on avoir une idée de ceux qui sont dedans ?

Les informations sont disparates à propos de ceux qui sont restés dedans. Ce qui est sûr, l’effectif ne doit pas être aussi important que ce qu’ils ont annoncé le premier jour (ndlr une quarantaine), vu le nombre de puits impliqués.

Jusqu’à quand allez-vous continuer les secours ?

Nous avons engagé deux pôles de dégagement. Quand nous nous joindrons, nous continuerons en profondeur. Si des corps existent, nous les retrouverons. Dans le cas contraire, cela voudra dire que les gens ont dû s’échapper, puisque les orpailleurs ne se connaissent pas toujours bien.


"Les topoman", vous connaissez ?

Ouverte sous la révolution en 1982, la SOREMIB mettra la clé sous le paillasson en 1999 à cause de ses difficultés financières qui avaient même nécessité une réhabilitation. La mine de Poura est donc interdite à toute activité d’orpaillage. Mais sur le terrain, la loi est régulièrement violée depuis des années par des centaines d’orpailleurs. Selon certaines sources, ces aventuriers viennent pour la plupart de Kaya, de Kongoussi et de Ouahigouya.

Dans cette jungle, il y a certains qui se croient plus malins que les autres. Ils descendent frauduleusement la nuit dans des fosses appartenant à leurs camarades, avec tous les risques et péril ; ce sont les "topoman". Dans la mine, tout peut arriver. De sources bien informées, ce sont les "topoman" qui sont à l’origine de l’éboulement, ceux-là que les forces de l’ordre appellent, par euphémisme, exploitants indépendants se trouvaient dans des fosses abandonnées.

Et si les propriétaires ont quitté les lieux, c’est parce que, avec la saison des pluies et des galeries pleines d’eau, la situation devenait dangereuse. Pour les "topoman", c’est plutôt à ce niveau que le métal jaune est plus important dans les roches. L’or ou la mort, c’est leur devise, apprend- on. L’illustration parfaite vient d’en être donnée avec l’éboulement survenue le jeudi 17 août 2006.

par D. Parfait SILGA

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